« On ne parle jamais autant d’un problème que lorsqu’il n’existe pas »

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C’est bien connu, depuis Sun Tzu l’art de la guerre consiste à connaître son ennemi avant de s’engager corps et âme dans la bataille. Li Ch’uan rajoutait que la guerre est une affaire bien trop sérieuse pour que les hommes ne s’y engagent sans la réflexion qu’elle mérite. Pourtant, à Lyon, pas besoin de réflexion. L’ennemi se désigne de lui-même avec ses saluts hitlériens, ses agressions physiques et/ou verbales [1]. Il avait même élu domicile au BunkerKorps. Le spectre d’un 4éme Reich, favorisé par le climat ambiant, plane sur les esprits apeurés. Pourtant, je me permet de me demander, malgré l’evidence qui semble s’imposer : y a-t-il réellement danger ? Pour y répondre : un petit tour d’horizons des différentes formations d’extrême-droite, où l’on verra qu’il n’y a pas que des nazillons en goguette.

Avant-propos

Cet article parle des mouvements anti-fascistes récents ayant eu lieu suite notamment à l’ouverture d’un local ouvertement néo-nazi, local qui depuis a été fermé.

La nébuleuse extrême-droite

En effet, en dehors des boneheads et de quelques nationalistes acharnés, la plupart des formations de l’extrême-droite radicale ont compris la necessité de se montrer sous un jour plus enviable. Par exemple les identitaires ont su couper les ponts, du moins en apparence, avec certaines de leurs pratiques particulièrement choquantes (violence physique, salut hitlérien, racisme et anti-sémitisme forcené). Ils prônent la sauvegarde des « identités régionales », principe fourre-tout, certes, mais toujours plus attrayant que de déclarer ouverte la chasse aux immigrés. Ils jouent ainsi sur les mots revendiquant « la défense de la laïcité », « la résistance contre l’islamisme » et même « la défense de la liberté d’expression », l’on vient sur ce dernier point de leur laisser un immense boulevard ou ils pourront, toute légitimité apparente, insister la dessus (j’y reviendrais)…

Le préjugé du sens commun considère l’extrême-droite comme la famille politique la plus à même de produire, en dehors de la famille marxiste, de l’idéologie. Or comme le souligne Jean-Yves Camus [2] « l’imaginaire de l’extrême-droite est fait avant tout de ‘visions du mondes’, d’images fugaces arrivant en gerbes et qui dessinent un univers intellectuel dans lequel l’attitude et le style importent finalement davantage que la cohérence [3] ». Or à ce jeu là les identitaires sont plutôt doués, de même que Casa Pound [4] par exemple, squat fasciste ouvert en 2007 à Rome copiant ouvertement la réussite des centres sociaux gauchistes, ou encore le mouvement des autonomes nationalistes allemands [5] qui brouillent les cartes en récupérant les codes vestimentaires et les symboles des black-blocs (défilant derrière des banderoles dénonçant le capitalisme, ils ressemblent beaucoup à ceux dont ils usurpent les codes). Ce qui veut dire qu’en terme de visibilité dans l’espace public, ils apparaissent à beaucoup comme étant tout sauf nazis, c’est une donnée non négligeable. Alors certes un parallèle peut être dressé entre les nazis et les identitaires par exemple, mais l’on ne peut les réduire à cela.

