Psychiatrie : réforme de la loi de 1990, le grand enfermement

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Alors que les lois relatives aux privations de libertés et de fichage de la population pleuvent (loi sur l’immigration, loi LOPPSI 2, loi HADOPI…), la psychiatrie est elle aussi touchée par cette inquiétante mouvance sécuritaire de notre gouvernement. Profitant de faits divers et utilisant populisme et démagogie il s’attaque à toutes les populations souffrantes et les patients en psychiatrie ne font pas exceptions, il les stigmatise, les surveille, les rejette.

RENCONTREBAT SALLE DES ORGANISATIONS (en face de la chapelle)
LE VENDREDI 27 MAI 2011
de 18h À 20h
au 95, Boulevard Pinel à BRON (Vinatier)

Depuis le fait divers de Grenoble et la directive ministérielle qui en a découlé le nombre d’HO augmente, les sorties d’essais sont de plus en difficilement acceptées et ne parlons même pas des levées d’HO (Hospitalisation d’Office, ou sous contrainte du préfet). Après son enquête sur la psychiatrie le contrôleur général des lieux de privations des libertés, Jean-marie Delarue, est formel : « Au regard des droits de l’homme, la situation est inquiétante et elle s’aggrave. » « C’est le grand retour de l’enfermement qui caractérise désormais ces lieux de soins. » « Les portes d’un nombre croissant d’unités hospitalières psychiatriques sont en effet fermées à clef. » « Aujourd’hui, devant ces demandes de sortie d’essai, le préfet hésite, diligente une enquête de police. Les sorties d’essai se sont réduites comme peau de chagrin. Des malades, habitués à sortir régulièrement, en sont interdits. »

Les dispositifs de soins existants sont sans cesse attaqués : fermetures de lits, fermetures des structures extérieures (CMP, CATTP, Hôpitaux de jour,…), diminutions des effectifs, casse de la politique de secteur par les restrictions budgétaires. Par contre alors que la psychiatrie classique est attaquée, l’enfermement se développe largement et là, l’argent coule à flot pour les grands groupes bétonneurs qui se frottent les mains : création des UHSA, mise en place de la vidéo surveillance dans les hôpitaux psychiatriques, multiplication des UMD, création des prisons pour mineurs,… La psychiatrie traditionnelle est peu à peu remplacée par ces lieux d’enfermement

L’amalgame entre "patient et dangerosité" est posé. La réforme de la loi de 1990 se fonde clairement sur cette "vision primaire" et c’est le retour au flicage, fichage qui est annoncé dans cette loi. On ne soigne plus, on contrôle, on formate. La déviance n’est plus tolérée, il faut uniformiser et rentrer dans les cases… On ne prend plus en charge "l’Être" dans son ensemble, on traite des symptômes.

LES GRANDS CHANGEMENTS ANNONCÉS PAR LAFORME

Création de la "garde à vue psychiatrique" : Une personne pourra être gardée 72 heures en hospitalisation complète pour "observation". Un psychiatre de l’établissement d’accueil aura préalablement vu le patient dans les 24 heures suivant son arrivée pour affirmer ou non la nécessité de maintenir l’hospitalisation en vue des conditions d’admission du patient. Cette mesure ouvre la possibilité de maintenir une personne hospitalisée 72 heures sans réellement se demander si cette contrainte est fondée. Hors comme l’explique le Syndicat de la Magistrature dans son analyse de ce texte, les demandes de mise en HO sont le plus souvent établies par les services de police et avec la réforme de la garde à vue qui vise à en diminuer le nombre et la durée. On est tout à fait en droit de se demander si la tentation ne sera par forte de mettre en place une hospitalisation sous contrainte. Le risque de dérive médicale risque alors d’être important.
Enfin, au bout des 72 heures de "garde à vue psychiatrique" c’est le préfet qui décidera de la forme de prise charge du patient. Tiendra-t-il compte de l’avis médical ?
Par la suite, un certificat médical sera obligatoire entre le sixième et le huitième jour après l’admission.

Suppression des sorties d’essais : Seules les sorties d’essai de 12 heures maximum subsistent et toute sortie d’un patient accompagnée de soignants devra avoir eu en amont l’accord explicite du préfet. Les sorties d’essai de 24 heures, 48 heures, un mois ne seront plus possibles.

