Entretien avec le personnel soignant du Vinatier.

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Mouvement sur les retraites 1 complément

Devant la permanence du local CGT, un petit groupe de 6 personnes dont le délégué du syndicat CGT nous explique leur lutte, leur environnement de travail, l’enjeu de cette réforme, tous le monde prend la parole...

MP3 - 15.1 Mo

Rebellyon : Depuis quand la mobilisation a-t-elle commencée chez vous ?

Pour nous elle a commencée le 24 Juin, mais la mobilisation avait démarrée bien avant au mois de Mai, même Avril, une mobilisation intéressante parce que plus générale.

Rebellyon : Ca a tout de suite pris chez vous ?

Oui ça a pris très rapidement. Ce que l’on regrette c’est le manque d’actions entre les grosses manifestations sur notre établissement qui n’a pas été à la hauteur. On s’est rendu compte que le piquet de grève était inutile et on l’a adapté à un rendez-vous journalier d’échanges, d’informations. On va tenté de lui redonner un coup de pêche demain avec la venue des étudiants, des collègues de la SNCF...
On s’est qu’on a un potentiel de résistance et d’appointante qui est indéniable, on sait qu’on est soutenu. On a fait une collecte ce matin ou l’on a récupéré plus de 700€, à la journée il y a à peu près 1000, 1200 salariés qui travaillent sur l’hôpital.

Rebellyon : C’est une particularité de cette lutte, ces caisses de solidarités...

(tout le monde) Ouais c’est vrai.

Des caisses de solidarités qui sont mis en place par les salariés qui sont présentés par le gouvernement comme des fouteurs de merde, des empêcheurs de tourner en rond et les gens donnent... Au péage à Vienne en 1 heure et demi, c’est 5600€ qui ont été collectés ! C’est du concret, il n’y a pas d’impopularité.

A propos d’impopularité, ça aussi, c’est les conneries de médias. Les gens nous soutienne, il y a une solidarité de la population, les médias veulent nous diviser nous isoler. On a gagné la bataille de l’opinion public, je pense.

Rebellyon : Pourquoi une telle mobilisation aussi longue ?

Je crois que nous avons gagné la bataille des idées sur le partage des richesses dans ce pays. C’est essentiel. Plus personne ne croit le patronat et le gouvernement. Y a du fric dans ce pays et l’argent ne reviens pas à la population et quand on parle de population c’est les salariés, les étudiants et les retraités.
Je crois qu’il faut joindre à cette question des retraites, la question du salaire, des allocations d’études, de l’interdiction des licenciements. Rien que pour l’année 2009, le patronat n’a pas versé 67 milliards de cotisations diverses, c’est 3 fois le trou de la sécu. C’est donc inutile de faire travailler plus longtemps les salariés. Le partage des richesses doit rediscuté dans ce pays.

Rebellyon : La pénibilité du travail en psychiatrie vous connaissez... Parlez moi de vos conditions de travail.

Dans les services c’est de plus en plus difficile. On est toujours en sous nombre, on change d’équipe souvent. Tu termines à 22H et le lendemain matin on te demande de recommencer à 6h et demi... Les patient au bout de 3 semaines, qu’il aille bien ou mal, il faut qu’il sorte pour faire tourner les lits, parce qu’on est financé comme ça sur le « turnover ».
On soigne de moins en moins bien les gens, on les renvois de plus en plus vers la précarité, parce qu’on a plus le temps de monter des projets sociaux où ils seraient mieux. « excuse moi mon grand, on a besoin de place donc tu retournes dans la rue. »
Nos médecins chefs nous demande de foutre des patients dehors. Vous amenez le patient au portail et le personnel de sécurité va le foutre à la porte. Et bien les soignant n’avaient pas cette idée en rentrant dans le service publique hospitalier. Au delà des difficultés de travail, il y a toute cette notion de flicage qui plombe le moral des gens.

Moi je veux rajouter aussi que la psychiatrie c’est un accompagnement au long court. On guérit pas d’une maladie comme la schizophrénie, par contre on a besoin beaucoup d’étayage, d’humanité. Là on est dans un système où l’on fait des piqûres pour que les gens se tiennent calme. La psychiatrie, c’est un travail d’accompagnement de quelqu’un et on ne plus le faire en France.

