Né en 1936, il fut assassiné sans sommation (sujet polémique) le 2 novembre 1979, Porte de Clignancourt à Paris par des policiers de la brigade Anti-Gang, dirigée alors par le Commissaire Robert Broussard (fondateur du R.A.I.D en 1984).
Les médias officiels ont dans le passé beaucoup parlé de Mesrine sans jamais lui donner réellement la parole. Ces mêmes journalistes ont sorti un nombre incalculable de fois ses paroles hors de leur contexte.
Présenté à l’époque comme un tueur, un voyou ou encore un mégalomane désirant faire parler de lui, nous allons retranscrire dans le présent article, plusieurs citations extraites de K7 audio enregistrées par Jacques Mesrine à différentes périodes de sa vie ainsi que quelques bribes d’interviews de personnes l’ayant côtoyé.
Ses enregistrements nous dévoilent une facette de lui plutôt méconnue et mise de coté par la presse audiovisuelle.
*un tag dans les rues de Rennes
Comme il aimait à le rappeler, Mesrine n’a jamais été un ennemi public, pour la bonne et simple raison qu’il ne s’en ait jamais pris au public, mais aux banques, à certains dirigeants de l’administration pénitentiaire, aux policiers ou gardes forestiers qui tentaient de l’abattre et pour reprendre ses mots, à ses ennemis du milieu. Milieu du banditisme sur lequel il a plusieurs fois exprimé son désaccord, voire son dégout.
Ses critiques et points de vue sur le monde carcéral sont d’ailleurs toujours d’actualité.
Mesrine est aussi celui qui a réussi à faire connaitre au grand public de France, les conditions de détentions dans les prisons et a demandé la fermeture des Quartiers de Haute Sécurité.
Sabrina Mesrine témoigne de l’attitude de Broussard qui célébrait la mort de son père vidéo ici :
« Il y avait les inspecteurs Broussard et Aimé Blanc, j’ai demandé à voir mon père, ils ont refusé. Ils m’ont emmené au Quai des Orfèvre, ils m’ont laissé dans une pièce pendant 2, 3 heures où je suis resté toute seule. Dans une autre pièce il y avait vraiment du bruit, donc Broussard est arrivé avec les autres inspecteurs, ils ont commencé à boire le champagne. Broussard a ouvert la porte de la pièce où j’étais, m’a proposé une coupe de champagne et cette coupe il se l’est mangé dans la figure et je l’ai traité d’assassin ».
— et comment a-t-il réagi ?
— il a rigolé, il s’est marré."
Ci-dessous, deux photos prises lors de l’attroupement autour du cadavre de J. Mesrine :
*Broussard savoure l’instant tant attendu, la mort de celui qui l’avait fait tourner en bourrique pendant des mois.
Citation de Roland Agret :
« A l’époque où Mesrine était en QHS, je menais, avec d’autres personnes du comité d’action des prisonniers (C.A.P), des actions contre ces fameux QHS. J’avais d’ailleurs eu des rapports épistolaires avec Jacques Mesrine à propos de la prison [...] J’ai bien connu la compagne de Jacques Mesrine [...] Sylvia Jeanjaquot m’a raconté que l’immeuble était cerné de flics en civil et qu’ils auraient pu arrêter Mesrine au moins à deux reprises alors qu’il faisait des aller-retour à son véhicule, les bras chargés de carton. En fait, ils lui ont tendu un guet-apens. Ce qui m’avait le plus choqué à l’époque, c’était de voir les images des policiers en train de boire le champagne sur le capot de la BMW de Mesrine. Ça montre le cynisme d’un pouvoir qui avait décidé de se débarrasser de lui. »
Citation du comédien Dominique Zardi qui l’avait rencontré :
"C’est un géant en ce sens qu’il a pu obtenir ce que des ministres n’ont pas obtenu. La suppression des Q.H.S (Quartiers de Haute Sécurité) par exemple.
