Tartagueule à la récré : Vous avez dit distanciation physique ou… sociale ?

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Bulletin de la CNT Education du Rhône n°145 – Novembre 2020

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Au sommaire :

Vous avez dit distanciation physique ou… sociale ?

Depuis le printemps dernier, nos espaces de liberté en ont pris un sacré coup. La crise sanitaire, bien réelle malheureusement, a nécessité un confinement de près de deux mois puis de nombreuses mesures de restrictions de nos déplacements, de nos mouvements, de nos libertés
et de notre vie tout simplement. Cette fameuse distanciation sociale qu’on ne cesse de nous répéter comme indispensable finit par prendre tout son sens. Si nous l’avions comprise et acceptée comme un respect des gestes barrières, comme un respect de la distance physique, il s’avère qu’avec le temps il s’agit aujourd’hui d’une réelle distanciation sociale au sens où l’on est petit à petit mis à distance de tout ce qui fait (ou faisait) notre lien social, nos espaces de convivialité et de loisirs comme nos espaces de solidarités et de luttes.

Nous n’avons pas encore tiré toutes les conséquences psychosociales du confinement et des restrictions actuelles (isolement, désocialisation, précarisation, maltraitance, violences conjugales et intrafamiliales en hausse…), notamment pour les personnes âgées, les femmes, les jeunes ou les précaires, mais les dégâts collatéraux seront peut-être tout aussi graves que les effets sanitaires directs de la pandémie. En tous cas, la réalité prise par la « distanciation sociale » éclate chaque jour un peu plus en même temps que les restrictions de liberté
augmentent.

Les derniers « tour de vis » gouvernementaux avec la mise en place de couvre-feu, digne d’un état de guerre, puis le retour d’un confinement national qui maintient néanmoins de nombreuses catégories de personnes au travail ne font qu’accentuer les choses. Finalement, nous avons le droit de ne plus rien faire sauf… aller bosser ! Et pour les personnels de l’Éducation nationale, il est d’autant plus important que nous allions bosser afin de permettre à l’économie de tourner, de s’occuper des enfants pendant que les parents vont au travail où puissent tranquillement télétravailler.

L’économie avant l’humain

S ’il ne s’agit pas de nier l’importance de la pandémie, et encore moins la nécessité d’une politique de prévention et de santé globale, nous ne pouvons que constater que la volonté du gouvernement est de limiter la liberté de toutes et tous dans nos activités individuelles et collectives, y compris nos activités militantes. Par contre, pour travailler ou aller étudier, la prise de risque est acceptée même si les conditions de travail sont devenues « étouffantes », épuisantes voire insupportables et toxiques pour beaucoup.

Nous ne pouvons donc que dénoncer des mesures incohérentes qui ne visent qu’à sauvegarder l’économie et les profits, qui prouvent que l’économie prime sur tout. Cette pandémie a aussi remis en évidence les inégalités sociales et l’existence des classes sociales. Ce sont bien seulement les plus riches qui ont fait des économies durant le confinement pendant que de très nombreux travailleu·r·ses s’endettaient, s’appauvrissaient ou sombraient dans la précarité du quotidien et du lendemain. Les inégalités se sont accrues en même temps que la crise sanitaire sert de justification aux plans sociaux comme aux restructurations souvent prévues de longue date sans que cela n’empêche les entreprises de bénéficier d’aides financières de la part de l’État et d’exonération de charges sociales au plus grand profit des actionnaires.

Dans le même temps la gestion de la pandémie va permettre sur le long terme la mise en place de mesures au niveau de la réduction de la liberté et du contrôle de la population. Une société de producteu·r·ses consommateu·r·ses atomisé·es qui ferment leurs gueules, le capitalisme et l’État ne pouvaient pas rêver mieux…

Puisqu’une nouvelle fois leurs profits ont priorité sur nos vies, que les choix faits n’endigueront pas l’épidémie, que nous allons continuer de nous contaminer les un∙es les autres parce que les 8h passées au travail ne sont certainement pas sans incidence malgré le respect de tout protocole, il est une nouvelle fois nécessaire de prendre la suite en main, c’est à dire de nous rassembler et décider collectivement de dire stop à cette mortifère mascarade.
De fait, la CNT Educ 69 appelle l’ensemble des personnel∙les à se réunir, dans les établissements et plus largement, afin de discuter du bien [être] commun et de mettre en place, aussi par la grève, les conditions nécessaires au reflux de l’épidémie.

Tristesse, choc et lutte pour nos libertés

L es militant·e·s de la CNT FTE adressent leur soutien à la famille, aux collègues et aux élèves de Samuel Paty.

