La plupart des masculinistes aujourd’hui préfèrent éviter de parler de ce sujet, bien que les plus radicaux soutiennent ouvertement le geste de Marc Lépine ; en général, ces hommes préfèrent soigner leur image publique pour se donner un air acceptable...
Se définissant comme hoministes, homistes voire antisexistes, ces hommes développent en fait des idées profondément antiféministes. Travaillant leur image, ils préfèrent avancer masqués et sont très actifs sur internet (par exemple, ils contrôlent les entrées « hominisme », « masculinisme » et « misandrie » sur wikipedia).
Des thèmes qui vont à rebours des luttes féministes :
la défense des pères séparés, pour imposer systématiquement une garde partagée des enfants. Dans de nombreuses situations de divorce pour violences conjugales, cela permet à l’ex-conjoint violent d’imposer à l’ex-conjointe une proximité géographique, et donc de garder un contrôle sur elle. En revanche, les masculinistes ne font rien pour dénoncer l’inégal partage des tâches dans le travail ménager et dans l’éducation des enfants. De même, ils ne font rien pour modifier l’inégal partage des tâches dans l’éducation des enfants à l’intérieur des couples séparés (par exemple, le fait qu’en cas de garde partagée, les mères s’occupent encore de l’éducation, de la santé et de l’habillement des enfants alors que les pères s’investissent dans des activités de loisir). Ils militent en outre contre la pension alimentaire versée à l’ex-épouse par l’ex-mari dans le cas de revenus inégaux.
la négation des violences faites aux femmes et la défense des hommes ayant agressé des membres de la famille. Par exemple, il s’agit de remettre en cause systématiquement les statistiques de violences faites aux femmes, voire de considérer qu’il y a autant d’hommes victimes de violences conjugales que de femmes. La défense des hommes violents passe par la théorie des « fausses allégations massives » selon laquelle la plus grande partie des femmes portant plainte pour viol sont des menteuses.
la remise en cause de l’existence de maisons d’urgence pour femmes violentées (diffusion sur internet des adresses des centres d’hébergement d’urgence pour permettre aux conjoints violents de retrouver les femmes, mettant en danger ces dernières).
la mise en avant de « discriminations contre les hommes » et de « sexisme anti-homme » (comme d’autres, à l’extrême-droite, parlent de « racisme anti-blanc ») sans prendre en compte la réalité sociale de la domination masculine. Cela les amène à militer contre le 3919 (numéro d’urgence sur les violences faites aux femmes) au motif que seules des femmes répondent aux appels.
Des bases idéologiques antiféministes :
Pour eux, la société actuelle est caractérisée par l’égalité entre femmes et hommes, voire, pour les plus radicaux, elle est matriarcale. Cela ne prend ni en compte les violences toujours très répandues contre les les femmes, ni que les pouvoirs politiques et économiques restent entre les mains des hommes ; de même, cela ne prend pas en compte la persistance de la répartition inégale du travail domestique dans chaque foyer.
Nier la permanence de la domination masculine permet aux masculinistes de victimiser les hommes. Ainsi, ils évitent se remettre en question en tant qu’hommes et militent pour capter des ressources (subventions notamment) à leur profit.
Enfin, ils adoptent une vision essentialiste des rapports sociaux de genre. Pour eux, il existe des différences naturelles entre femmes et hommes qui justifient les différences sociales. Cela leur permet de nier toute participation dans la domination masculine, mais aussi d’invoquer une soi-disant complémentarité entre femmes et hommes, fondant ainsi la nécessité pour chaque enfant de voir son père, et ce même en cas de divorce, même lorsqu’il est accusé d’agression dans le cadre de la famille.
Un aperçu des différents groupes masculinistes :
Les groupes de parole : il s’agit ici de groupes non-mixtes hommes, parfois issus de groupes non-mixtes d’hommes proféministes (comme les Nouveaux Guerriers). Ces hommes se réunissent pour parler de leurs vies, de leurs émotions, de leurs rapports au corps... Beaucoup de choses qui font envie, dont on se dit que c’est un pas en avant. Seulement, faute de bases antipatriarcales, cela tourne systématiquement à la victimisation des hommes et à la dénonciation du féminisme. Ils effectuent une transformation de la domination masculine, rejetant certains aspects de la masculinité pour en valoriser d’autres – sans prendre en compte le fait que la masculinité elle-même est une position de pouvoir. Ces groupes de parole peuvent d’intervenir sur la place publique ; par exemple, le Réseau Hommes (créé par Guy Corneau, auteur du best-seller Père manquant, fils manqué) a organisé en 2011 plusieurs projections publiques à Grenoble, soutenues par la mairie.