Du reste il a été très jalousé par des gens plus importants que lui dans la hiérarchie, de ce pays (la France). Il a été jalousé par le commissaire Broussard, il a été jalousé aussi par Giscard d’Estaing, qui a beaucoup œuvré pour qu’on débarrasse ce personnage du panorama français. C’est ainsi que ce bonhomme a été férocement éliminé".
Citation tirée de la K7 audio testament de J. Mesrine, enregistrée le 29 octobre 1979, que vous pouvez retrouver ici :
"Au final, je vais rester un exemple, peut-être un mauvais exemple. C’est ça qui est terrible, c’est que certains vont faire de moi un héros.
Mais en fin de compte il n’y a pas de héros dans la criminalité, il n’y a que des hommes qui sont marginaux, qui n’acceptent pas les lois.
Parce que les lois sont faites pour les riches et les forts. On en sait quelque chose. Moi j’ai choisi d’être aisé par le crime, en m’attaquant presque toujours je pense aux nantis et aux riches et j’étais plus riche qu’eux, parce que j’avais l’amour en plus. L’amour et puis je pense le courage, le courage de mes opinions et puis d’être ce que j’avais décidé d’être."
Voici quelques passages tirés de son livre « L’instinct de mort ». Les paragraphes retenus ici sont ceux en lien avec les conditions pénitentiaires. Mais le livre parle aussi de sa vie d’homme en cavale, de ses histoires d’amitiés et de ses relations amoureuses, avec bien entendu des scènes d’aventures de braquages et de frictions avec les forces de l’ordre.
"La Santé : une vielle fille lépreuse, fleuron de l’administration pénitentiaire française. Rien avait changé dans le régime cellulaire. Six mètres carré d’une cellule plus ou moins propre pour y vivre vingt-trois heures sur vingt-quatre. L’oisiveté la plus totale.
Quand on entre dans une prison, on perd beaucoup plus que sa liberté. On sait qu’on y trouvera le domaine de l’arbitraire, de l’injustice et des abus de pouvoir de toute sorte. On y devient « l’otage pénal », avec le chantage au parloir, le chantage à la grâce ou à la liberté conditionnelle.
En franchissant les portes de cette austère maison d’arrêt, je me fit la promesse de ne pas y moisir longtemps".
"Je passais mes journées à lire et à faire du sport dans ma cellule pour être en excellente condition physique. Bien des petits gars que je croisais n’avaient rien à faire en prison. Ce n’était pas leur place à ces malheureux, les misérables petits délits qu’ils avaient pu commettre n’exigeait pas un emprisonnement.
Mais la société est ainsi faite : elle prépare, à l’école du crime qu’est la prison, ses futurs ennemis publics numéro un de demain, au lieu d’aider les jeunes délinquants à s’en sortir.
J’avais connu cela, à une époque où, si la société m’avait donné ma chance, tout aurait été différent pour mon avenir.
J’avais fait payer très cher à cette même société son manque de compréhension. Et bien qu’incarcéré, je ne m’avouais pas vaincu. Je connaissais mes limites. Je n’en avais pas« . »Le 6 juin 1973 au matin devait représenter mon dernier jour de détention à la prison de la Santé. J’étais certain d’une chose : à quinze heures, je serais libre ou mort. J’avais préparé mon plan d’évasion dans les moindres détails. Tout pouvait paraitre impossible. Mais moi j’y croyais.
Une fois de plus j’allais mettre ma vie dans la balance.
Je m’étais longuement préparé à la difficulté de cette action. J’avais étudié toutes les situations qui risquaient de se présenter à moi. je savais le danger que représentaient les gendarmes, bien capables de sacrifier leur vie pour le devoir de leur mission.
J’allais être seul contre tous. Une seule erreur de ma part et c’était une mort rapide, mais certaine.
Je préférais cette fin à une longue détention. J’avais même envisagé ma mort avec une certaine philosophie. Car accepter sa détention, c’est reconnaitre que l’on a perdu.