On détruit le suivi des patient au long court et on attend une rechute pour pouvoir ré-hospitaliser le patient et les familles attendent une rechute, ce qui donne lieu à des drames pour tout le monde. Et beaucoup de patient se retrouvent en crise à l’accueil de l’hôpital. Et les patients , ils ont vu notre mouvement avec sympathie.

Rebellyon : Ah ouais et qu’est-ce qu’ils disent ?

Ils viennent nous voir et nous soutiennent , ils voient que c’est pour leur intérêt. Ils prennent les journaux, lisent les compte rendu des manifs dans le Progrès c’est le journal qui est distribué à l’hôpital, même si c’est pas ce qu’il y a de mieux.

Rebellyon : Ils sont venus vous voir le Progrès ?

Non. Mais on peut pas dire qu’ils nous ait beaucoup aidé, au contraire ils nous ont plutôt enfoncé. Je leur fait aucune confiance. Et je regrette que c’est le seul journal qui puisse être lu par les patients.

Rires de tout le monde

Il y a d’autres journaux, parce que être élevé au lait maternelle du Progrès c’est pas ce qu’il y a de mieux quoi.

Si la psychiatrie c’est l’accompagnement, il faut arrêter ces rotations d’équipes. Quand le patient reconnaît l’équipe ça fait tomber l’angoisse,, etc... Hors là , on est en pleine flexibilité, on est juste là pour faire quelquechose de l’ordre de la tâche.
Cette question de la flexibilité, depuis la fermeture de plus de 120 lits sur l’hôpital, c’est les patients qui la subisse. Ils vont passer par 2 ou 3 autres services avant de retrouver leur équipe. Ca fait un an que c’est comme ça, qu’ils sont déstabilisés continuellement et ils nous le disent : « J’en ai marre. » « Je commence à aller mieux, boum, je rechange.... »

La question de la prévention, elle est primordiale. Il faut souvent attendre 3, 4 mois pour avoir une consultation spécialisée. La question du suivi aussi , il arrive que des patients revoient des soignant plus d’ 1 mois après être sortis de l’hôpital. Et la question des fermetures de lits. Les pouvoirs publics ne doivent plus fermés les yeux. On doit pouvoir soigner au moment opportun.
Pour que la psychiatrie soit reconnue, il faut que les professionnels répondent à un besoin du patient. Aujourd’hui on a surtout l’impression de faire du chiffre pour clôturer des comptes et des bilans annuels.

Et non à la privatisation de la santé !

Ouais deux mots aussi sur la réforme de la loi 1990... Le rôle du médecin sera amoindri par rapport au rôle du préfet dans la décision d’hospitaliser un patient. Les familles auront moins leur mot à dire par rapport à l’hospitalisation du patient.
Et puis tout l’argent de la psychiatrie est partie pour l’ouverture des UHSA et les UMB. Voilà. Il y a très peu d’argent pour les services extra-hospitaliers et la psychiatrie de secteur. Avec des gens comme Bouygues qui se frottent les mains pour la construction de nouveaux bâtiments et je souligne aussi la puissance des labos. Ils « créent » même des troubles qui n’existaient pas avant. Certains troubles de l’enfance où l’on donne maintenant des médicaments aux enfants que l’on appellent sur-actif. La parole est de moins en moins pris en compte. C’est la psychiatrie biologique qui se développe avec les labos qui poussent derrière.

Rebellyon : Qu’est-ce que ça vous inspire la retraite dans sa dimension sociale ?

La retraite par répartition, c’est un acquis de la libération, c’est basé sur la solidarité des générations...

Immédiate quoi !

C’est le principe de la solidarité qui a été acquis par des luttes très dures, c’est le produit du conseil national de la résistance, de ceux qui avait combattu le nazisme. On y est attaché.
Et puis moi, la retraite ça évoque la vie quoi. Quand on a travaillé 40 ans, et bien il est temps de penser un peu à soi et puis vivre sa vie. Je me vois pas à 67 ans me lever à 4 et demie du matin pour aller bosser. Profiter de la vie, s’occuper de sa famille, se balader à la campagne, vivre enfin. Et pas la passer à l’hôpital parce qu’on sera trop vieux.

