De la misère en milieu étudiant, comment la cacher, comment l’entretenir

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la précarité tue

En soutien aux étudiant-es mobilisé-es de Lyon 2

A. écrit : «  Passons à 32 heures de travail par semaine, pour ne plus avoir d’incertitudes vis à vis du chômage, qui conduit des centaines de personnes comme moi chaque année à ma situation, et qui meurent dans le silence le plus complet ».
La présidence affirme que : « nous ne sommes pas en mesure d’expliquer ce geste dont les causes sont évidemment multiples et nous ne pouvons généraliser ce qui relève de la singularité de chaque situation. » et elle prône une cure de soutien psychologique, en faisant d’un acte politique un cas médico-social. Elle compte beaucoup sur les assistantes sociales aussi. Actuellement il y a 4 mois d’attente pour un rendez-vous avec le service social du Crous. Pour celles et ceux qui seraient rétives ou rétifs à l’accompagnement psychosocial et qui voudraient occuper, la présidence soigne aussi avec les flics.
A. écrit : « Mon dernier souhait, c’est aussi que mes camarades continuent de lutter, pour en finir définitivement avec tout ça ».
La présidence répond : « Il nous appartient toutefois d’avoir une attention particulière à l’égard de ces militant.es, de suivre avec la plus grande attention les situations où l’action militante semble l’emporter sur le projet de formation et plus largement sur les projets personnels, les cas où des étudiant.es ne sont plus tenu.es que par ces engagements et se mettent ainsi en danger. » Car quand on a un statut d’universitaire, un bon salaire et très peu de problèmes, faire de la politique c’est avoir des idées raisonnables, y consacrer peu de temps, faire des actions militantes ludiques et citoyennes, bien partitionner sa vie entre des rôles labellisés et des conduites inoffensives et impuissantes.
Dans le monde des président-es d’université les projets personnels sont des singularités extrapolitiques et il n’y a rien de politique dans un projet de formation (c’est juste un moyen pour avoir un travail).
Mais sinon la présidence réinvente sans le savoir la détection précoce des radicalisations violentes dont rêve tant de polices et que l’agence nationale de la recherche finance à gros budget : « Tous les types de radicalisation menant à des actions violentes dans notre société sont à prendre en compte. On ne se limitera pas aux questions liées aux extrémismes religieux ; les radicalisations politiques ou les situations de désespoir pouvant mener à des actes radicaux, notamment dans le domaine de la vie professionnelle, sont aussi à prendre en compte. Par exemple : actes de sabotage de sites sensibles, suicide sur le lieu de travail entraînant des accidents graves, ... On encouragera les recherches destinées à une meilleure prévention des comportements potentiellement dangereux, ou une meilleure protection des personnes ; pour accroître la capacité des acteurs à repérer les vulnérabilités encore inconnues, les facteurs de risque non identifiés, les signaux faibles, les risques émergents  » (Programme générique ANR, composante 1, défi 9, cité sur Lundi Matin )
Il est vrai que la ministre a prévenu cette présidence, samedi 9 novembre, qu’il ne fallait pas prendre de position politique sinon il y aurait des sanctions (sources syndicales). Elle en prend quand même une le 13 novembre, microscopique : « Il est urgent que la question de la précarité soit appréhendée de manière plus globale et que, au niveau national, les acteurs de l’enseignement supérieur travaillent collectivement à sa meilleure prise en charge, avec les financements adaptés  ». Cette infime miette de protestation dit à quoi se résume l’autonomie des universités et des universitaires : tant que vous ferez ce qu’on vous dit de faire (fusionner, sélectionner, mutualiser) avec les moyens en baisse qu’on tolère de vous donner, vous pourrez rester autonome tel que nous le souhaitons nous, dans nos ministères.
