Comparution immédiate du 8 décembre : les policiers accusés

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Comptes-rendus de justice

Verdict : 6 mois de sursis et de lourds dommages et intérêts en faveur des policiers. Compte-rendu d’audience.

Mrs S., D. et A. sont passés en comparution immédiate le 8 décembre 2005 à 14h au TGI de Lyon ; ils sont accusés de rebellion et de violence à l’encontre des dépositaires de l’autorité publique. Les faits se sont déroulés rue de Créqui, dans la nuit du 30 octobre.

Les 4 prévenus ayant refusé la comparution immédiate dans les jours qui ont suivi leur interpellation , ils ont passé 40 jours en maison d’arrêt, seul moyen pour leurs avocats de leur construire une solide défense.

  • Les faits, énoncés par le juge :

Suite à la scène de ménage d’un couple devant une boite de nuit, la police est appellée. Une voiture de police est dépéchée sur les lieux, les policiers calment le couple en dispute alors que des badauds qui sortaient d’une boite de nuit à quelques mètres regardent leur intervention se dérouler ; les policiers se sentant menacés ont appelé des renforts ; ce sont 13 voitures de police des commissariats de 4 arrondissement4, de police-secours, de la BAC et la brigade cynophile - soit environ 40 policiers - qui sont arrivés devant et autour du lieu de la dispute. Les procès-verbaux décrivent un groupe de 20 individus et plusieurs autres groupes dans un état de folie et encerclant les fonctionnaires de police.

Un individu, supposé être M. S., aurait pris à la gorge un brigadier, l’aurait soulevé puis projeté à terre. Quatre brigadiers ont dû maîtriser deux individus, supposés être Mrs D., qui donnaient des coups aux policiers. Les procès-verbaux font état de violence à l’encontre des policiers. Et des blessures ayant entrainé des ITT (Incapacités Totales de Travail) ont été constatées sur les fonctionnaires de police.

Les événements se seraient déroulés en deux périodes : l’intervention des policiers au sujet de la dispute puis la période qui correspond à l’évacuation de l’établissement dont sortaient une partie des badauds. En effet, la police a demandé au propriétaire de la boîte de nuit devant laquelle s’était passé la scène de ménage, de fermer et d’évacuer son établissement.

Un témoin habitant rue de Créqui a pris des photos depuis chez lui, photos qui sont déclarées inexploitables par le juge.

  • Les faits, énoncés par les prévenus :

Antonin D. est sorti de la boîte de nuit pour discuter avec un copain. Lorsqu’il tente de rentrer dans la boite de nuit où se célébre son anniversaire, un cordon de policiers l’en empêche, il insiste pour rentrer et la police lui ordonne de lever les bras en l’air, puis de s’allonger face contre terre. Il s’exécute, des chiens policiers muselés lui montent dessus, grognent puis il se fait menotter et arrêter.

Au même moment Parfait D. se trouve aussi devant des policiers quand il veut rentrer dans la boite de nuit pour chercher sa femme et partir ; alors que des chiens policiers arrivent sur place, il recoit un coup de poing et un coup de matraque et préfére s’enfuir, puis, lorsqu’il s’aperçoit que son frère est à terre avec un chien sur lui, il revient et dit aux policiers « ne lui faites pas mal, c’est mon frère. » Il est menotté, arrêté, se retrouve aussi avec un chien dressé sur le corps.

Au sortir de la boite de nuit, Monsieur S. avait prévu de rentrer avec sa femme chez lui en voiture. Sur la route, une voiture leur bloque le passage puis allume un gyrophare ; contraint de s’arrêter, Mr S. coupe le moteur, descend de sa voiture et des policiers en civil lui expliquent qu’ils sont de la police. Ensuite, il s’aperçoit que devant la boîte de nuit un de ses amis est à terre avec un chien sur lui et un autre ami est en train de parlementer avec la police ; il s’approche de cet ami et le tire en arrière en lui disant de ne pas parlementer. Il entend derrière lui « c’est bon, on les embarque », reçoit un coup de poing a la gorge et à la tête, repousse un coup qu’il voit venir puis reçoit un coup de matraque dans le dos. Les policiers le plaque à terre. Il ne se laisse pas faire et se débat. Il est gazé à même le visage.

