Cet texte est une version mise à jour de l’article publié sur Rebellyon en novembre 2010.
Lire aussi : article 11610 (info du 4 décembre 2012)
et Les liens évidents entre Lugdunum Suum, Petits Lyonnais et les Identitaires
Sommaire :
Le 8 décembre
Les Petits Lyonnais
Derrière ces associations, toujours les mêmes : les Identitaires
Identitaires ? Du réchauffé idéologique sous une couche de publicité
Rebelles, mais pas trop
Des liens pour aller plus loin
Si le 8 décembre est aujourd’hui la vitrine mercantile de la ville de Lyon (l’événement est organisé par la mairie depuis 1989), la tradition populaire est présente depuis bien plus longtemps, même si elle n’a jamais pris l’ampleur que certains et certaines voudraient lui donner, ni l’ancienneté qui lui est souvent prêtée.
Loin de remonter jusqu’aux épidémies de peste du XVIe siècle comme certains l’affirment parfois, c’est l’inauguration d’une statue à la basilique de Fourvière en 1852, à l’initiative et payée par les bourgeois et notables réactionnaires de la ville, qui marque le début de cette « tradition » qui n’a donc rien de populaire à l’origine, puisque le groupe social à l’initiative de la statue entretenait dans le même temps l’exploitation des canuts et appelait à leur répression.
Le sens religieux a depuis longtemps disparu en dehors des processions organisées par le diocèse de Lyon, lesquelles ne rassemblent plus que quelques dizaines de personnes.
Les Identitaires ne se joignent pas à la procession catholique mais organisent une manifestation séparée. Le néo-paganisme irrigue en effet depuis longtemps déjà leur courant politique, entretenant des oppositions avec le reste de l’extrême-droite catholique. Pour apparaître le 8 décembre, ils mettent donc en avant l’aspect traditionnel et prétendument populaire d’un événement pourtant bourgeois et religieux... mais passons, leur but est avant tout de profiter de la foule pour se faire voir, et faire participer des personnes qui ne les rejoindraient pas si les idées politiques des Identitaires s’exprimaient au grand jour lors de cette manifestation.
Créée en 2008, cette énième émanation des Identitaires sert avant tout à organiser cette manifestation. A part cette dernière, elle ne compte à son actif qu’un nettoyage de plaque commémorative et des articles sur l’histoire lyonnaise (souvent très orientés) publiés également sur Novopress, Fdesouche ou le site Rebeyne. L’URL du site de cette association (Culturelyon, présente sur les tracts) renvoie en réalité sur un blog de l’hébergeur Haut et Fort, lequel est notamment connu pour héberger de très nombreux blogs d’extrême-droite, et entres autres le premier site des Identitaires à Lyon, car comme d’habitude, il s’agit d’une association paravent.
La stratégie n’est pas neuve pour les Identitaires : faire venir du monde à leur idées par du culturel (caricatural), du sportif (combat uniquement), de l’associatif (rarement au-delà de la déclaration de façade) ou, à la limite, de l’humanitaire (purement symbolique et sur-médiatisé par leurs soins). Ce qu’ils appellent de la méta-politique (sic !) reste avant tout une façon un peu honteuse de ne pas montrer ce qu’ils sont vraiment.
Les Identitaires aimeraient d’ailleurs faire croire que leurs idées sont courantes parmi la population. Dans ce but, ils multiplient les structures de façade pour leurs diverses activités pour faire croire à un réel foisonnement de leur milieu politique. De Novopress [1], agence de presse fictive des Identitaires, à SDF (« Solidarité des Français » - sic) ou encore « Solidarité Kosovo » [2], les groupes sont légion mais regroupent toujours les mêmes personnes. Et faire le tour des bureaux déclarés de chacune de ces associations ou des personnes détenant les droits des sites internet correspondants est une véritable partie de rigolade : les mêmes noms se suivent, voire s’échangent d’une région à l’autre.
Une anecdote illustre bien notre propos : une autre émanation identitaire avait organisé il y a quelques temps à Lyon un « apéro Facebook » « saucisson-pinard », mais voulait faire croire à une initiative populaire qui ne soit pas préparée par des militants.