Les camarades étudiant-es et militant-es d’A. veulent se retrouver et partager leur colère et leur tristesse devant le Crous mardi 12 novembre. Cette présidence écrit la veille aux étudiant-es : «  Plus que jamais, dans ces circonstances dramatiques, il est essentiel que vous soyez présent.es à l’Université pour pouvoir échanger avec vos camarades et enseignant.es. » Puis elle écrit aux enseignants : «  il est essentiel que les étudiant.es soient présent.es à l’Université et qu’ils/elles y trouvent l’accompagnement et les repères dont ils/elles ont besoin. Ainsi, les cours ne sont pas banalisés » (mais « il convient d’être indulgent.e pour les absences »)
Des étudiant-es prennent un amphi pour parler et s’organiser. On leur répond «  faites une demande  ». Vous avez des problèmes de ressources ? «  Faites une demande à l’assistante sociale ». Vous êtes en rupture familiale ? « Faites une demande au JAF au titre de l’obligation alimentaire de vos parents  ». Le drame vous a choqué ? « Faites une demande à la cellule d’appui psychologique ». Vous travaillez pour survivre ? « Faites une demande de D.A ». Quoi qu’il arrive, restez dans la position du demandeur qui attend aide et compréhension de celles et ceux qui disent savoir et décident pour vous, exercez petitement les droits qui vous ont été accordés et qui pourraient vous être repris un jour, sans jamais aller au-delà.
Avant de s’immoler, A. parlait de montée des inégalités économiques causées par le libéralisme et de fascisme rampant comme exutoires aux peurs que produit la concurrence de tous avec tous. Les médias traduisent en termes de pauvreté ou de précarité étudiante, comme si elles venaient de nulle part et n’étaient causées par rien ni personne.
Quand dans les ministères certains feignent de s’émouvoir sur la précarité des jeunes, ils oublient de dire qu’ils n’ont revalorisé les bourses que de 1,1% en 3 ans, qu’ils ont supprimé le maintien de bourse pendant 4 mois après l’obtention du diplôme (l’ARPE), que d’autres avant eux n’ont jamais mis en place les onzièmes et douzièmes mois de bourses qu’ils avaient promis, que d’autres ont supprimé la prime de précarité de 10% pour les CDD assurés par des étudiant-es pendant leurs vacances, que d’autres encore avant eux ont supprimé en 1992 l’Allocation d’Insertion dont bénéficiaient les jeunes chômeurs ou chômeuses n’ayant pas assez cotisé aux Assédic. La précarité que les responsables politiques font semblant de découvrir, ils l’ont voulue et organisée.
Quand un militant est tué, ils disent que « mourir pour ses idées, c’est stupide » (le président du conseil départemental du Tarn, après la mort de Rémi Fraisse). Si un militant de Solidaire étudiant-es se suicide, cela ne leurs va pas non plus, deux ministres de l’actuel gouvernement ont déclaré : «  se suicider n’est pas un acte politique » parce que cette classe politique en place veut le monopole du politique et continuer à imposer sa politique.
Quand ces ministres disent que mourir pour ses idées est stupide, c’est dans l’autre sens qu’il faut l’entendre : «  nous voudrions que vous viviez sans la moindre idée  », nous vous voulons opportunistes et sans illusion comme nous, mais impuissants par ailleurs ; et tous les discours sécuritaires de leurs clones sortis du même moule à gaufres (Sc Po Paris, ENA, etc.), toutes leurs réformes éducatives ou culturelles, visent à cela.
Nos gouvernants prétendent qu’il n’y a pas vraiment de problèmes et qu’ils ont les solutions pour les étudiants ; mais bizarrement, ni maintenant, ni plus tard, aucun d’entre eux ne voudrait être à la place d’un-e étudiant-e, ni vivre la condition étudiante, ni laisser sa progéniture aller dans une université de masse et dans une filière peu sélective. Et vous vous doutez bien qu’ils veulent encore moins laisser leur place dont ils profitent bien à des étudiant-es de ces universités de masse.
Il n’y a rien à attendre de cette présidence, de ce ministère et de cette majorité au pouvoir. Et rien à céder sur les revendications des étudiant-es mobilisés de Lyon 2 et du syndicat étudiant d’A..

Des enseignant-es chercheur-es de cette université.

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