J’avais été arrêté le 8 mars et avais fait la promesse au commissaire Tour d’être dehors en trois mois. Il avait prit cela pour une plaisanterie, une bravade. Il n’allait pas tarder à se rendre compte que je ne bluffais jamais".
*les fameuses « cours de promenade », en forme de camembert, des Quartiers de Haute Sécurité, crées en 1975, après les révoltes politiques des prisonniers durant l’année 1974..
« Celui qui entrait en prison sans argent ressortait dans les mêmes conditions et n’avait comme seule solution que de commettre un autre délit pour vivre. Psychologiquement, la détention est destructive ; pas d’éducateur pour ceux qui auraient voulu apprendre un métier, pas de service social et des soins médicaux quasiment inexistants. La société nous encageait et faisait de notre détention beaucoup plus un règlement de comptes qu’une dette à payer avec espoir de s’en sortir un jour ».
« Au Québec, j’allais devenir un des pires criminels que la province ait connus. J’allais y kidnapper un milliardaire, y être accusé d’un meurtre que je n’avais pas commis, être acquitté de ce même meurtre, condamné à onze ans de pénitencier pour attaque à main armée, m’évader, être repris, tenter d’autres évasions… puis réussir l’évasion impossible du plus dur pénitencier canadien, attaquer des banques, avoir des fusillades avec la police, abattre des gardes provinciaux, y régler des comptes et, pour couronner le tout, attaquer un pénitencier fédéral pour tenter d’y libérer des amis et malgré cela, ma tête mise à prix, je réussis à quitter le pays ».
« Nous savions que ce que nous avions décidé d’entreprendre était presque impossible, il fallait être fou pour tenter un coup pareil. »
Toujours dans « L’instinct de mort ». Jacques Mesrine nous décrit l’Unité Spéciale de Correction située à St-Vincent de Paul, peu de temps avant d’y être lui-même incarcéré, pour avoir tenté de s’évader d’une prison Canadienne. L’USC était la prison la plus dure du Canada.
"L’unité spéciale de correction, plus simplement appelée U.S.C, avait été construite pour y incarcérer les durs à cuire du Canada ou considérés comme tels par l’administration pénitentiaire. Mais on y enfermait surtout les récidivistes et spécialistes de l’évasion.
Des architectes s’étaient penchés sur le problème de la sécurité absolue, en s’appuyant sur l’électronique et le ciment armé pour édifier cette construction. Au mépris de tout sentiment humanitaire, ils avaient tracé jour après jour les plans qui avaient pour but de détruire le psychisme des hommes, des plans qui donneraient au Canada, des années plus tard, les criminels les plus sanglants qu’il ait jamais connu".
"Faite pour détruire, l’U.S.C fit de nous des fauves criminels qui, de dangereux qu’ils étaient, devinrent superlativement dangereux après un stage dans cet établissement.
L’évasion classique étant le sciage de barreaux, il fut décidé d’éliminer ce risque en ne faisant aucune fenêtre.
Chaque cellule devint de ce fait un bloc de béton sans aucun espace vers la lumière du jour. Une porte métallique commandée électriquement constituait la seule ouverture. Au plafond, on installa un encadrement de trois pieds sur deux en vitres blindées et absolument inaccessibles, cela pour permettre aux gardiens armés de surveiller les hommes en surplombant les cellules.
On fit une petite trappe grillagée pour permettre le gazage de tout détenu qui aurait le moindre geste de révolte.
La lumière devait fonctionner 24h/24. Ce qui équivalait pour celui qui était condamné à vivre dans ces conditions, à ne jamais voir la nuit ni la pénombre. Cette lumière constante devenait une obsession.
Certains n’en dormaient plus et détraquait leur système nerveux jour après jour... jusqu’à la folie ou le suicide.
Deux bouches d’aération amenaient l’oxygène nécessaire à la vie. Les contrôles étaient absolus. Les gardiens, protégés par des cages de verres blindées, n’entraient que très rarement en contact avec un détenu. Si le cas se présentait, ils n’étaient jamais moins de trois face à un seul détenu.
