Grippe aviaire : « C’est tellement facile d’accuser les oiseaux sauvages ! »

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Cette phrase de J. Lubroth, de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture) n’est pas innocente. Pourquoi ne pas parler des vrais causes de l’épizootie et des dangers de l’industrie avicole ?

Cela fait déjà plusieurs semaines que les médias préparent le terrain. La grippe aviaire a fait route vers nos régions depuis le début de l’année 2006, mais on nous explique bien qu’ « on n’y peut pas grand chose ! »
À croire que l’idéal serait d’avoir aussi des douanes pour contrôler l’immigration des oiseaux !
On nous avait mis en garde et ce qui devait arriver arriva. Un élevage de dindes de l’Ain a souffert de la promiscuité de quelques oiseaux sauvages infectés.

On blâme les oiseaux migrateurs, mais ils sont plus victimes que vecteurs de l’épizootie.

Derrière tout ce que nous racontent les médias, on trouve quelques rapports scientifiques et discussions d’experts sur internet, aux intérêts plus éthiques qu’économiques. Ils nous alertent sur les dangers des méthodes employées par l’industrie avicole dans le monde entier. Un premier article publié dans la revue scientifique « Nature » [1], et il y a quelques jours, le rapport fourni par l’ONG GRAIN dévoilent ce que de plus en plus d’experts s’accordent à dénoncer :

On ne peut pas nier la responsabilité de l’industrie avicole et des échanges commerciaux internationaux (légaux et illégaux)

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dans la propagation du virus H5N1 au sein d’élevages en Inde, au Nigéria, en Egypte, en Turquie ou ailleurs. Ce sont des batteries de milliers, parfois de millions de volailles confinées qui ont permis le développement des virus, leurs mutations, puis leur propagation, via les grands axes commerciaux, à travers le monde.

Évidemment, le monde libéral ne va pas accuser ses propres méthodes. On dissimule donc les industries infectées le plus longtemps possible, on leur ôte toute culpabilité et on encourage le consommateur à continuer de faire tourner la machine...sans résoudre le problème à sa source !

Bonne lecture !

COMMUNIQUÉ DE PRESSE [2] de l’ONG GRAIN [3] le 2 mars 2006 -
Pour diffusion immédiate

Un rapport de GRAIN établit que l’industrie avicole mondiale est à l’origine de la crise de la grippe aviaire.

Les petits élevages avicoles et les oiseaux sauvages sont injustement rendus responsables de la grippe aviaire qui affecte actuellement plusieurs parties du monde. Un nouveau rapport de GRAIN montre comment l’industrie avicole multinationale est à l’origine du problème et devrait être au centre des actions menées pour maîtriser le virus.

L’expansion de la production avicole industrielle et des réseaux commerciaux ont créé les conditions idéales à l’apparition et à la transmission de virus mortels comme la souche H5N1 de la grippe aviaire. Une fois qu’ils ont pénétré dans les élevages industriels surpeuplés, les virus peuvent rapidement devenir mortels et se développer. L’air vicié par la charge virale est transporté sur des kilomètres à partir des fermes infectées, pendant que les réseaux d’échanges commerciaux intégrés répandent la maladie par les nombreux transports d’oiseaux vivants, de poussins d’un jour, de viande, de plumes, d’œufs à couver, d’œufs, de fumier de volaille et d’alimentation animale [4].

« Tout le monde se focalise sur les oiseaux migrateurs et les poulets de basse-cour comme étant le problème, » indique Devlin Kuyek de GRAIN. « Mais ils ne sont pas les vecteurs effectifs de la forme fortement pathogène de la grippe aviaire. Le virus les tue, mais il est peu probable que ce soit eux qui le propagent. »

Par exemple, en Malaisie, le taux de mortalité par le H5N1 chez les poulets des villages est seulement de 5%, indiquant que le virus a du mal à se propager dans les petits élevages de poulets. Les manifestations de H5N1 au Laos, qui est entouré par des pays infectés, se sont seulement produites dans quelques fermes industrielles du pays, qui sont fournies par des établissements d’incubation Thai. Les seuls cas de grippe aviaire dans la volaille de basse-cour, qui couvre plus de 90% de la production du Laos, se sont produits à côté des fermes industrielles.

