Des nouvelles d’un des interpellés de la manifestation du 27 avril

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Mardi 2 mai : A. passe en jugement pour des « dégradations ». Il lui est reproché d’avoir dégradé la fresque des Lyonnais (quai Saint Vincent), l’école Robert Doisneau (rue Sergent Blandan) et le poste de police municipale des pentes de la Croix-Rousse (rue des Cappucins) pendant la manifestation « Ni Marine ni Macron ». Il s’est fait choppé en flag’. Il a été extrait de la maison d’arrêt de Corbas pour son passage en comparution immédiate. Comme il a peur de repartir en détention s’il demande un délai pour mieux préparer sa défense (il n’a pas eu le temps de s’entretenir avec son avocat), il accepte d’être jugé immédiatement.

La juge commence par annoncer fièrement (elle fait ça pour chaque prévenu de cette après-midi) qu’il est jugé « au nom du peuple français ». Ensuite elle rentre dans le vif du sujet et revient sur le "contexte". Selon la juge, la manif n’était pas déclarée donc illégale et principalement composée de militants d’extrème-gauche. A. s’est fait attrapé en flagrant délit (il écrivait sur un mur à la bombe de peinture). Elle fait bien remarquer qu’il a fait une faute d’orthographe dans un de ses tags.

La juge : "Pourquoi vous en prendre à cette fresque qui représente l’histoire de Lyon, des valeurs humanistes ?"
A. : "J’ai été entrainé par la manifestation. Mon coeur souffre parce qu’avec la politique qui va arriver, nous les SDF, on va souffrir de plus en plus."
La juge : "(En le coupant) Donc on fait n’importe quoi."
A. : "On essaie de s’exprimer. Les hommes politiques, on leur dit jamais rien. Nous les SDF, dès qu’on fait une bêtise, on part en prison [il a déjà fait une garde-à-vue de 48h + quatre jours de préventive à la prison de Corbas].

Les photos et l’exploitation de la vidéo-surveillance sont assez "parlantes" (son blouson en cuir et sa casquette sont facilement reconnaissables et ont permis aux flics de facilement l’arrêter). A. reconnait pour la vitre du commissariat. Puis pour l’école et la fresque (avec une même bombe orange) mais pas pour tous les autres tags de la même couleur.

A. : "Y’avait 200 personnes qui avaient peur pour l’avenir de la France. Y’a d’autres moyens à réfléchir. J’ai suivi la voie (la voix ?) de mon grand-père qui était résistant."
La juge : "On ne fait pas de politique ici. Puis il y avait des résistants sur la fresque que vous avez taggué."

Le préjudice est de 500 euros pour la société à qui appartient la fresque (ou en tout cas qui s’en occupe). 244 euros pour le tag sur l’école. Le tribunal ignore le coût de remplacement de la vitre du comico car la municipalité de Lyon n’a pas fourni d’estimations pour les dégâts.

La juge : "Qu’est-ce qui justifie que vous participiez à cette manifestation ? À part vos idées ?"
A. : " Ben quand on va dans une manif, c’est pour défendre ses idées justement."
Quelques rires dans la salle, la juge s’énerve que l’assistance ait senti la bêtise de sa question.

La procureur prend la parole. Beaucoup de blabla pour pas dire grand chose, comme toujours dans un tribunal. En substance : il existe un droit de manifester, mais il faut s’arrêter avant de comettre des infractions pénales. Le comportement d’A. est asocial parce qu’il va à l’encontre du contrat social. 3 mois aménageables en TIG (Travaux d’intérêt général) requis (je suis pas resté jusqu’au verdict mais son avocate pensait que A. allait être remis en liberté à l’issu du procès).

Son avocate prend la parole pour le défendre. Elle joue sur le fait qu’il ne se rendait pas compte qu’il faisait quelque chose d’illégal en se rendant à cette manifestation. À un moment, elle affirme qu’elle a un sentiment de malaise, quelque chose qu’on éprouverait tous par rapport à ces présidentielles. Mais elle s’arrête vite "je ne vais pas faire de politique". Elle finit en s’indignant que seul A. soit poursuivi alors que d’autres gens taggaient, ce qui n’est donc, selon elle, pas juste... Elle finit en disant que la liberté d’expression a été mal employée. Ben voyons.

Après autant d’inepties et de contre-vérités, on peut légitimement se demander dans quel monde vivent cette magistrature et ces avocats. Un monde où tout semble se dire dans le langage du droit, qui réduit des existences à des séries de condamnations passées et qui jouit de son pouvoir sur les gens qui passent entre ses griffes.

Que dire en ressortant de ce genre de procès ? Que dire après une après-midi entière passée dans la salle des comparutions immédiates à devoir écouter sans broncher cette avalanche de bêtises, de platitudes et de mépris envers les accusés ? Que dire, si ce n’est « justice nique sa mère ».

P.-S.

Pour des infos et du soutien sur les interpellations pendant les mouvements de rue sur Lyon : caissedesolidarite@riseup.net - 06.43.08.50.32

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  • Le 7 mai 2017 à 19:20, par Sophie p.

    « on peut légitimement se demander dans quel monde vivent cette magistrature et ces avocats. Un monde où tout semble se dire dans le langage du droit, qui réduit des existences à des séries de condamnations passées et qui jouit de son pouvoir sur les gens qui passent entre ses griffes. »

    C’est assez bien résumé en effet...

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