Quatre miradors pourvu d’un armement complet encadraient cet enfer de ciment et devaient dissuader toute tentative d’évasion.
Les architectes assurèrent le gouvernement fédéral que d’une telle construction, aucun homme ne pourrait jamais s’évader.
Tout au long du trajet qui me conduisit vers l’U.S.C, je n’eus que cette pensée en tête : « je ne pourrai rien tenter ».
La renommée de cette unité n’était pas surfaite, on y détruisait dans l’œuf tout projet en s’attaquant au psychisme de l’homme. C’est avec une certaine appréhension que je vis le fourgon stopper devant l’immense pancarte à 20 mètres de l’entrée et ainsi rédigée : « Halte. Identifiez-vous en parlant dans le haut-parleur. N’entrez pas sans permission. »
Mais lors de cette année 1972, Mesrine réussira à s’évader de ce fameux pénitencier de Saint-Vincent-de-Paul, qu’il reviendra attaquer 15 jours plus tard pour libérer ses compagnons comme il leur avait promis.
Voici un assez long extrait tiré de son enregistrement, toujours sur K7 audio, suite à son évasion de l’U.S.C.
*La cour du terrible pénitencier de St-Vincent de Paul.
Partie 1 :
Bonjour, je m’appelle Jacques Mesrine, un des trois évadés restés en liberté à la suite de l’évasion de l’Unité Spéciale de Correction (USC) et le but de cet enregistrement était simplement de vous faire connaître les conditions de vie exactes qu’avaient les détenus à l’Unité Spéciale de Correction.
Je pense que je sais de quoi je parle, parce que j’y suis quand même resté un an et j’y ai vu des choses qui sont capables de révolter n’importe quelle personne qui a un minimum de respect pour les droits de l’homme.
Pour l’honorable solliciteur général Jean-Pierre Gaullier, mon nom ce n’est pas Jacques Mesrine, pour lui je suis le numéro 59 – 33, et numéro je suis resté à l’Unité Spéciale de Correction tout le temps.
Je vais d’abord vous expliquer une chose, le détenu qui vit à l’Unité Spéciale de Correction, est enfermé dans une cellule en ciment, c’est-à-dire qu’il n’a aucun châssis, aucune fenêtre, que tout ce qu’il voit c’est quatre murs de ciment, un mur de ciment au-dessus de lui et une porte fermée complète.
Il n’a aucun contact avec un autre détenu d’une cellule à une autre, parce qu’il ne peut ni le voir, ni lui parler, parce qu’il ne l’entend pas.
Ce genre de cellule donne un peu l’impression, vous savez, d’un carton d’une boite d’allumettes, si on mettait une mouche dedans avec un petit trou pour la faire respirer, c’est à peu près les conditions de vie qu’on offre aux détenus de l’unité spéciale.
Un détenu de l’unité spéciale, ne voit jamais la nuit, c’est-à-dire la nuit noire comme vous la voyez avec le ciel étoilé tout ça, il ne peut pas la voir, pour la seule et unique raison que dans sa cellule qui est en ciment, on lui laisse la lumière 24h par jour, motif : SECURITE.
Car à l’Unité spéciale tout ce qui est inhumain en fin de compte, est toujours motivé par des motifs de sécurité.
La sécurité qui en fin de compte prouve qu’elle est stupide, parce que s’il y avait eu une sécurité, je ne serai pas là, à vous parler aujourd’hui.
On va commencer par le début.
Quand un détenu arrivait à l’Unité spéciale de correction, la première chose [phrase inaudible] car je le pense, après ça on vous conduisait à votre cellule et puis on vous précisait que pendant deux mois, vous n’auriez aucun droit.
C’est-à-dire que le seul droit que vous auriez ce serait d’avoir votre tabac point final, rien d’autre. Vous n’avez même pas votre dentifrice, on vous donne une pâte dentaire et puis c’était tout.
