Récit d’une soirée antifasciste dans les pentes de la croix-rousse

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Mercredi 27 février était prévu un meeting du FN dans les pentes de la Croix Rousse pour la première fois depuis des années. Nous n’entendions pas que les choses se passent ainsi. Récit d’une contre-manifestation antifasciste.

Apprenant il y a quelques jours qu’un meeting du Front National doit se tenir, dans le cadre des municipales et pour toute l’agglomération lyonnaise, mercredi 27 février au soir dans les pentes de la croix rousse, un groupe d’individus décide d’organiser une riposte antifasciste. C’est impasse Fleysselles, en plein coeur du quartier des canuts, que Gollnisch, Benedetti et leurs sbires tiendront leur réunion, dans la salle Garcin, une des salles municipales du premier arrondissement. C’est dès lundi soir que l’information commence à circuler de personne à personne : rendez-vous à 18h au Jardin des Plantes.

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Nous nous retrouvons donc à quelques dizaines au Jardin des Plantes, bientôt une bonne centaine. On discute, on se rassemble et, à 19h, on décide de se rendre sur place. Une banderole est déployée en tête de cortège : « Pas de quartier pour les fascistes », d’autres couvriront les flancs de la manifestation (« Croix-rousse antifasciste »). Bien décidés à faire comprendre aux fachos qu’ils ne sont pas les bienvenus dans les pentes, ni ailleurs, nous quittons le jardin des plantes direction rue Pierre Blanc.

Le fascisme c’est la gangrène, on l’élimine ou on en crève !

C’est avec ce slogan que nous nous engageons dans la rue Pierre Blanc et passons devant la Plume Noire, recouverte de stickers FNJ puis incendiée par les fachos en 1997. Nous nous retrouvons rapidement à l’entrée de l’impasse Fleysselles mais ne nous y engageons pas. L’idée n’est pas d’aller immédiatement à l’affrontement mais plutôt d’empêcher l’accès à la salle, et par voie de conséquence la tenue du meeting. Faces aux nervis du DPS (sécurité du FN) dont les faces hargneuses expriment alors la plus totale des incompréhension, les insultes et les slogans pleuvent pendant quelques instants.

Si le calme s’abat alors sur la manifestation, ce n’est que temporaire. Le meeting ne commencera que dans une heure et demie et l’accès en est donc bien bloqué. Quelques fachos tentent la provocation et c’est un court affrontement qui s’en suit, les fafs se repliant vers le fond de l’impasse à grand renfort de bombe lacrymogène devant le nombre des antifascistes.

Les choses se corsent quand un vieux facho portant une arme de poing, un petit pistolet, dans un baudrier, le sort pour nous intimider. Mais seul de l’autre coté de la manifestation il ne fait guère le fier sans ses amis et quitte rapidement la place sous les insultes et le risque de se faire taper. On se demande encore pourquoi les quelques policiers présents sur place l’ont laissé passé armé, et pourquoi ils n’ont pas réagi quand il a sorti son arme. On se doute bien que si l’arme avait été coté antifasciste ils n’auraient pas eu la même attitude.

Vers huit heures les quelques policiers sont rejoints par leurs collègues, trois fourgonnettes ayant été dépêchées sur place. Après avoir rapidement tenté de repousser les manifestants par intimidation, les CRS prennent place à l’entrée de l’impasse, entre les fascistes et nous. Ils permettront ainsi à quelques irréductibles pétainistes sur le retour de rejoindre la salle sous les insultes et les slogans. Les autres policiers nous bloquent résolument la rue Ornano, laissant les fachos accéder au lieu par là.

"Pétain, reviens, tu as oublié tes chiens !"

Le face à face continue. Quelques pétards et feu d’artifice continuent d’égayer la nuit lyonnaise et les slogans antifascistes sont dans toutes les bouches. L’arrivée de Gollnisch, tête baissée et pas rapide, déclenche un mouvement vers les flics, tout le monde l’insulte et un projectile, le manquant de peu, tombe sur les CRS. Les quelques fachos prenant le même chemin que lui sont copieusement hués et font profil bas sous les quolibets.

Quelques encravatés de type versaillais, après avoir longuement discuté de la marche à suivre sous un lampadaire, décident de rejoindre la salle par l’escalier de la rue Prunelle qui débouche, devant l’entrée du lycée Diderot, sur le croisement que nous occupons. Mais une trentaine de personnes, en haut des escaliers, leurs barrent la route.

