Monsieur Pierre Soubelet
Préfecture de l’Ain
01.000 Bourg en Bresse
Lyon, le 20 Février 2007.
Monsieur le Préfet,
Nous venons de recevoir, l’un et l’autre, transmise par la Région, l’invitation de la Maison d’Izieu, Mémorial des enfants juifs exterminés, pour assister lundi 26 février prochain à la projection en avant première du film consacré à la mémoire de Sabine Zlatin : La Dame d’Izieu.
Le carton d’invitation que nous avons reçu comporte la célèbre photo du groupe d’enfants présents à Izieu au cours de l’été 1943, souriants…
Nous connaissons la suite.
Aujourd’hui, Monsieur le Préfet, soixante ans après, la politique d’exclusions, de reconduites à la frontière menée par le gouvernement actuel nous replonge dans ce cauchemar.
Naturellement, en ce qui concerne les Enfants d’Izieu, nous savons que ce sont les nazis, sous la responsabilité personnelle de Klaus Barbie , qui sont les auteurs de leur arrestation, de leur déportation.
Mais nous savons aussi que la plupart des 11.000 enfants juifs de France qui ont été déportés, gazés à leur arrivée dans les camps d’extermination, ont été arrêtés par la police française en application des mesures mises en place par le gouvernement français de Vichy.
Ce lundi 12 Février dernier des policiers en civil, sur instructions de vos services, ont arrêté au petit matin à Oyonnax la famille de Mr GASHi avec leur enfant Lorian, âgé d’un an et demi ; son frère Veton âgé de six ans a été, lui, cueilli par ces mêmes policiers lorsqu’il sortait de l’école, attendait le car du ramassage scolaire….
Ils sont tous les quatre internés aujourd’hui au centre de rétention de Lyon-Saint-Exupéry, menacés d’une expulsion imminente vers le Kosovo.
Comment peut-on regarder cette photo de ces enfants d’Izieu dont certains avaient le même âge que Veton aujourd’hui sans frémir ?
Nous savons qu’il manque sur cette photo Yvette Benguigui (son frère aîné, Jacques, est ce jeune, debout devant l’arbre, à gauche, qui nous sourit) trop jeune pour être à la Maison d’Izieu, confiée à une nourrice dans les environs, de l’âge, justement, de Lorian qui, à un an et demi, a été arrêté dans les bras de sa mère ce lundi…
Comment ne pas faire ce tragique rapprochement, comment oublier ?
Naturellement, nous savons tous que la destination finale de ces reconduites à la frontière ne procède pas des mêmes objectifs que ceux visés en 1940/1944, qu’elle ne mène pas aux chambres à gaz nazies.
Mais nous savons tous aussi que le Droit International actuel, tout le Droit International y compris la Convention de New York relative aux Droits des Enfants évoquée par leur avocat devant le T.A., ce Droit International à été construit au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale à la lumière justement des crimes commis par les nazis principalement mais aussi, pour ceux commis par les Etats qui, comme la France, ont collaboré avec l’occupant.
Le 29 Janvier dernier, une vieille dame, une grande Dame – Madame Alperti – ancienne déportée à Ravensbruck, résistante F.T.P./ M.O.I., Chevalier de la Légion d’Honneur, lançait un appel sur le Réseau d’Education sans Frontière
« Aux françaises et aux français de bonne volonté, aux démocrates »,
pour dénoncer cette politique actuelle, honteuse, et elle affirme :
« il est grand temps de réagir, de dire non, pas ça ! pas dans notre beau pays des Droits de l’Homme ! »
C’est au nom de cet appel – Monsieur le Préfet -, au nom de ces enfants qui sourient sur l’invitation que nous avons l’un et l’autre sous les yeux que je vous demande - instamment - de rendre la liberté à la famille Gashi et à leurs jeunes enfants comme vous en avez le pouvoir.
Soyez assuré – Monsieur le Préfet – de mes sentiments.
G. G.
Enfant caché 1943/1944,
fils de Déporté « Mort pour la France »,
Partie Civile au procès de Klaus Barbie,
membre de l’U.J.F.P.(Union Juive Française pour la Paix),
membre de l’Association de la Maison d’Izieu, Mémorial des enfants juifs exterminés.
P.S. : cette lettre sera rendue publique.
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