Puis on vous précisait aussi qu’il ne fallait jamais parler, que pendant deux mois vous n’auriez jamais le droit de parler. La seule chose que vous avez le droit, c’est le soir, pendant une heure et demie, vous pourriez peut-être crier d’une cellule à une autre pour entendre une voix amie ou bien un copain qui accepte de vous répondre.
<---Mesrine et sa fameuse fausse carte de commissaire
Je précise bien que ça c’est passé il y a un an.
Quand je suis rentré dans ces conditions-là, moi personnellement, j’ai été accueilli par les officiers du solliciteur général. Au bout de ce stage, si vous vous êtes tenu normalement, on vous emmène à l’unité numéro 2.
Là, l’unité numéro 2, c’est le même genre de cellule, toujours des boîtes de savon fermées. Vous savez, où un homme ne voit rien, ne respire pas, parce que, que je vous précise une chose, dans les cellules, le système d’aération, c’est à peu près 12 pouces sur 8, c’est la seule chose qui vous amène de l’air. C’est-à-dire qu’en été vous avez trop chaud puis en hiver vous avez trop froid. Mais ça, ça les gène pas beaucoup. Personnellement je pense que certains officiers du solliciteur général sont même très contents de nous voir dans ces conditions de vie là.
Commençons justement par le chef de la sécurité. Le chef de la sécurité à l’unité spéciale de correction s’appelle monsieur Gauthier et je vais vous parler franchement sans haine, parce que on ne peut pas haïr un homme comme lui, c’est un homme tellement abject, tellement bas, qu’il serait bien difficile de le haïr.
Monsieur Gauthier d’abord c’est un bras, c’est un bras puis une tête, il faut lui reconnaître une chose, il est assez intelligent. Il n’est pas stupide du tout et monsieur Gauthier est ceinture noire de judo 4e dan.
C’est un homme qui a des bons bras, je ne vais pas dire que je l’ai vu s’en servir personnellement, je mentirai, mais c’est un type qui est démoniaque. C’est un gars qui aime faire souffrir le détenu, qui déteste le détenu, qui fait tout pour essayer de le martyriser moralement.
Car on peut détruire un homme de deux façons, physiquement c’est une chose, mais si on le détruit moralement, en profitant justement de l’autorité que vous a donné le solliciteur général, je pense que c’est une manière de torture qui est encore plus horrible. J’allais dire même dégueulasse et c’est un peu le genre de monsieur Gauthier.
Monsieur Gauthier c’est un homme qui provoque les détenus, étant sûr déjà de sa force physique il ne risque rien. De plus avec toutes les protections qu’ils ont à l’unité spéciale de correction, les gaz, les matraques et ainsi de suite, monsieur Gauthier se permet beaucoup de choses vis-à-vis d’un détenu.
Car à l’unité spéciale de correction, vous pouvez aller au trou, simplement pour une petite parole. Répondez simplement un seul mot à un officier du solliciteur général et on vous emmène au trou, privé de nourriture, couché sur une planche et ainsi de suite.
Pour commencer, je pense avoir une parole, une parole d’honneur, bien que je sois un voleur. Je peux vous affirmer une chose, la chambre à gaz de l’unité spéciale de correction elle existe, j’ai vu des gars en sortir et puis dans un drôle d’état.
J’ai vu un p’tit gars qui était condamné à la prison à vie, je ne sais pas ce qu’il a fait et ce n’est même pas à moi à le juger, revenir le visage complètement brûlé, en plus il avait reçu des coups.
On m’a dit qu’il avait reçu des coups, j’ai pas vu les coups qu’il avait reçu, mais j’ai vu les marques qu’il avait sur le visage et j’ai vu qu’il avait le visage complètement brûlé par les gaz.