On a alors le droit à des réparties des plus surprenantes. Entendre « laissez nous passer, vous niez la liberté d’expression » est toujours étonnant dans la bouche d’un facho. Mais le meilleur est à venir : « moi, au moins, je mange du porc » ou « les expulsions de clandestins, c’est qui qui les payent, c’est qui ? C’est nous !! » montrent le niveau d’intellect de l’électeur frontiste de base. Les rires et les slogans leurs répondent, dans une ambiance où les antifascistes font un concours des réparties les plus humoristiques face aux faces benêtes des bourgeois racistes.

"La Croix-rousse emmerde le Front National"

Quelques minutes de slogans enfin, qu’attrapent au vol les micros de Radio Canut, complètent le tableau. Il est déjà plus de 21h et l’annonce du départ est lancé.

Cela fait plus de deux heures que nous sommes sur place et le faible nombre de personnes ayant réussi à accéder au bâtiment montre notre réussite. A 450 € les 4 heures et vu la faible affluence, la soirée n’a du être rentable ni politiquement ni financièrement pour le parti du borgne.

Le signal du départ est lancé afin de partir en groupe et de ne laisser personne à portée des fasciste ou des flics. Un dernier projectile part alors que la foule s’engouffre à nouveau vers la rue Pierre Blanc. Le départ plus le projectile semblent avoir servi de déclencheur aux CRS qui décident subitement de nous charger sur quelques mètres. Un lance-grenade est sorti et son projectile part dans les jambes des manifestants. Il blessera deux de nos camarades en explosant, rien de bien grave toutefois.

Après un bref face à face, nous rejoignons le croisement entre la rue Pierre Blanc et la montée des Carmélites. L’instant d’un petit constat sur l’absence de blessé grave ou d’interpellé et chacun commence à s’en aller, par petit groupe, chez soi ou boire un coup.

Dormez bien braves gens

En rejoignant les Terreaux par la place Sathonay nous croisons plusieurs voitures de la BAC, gyrophares allumés, roulant à toute vitesse vers les lieux de la manifestation, alors qu’en même temps cinq fourgonnettes de CRS attendent un signal sur la place.

Ils quadrilleront le quartier toute la soirée, pour rétablir l’ordre républicain que nous avons tenté de troubler par notre action antifasciste et, il faut bien le dire, une certaine envie du désordre dans leur totalitarisme rose bonbon.

Antifasciste toujours !

Reste que nous avons réaffirmé que la Croix-Rousse était un quartier où les fachos ne sont pas les bienvenus. Réaffirmé aussi une certaine capacité de mobilisation, qui, sans affichage, tracts ou publications internet, et en moins de deux jours, a largement fait ses preuves ce soir-là.

Pas de fachos dans les quartiers, Pas de quartiers pour les fachos !!

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Pas de quartier pour les fascistes

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La police protège le Front National

P.-S.

Les photos sont les bienvenues pour agrémenter cet article.

  • Le 6 mars 2008 à 16:23

    « Faut pas être de mauvaise foi, les flics protègent les manifestant-e-s en position de faiblesse. »

    Nan mais c’est quoi ces conneries ?
    « Bon ya le bon flics et le mauvais flics. Alors le bon flic... alors que le mauvais flics... »

    La police c’est l’ennemi. C’est tout ya rien à négocier là-dessus.

    Quand les keufs nous défendent c’est qu’il y a un problème. Nan ?
    Pour moi, c’est la preuve que la lutte contre les fafs peut sombrer dans le spectaculaire, exactement comme au stad’ : les flics interviennent pour séparer les supporter qui s’tappent, sans parti pris. Sauf que la politique c’est pas du foot, c’est une guerre, avec deux camps, et quand les flics sont dans notre camp, et qu’on leur reconnaît ce rôle d’arbitre, c’est qu’on se trompe de guerre, qu’on est dans le simple jeu.

  • Le 5 mars 2008 à 12:23

    s’attaquer au FN c’est « Chier dans la colle »... Tu proposes quoi en fait ? tu aurais du émettre tes propositions lors de ce rassemblement et en débattre avec les personnes présentes, (tu y étais au moins , à ce rassemblement ?)
    Thierry.

  • Le 3 mars 2008 à 22:52

    ouais. C’est un peu chier dans la colle, ce parti n’intéresse plus grand monde et n’a plus aucun poids. En a-t-il déjà eu d’ailleurs, en dehors du crédit que des campagnes de com lui ont attribué pour servir ceux qui nous gouvernent ? Et puis au rayon facho, y a des lieux de cultes dans les pentes qui propagent des idées encore plus raides que le fn, et devant lesquels personne ne se mobilise. C’est peut être pas tendance, ou alors pas encore. J’ai du mal à comprendre comment certaines personnes peuvent s’indigner devant des idées qu’ils tolèrent et valident quand elles sont propagées par du soi disant divin. Qui a le droit d’être facho, et à qui l’interdit-on ? Tout un programme.