Les gouvernements des pays de l’Union Européenne ont répondu à la découverte des cygnes, des oies et des canards morts infectés avec des mesures sévères obligeant à l’enfermement des volailles. Maintenant, ils sont bien embêtés car la première et seule manifestation significative de contamination de volaille domestique s’est déclarée dans un gros élevage industriel de dindes en France, où les 11 000 volatiles étaient confinés, totalement séparés des oiseaux sauvages.

« Il apparaît de plus en plus évident, comme on l’a vu aux Pays-Bas en 2003, au Japon en 2004, en Egypte en 2006, que la grippe aviaire mortelle se déclare dans les grosses fermes industrielles et qu’ensuite elle se propage, » explique Kuyek.

Le cas de contamination nigérienne qui s’est déclaré au début de l’année a commencé par une seule ferme industrielle, appartenant à un membre du Conseil des Ministres, éloignée des axes principaux de déplacements des oiseaux migrateurs mais elle était connue pour importer des oeufs à couver hors réglementation. En Inde, les autorités locales indiquent que le virus H5N1 est apparu et s’est répandu à partir d’une ferme industrielle appartenant à la plus grande compagnie avicole du pays, les couvoirs Venkateshwara.

La question cruciale est de savoir pourquoi les gouvernements et les agences internationales, comme l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), ne font rien pour enquêter sur la manière dont les fermes industrielles et leurs sous-produits, tels que l’alimentation animale et le fumier, propagent le virus. Au lieu de cela, ils se servent de la crise comme une occasion d’industrialiser davantage le secteur avicole. Les initiatives se multiplient pour interdire la volaille en plein air, pour évincer les petits producteurs et pour réapprovisionner les fermes avec des poulets génétiquement modifiés. Le réseau de complicités avec une industrie prise dans une série de dénis et de dissimulations semble total.

« Les agriculteurs perdent leurs moyens d’existence, les poulets locaux sont éliminés et quelques experts déclarent que nous sommes à l’aube d’une épidémie humaine qui pourrait tuer des millions de personnes, » conclut Kuyek. « Quand les gouvernements réaliseront-ils que pour protéger la volaille et les personnes contre la grippe aviaire, ils doivent les protéger contre l’industrie avicole mondiale ? »

Notes

[1Avian flu : c’est le nom anglais de la grippe aviaire qui vous permettra de faire des recherches.

[2Le rapport entier, « Qui est le dindon de la farce ? Le rôle central de l’industrie avicole dans la crise de la grippe aviaire », est disponible sur le site
de Grain.org.

[3GRAIN est une organisation non gouvernementale internationale (ONG) dont le but est de promouvoir la gestion et l’utilisation durables de la biodiversité agricole fondées sur le contrôle exercé par les populations sur les ressources génétiques et les connaissances locales.
Contact : Devlin Kuyek, GRAIN, à Montréal, Tél : +1 514 2737314, mél : devlin(at)grain.org
Site web : grain.org.

[4La fiente de poulet et la litière des sols des élevages industriels de volaille sont des ingrédients courants de l’alimentation animale.

  • Le 6 avril 2006 à 10:30

    comment manifester utilement auprsè des autorités politiques et économiques contre les élévages industriels confinés source de contamination ?

  • Le 13 mars 2006 à 07:03, par ferker

    Nan, il n’est pas curieux que Rebellyon ne se soit pas penché sur cette question plus tôt : il est dommage que personne n’ait proposé plus tôt un article sur le sujet. À Rebellyon, les modères se contentent d’accepter ou non de mettre en ligne la prose (ou les vers) qui sont proposé-es :-))

  • Le 12 mars 2006 à 10:58, par ab

    Super cet article.
    Il est curieux que Rebellyon ne se soit pas penché sur cette question plus tôt. M’enfin voilà qui est fait et faisons le savoir, les oiseaux migrateurs sont les dindons de la farce.
    D’autres éléments en français sur le site d’info alternatif du Pays d’Arles,
    journarles

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