Quand monsieur Jean-Pierre Gaullier (solliciteur général), qui est honorable, je le respecte, c’est un homme très bien d’ailleurs. Mais quand monsieur Jean-Pierre Gaullier dit que la chambre à gaz n’existe pas à l’unité spéciale, je dis que c’est un menteur et le meilleur moyen de prouver que c’est un menteur, c’est qu’il a refusé aux journalistes d’aller visiter l’unité spéciale de correction. Peut-être que maintenant si vous visitiez l’unité spéciale de correction, la chambre à gaz serait peut être transformée en salon de réception pour journaliste. De toute façon, à Sing Sing et tout ça maintenant, toutes les chambres à gaz sont devenues des salons de thé, alors pourquoi pas ?
A l’Unité spéciale de correction, justement, il y a différents officiers du solliciteur général, je veux dire par là qu’ils ne sont pas tous les mêmes.
Vous avez la catégorie des malades mentaux. Des officiers vous savez qui ont des complexes et puis qui se vengent sur le détenu. Parce qu’ils savent là-bas qu’en fin de compte, ils sont quand même très protégés. Tout est derrière des glaces blindées, tout est électronique. Il est très difficile à un détenu de sauter sur un garde. Ce sont les sadiques ceux-là, des sadiques, des gars qui provoquent le détenu puis qui haïssent le détenu.
Vous avez une autre catégorie d’officier, parce que tous ne sont pas pareils je le précise. Ils sont des hommes qui font leur métier, point, vous voyez, qui ne cherchent absolument pas à ce compliquer la vie et vous avez une toute petite minorité, quelques gardes quand même, je suis obligé de le reconnaître, quelques gardes qui essaient d’être humain.
Mais la majorité, d’abord les hommes que l’ont met à l’unité spéciale de correction, au départ c’est des bras. A part quelques exceptions, je le précise encore.
C’est justement... pour commencer, chaque officier du solliciteur général à l’Unité spéciale de correction, a une petite bobonne de gaz avec lui. Ca veut dire que certains ne s’en servent pas, certains ne s’en sont jamais servi, mais d’autres, à la moindre réflexion que vous allez leur faire, à travers même le petit espace de votre cellule, ils vont vous gazer.
La meilleure preuve justement que les conditions de vie à l’unité spéciale de correction sont inhumaines, c’est que le soir, pour faire dormir les détenus, monsieur Gaullier, l’honorable Jean-Pierre Gaullier, a reconnu que les détenus se droguaient.
Car on vous donne de la drogue à l’unité spéciale de correction, sous forme de sirop. C’est un sirop qui vous neutralise les cellules du cerveau, qui vous empêche de réfléchir, qui vous empêche de voir votre temps, qui vous rend heureux. Tellement heureux, qu’au bout de 6 mois vous êtes devenu un déchet humain et ça, monsieur Jean-Pierre Gaullier vient d’en parler, d’un air de dire : « je ne le savais pas ».
Il le sait, il le sait très bien parce qu’on donne ça pour calmer le détenu. Certains officiers du solliciteur général à l’unité spéciale de correction seraient les premiers à reconnaître que la manière dont on vit est inhumaine. Inhumaine, pas dans le sens de la torture de prendre des coups, un homme est capable de prendre des coups, mais les coups moraux sont beaucoup plus, je ne sais pas, dangereux, plus destructifs que des coups de matraques sur la tête. Vous pouvez détruire un homme moralement, c’est pas croyable.
Moi j’ai vu des gars, en sept, huit mois à l’unité spéciale, devenir des déchets humain et c’est ça le programme de réhabilitation de Jean-Pierre Gaullier.
Parce que précisons une chose quand même. Les détenus qui viennent à l’unité spéciale de correction, on dit que ce sont des durs de durs, si un homme cherche à s’évader d’une prison, la question n’est pas que c’est un dur de dur, c’est un homme qui n’accepte pas sa situation d’être enfermé.
Je vais vous dire encore une chose, l’évasion en temps de guerre c’est un droit, car un homme qui accepte de vivre enfermer, c’est illogique. Un homme ne peut pas accepter d’être éloigné de sa femme, ni de ses enfants ou éloigné de ses parents, quoi qu’il ait fait.