Enfin Monsieur A. sort de la boite de nuit lorsque celle-ci est évacuée par le propriétaire. Les policiers hurlent de dégager, il sent les gaz lacrymogènes et comme il a un glaucome à l’oeil, il part précipitamment.Il se fait violemment plaquer au sol par un policier, est menotté et arrété. Il est blessé au nez.

Deux des accusés estiment avoir été victimes de violences policières au cours de leur interpellation et comptent porter plainte ; des certificats médicaux et des arrêts de travail témoignent de leurs blessures et par ailleurs de leur état non alcoolisé au moment des faits.

Plusieurs personnes extérieures à la scène et sans lien avec les prévenus témoignent d’une ambiance calme et de paroles courtoises avant que les coups ne pleuvent. Des personnes qui étaient devant la boite de nuit ont témoigné de leur surprise de voir un homme se faire matraquer alors qu’il ne montrait aucune aggressivité et donnait l’impression de parler calmement.

  • Les réquisitions du procureur :

« Les circonstances ne sont pas claires, il y a un mouvement de plusieurs personnes et une atmosphère de confusion. Les blessures sont caractérisées et graves car ce sont des personnes dépositaires de l’autorité publique qui sont blessées. On s’en prend à la paix civile quand on s’en prend aux fonctionnaires de police. »
« Les policiers sont accusés dans ce procès : je ne crois pas que ce soit la réalité ». « Qu’il existe un climat de préjugés policiers et de provocations policières n’est pas vrai, je pense plutôt qu’il n’y avait pas assez d’effectifs. »
« La folie collective, l’hystérie collective sont des phénomènes connus, on a pas attendu aujourd’hui pour les découvrir. » « Cette foule s’est retournée contre les fonctionnaires de police et les certificats médicaux des policiers le prouvent. Les procès verbaux montrent que tous les accusés se sont jetés sur les policiers et s’en sont violemment pris à eux ». « L’intervention était donc nécessaire et non disproportionnée. »

Le procureur requiert 18 mois de prison dont 6 avec sursis pour un prévenu et douze mois de prison dont six avec sursis pour les trois autres.

  • La défense des prévenus, par leurs avocats :

Trois avocats ont assuré la défense des prévenus ; la plaidoirie s’est déroulée en 3 temps : la première avocate appuie sur l’absence de motif valable pour arrêter les accusés, le second s’interroge sur la crédibilité de certains fonctionnaires de police et affirme que les prévenus ont subi des violences policières, le dernier avocat pointe des mensonges dans la procédure, l’inaction du parquet et d’une manière plus générale la chape de plomb de l’institution judiciaire quant aux violences policières.

-  La première avocate prend la parole :

« Il existe une grande confusion dans les déclarations des fonctionnaires de police. »
« Un même fonctionnaire de police rédige deux versions différentes d’une même arrestation » et « les procès-verbaux sont contradictoires et ne prouvent pas la violence que les 2 personnes auraient montré à l’égard des policiers. »
Sa plaidoirie montre que « les seul torts qui sont reprochés à ces quatres hommes avant leur interpellation par les forces de l’ordre est d’avoir discuté avec les policiers pour certains, d’avoir couru quand les policiers hurlaient de dégager pour un autre et en somme d’avoir été au mauvais moment et au mauvais endroit pour chacun. »

- Le 2e avocat prend la relève.