Les organisateurs dudit apéro prévu dans le quartier de la Guillotière sont interviewés par France 3. Parmi les personnes interviewées se trouve un jeune homme roux reconnaissable et bien connu pour faire partie de la direction lyonnaise de « Rebeyne ». Il s’en cache bien pendant l’interview, et lorsque le journaliste, l’ayant reconnu, le questionne sur son statut au sein des Identitaires et donc le rapport de son groupe politique avec l’initiative, il refuse de reconnaître les faits, bafouille et s’emmêle les pinceaux dans ses explications.
Derrière ces associations, toujours les mêmes : les Identitaires
Rebeyne à Lyon, Nissa Rebela à Nice ou Projet Apache à Paris, il s’agit en réalité des anciens groupes des Jeunesses Identitaires : même dirigeants, mêmes militants, mêmes types de propagande, présentés aujourd’hui comme des groupes complètement autonomes et plus axés sur des thématiques régionalistes.
Cette nouvelle dénomination tente de différencier dans l’opinion publique les « Jeunesses Identitaires » du « Bloc Identitaire ». Les premiers ayant vu leur président, Phillipe Vardon, condamné par la cour d’appel d’Aix-en Provence pour « reconstitution de ligue dissoute » en septembre 2008. Le Bloc Identitaire, aux prétentions électoralistes, ne désire évidemment pas qu’on se rappelle le passé des membres des deux structures au sein d’Unité Radicale, dissoute par décision de justice suite à la ridicule tentative d’assassinat de Jacques Chirac par l’un de ses membres, Maxime Brunerie.
Les Jeunesses Identitaires ne se sont pas pour autant transformées en groupes indépendants, la structure nationale a disparu devant une autre appelée « Une Autre Jeunesse » dont la principale apparition s’est résumée en une manifestation de 250 personnes à Paris en octobre 2010. Côté décisionnel, les ordres et la hiérarchie interne à ces groupes restent sensiblement les mêmes.
Ces changements de dénomination, de structures, et parfois même de choix stratégiques mettent toujours en avant la même propagande, centrée essentiellement sur le triptyque Immigration-Islam-Sécurité, si cher à l’actuel gouvernement. Autant dire que la politique actuelle offre une vulgarisation de leurs idées à peu de frais... Prenons un moment pour revenir sur les grandes lignes de leur idéologie.
Identitaires ? Du réchauffé idéologique sous une couche de publicité
Passons sur le discours policé sur l’identité européenne, nationale et régionale qui masque mal un racisme viscéral, l’absurdité de parler d’« identité charnelle » comme ils le font nous parait assez claire sur le fond. Cherchons plutôt du côté des principes théoriques (l’ethno-différencialisme, explication sur Wikipédia relativement biaisée, on reviendra plus tard sur cette notion partagée en partie par d’autres groupes considérés comme « de gauche ») et de leurs sources (la Nouvelle Droite, la Nouvelle Revue d’Histoire, etc.).
Ces théories ne sont pas arrivées par hasard au sein de l’extrême-droite. Conscients que se trimballer les vieux refrains éculés d’une extrême-droite
plus traditionnelle n’est pas vraiment vendeur, les Identitaires piochent du côté de la Nouvelle Droite, émanation du GRECE (pour Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne. Dépasser le nationalisme par l’identité européenne, tout en s’opposant à l’Union Européenne. Depuis la fin des années 60 l’extrême-droite s’essaie, sans grand succès, à l’internationalisme régionalisé en ressortant le vieux fantasme d’un peuple européen cohérent. C’est aussi le GRECE qui a élaboré au début des années 70 la théorie de la « métapolitique » qui pousse les Identitaires et d’autres à multiplier les associations pour « faire de la politique hors de la politique » : l’idée de base de cette théorie était de contrecarrer le fait que leurs idées n’ont pas d’échos positifs dans la population quand elles apparaissent clairement. On retrouve ainsi parmi les inspirateur des Identitaires des anciens du GRECE comme Guillaume Faye.
La perception sociologique, anthropologique, des Identitaires est donc des plus nauséabondes. Leur perception historique vaut également le détour. Développant une fascination pour le « roman national », notamment à travers la vision biaisée que peut donner de l’histoire des revues aussi peu sérieuses que la NRH (Nouvelle Revue d’Histoire), les Identitaires s’inscrivent dans la droite ligne de l’extrême-droite française, celle qui n’a jamais réussi à prendre pied chez les historiens et les archéologues en raison de sa vision archaïque de l’histoire nationale. Mais les Identitaires ont également mis en avant une volonté de s’approprier des symboles historiques plus marqués à gauche, plus populaires, comme les canuts à Lyon ou les « apaches » à Paris. La situation donne des résultats surprenant puisque par exemple le 8 décembre, les Identitaires se réclamant des révoltés du XIXe siècle lyonnais en fêtent les bourreaux [3]. Dur de trouver une cohérence historique là-dedans...