  • Le 1er mars 2008 à 10:15

    pour le PCF ou les verts je ne sais pas (je ne connais pas tout le monde) il y avait qques militants lcr. Apres je pense pas que la reussite de ce genre de manif se mesure a la presence des etats majors des partis, surtout des partis institutionnels...

  • Le 29 février 2008 à 10:47

    tout a fait d’accord tu as bien retranscrit ce qui c’est passé, dommage que d’autres asso ou parti politique type PCF, Les verts,LCR etc... n’étaient pas présent, cela aurait donné encore plus de peps, mais bon c’était vraiment bien comme c’était. FUCK AUX FACHOS FUCK à SARKO PETAIN REVIENS T’AS OUBLIÉ TES CHIENS

    LCA

  • Le 29 février 2008 à 00:57

    Un petit compte-rendu assez marrant est en ligne sur le site du FN69, la dernière phrase méritait d’être diffusé, je vous la livre donc ici :

    « Chers anarcho-gauchos, préparez–vous à affronter votre prochain cauchemar car nous reviendrons ! »

    toujours est-il qu’ils ne sont pas prêt de revenir !!!

    A quand un meeting de l’UMP perturbé ??

  • Le 28 février 2008 à 22:16

    A la fin de l’article du nouvel obs :

    A la fin de la réunion, pas d’apéritif, la contre-manifestation a empêché la livraison des bouteilles mais par contre un appel à contribution, la vente du Paquebot n’a visiblement pas remis à flot les caisses du Front National.

  • Le 28 février 2008 à 21:27, par saf’

    il vient à 11h30 au chalet du parc de la tête d’ or à Villeurabanne pour un meeting avec Gollnish, mais j pense pas qu’ on aura le temps d’ organiser un rassemblement... en plus il y aura surement un bon nombre de gars de la DPS après la contre manif de la Croix Rousse.

  • Le 28 février 2008 à 19:59, par Camouille

    Jean-Marie LE PEN en déplacement en Rhône-Alpes et en Picardie :

    A Lyon le samedi 1er mars
    12h00 –Point de presse - Chalet du parc – parc de la Tête d’or

    vu sur le site du FN

    ça va pas être évident d’organiser un truc coincé dans le parc
    mais faut quand même être sur place

  • Le 28 février 2008 à 19:29

    Le Pen vient soutenir ses troupes samedi il faut savoir où !!!!

  • Le 28 février 2008 à 17:58

    mouais ... je suis pas convaincu qu’on avait le rapport de force pour empêcher le meeting, du moins sans de nombreuses arrestations .. ok, c’était une bonne mobilisation vu qu’elle était de dernière minute, mais il faut aussi être un minimum réaliste et économe de nos forces. surtout, le FN est moribond, le danger principal, c’est le pouvoir, et il n’y a bien qu’un mouvement de masse qui pourra l’effrayer ; autant le préparer patiemment plutôt que de foncer droit dans le mur...

  • Le 28 février 2008 à 16:58

    Jpense qu’il faut préciser aussi (Bon d’accord je joue mon VEGAn ^^) que ses batard de CRS on tous d’abord tiré sur un chien avant de charger et de tirer sur 2 de nos camarades

  • Le 28 février 2008 à 16:09, par I

    La cour d’appel de Lyon a confirmé ce matin en appel la peine de trois mois de prison avec sursis et de 5.000 euros d’amende infligée en première instance au vice-président du Front National, Bruno Gollnisch.
    Il avait été condamné en correctionnelle à Lyon pour ses propos controversés sur les chambres à gaz en octobre 2004.
    La cour d’appel l’a également condamné à payer 39.000 euros de dommages et intérêts à neuf associations contre le racisme et associations d’anciens déportés.

  • Le 28 février 2008 à 16:02

    Ce que je veux dire pas moins de frilosité c’est qu’on avait le rapport de force pour empêcher totalement la tenue du meeting, tant contre les fafs qui n’étaient pas bien nombreux, que contre la police qui a protégé les frontistes.

    Je trouve ça dommage qu’on ait pas entièrement profité du rapport de force pour une fois en notre faveur.