Mise en place d’un "casier judiciaire psychiatrique" : Le projet de loi prévoit la création d’un fichier regroupant tous les patients étant ou ayant été en UMD, tous ceux ayant été déclarés irresponsables ou toute personne ayant fait l’objet de soins sans son consentement. L’inscription des personnes dans ce fichier est sans aucune limite de durée. Une personne fichée le sera donc à vie.

• Création des soins sous contraintes à domicile : Les sorties d’essai étant supprimées, l’État met en place les soins à domicile sous contrainte. La personne recevra donc des soins obligatoires à son domicile. C’est une véritable intrusion dans la vie privée des patients. Une surveillance imposée. Les personnels soignants pourront ou devront alors intervenir de force au domicile des patients avec l’aide de la force publique. Nous sommes très loin de l’idée du lien thérapeutique, pourtant si difficile à construire. Il est d’ailleurs très bien stipulé dans le projet de loi que la notion "d’hospitalisation" sous contrainte est remplacée par celle de "soins" sous contrainte, ce qui ouvre beaucoup de portes… Ne risquons nous pas de voir mis en place un jour les bracelets électroniques pour les patients puisqu’il en avait déjà été question lors de la préparation du projet.

• Dérèglementation des mises en HDT (Hospitalisation à la Demande d’un Tiers) et pour les soins sans consentement à la demande de l’autorité publique : Le deuxième certificat médical qui permettait de contrôler si une hospitalisation sous contrainte était justifiée est supprimé.

• Le renforcement du contrôle pour les demandes de sorties d’hospitalisation pour les personnes placées en HO judiciaire ou ayant séjourné en UMD : Désormais il faudrait l’avis d’un collège de soignants composé de deux psychiatres et deux expertises concordantes. Quand on voit les difficultés que rencontrent actuellement les psychiatres et les équipes soignantes pour obtenir les levées de ces mesures avec la législation actuelle, son renforcement risque fortement de les rendre exceptionnelles voir impossibles.

Un préfet tout puissant sur les soins : Le préfet jugera de la mise en place de soins sous contrainte pour une personne, du maintient de ce placement (même contre l’avis médical), d’autoriser ou non une sortie d’essai de 12 heures maximum ou encore d’un accompagnement à l’extérieur d’un patient par des soignants. Il pourra également demander une expertise psychiatrique à tout moment ou encore prendre un arrêté provisoire d’hospitalisation d’office…
Enfin et surtout il pourra intervenir directement sur les soins et la prise en charge des patients car il pourra modifier le protocole de soins proposé par un psychiatre.

Le "faux" rôle accru du juge des libertés et de la détention : Alors qu’actuellement le juge n’intervenait que sur recours de l’intéressé, désormais il contrôlera toutes les HDT et HO de plus de quinze jours. Hors, selon les magistrats leurs nombres et les moyens qui leurs sont attribués sont totalement insuffisants pour mettre en place une telle réforme. De plus leur intervention ne porte que sur le bien fondé de l’hospitalisation, en aucun cas la personne ne pourra contester le traitement qui lui est administré ou le protocole d’obligation de soins à domicile. Enfin le directeur de l’établissement ou le préfet pourront demander au procureur de la république de saisir dans les six heures le premier président de la cour d’appel pour suspendre la décision de mainlevée d’une hospitalisation sous contrainte prise par le juge.

CGT Vinatier

Ce n’est pas la première fois que les personnels du Vinatier se saisissent de la question, lire Vinatier : Retour sur la Nuit blanche de résistance du 9 mars 2010

Sur une thématique proche voir aussi les vidéos du colloque Psychiatrie et prison : la question du soin aux personnes détenues en février dernier à Lyon.

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vendredi 27 mai 2011

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  • Le 20 mai 2011 à 11:43, par ptitlouis

    >Bonjour,

    l’oeil de BIg Brother s’infiltre donc partout. Sous prétexte de sécurité, c’est le flicage généralisé ?

    A mettre en perspective avec le beau travail de Gérard Wajcman, L’oeil absolu. Vous trouverez sur le site en rubrique vidéo un entretien de l’auteur sur son ouvrage.