Finissons sur une note ironique, si les Identitaires aimeraient être les "apaches" de notre société, il n’en oublient pourtant pas d’appeler "la police avec nous" alors qu’ils manifestaient dans les rues de Lyon après les émeutes de l’automne 2010 (on ne les a guère vus venir nous voir pendant). Ces rebelles modernes venaient donc "aider la police" à "finir le travail".
Ils sont tellement rebelles qu’ils en viennent dorénavant à participer aux élections, à l’image de leur modèle italien (la Ligue du Nord). Ainsi le Bloc Identitaire, la structure "propre", s’est-elle implantée à Lyon en plus de Rebeyne, et elle participe déjà ailleurs aux élections locales. Après avoir participé aux élections à Nice (seule élection où leur score ne fut pas ridicule) ils avaient annoncé la candidature d’un "jeune européen de souche", aux élections présidentielles de 2012, c’est chose faite, et Arnaud Gouillon, ce vainqueur en puissance n’aura finalement tenu que quelques mois avant de se retirer « pour raisons financières », entre la rencontre de Fabrice Robert (président des Identitaires) avec l’état-major du FN, et l’incapacité de ces derniers à récupérer les 500 signatures tant désirées...
On pourrait passer des heures à détailler leur évolution politique, notamment le passage de certains de leurs membres de l’antisémitisme d’Unité Radicale au pro-sionisme, leur logique vis-à-vis du marché du RAC (Rock Against Communism, scène musicale néo-nazie) autour du label Alternatives, ou encore leurs tentatives d’implantation dans le milieu Hooligan… Mais ils ne valent pas la peine que nous nous étendions ici sur ces points, tout juste cet article aura-t-il eu pour but de remettre dans un contexte plus large l’initiative Lugdunum suum ; ceux qui désireraient aller plus loin trouveront ci-dessous des liens pour approfondir la question.
Aujourd’hui comme hier : no pasaran !
Pas de fachos dans nos quartiers,
Pas de quartier pour les fachos !
Des liens pour aller plus loin :
Les articles traitant de la manifestation Identitaires du 14 mai dernier à
Lyon :
A Lyon dans la rue - et sous la pluie - contre les racistes et leurs cochonneries
Rassemblement des fascistes islamophobes : le point sur les violences racistes et politiques dans tout Lyon
A propos du « vieux Lyon » où se situe le local des Identitaires :
[Reportage] L’extrême droite à Lyon, témoignages de victimes
Le Vieux Lyon ne veut pas devenir « Facho-land »
Sur les liens avec le milieu hooligans : Fafland ? Panorama de l’implantation de l’extrême-droite chez les supporters de l’OL
Un article de nos camarades de RELEXes, documenté, écrit en 2007 et mis à jours en 2010, tente une synthèse sur les identitaires : Identitaires, Bloc Identitaire, Jeunesses Identitaires : La soupe aux Vardon
Sur le même site, d’autres articles sur la question :
De l’apéro saucisson-pinard au rassemblement du 18 juin : retour sur une manipulation réussie du Bloc Identitaire
Une Autre Jeunesse ? (retour sur la campagne éponyme et la manifestation parisienne)
Pour une histoire des Identitaires avant les Identitaires, lire :
Collectif, Bêtes et méchants, petite histoire des jeunes fascistes français, Paris, Éditions Reflex, 2002.
Un autre site d’information sur l’extrême-droite française, tenue par des journalistes du monde : Droites Extremes
Coté vidéo, pour une mise en perspective des logiques de l’extrême-droite européenne, voir le documentaire Europe : ascenseur pour les fachos (2009, Barbara Conforti & Stéphane Lepetit, Agence CAPA)
Aux côté de REFLEXes, l’indémodable Barricata, zine du RASH Paris reste également une mine d’information intéressante.
Retrouvez tout les articles de Rebellyon.info sur le sujet dans la rubrique « Fachos ».
Compléments d'info à l'article
Proposer un complément d'info