Il précise que « tous les prévenus ont un casier judiciaire vierge et n’ont pas d’antécédent judiciaire ». Il fait remarquer que lorsqu’il y’a violence policière confirmée par 4 témoins, non liés aux prévenus, qui affirment « avoir vu un homme discuter calmement avec les policiers, avant qu’il ne soit matraqué dans le dos par un policier en civil », et que le procureur parle d’un « geste maladroit lié à la confusion de la situation », c’est ce qu’on appelle de la langue de bois.
L’avocat s’interroge aussi sur le déroulement de la procédure puisque c’est « lorsque Mr le vice-procureur demande aux policiers d’aller plus loin dans l’enquête que les choses deviennent floues et s’aggravent. »
Il s’insurge que le procureur reproche aux prévenus « de ne pas avoir déposé plainte s’ils s’estiment victimes de violence policière, alors qu’il sont dans une cellule de la maison d’arrêt depuis la fin de la garde à vue ! C’est au Parquet de s’en occupe »r.
« A la seule vue de la procédure du Parquet, M. le Président, vous pouviez vous tromper. »

- Le 3 éme avocat poursuit.

Au juge : « le procureur requiert de la prison ferme...les bras m’en tombent M. le président ».
« Plutôt que de rebellion il faut parler de légitime défense : lorsqu’il n’y a jamais eu d’agression, que l’on reçoit un coup de matraque et que 5 policiers vous tombent dessus, est-ce légitime de se défendre ? Oui à condition de ne pas avoir une violence disproportionnée, et c’était le cas ».
Il rappelle que « l’institution judiciaire collabore à la vie démocratique et se doit de rappeler à l’ordre les fonctionnaires de police qui franchissent la ligne rouge. » Il dénonce au sujet des violences policières, « la chape de plomb de l’institution judiciaire, du début de la procédure jusqu’à la cour d’appel », alors que « personne n’a rien à y gagner, ni la police, ni l’institution, ni les citoyens. »
D’autre part, l’avocat note que les procès-verbaux ne valent qu’à « simple titre de renseignements » alors que les accusations reposent dessus.

Il s’interroge ensuite sur la façon dont a été menée la procédure :

« Comment expliquer que pendant l’intervention des policiers, un témoin qui tentait de prendre des photos en a été empéché par les services de police ? » et « pourquoi ces photos ne sont pas dans le dossier ? »

« Pourquoi la commision rogatoire qui a permis de récupérer certaines photos prises par un autre témoin a-t’elle été obtenue à l’initiative des accusés, et pas du parquet ? »

« Pourquoi la demande de visionner les bandes vidéos des caméras de surveillance de la rue de Créqui est à l’initiative des prévenus et que comme d’habitude dans ce cas là on leur répond qu’elles ne sont pas stockées ? »

« Quel est l’intérêt des services de police de mentir sur certains points dans les procès verbaux » notamment « celui qui affirme que Mr S. n’a jamais été gazé », alors que « j’étais commis d’office le soir de son interpellation et il n’a pas été possible de faire notre entretien sans ouvrir la porte de la cellule tellement le prévenu était imprégné de gaz lacrymogènes. »

« Pourquoi ne parle t-on pas de cela ? »

« Des mensonges dans la procédure ne sont pas soulevés par le parquet alors qu’il existe une contradiction évidente et flagrante : une description apocalyptique d’une cinquantaine d’émeutiers alors qu’il s’agissait de toute évidence d’hommes et de femmes qui discutaient au sortir d’une boite de nuit. Les témoins sont clairs, les gens étaient calmes. D’autre part il n’existe aucune description de ce qu’aurait pu être le comportement de Mr S. avant son interpellation : il n’apparait dans aucun procès verbal jusqu’au coup de matraque qu’il reçoit dans le dos. »

Enfin, « Monsieur le Président, concernant les déclarations des prévenus et des témoins, vous ne pouvez pas douter de ce qui a été dit ».

Il est 16h30 quand l’audience se termine.

Les policiers qui se sont portés partie civile n’ont pas assisté au procès, évoquant les risques de représailles et de médiatisation déformée.

  • Pour la lecture du délibéré, 4 policiers s’interposent entre le public et le tribunal.
    Le tribunal prend place : les prévenus ne sont pas reconnus coupables de rebellion mais coupables de violence à l’encontre des dépositaires de l’autorité publique. Ils sont condammés chacun à six mois de prison avec sursis et chacun à payer de lourds dédommagements de plusieurs centaines d’euros aux policiers.

Les prévenus étaient incarcérés en maison d’arrêt depuis 40 jours...

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