    Site Psychasoc
    http://www.psychasoc.com

    > Pétition : Ensemble contre la vidéo-surveillance
    > au Centre d’Action Médico Sociale Précoce d’Epernay
    > Cher(e)s collègues,
    >
    > Notre CAMSP est un lieu de soins ambulatoires s’adressant à des enfants de 0 à 6 ans présentant ou susceptibles de présenter des retards psychomoteurs, des troubles sensoriels, neuro-moteurs ou intellectuels avec ou sans difficultés relationnelles associées.
    > L’association gestionnaire a décidé d’installer, contre l’avis unanime de l’équipe soignante du CAMSP, 3 caméras de vidéosurveillance dans nos nouveaux locaux afin d’assurer la « sécurité » des enfants.
    > Ces caméras filment le sas d’entrée, la salle d’attente ainsi que le couloir donnant accès au secrétariat-accueil et à différents bureaux de soins.
    > Les images sont diffusées sur un écran dans la salle du personnel et conservées trois jours.
    >
    > Nous, équipe du CAMSP en contact direct avec le public accueilli, dénonçons fermement ce dispositif qui va à l’encontre de nos valeurs professionnelles et de notre éthique.
    > Nous refusons que nos patients soient soumis à cette surveillance qui ne se justifie ni sur un plan pratique ni sur un plan sécuritaire, les enfants étant toujours accompagnés par un adulte (cf : notre règlement de fonctionnement). L’intérêt d’un tel dispositif devrait se limiter à assurer la sécurité des locaux lorsqu’ils sont fermés (nuits, week-ends et vacances).
    > Nous demandons donc l’arrêt du fonctionnement de ces caméras lors des heures d’ouverture du CAMSP.
    >
    > Notre souci est de défendre la qualité des soins et notre cadre de travail.
    > Nous tenons à garantir l’accueil des enfants et de leur famille en leur assurant discrétion et bienveillance, ce qui est mis à mal par l’enregistrement de leur présence au CAMSP. Le respect des personnes accueillies et de la confidentialité sont des conditions indispensables à l’acte thérapeutique.
    > Nous voulons protéger notre clinique fondée sur la rencontre, le relationnel et l’humain et non la surveillance.
    >
    > Vous qui partagez nos valeurs et vous insurgez contre ces pratiques de surveillance dans un centre de soins médico-social, nous vous appelons à soutenir notre action contre la vidéo-surveillance dans notre CAMSP en signant cette pétition.
    >
    Je m’associe à l’équipe soignante du CAMSP d’Epernay et demande l’arrêt du fonctionnement de ces caméras lors des heures d’ouverture du CAMSP.

    Nom

    Prénom
    Profession et/ou Etablissement

    Copiez-collez cette Pétition avec vos coordonnées à adresser à : collectif.camsp@free.fr

  • Le 17 mai 2011 à 10:06, par ptitlouis

    État d’exception en Psychiatrie : la démocratie enchaînée

    Communiqué

    Le 14 mai 2011,

    A l’appel du Collectif des 39, associé avec de nombreuses organisations
    , une manifestation s’est tenue devant le Sénat le mardi 10 mai 2011 où était débattu le projet de loi relatif "à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques"

    Plusieurs centaines de professionnels, patients, familles, artistes, citoyens, mais aussi des représentants de partis politiques et de syndicats ont crié leur opposition déterminée à la mise en œuvre d’une loi qui porte gravement atteinte à la dignité et à la liberté des personnes et qui dénature le concept même de soin.

    Chacun doit se sentir concerné car si cette loi est appliquée, qui sait si, demain, l’enfant dit « hyperactif », la personne déprimée, l’adolescent en souffrance ne pourront pas, eux aussi, se voir contraints à des "soins sans consentement", et cela d’autant plus facilement qu’ils auront lieu en dehors de l’hôpital, pour des raisons à la fois sécuritaires et économiques.

    La possibilité pour chaque « soigné » de se déplacer librement se verra strictement encadrée par un "protocole de soins" - renommé « programme de soins » mais toujours décidé en Conseil d’Etat

    - qui fixera les lieux, le contenu et la périodicité des rendez-vous médicaux avec la menace de se voir hospitalisé si un élément du protocole n’est pas strictement appliqué.

