« Ni Marine, ni Macron ». Première manif de l’entre-deux tours réussie

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Manif 2 compléments

Récit de la manifestaiton lyonnaise du 27 avril contre les présidentielles, par des manifestants.

#Onvautmieuxqueça. Le haschtag du mouvement contre la loi Travail est de retour. Le mot d’ordre numérique est réactivé via une page Facebook. L’origine de l’appel est assez flou : des mélenchonistes énervés par le premier tour ? Le parti des abstentionnistes ulcéré de ne pas être au second ? Des déçus de la gauche qui sentent bien que la politique et les élections ne sont qu’une vaste arnaque ? En tout cas, une chose est sûre, cet appel sorti de nul part est arrivé à réunir plusieurs centaines de personnes dans les rues lyonnaises (et plusieurs milliers en France), là où dimanche dernier peu de monde était sorti à l’annonce des résultats.

#Onvautmieuxqueça. Un mot d’ordre radical dans ce qu’il pose. On vaut mieux que le « choix » entre un banquier au sourire de requin et une vieille bourge d’extrême-droite. Ce n’est pas de cette alternative dont on rêve.
Radical aussi dans ce qu’il invite à faire : ne pas se soumettre au chantage démocratique : votez dimanche prochain pour éviter la catastrophe (le FN aux affaires), c’est ne pas voir que Macron aux affaires, c’est la poursuite de la catastrophe. Il est toujours risqué de sur-valoriser la question du vote. Au fond, voter ou ne pas voter, et faire de cela un « acte politique fort », c’est assez absurde. Les actes politiques sont ce qui font une brèche dans le cours des choses. Là, les présidentielles correspondent simplement au renouvellement de l’adhésion de la population à l’appareil de gouvernement. Ceux qui s’enflamment en ce moment sur les réseaux sociaux contre les abstentionnistes et contre le mot d’ordre « ni Macron, ni Lepen » sont bien gentils. Mais au soir du 7 mai, ils iront bien gentiment se replonger dans leur coma politique pendant les cinq prochaines années.

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#Onvautmieuxqueça, un mot d’ordre suivi d’effets. À Paris, une vingtaine d’établissement scolaires bloqués et un millier de lycéens énervés qui défilent entre République et Bastille. Défilés à Nantes, Rouen, Toulouse, Dijon. À Rennes où un policier en moto n’hésite pas à sortir son arme à feu pour faire reculer une partie du cortège.

Rassemblement, 18h, Hôtel de ville

La place des Terreaux. Le lieu de rendez-vous de tous les mouvements spontanés : des émeutes suite à l’élection de Sarkozy en 2007 jusqu’à la manif contre le 49.3 de Manuel Valls l’an dernier, c’est depuis cet endroit que se forment naturellement les rassemblements contestataires. Ce jeudi, pas mal de gens ont répondu à l’appel des réseaux sociaux. Pas mal de flics également. Il se sont postés à toutes les entrées de la place. La foule se chauffe avec des slogans repris en coeur « Siamo tutti antifascisti », « Lyon debout soulève-toi ». L’esprit qui regne n’est pas celui des manifs d’avril 2002 contre Jean-Marie Lepen. Les mots d’ordre sont différents. Ce ne sont plus seulement le FN et le fascisme qui sont dénoncés mais le résultat de l’élection lui-même, la situation dans laquelle il nous plonge. Comme le disait un tag de ces derniers jours : « Si Macron 2017, Lepen 2022 ».

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Après avoir gueulé une heure des slogans anticapitalistes et anti-FN, décision est prise de partir en manifestation. Une banderole prend l’initiative et tout le monde embraye rapidement. C’est parti dans les pentes de la Croix-Rousse.
La manif est bien péchue. Ça monte jusque rue des Cappucins. Ça graffe un peu, le commissariat de police municipale se fait une fois de plus victimiser. Puis ça discute à l’avant du cortège de ce qu’on fait, où il est plus judicieux d’aller. Continuez sur les pentes ou aller au Vieux Lyon ? Manifestement c’est la deuxième option qui l’emporte puisque le cortège commence à descendre et à rejoindre les quais de Saône.

Un premier cordon policier bloque la passerelle St-Vincent. Dans le même temps, une autre ligne de flics vient à notre rencontre. Les flics sont décidés à casser la manif. Sans attendre de se faire caillasser, la police lance les affrontements. L’avant du cortège commence à se faire noyer sous les gaz. Mais les manifestants se tiennent plutôt bien, ne reculent pas et renvoient mêmes les palets de lacrymogène.
Le gros de la manif finit par repartir en sens inverse pour chercher un autre passage. Les « affrontements » continuent sur le parcours (en fait essentiellement les flics qui nous canardent avec du gaz lacrymogène).