Ce crime odieux nous touche, car toutes et tous, nous voulons pouvoir échanger avec nos élèves sans avoir à subir de pressions d’aucune sorte.
Parmi elles, le fanatisme religieux, consacrant l’immobilisme social avec des arguments obscurantistes, des règles rétrogrades, féodales, parfois criminelles, est l’ennemi de l’intelligence et de la liberté.

Nous défendons pour nos élèves le droit à une école et à une société émancipatrice, où l’on partage les analyses, où l’on réfléchit ensemble pour trouver des points d’accord sans sacrifier nos caractéristiques personnelles (d’origine multiple et plurielle), où les valeurs enseignées sont la solidarité, le respect, la tolérance, l’ouverture d’esprit et la recherche collective de l’intérêt commun.
Pour cela la jeunesse et l’école ont besoin d’enseignant·e·s, de personnels de vie scolaire, de psychologues, de médecins, d’assistant.e.s sociaux, de bibliothèques dans tous les quartiers, de structures pour la jeunesse et d’intérêts communs à défendre.

Ce n’est pas le seul fait de croire qui a fait d’un jeune homme, un assassin. C’est aussi le fait d’avoir grandi dans une société où sévissent les ostracismes sociaux, « ethniques », religieux (dans tous les cas présupposés à tort ou à raison) conjugués à l’ignorance, la misère et ses corollaires dont la dépréciation et le rejet social, la peur et le mensonge. Une « mayonnaise » qui peut conduire à de vaines recherches d’affirmation identitaire.
Le système capitaliste et étatique et ses classes dirigeantes et possédantes sont loin d’être étrangers à ces dérives individuelles en nous divisant par médias interposés. Ceux-ci font leur choux gras sur l’émotion, et tant qu’à faire sur la peur plutôt que sur la joie, ou encore sur la « pénurie systémique »
d’emplois, opposant les un·e·s aux autres, tant que cela sert concrètement leurs intérêts. Ce qui peut, comme on le constate en cette période si particulière et si sombre, amener des individus à commettre des actes monstrueux au nom de leur religion.

Toutefois, il est encore et toujours pour nous hors de question que cet assassinat soit l’occasion de stigmatiser une partie de la population, en particulier les musulman·e·s.
L’attentat de Nice et la réactivation du plan vigipirate à son plus haut point ne vont faire que réactiver la peur et la division tout en renforçant le contrôle social sur l’ensemble de la population dans un contexte où les libertés individuelles et collectives sont déjà bien mise à mal.

Nous appelons, sans pour autant nous associer aux instrumentalisations de ce drame et autres récupérations partisanes et politiciennes de toutes sortes, à se joindre aux initiatives d’hommage à notre collègue.

Ensemble, il nous faut défendre :
La liberté de pensée
La liberté d’expression
La liberté pédagogique

Au profit, en somme, de l’envie de vivre ensemble, de partager, d’évoluer, de progresser, les un∙e∙s à l’aide des autres.

Distanciel ou présentiel, non au double service !

Alors que le pays se reconfine partiellement, les enseignant·e·s continuent d’assurer leur rôle au sein des établissements malgré le nombre considérable d’élèves et les protocoles sanitaires peu, voire pas appliqués (manque de personnels pour désinfecter les salles, circulation des élèves, classes complètes, masques traités avec des substances nocives).

A cette situation anxiogène s’ajoute la question du suivi des élèves confiné·e·s encas de suspicion de contagion ou de covid.
Le double jeu du gouvernement, qui « choie » les personnels de l’éducation nationale tout en leur demandant d’assurer un double service, montre clairement l’hypocrisie des dirigeant·es à l’égard de l’institution et de ses membres. La fameuse continuité pédagogique, qui n’est au final qu’une illusion de sauvegarde de la pédagogie, si elle a été un moindre mal a cependant très clairement montré ses limites et ses défauts : décrochage scolaire limité mais existant, creusement des inégalités sociales entre les élèves, manque de formation des professeur·e·s, absence de dotation matérielle… Comment un souci pédagogique pourrait il aller avec la volonté exprimée de boucler les programmes scolaires, chargés en temps normaux, coûte que coûte ?

