Mobilisations contre le bruit des bottes et le silence des pantoufles

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« Le 2 mars, c’est Mourad Belmokhtar, 17 ans, à Dufort, près de Nîmes, le 10 mars, c’est Aurélien Joux, 24 ans, à Feurs, près de Montbrison, et le 13 mars c’est Nicolas Billotet, à Lyon - St Rambert l’île Barbe, qui sont tombés sous les balles des forces de l’ordre de la république. On ne doit pas mourir en France aujourd’hui pour une suspicion d’atteinte aux biens ». Voici les premières lignes du Témoins info de juillet 2003, le journal bimensuel (plus ou moins) édité par Témoins, une association lyonnaise qui lutte contre les violences policières.

Ces trois jeunes, issus de l’immigration ou de quartiers populaires ont été abattus par des policiers ou des gendarmes alors que rien ne justifiait l’usage d’armes pour les appréhender.

Dans le but d’informer, de faire entendre des voix absentes des médias ordinaires, de favoriser les échanges et la solidarité, le collectif de Témoins organise depuis quelques années divers événements, en collaboration avec d’autres associations comme le « Karnaval des Libertés » du 15 mars 2003 [1] et la manifestation annuelle du 8 décembre contre les prisons, et particulièrement les morts suspectes en prisons avec des collectifs formés par les familles des victimes. Ce mois-ci, Témoins anime la projection d’une vidéo « Blague à part, la banlieue... » au ciné-Duchère [2], ainsi qu’une réunion d’information juridique « que faire en cas de violences policières ? (témoins ou victimes) ».

Autant de moyens pour soutenir les résistances face à
l’arbitraire, aux violences institutionnelles, afin que nous soyons acteurs et actrices de nos vies
.

Entre autre, Témoins est à l’origine de la mise en place du Réseau de vigilance des libertés publiques, d’un agenda militant alternatif lyonnais sur internet et informe par mail ou autre du suivi des violences policières et des procès qui s‘en suivent non contre les flics mais contre les victimes, qui se retrouvent souvent accusées d’outrages et rébellions contre ces agents assermentés.

Ces procès sont en recrudescence nette ces derniers temps : le 15 septembre, quatre jeunes passent devant le tribunal de police pour avoir collé des affiches annonçant le « karnaval des libertés » sur les murs des pentes de la croix-rousse.

Le 22 septembre, c’est le tour de Vincent condamné à 250 € d’amende pour outrages et rébellion après que des policiers l’aient frappé à la tête et lui aient fait raté son train à la gare de la part-dieu.

Le jeudi 2 octobre, Rachid, président de l’association culturelle Urban Kulture passe en appel [3], ayant été condamné, pour outrages et incitation à la rébellion, à 3 mois de prison avec sursis, 3 ans de mise à l’épreuve et 2 400 € de dédommagements aux policiers, alors qu’après de nombreux contrôles et harcèlements policiers, il est intervenu lorsque des adolescents ont été gazés et certains brutalisés lors de deux interpellations acharnées à l’ancien local de l’association, dans Lyon 1er.

Le mardi 7 octobre, étudiant-e-s accusé-e-s d’outrages et rébellion, repassent devant la justice (à 14 h, 67 rue servient, Lyon 3e) après une enquête de l’IGPN ordonnée par la juge, une affaire qui pourrait faire jurisprudence (enfin !).

Le nombre des affaires et la gravité des peines encourues reflète l’ambiance répression actuelle, il est d’autant plus important de soutenir ces personnes injustement condamnées ou condamnables, et d’assister aux procès, où la mobilisation joue souvent un rôle de premier plan.

Autre indicateur de la température : dans le week-end du 5 au 7 septembre, une dizaine d’individu-e-s désirant se réapproprier quelque lieu inutilisé pour y réaliser leurs projets (activités politiques et culturelles, habitat...) occupent un bâtiment vide de l’OPAC - l’institution sensée aider toute personne qui en fait la demande à trouver un logement décent, bien sûr, il s’agit plutôt de spéculer sous couvert d’action sociale - à Villeurbanne. Plutôt que d’aller s’informer auprès des nouveaux et nouvelles occupant-e-s, des voisins effrayés et troublés (le silence des pantoufles) préviennent la police (le bruit des bottes).
Le lundi 8, les occupant-es sont prié-es de vider les lieux, avant une intervention qui promettait d’être musclée, la police ayant déjà defoncé la porte d’entrée au matin.
Tout ceci alors que les lieux où peuvent s’épanouir des initiatives autonomes se font de plus en plus rares : le gourbi, lieu cédé par la mairie aux ancien-ne-s squatteur-euses du point.moc doit être fermé sous peu sur ordre de celle-ci, et le relogement des habitant-e-s de la duende [4] forcé par la Courly qui dit devoir réhabiliter l’immeuble est toujours en suspend, faute de propositions sérieuses de cette dernière. De nouvelles initiatives restent à prendre !

- Vous pouvez contacter Témoins à l’adresse : temoinslyon at free.fr, ou créer votre propre groupe de solidarité et d’action contre les dérives liberticides.

Mar

Notes

[1Voir popouri 1 chez vos meilleur-es ami-es ou archivistes !

[2Remodélisation de la Duchère, déjà quartier-pilote pour la vidéosurveillance à Lyon : le 29 octobre doit être détruite une des tours de ce quartier populaire. Stéréotype trop criard de l’exclusion et la précarité, l’image de la tour disparaîtra, et avec elle l’histoire sociale de ce quartier. Ce film est projeté dans le but de raviver la mémoire sociale des banlieues et de l’immigration (mouvements des jeunes des années 70-80...).

[3Le verdict n’est pas encore rendu lors de la rédaction de cet article.

[4Le gourbi, 170 av thiers, lyon 6 et la duende, 91 rue montesquieu, lyon7.

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