Constatant que la manif continue de se tenir, les forces de l’ordre changent de tactique et passent à la vitesse supérieure pour désagréger le cortège. Place Tobie Rabatel et rue Lanterne, ils se mettent à charger dans le dos de la manif. Ce qui provoque un gros mouvement de foule. Des gens courent dans tous les sens. Pas mal de manifestants partent à ce moment-là. On se regroupe place des Terreaux tant bien que mal. Deux cortèges se séparent : un groupe part en direction de la Croix-Rousse [1]. L’autre partie de la manif se reforme rapidement et s’engouffre rue Edouard Herriot.

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Deuxième mi-temps

Arrivés, au niveau du Monoprix de Cordeliers, on croise des fafs casqués en train de differ des tracts. Tout en prenant le soin de bien reculer rue de la Ré, les fafs provoquent et nous incitent à venir à leur rencontre. D’un coté des bacqueux sont positionnés derrière les fafs, attendant qu’une baston commence pour foncer dans le tas et interpeller. De l’autre, les flics arrivent en nombre dans notre dos, rue de Grenette. La scène semble avoir été pensé de concert. Des gens sont à deux doigts d’aller se tapper avec eux, mais le piège est trop gros. Après l’attaque de Mazagran il y a quelques jours par une vingtaines de fafs, dans un quartier pourtant quadrillé par les flics difficile de ne pas parler d’alliance - en tout cas de grandes complaisances - entre flics et fafs.

La manif repart donc. On se tient toujours bien, en s’attendant quand il faut tout en marchant vite pour distancer les robocops à nos trousses. On traverse le pont Lafayette en courant tous ensemble pour ne pas se faire bloquer. Quai Victor Augagneur de gros plots de chantier sont balancés sur la route pour créer des bouchons et ralentir l’avancée des flics. On passe devant la préfecture défendue par… 0 flic. Mais sans bidon d’essence ni bélier, la fin de manif préfère s’évanouir à ce moment-là, alors qu’au loin le concert des sirènes se rapproche.

Ce qui nous a semblé important dans cette journée et ce à quoi il faut donc tenir pour la suite :

1) Le mot d’ordre « On vaut mieux que ça » est, à bien y regarder, est une remise en cause salutaire de la politique et des présidentielles. La crainte pour ce genre de mouvement est de se faire rappeller à l’ordre, de se faire récupérer bêtement par tous les politiciens en herbe qui rodent autour. Aller voter le 7 mai n’est pas une perspective, c’est une rédition. Arrêter de sortir dans la rue pour « ne pas faire le jeu du Front National » est une morale d’apeurés. À ça, nous devons répondre : « nous n’avons aucun espoir dans la politique, nous n’avons rien à voir avec vos élections, et nous n’en sommes certainement pas solidaires ».

2) La manifestation a mis en œuvre une certaine intelligence collective, une intelligence de la rue. Elle s’est bien tenue et bien regroupée malgré le harcèlement policier. Il ne tient qu’à nous d’être plus organisés pour les prochaines. Le but poursuivie par les flics étant de nous disperser le plus rapidement possible, l’enjeu pour nous est de faire durer la manif le plus longtemps possible, de se laisser le temps d’agréger le plus de gens possible et même en cas de dispersion, parfois inévitable, d’arriver à se retrouver (en faisant tourner systématiquement des points de rencards pour pouvoir se compter, parfois repartir). Medic team, banderolles renforcées, matériel défensif contre le gaz et les flash-balls, des gens observant les mouvement policiers et qui restituent les infos en temps réel aux manifestants. C’est en multipliant ces initiatives qu’on pourra retenter ce qu’on a fait ce jeudi 27 avril et continuer notre entreprise de bordélisation de ce pays.

Des manifestants refaits de cette journée

Notes

[1Les différents groupes se font courser par les flics et se dispersent un peu après.

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  • Le 30 avril 2017 à 18:20, par

    Dîtes, ce serait bien d’appeler Marine Le Pen « Marine Le Pen » ou juste « Le Pen » mais pas Marine. Ca participe :
    - 1. Du sexisme en politique (on appelle pas Emmanuel Macron « Emmanuel »).
    - 2. De sa stratégie de gommage de l’image du FN et de la famille Le Pen pour apparaître fréquentable alors que la ligne reste bien fasciste (cf. ses affiches : sans son nom de famille, sans le nom FN, sans le logo du parti...)

    Ce commentaire est valable pour le titre de cet article comme pour nos slogans de manif. J’espère que demain on scandera « Ni Le Pen, ni Marcon » et no « Ni Marine, ni Macron ».

    Merci !

  • Le 29 avril 2017 à 22:39, par caissedesolidarite

    Selon la presse, 7 personnes se sont fait arrêtées ce jeudi 27 avril. Il y aura sans doutes des comparutions immédiates, le mardi 2 mai (14h), au tribunal correctionnel (67 Rue Servient, 69003).

    Il existe une Caisse de solidarité, sur Lyon, qui soutient les interpellés pendants les mouvements de rue. Les proches des interpellés peuvent prendre contact avec la caisse au 06.43.08.50.32

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