En résulte aujourd’hui une situation totalement aberrante qui rend les enseignant·e·s corvéables à merci. De plus en plus d’élèves, de parent·es, voire, même, de personnels de direction considèrent que les mesures inaugurées durant le premier confinement doivent être pérennisées dans la pratique quotidienne dès la rentrée. Et chacun·e y va de son mail pour demander pourquoi X ou Y n’a pas reçu le PDF des cours manqués ou pourquoi le ou la professeur·e ne répond pas immédiatement à ses sollicitations. Quid des arrêts maladies des enseignant·e·s ? En quoi un·e élève qui rattrapait le travail sur Pronote ou avec ses camarades avant le covid ne pourrait soudainement plus le faire après une quarantaine ?

Face à cet acharnement de l’institution qui distribue les médailles avec beaucoup moins de largesse qu’elle ne distribue les sanctions (on pense à nos collègues attaqué·e·s pour avoir exercé leur droit de grève au moment des E3C), les enseignant·e·s doivent faire front commun et refuser d’assurer un double service, à la fois l’enseignement au sein des établissement et à distance. Alors que le nombre de poste d’enseignant·e·s diminue et que les budgets s’effondrent (on se souvient de la question des 2 heures supplémentaires dans des emplois du temps déjà plus que chargés), il est urgent de ne pas laisser le gouvernement continuer sa stratégie de destruction de l’école, ou l’épuisement ainsi que le burn-out tueront aussi les enseignant·e·s.

Quel avenir pour nos CFA ?

Le marché et ses apôtres élyséens sont impitoyables. La formation des apprenti·es n’échappera pas à cette vérité.

Depuis le 1ᵉʳ janvier 2020 la région a perdu la main sur l’apprentissage au profit du seul ministère du travail. Toutes les formations sont mises en concurrence avec des organismes privés, en fonction d’un coût contrat calculé selon différents critères :
diplôme, durée, réussite aux examens… Les organisations patronales s’accaparent donc naturellement les fonds de formation, pourtant fruit du salaire socialisé.
Les branches professionnelles pourront ainsi décider de fermer ou ouvrir des sections d’apprentis en fonction des besoins à court terme du patronat. Elles détermineront le coût de chaque diplôme en fonction des priorités de recrutement des entreprises.

Il n’est donc plus question d’enveloppe globale et solidaire pour permettre à ces merveilleux navires, qu’étaient jusqu’ici les CFA publics, de faire route vers la formation et l’éducation. Le naufrage est annoncé, nous venons de percuter un Blanquer.
Coup de grâce, le Matron a offert, à quiconque en a les moyens, la possibilité d’ouvrir un centre de formation.

Entre autres, un CFA des chefs est né (Auchan, Accor, Sodexo, Adecco, Korian)…
Avec appel d’offre pour devenir partenaire (en réalité sous-traitant…). Être « prof Auchan », ça a vraiment de la gueule !

La mise en concurrence des établissements et des personnels entraînera une détérioration des conditions de travail de tous les agent·es. La pression sur ces coûts de formations provoquera des fermetures de classes et des licenciements.
Cette réforme conduit à la mercantilisation de la voie professionnelle, à la privatisation des formations initiales et à la fin de toute forme d’espoir commun de former des individus libres penseu·r·ses. Les apprenti·es deviennent de simples produits à placer sur le marché du travail.

Alors le ton monte dans les CFA. Et le vocabulaire s’ennoblit.
« Chers collègues, je vous rappelle que nous sommes prestataires de service. Il faut être rentable et devenir compétitif. ».
« Chef, excusez moi… mais notre savoir-faire et notre pédagogie semblent porter leurs fruits puisque… »
« Ne soyez pas insolent et vulgaire ! Et remettez moi ce masque convenablement, je suis cas contact ».
« Mais… »
« Pas de deuxième vague, je vous rappelle que nous devons obtenir un label qualité
pour continuer d’exister ».

Les CFA publics disparaissent donc de fait et le statut des enseignant·es déjà contractuel·les doit changer. Bien entendu, puisque nous sommes désormais dans une logique d’entreprise, même si la décision appartient au rectorat, le choix se portera sur le statut avantageux de « formateur » (Greta) : augmentation du temps de travail (25 %), perte de salaire (grille indiciaire différente, disparition de la prime de suivi des apprentis, des heures sup…) et diminution conséquente des congés. La rémunération en fonction du diplôme préparé par les élèves est même envisagée…

« Dégradés ? ». Non. Défroqués. « Il faudra licencier ? ». Question rhétorique.
« Les apprenti·es seront les victimes collatérales ? ». De la chaire à patron.

Dans ce soi disant modèle social qui cherche à rentabiliser jusqu’aux savoirs et savoir faire, C’est la Fin de l’Apprentissage.

Entre signer et partir, quel espoir restet il ?
Peut être bien un, quand même, celui d’un changement de société radical !

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