Les groupes d’action juridique : Cela concerne surtout les pères séparés (par exemple, SOS papa et le Mouvement de la Condition Paternelle), mais aussi les hommes victimes de violences conjugales (SOS hommes battus, qui a tenu son premier colloque à Paris samedi 22 octobre 2011). Pour les besoins de la défense devant les tribunaux, ils développent un argumentaire masculiniste très efficace. Par exemple, cela consiste en nier les violences masculines pour mettre l’accent sur les violences des femmes au sein du couple ; en cherchant à prouver que les femmes mentent quand elles dénoncent des violences conjugales ; en développant la théorie du Syndrome d’Aliénation Parentale (censée montrer que ce sont les épouses qui manipulent les enfants quand ceux-ci dénoncent les violences subies par leurs pères). À Lyon, il existe le Groupe d’études sur leS sexismeS (GES), qui s’évertue à prouver que les hommes sont autant, sinon plus, victimes de discriminations que les femmes ; ce groupe a tout récemment tenu une conférence publique au sein de la Quinzaine pour l’égalité entre les femmes et les hommes organisée par la région Rhône-Alpes en octobre 2011, dans laquelle il a défendu l’idée d’un « sexisme anti-homme » (de la même manière que d’autres, à l’extrême-droite, soutiennent l’idée d’un « racisme anti-blanc »).
Le lobbying parlementaire et l’action publique de rue sont aussi des moyens d’action de l’association SOS papa.
Les théoriciens masculinistes sont nombreux, il s’agit ici d’en citer les principaux – quand on croise leurs noms, il faut souvent chercher entre les lignes pour comprendre le fond de leur pensée. Guy Corneau, psychanalyste, ayant déjà été cité plus haut, il convient d’ajouter Yvon Dallaire, l’un des plus fervents défenseurs du terme « hominisme », psychologue et sexologue. Il faut aussi nommer des experts juridiques auprès des tribunaux, tels Hubert Van Gijseghem et Paul Bensussan. Dans le cadre universitaire, les chercheurs Gérard Neyrand, Éric Verdier et Daniel Welzer-Lang développent clairement des théories masculinistes. Enfin, sur le plan médiatique, il faut citer Georges Dupuy, Éric Zemmour et Alain Soral, trois personnalités ayant chacune signé des ouvrages difficiles à lire tellement ils sont remplis d’insultes contre les femmes et, plus particulièrement, les féministes.
En effet, si les premières ont pour but la perpétuation d’un système d’oppression, les secondes sont une résistance à ce système. Par exemple, en 2010, 146 femmes sont décédées sous les coups de leur compagnon, alors que 28 hommes sont décédés sous les coups de leur compagne. Il faut préciser que dans une très grande majorité des cas, les femmes qui ont tué leur compagnon l’ont fait en situation de légitime défense, soit parce que ces derniers les battaient à ce moment-là, soit parce qu’ils les battaient régulièrement.
La propension des hommes à se victimiser est aisément compréhensible : Le genre, en tant que système de pouvoir qui divise l’humanité en deux sexes distincts, s’impose aux femmes et aux hommes. Les hommes, aussi, ont l’impression de devoir « coller à un rôle ». Cependant, ils oublient vite que le rôle qu’ils adoptent, individuellement et en tant que classe de sexe, est celui du dominant. Il est plus aisé de se considérer comme victime que comme agresseur, et donc de mettre l’accent sur la difficulté à adopter le rôle d’homme plutôt que de mettre l’accent sur ses propres comportements dominants. En tant qu’homme moi-même, cela m’a particulièrement frappé en non-mixité hommes, que ce soit dans le milieu masculiniste auquel j’ai eu accès ou dans le milieu proféministe dans lequel j’évolue. La conséquence est que le patriarcat n’est jamais attaqué frontalement par les hommes, tant qu’ils ne sont pas contraints à regarder en face leurs propres comportements oppressifs.
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