    J’ai pas bien compris pourquoi on avait laissé les flics se positionner devant la salle sans aucunes résistances ( on aurait au moins pu symboliquement tenter de les empécher de passer pour tester leur réactivité et leur volonté) et ainsi, aussi montrer à la police qu’elle ne peut faire ce qu’elle veut. Le fait de les avoir laissé prendre position, c’était accepter que le meeting ait lieu. Je pense que c’est état de fait vient aussi qu’on a pas discuté collectivement pendant l’action de ce qu’on négociait ou pas avec la police.

    Pareil je trouve qu’on ait parti quand même bien gentiment quand ils nous ont balancé une grenade dessus... et là, y avait pas d’histoire de négociations.

    Sinon c’était une bonne manif que je pense avoir été utile et qui a accomplis son objectif : « perturber leur meeting » et démontrée notre capacité de mobilisation dans l’urgence. Dommage qu’on ait pas poussé plus loin notre avantage, notament contre les forces répressives.

  • Le 28 février 2008 à 16:02

    Faut pas être de mauvaise foi, les flics protègent les manifestant-e-s en position de faiblesse. Si vous étiez pas là lors du dernier meeting FN y a un an, sachez que les gardes mobiles ont escorté la 20aine de gauchistes qu’on était jusqu’à être assez loin des fachos pour qu’on soit plus en danger. Y en a d’autres qui ont réussi à se casser par leur propre moyens, mais y en a bel et bien qui ont été protègés par les flics. C’est un peu la honte, mais sur le coup, je crois que c’était salvateur.

  • Le 28 février 2008 à 14:58

    pour avoir été là toute la soirée on va dire qu’il est plutot objectif mais tellement romancé qu’on dirait un CR ultra...
    Moins de frilosité ? t’aurais voulu quoi ?

  • Le 28 février 2008 à 14:40

    Et un reportage radio sur cette manif sera diffusé ce lundi 3 Mars à 22h sur Radio Canut dans l’émission RocKnRouL

  • Le 28 février 2008 à 13:01

    Pour avoir été sur place toute la soirée je trouve le récit de cette action anti-fa tout a fait objectif...

    A quand la même chose en plus nombreux face à l’UMP ? Avec tout de même un peu moins de frilosité !?!

  • Le 28 février 2008 à 12:55

    N’empêche que le fascisme effectif, qui fait des morts, emprisonne les pauvres et insurgés, rafle les étrangers, ce fascisme là, n’a pas été égratigné.
    Le pouvoir réel, les flics, nous ont encore mis à l’amende. On se disperse, et ces salauds décident d’avancer pour faire mine de nous chasser alors qu’on partait déjà de nous même. Humiliation.
    Ils font des blessés parmi nous, légers, mais blessés quand même, sans provoquer la rage. C’est encore notre chair qui touchée. Et on s’y est habitués. Si des fafs avaient blessé l’un d’entre nous, la rage serait montée. Là non. Pourquoi ? Autres conséquences, autre degré de politique.
    Le pouvoir, s’en tape de défendre les meetings du FN, ce qui l’intéresse c’est de montrer que l’ordre règne dans les rues de France, de montrer que la rue ne décide pas.
    Méfions nous du spectacle anti-fa, car pendant qu’on insulte les ptits vieux racistes (qui le méritent, mais qui restent des caricatures pitoyables qui permettent au pouvoir de s’en démarquer), le véritable ordre règne.
    Oui, ce rassemblement restera pour nous un bon moment. Mais ne crions pas victoire trop vite : on s’est fait mettre à l’amende par le fascisme réel. Ce à quoi il est difficile de répondre, mais faut commencer par prendre acte de cet écrasement dont on est l’objet, pour voir comment réagir, et pas se gargariser de victoires illusoires, qui font sourire le vrai pouvoir.

    A la Croix-Rousse comme ailleurs, l’ordre policier règne tranquillement.

  • Le 28 février 2008 à 11:13

    On refait la même pour les meetings de l’UMP ?

  • Le 28 février 2008 à 09:31

    Effectivement cette contre manif’ était une réussite et même dans son organisation. Tout d’ abord nous avons réussi à rassembler un peu plus de 150 personnes (j’ ai compté rapidement), et, surtout, sans que la police ne le prévoit, ils étaient totalement désorganisés, au début il n’ y avait que quelques voitures de police et une de la BAC qui rôdaient, les CRS ne sont arrivés que plus tard. En bref, un réel succès pour les antifa, même si quelques personnes ont pu accéder à la réunion.

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