    Cette loi empêche donc activement l’instauration d’une relation de confiance, élément pourtant central du soin en psychiatrie et risque de pousser les patients à des actes désespérés plutôt que de les en protéger.
    Qui peut croire que cette loi va dans le sens des "droits et d’une meilleure protection des personnes" alors qu’elle détruit toute possibilité de soins ?

    Qui peut croire que les familles seront entendues dans leur demande d’aide alors que les patients seront mis en danger et fragilisés par cette loi ?

    C’est la raison pour laquelle des sénateurs de la commission des affaires sociales, tous bords politiques confondus ont demandé dans un premier temps le retrait des « soins » sans consentement en ambulatoire. Mais dans l’hémicycle, les centristes n’ont pas mis leurs actes en accord avec leurs déclarations.

    Cette loi qui est en passe d’être votée, puisqu’elle repassera en deuxième lecture le 18 mai à l’Assemblée Nationale et le 16 juin au Sénat, est une loi contre les soins, contre les patients, contre les familles, contre les citoyens, contre les soignants.

    C’est une loi qui détruit cette psychiatrie que nous voulons hospitalière pour la folie.
    C’est une loi qui va dans le sens de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et des ravages qu’elle cause (non remplacement d’un fonctionnaire sur deux, désengagement de l’Etat dans le domaine de la protection sociale etc…).
    C’est une loi qui entérine la destruction du travail de secteur.

    C’est pourtant une loi cohérente et « responsable » pour nos gouvernants, excluant les plus démunis d’entre nous, ceux qui « ne rapportent rien », ceux qui « coûtent trop chers ».

    Nous n’en sommes plus à une « déraison d’Etat » mais à l’application méthodique d’un plan qui économise et qui place 500000 malades mentaux en otages d’un plan de rationnement et d’une campagne électorale douteuse. Pour cela tous les moyens sont bons : énonciation de contre-vérités, pressions exercées sur les représentants syndicaux, sur les représentants élus etc.

    L’application de ce projet de loi a d’ores et déjà commencé avec l’instauration de dispositifs Justice/ARS/médecins chefs de pôle/directeurs d’hôpitaux au nom du "réalisme". C’est bafouer le principe même de la loi que de l’appliquer avant même qu’elle soit votée !

    Le collectif des 39 refuse de participer à l’installation de ces dispositifs, construits avant même que la loi ne soit votée, et vous invite à faire de même.

    Nous restons mobilisés, patients, familles, professionnels, syndicats, partis politiques, avec l’appui de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme pour exiger que ce texte ne puisse s’appliquer car il signe un recul sans précédent des libertés démocratiques et des fondements même du pacte républicain.

    Le collectif des 39 contre la nuit sécuritaire
    www.collectifpsychiatrie.fr

    . 1 Collectifs de patients, mouvement contre la politique de la peur, syndicats, tous les partis politiques de gauche, Ligue des Droits de l’Homme, Syndicat de la Magistrature, Sud santé sociaux, syndicats de psychiatres publics, qui appelaient aussi à une grève largement suivie dans les hôpitaux psychiatriques

  • Le 16 mai 2011 à 12:10, par dom

    Je pense qu’il est important - et mème nécessaire - de faire le lien entre ce qui s’est
    passé dans les rues de LYON samedi 14 mai 2011( agressions fascistes et nazies ) et l’apologie
    de la Peur entretenue par les médias ( de LIBE à LE POINT en passant par TF1
    & LE PROGRES) , les partis politiques (du PS au FN.....)
    et le Pouvoir (discours de SARKO de Grenoble et création des UHSA , caméras partout dans les hopitaux psys , recours massif à la contention etc...).

    On enferme des sans-papiers qui se retrouvent souvent en psychiatrie.......
    Cette société : je l’appellerai LA SOCIETE DE LA PEUR.
    Peur de L’AUTRE , de la FOLIE , de la marginalité , du hors-norme , du SDF , de l’Anarchiste , du grèviste accusé d’étre un preneur d’otages ou mème un « terroriste » :
    la presse écrite et télévisée transpire la peur....

    Si on ne se bat pas politiquement , cette société va devenir de plus en plus invivable.......

    1984 : c’est maintenant.....
    partout , l’horreur du conformisme et l’abrutissement médiatique,
    la propagande sécuritaire et raciste, partout la violence de cette société qui nous détruit , chaque jour , toujours un peu plus...

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