Tout au moins il va l’accepter un certain temps. Il ne peut pas l’accepter, ce n’est pas parce que vous allez mettre des barreaux en or dans sa cellule, puis lui donner la télévision, que cet homme-là peut vivre. Il ne peut pas vivre sans affection, sans un sourire d’enfant, or à l’unité spéciale, les sourires d’enfants vous n’en avez jamais.
Partie 2 après l’évasion de l’U.S.C :
Départ face 2 :
Jacques Mesrine nous parle ici d’un détenu du nom de Duchard, qu’il côtoyait à l’U.S.C.
_ On l’a laissé crever, on l’a laissé crever dans sa cellule comme un cochon. On l’a emmené à l’hôpital, il était mourant. Ca faisait sept jours que ce gars là se plaignait, puis on l’a laissé crever, monsieur Gauthier n’est pas étranger à ça. Parce que Duchard avait eu le malheur d’attaquer un officier du solliciteur général, alors par petite vengeance on a dit « crève mon chien ».
C’est ça qu’il faut vous dire messieurs les journalistes, allez donc visiter l’unité spéciale de correction, vous l’avez écrit, pourquoi vous ne le faites pas ? C’est bien beau d’écrire des articles et puis tout ça. On vend son journal et puis le lendemain matin on passe à autre chose.
Mais le problème à l’unité spécial, il reste, et si vous le laissez rester, vous en aurez d’autres des évasions, vous en aurez d’autres des « extrêmement dangereux ». Parce que vous qui prétendez justement être pour le bien du public, le bien du public ce n’est pas de créer des monstres. Parce qu’actuellement à l’USC, vous créez des monstres criminels et méfiez-vous des monstres criminels car quand ils sont intelligents c’est grave.
C’est grave pour la société.
Vous avez écrit au sujet de la chambre à gaz, c’est inhumain et tout ça. Monsieur Gaullier vous a dit « elle n’existe pas ». Elle n’existe pas, mais vous êtes allés vérifier si elle existe ? Qu’est-ce que vous attendez ?
Allez vérifier si elle existe, parce que si elle existe et que monsieur Gaullier a dit qu’elle n’existe pas, ça prouve que monsieur Gaullier est un menteur. Et si monsieur Gaullier a menti pour ça, il peut mentir pour autre chose aussi.
(*La Guillotine) ------------->
Vous comprenez messieurs les journalistes ?
C’est très bien ce que vous faites. Ah des beaux articles : « Unité Spéciale de Correction ».
Actuellement vous avez des p’tits gars, des p’tits gars qui n’ont rien fait et qui ont été condamnés à des trois ans de pénitencier. Qui ont fait une petite bêtise on les envoie, hein 22 ans ils ont ces p’tits gars-là, on les envoie à l’U.S.C, vous pensez que c’est humain ça ?
Faites donc quelque chose, remuez-vous un petit peu les prunes comme on dit vulgairement. C’est bien beau, travaillez un petit peu, faites quelque chose, demandez une enquête, attaquez un petit peu, attaquez.
Comme ça vous pourrez vérifier si je dis la vérité. Demandez qu’on vous fasse voir ce que c’est d’être enfermé dans une cellule 24 heures, vous allez comprendre ce que c’est, vous allez comprendre ce que des hommes vivent des heures et des heures, des jours et des années là-dedans.
Vous avez des gars qui y sont depuis trois ans. Il y a un officier du solliciteur général qui m’a dit : « l’U.S.C. j’espère en faire un cimetière pour détenus ».
Vous comprenez ce qu’il m’a dit ? Qu’il espérait en faire un cimetière pour détenus.
Ca veut dire qu’il espérait avoir une mutilation, parce que certains gars ce mutilent. Malgré qu’on n’ait pas le doit d’avoir des objets de métal, certains gars arrivent à ce couper les veines. Certains gars cherchent à s’empoisonner. Ca c’est pas connu du public, d’abord le public s’en fout.
Le public au départ, le détenu, le bagnard, comme on dit exactement, pour lui c’est quelqu’un qui n’est pas réhabilitable, on ne peut rien faire de lui. Il ne s’occupe de rien. Mais si le public veut être protégé, il a intérêt à s’intéresser à tout ça.