La retraite par répartition , on la défend face aux attaques mais c’est pas le pied. L’idéal c’est que les patrons ils payent la retraite de leur salariés. C’est nous qui payons la retraite des vieux. Au début du siècle la revendication de la CGT, c’était pas la répartition, c’était que les patrons payent la retraite des vieux ouvriers.

Oui, tu as raison, c’est pas le pied. Mais par rapport à la retraite par capitalisation c’est quelquechose à défendre.

Moi la retraite ça signifie pouvoir vieillir en toute dignité. C’est d’abord ça. C’est permettre à toute les personnes qui ont beaucoup trop travaillées, parce qu’il vaudrait mieux travailler tous et travailler moins, et bien de vivre dignement et pouvoir terminer ces jours de la meilleur façon qui soit.
Le boulot, il était dur il y a 30, 40 ou 50 ans, bien sur il était dur, mais aujourd’hui il est devenue difficile psychologiquement et les gens ne le supportent plus et tentent d’y échapper parce que les conditions sont devenues complètement con. Les salariés ont l’impression d’être compté pour du beurre et pris pour du bétail... C’est à dire on compte pas.... on est des bêtes à production. La retraite ça fait partie de la vie. Si on avait des meilleurs conditions de travail, eh bien la vieillesse elle suivra le même chemin. Comme on a des conditions de travail qui sont dramatique et bien ils vont nous faire une retraite dramatique.
Sur l’hôpital, il faut le dire, il y a une infirmière qui est venue travailler en intérim, elle avait plus de 70 ans. C’est ce qu’on veut pour demain, qu’il y en ait des dizaines dans cette situation...

Rebellyon : Et là, la jeunesse ?

Ben je vais te faire la redite des copains. Moi la retraite, c’est vivre, vivre ma vie, pouvoir échapper au salariat. C’est dire « maintenant, j’arrête ». Et ça doit passer part une vraie répartition du travail. Alors oui, il y a une personne âgée qui est venue bosser mais ça veut dire des chômeurs en plus et ça va devenir un vrai cercle vicieux, et moi je vois pas ma vie dans une société comme ça. Je me vois travailler le moins possible, de gagner le plus possible et le moment où arrivera ma retraite, ne plus rien foutre.

Moi je suis pas spécialement pour le salariat. Je suis pas contre le travail, mais je suis pas à donf pour travailler jusqu’à 70 balais. Il me semble que l’on est socialement assez nombreux pour pouvoir travailler chacun, prendre du plaisir au travail que l’on fait. Et je rejoint bien là mes collègues, je me verrai bien bosser 30 heures par semaines et partir en retraites relativement tôt. Et continuer à vivre ma vie, mais aussi à lutter et à réfléchir à la société quoi.

C’ était le débat premier de nos aïeux. Le modernisme, les nouvelles technologies, ça devait soulager l’homme du travail, et aujourd’hui c’est le contraire, on marche à l’envers.

Rebellyon : Quelque chose à rajouter ?

Vive la lutte !

Moi je revendique le droit à la paresse.

Ouais !

Et puis une dernière mis au point avec le CNR tout à l’heure, c’est loin d’être le pied. Je défends pas les positions du CNR. C’ est mieux que la retraite par capitalisation, mais le mieux ce serait que ce soit les patrons qui payent la retraite des ouvriers et le mieux ce serait qu’on bosse plus du tout !

Ouais !

On arrête tout.

Mardi 26 octobre 2010, hôpital du Vinatier.

MP3 - 23.7 Mo

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  • Le 27 octobre 2010 à 15:59, par Mat

    A Lyon Sud, les infirmier-e-s des urgences sont en grève depuis début Juillet contre la suppression des primes de nuit et d’urgence, mais tout le monde s’en fout puisqu’elles sont réquisitionnées tous les jours... Aucune visibilité donc à part une banderole à l’entrée de l’hôpital ! Et je ne parle pas des conditions de travail, de la précarisation des contrats (malgré le manque de personnel), et des heures sup’...

    (sinon attention aux fautes d’orthographe svp...)

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