Plusieurs semaines plus tard, alors que le climat est de plus en plus tendu suite à de nouvelles agressions dont une particulièrement grave, et que le groupe Lyon Dissident s’apprête à faire passer en concert un groupe nazi, une manifestation était appelée par le collectif69 de vigilance contre ce foyer de violence.
C’est facile, et on s’y attendait : plutôt que de prendre l’ampleur du problème et de la mobilisation Le Progrès nous pond d’un titre sans équivoque,
Le contenu de l’article est du même tonneau, peu importe pour le quotidien que la mobilisation soit bien plus large que ladite "gauche extrême", et qu’elle ait été appelée de la Ligue des Droits de l’Homme aux anars en passant par Attac.
Renvoyer dos à dos extrême-gauche et extrême-droite, c’est la dialectique depuis longtemps déployée par les fafs de tous bords pour minimiser les crimes nazis et fascistes, en caricaturant ce qu’ils croient -a tort- être nos références : parler de Staline quand on évoque Hitler, mentionner Pol Pot pour Franco, et Mao pour les ratonnades et crimes d’extrême droite, etc. [1]
Cette stratégie semble avoir marqué une certaine presse, et donner depuis quelques temps le ton de beaucoup d’articles sur l’extrême-droite radicale : malgré les agressions les plus violentes, malgré les déclarations les plus racistes, malgré les preuves toujours plus détaillées de l’émergence sur Lyon d’une scène d’extrême-droite radicale et inquiétante pour toute la ville, toute personne ou groupe qui s’oppose aux identitaires ou aux néo-nazis se voit renvoyée dans les cordes par le cliché particulièrement éculé et mensonger des extrêmes qui s’opposent.
La misère de la presse aujourd’hui, c’est aussi, au-delà des raccourcis neutralisants (et insultants) une incapacité à mener ses propres enquêtes. Le papier du Progrès du 24 février "La gauche extrême en force contre la montée de l’extrême droite radicale" en est aujourd’hui une nouvelle preuve.
Alors que Le Progrès était en possession [2] depuis plusieurs semaines d’un dossier détaillé (et neutre politiquement pour le coup) sur la salle néo-nazie du Bunker Korps, en plein quartier populaire du 7e arrondissement [3], c’est le conditionnel le plus prudent qui classe l’affaire : finalement, on ne sait pas grand chose, on interroge vite fait des nazis de Lyon Dissident qui démentent forcément sans être contredits.
Pire, l’interview de Lyon Dissident se transforme en tribune pour se dédouaner, comme en témoigne le titre du gros encart : « Oui nous sommes nationalistes et alors ? » [4] Le Progrès n’aura apparemment pas pensé à porter la contradiction comme dans une interview classique, reprenant texto la déclaration du porte-parole, et imprimant noir sur blanc « Ils utilisent le mot nazi à toutes les sauces, nous n’avons pas de liens avec ces gens-là » quand vidéos, photos et groupes invités prouvent mille fois le contraire.
Finalement, toute cette affaire ne se résumerait-elle pas à des "fantasmes" de "gauche extrême" ? C’est au final l’impression que ces articles donnent. Car un article réussi ne comporte pas de conditionnel, il affirme.
L’internationale néo-nazie est en pleine forme, comme en témoignent nombre de meurtres en Europe de l’Est par exemple. Les "identitaires" développent sans souci le discours le plus raciste qu’il ait été entendu depuis des décennies derrière un relooking qui ne devrait tromper personne, quand il ne s’agit pas carrément d’appeler à la croisade anti-musulman ou à la guerre civile. Les nombreuses agressions violentes dont "l’extrême-gauche" lyonnaise a été la cible ces derniers mois ne sont pas un hasard : c’est le premier signe d’une offensive contre tous ceux et celles qui défendent aujourd’hui l’interculturalisme, un pays métissé contre un gouvernement qui a fait de la xénophobie son principal programme. Mais demain, comme en Europe de l’Est, ce sera au tour des journalistes qui font leur travail d’être la cible des nazis.
Non contents de reprendre (involontairement certainement) l’argumentaire de base d’extrême-droite, Le Progrès laisse sur son site la porte ouverte aux commentaires qui défendent les néo-nazis, qui n’ont plus qu’à développer le fond de l’article : il ne s’agit que d’une affaire entre extrême-gauche et extrême-droite, et il faut tolérer les nazis au nom de la démocratie. Circulez, il n’y a rien à voir ! Au moins, les faits divers sordides qui découleront logiquement de l’installation de cette salle de concert rempliront les colonnes de notre quotidien local, c’est son fond de commerce, pas l’analyse semble-t-il, ni l’investigation. Une stratégie pour le moins risquée !
Les lecteurs et lectrices de ce journal ne méritent-ils pas d’être informé-e-s ? Et les riverains d’être au courant de ce qui se trame dans cette impasse ? En tout cas dans cette affaire ce qui est vrai n’est pas dans Le Progrès.
Pour vous faire votre propre opinion, revue de presse sur l’évènement :
Avant le rassemblement :
Le Progrès
20 minutes
Radio Scoop
lyon Mag
Lyon Capitale
Après le rassemblement :
Le Progrès
Lyon Capitale
Lyon Mag
20 minutes
Radio Scoop
France 3 : voir le 19h-20h du 23/02/2011
TLM
La presse lyonnaise nous avait déjà habitué à de l’information de grande qualité (sic), sur le sujet :
Agressions d’extrême-droite : Lyon Cap’ ment, invente et torture les faits (rebellyon.info)
Quant au Progrès, il avait été épinglé pour son traitement du mouvement social d’octobre par Acrimed : Prouesses de la presse locale : « Casseurs » de Lyon et diversion sécuritaire.
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