Fin de l’enregistrement.
Dans son livre L’Instinct de mort paru en 1977, Mesrine revient sur son évasion et sur ses enregistrements :
« Les journaux du matin ne parlaient que de »l’évasion impossible« . »Du beau travail« , disaient certains qui nous reconnaissaient une certaine dose de courage pour tenter un tel coup en plein jour. D’autres titraient : »les gardes ont-ils étés payés pour fermer les yeux ?« . Le solliciteur général du Canada affirmait : »mes gardes aurait dû tirer !"
Le journaliste continuait en précisant que s’ils ne l’avaient pas fait c’est qu’ils n’avaient rien vu. Mais ce qui me fit le plus de plaisir, fût la critique faite au chef de la sécurité Gauthier. Il posait en photo, piteux de son échec qui allait lui valoir des sanctions sévères. Je ne pus m’empêcher de fixer sa photo et de dire : « à très bientôt fumier ! ».
"Les conditions de vie à l’U.S.C étaient devenues intenables pour ceux qui y étaient restés. Je fis donc des enregistrements pour dénoncer les conditions de vie et les fis parvenir à la presse. J’avais donné un très sérieux avertissement au gouvernement. Ou il humanisait les conditions de vie des détenus ou nous allions faire des exemples. Cela déclencha une campagne de presse.
Tous les journalistes demandèrent à visiter l’U.S.C. La population, en apprenant ce qui se passait derrière ces murs, prit conscience que loin de la protéger, l’U.S.C fabriquait les pires criminels que le Canada ait connu. Les mois qui suivirent apportèrent une très grande amélioration et pour finir la fermeture de ce centre.
Mais nous ignorions qu’un tel résultat allait se produire. Pour l’instant nous étions au coin de la rue Fleury-Papineau, prêts à attaquer la fameuse banque que Jean-Paul avait repérée le jour de notre évasion".
Nous terminerons cette compilation de citations par une dernière citation de Jacques Mesrine, ce pourrait être son Carpe Diem personnel :
"Je ne voulais pas que ma vie soit réglée d’avance ou décidée par d’autres. Si à six heures du matin j’avais envie de faire l’amour, je voulais prendre le temps de le faire sans regarder ma montre. Je voulais vivre sans heure, considérant que la première contrainte de l’homme a vu le jour où il s’est mis à calculer le temps.
Toutes les phrases usuelles de la vie courante me résonnaient dans la tête... Pas le temps de...! Arriver à temps...! Gagner du temps...! Perdre son temps...! Moi je voulais « avoir le temps de vivre » et la seule façon d’y arriver était de ne pas en être l’esclave.
Je savais l’irrationalisme de ma théorie, qui était inapplicable pour fonder une société. Mais qu’était-elle, cette société, avec ses beaux principes et ses lois ? "
Il existe sur Dailymotion, un tas de vidéo et de documentaires sur le sujet Mesrine, je vous conseille celui-ci :
Mesrine portrait-1re partie
Mesrine portrait-2e partie
Puis celui-là, même si les personnes qui ont monté ce documentaire ont repris de nombreux préjugés sur Mesrine (« voyou », « ennemi public », « gangster » et « mégalomane », attention aussi au traitement de l’image) : voir le passage sur les QHS (avancez la lecture à 19 minutes pour la partie 1) :
Jacques Mesrine 1
Avancez la lecture à 7’50 pour le passage sur les revendications qu’avait adressé Mesrine à Alain Peyrefitte alors ministre de la justice, via une interview avec Isabelle Pelletier, journaliste de Paris-Match. Ici aussi, le montage relève d’un parti-pris contre Mesrine, puisque les éléments mis en valeur sont les phrases chocs de Mesrine adressées au ministre et le zoom sur son pistolet.
Jacques Mesrine 2
Conseil de lecture : L’instinct de mort.
Lien Wikipédia : Mesrine
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