L’aspirateur idéologique comme tremplin

Songeons maintenant, cette fois en nous tournant vers l’extrême-droite parlementaire, à Le Pen [6] qui, le 1er mai 2010, oubliant qu’il avait autrefois été ultra-libéral et chantre de Reagan, défendit soudainement le pouvoir d’achat, la protection sociale et les retraites. Ou même à Soral se disant de "la droite des idées mais de la gauche des valeurs" [7]… Cette prétention à se prétendre ni de droite ni de gauche repose grandement sur cette certitude qu’il y a là un « coup » à jouer, sur le constat que les forces de gauche ont perdu leur capacité à porter les aspirations de changement et que le sentiment de révolte partagé par une fraction croissante de la population peut très bien se conjuguer avec les simplistes discours anti-système de l’extrême-droite. Le danger est donc là, non pas comme l’imaginaire collectif nous l’intime, à savoir par une soudaine prise de pouvoir par les héritiers du fascisme, mais plutôt dans la conquête progressive de l’hégémonie intellectuelle dans les sociétés civiles. Ainsi donc, le nazisme serait un faux ennemi ou, tout du moins, resterait cantonné à quelques sphères locales très peu influentes. Dans ses cahiers de prison, le théoricien marxiste Gramsci écrivait que l’Etat se protège par un « système de casemates (appareils d’Etat de contrôle, culture, information, écoles, formes de la tradition) qui excluent la possibilité d’une stratégie d’assaut, puisqu’elles doivent être conquises une à la fois. C’est pourquoi une guerre de positions est nécessaire, c’est-à-dire une stratégie dirigée à la conquête des différents et successifs niveaux de la société civile ». La prise du pouvoir passant par un coup d’état est donc à proscrire. Mais si prise de pouvoir il y a, ce sera par contre sur le terrain de la récupération idéologique. Ce qui nous amène au sujet de la liberté d’expression.

La liberté d’interdire la liberté

Rappelons avant tout que cette dernière, comme pendant de la liberté de conscience, est un produit occidental s’opposant au dogme établi, à savoir celui de la monarchie absolue (crime de lèse-majesté) et celui de la religion (blasphème). C’était bien souvent la première étape vers la démocratie, un premier vrai contre-pouvoir en somme. Il est significatif qu’elle soit la première des libertés supprimées par les régimes autoritaires. Cependant, comme dans le cas qui nous intéresse, la liberté d’expression peut effectivement provoquer des crimes, à caractère raciste par exemple, qui n’auraient peut-être pas eu lieu sans elle. Il apparaît ainsi dangereux qu’une société tolère qu’on diffuse des appels au meurtre de musulmans dans ses rues. On peut aussi très bien imaginer que les paroles influent sur la pensée et qu’elles poussent les esprits faibles dans certaines directions : Socrate n’a-t-il pas été condamné à mort pour « corruption de la jeunesse » ? Considérer également que les paroles ne font pas de mal, c’est s’aveugler au sujet de ce qu’un mal peut être : il n’y a pas que le mal physique qui constitue un crime, mais également le mal moral. Que la calomnie puisse être relayée par la presse est ainsi problématique. Ce faisant, la liberté d’expression pose problème, car elle existe principalement pour contrer l’arbitraire du pouvoir, or, si on choisit de la limiter, ce sera nécessairement le pouvoir qui la limitera. Aussi il me semble difficile d’encourager une telle limitation, car ce serait comme rendre le plein pouvoir à la puissance en place. Le constat se pose d’emblée, ou bien on défend la liberté d’expression jusqu’au bout, ou on ne la défend pas du tout [8]. Alors certes, il est nécessaire de lutter contre toutes les formes de racismes, mais cette nécessitée doit elle passer par un arsenal juridique limitant la parole ? Si telle était le cas, au nom de quelle morale cette mesure se verrait justifier ? Est t’elle juste ?

Se libérer de l’ordre de liberté

Pas aussi simple d’y répondre car un autre facteur, et de taille, rentre en jeu. Comme je le disais plus haut, l’extrême-droite, en tant qu’aspirateur idéologique, est en train de s’accaparer le thème de la liberté d’expression en la vidant de son contenu tout en en faisant une valeur absolue, son cheval de bataille en quelque sorte. Il est clair que cette liberté d’expression, sous sa soi-disante valeur humaniste et progressiste, ne doit s’appliquer pour eux que de manière unilatérale. Car il est à craindre qu’une fois acquise entre leurs mains, elle puisse servir à enterrer d’autres points de vue, à mieux censurer les contres-idées. Elle serait donc biaisée car découlant d’un rapport de soumission. C’est surtout partant de ce point que les antifa souhaitent interdire la liberté d’expression. Arguant, à juste titre, qu’il s’agit de "la liberté du renard dans le poulailler". C’est cette conception de liberté qu’il nous faut remettre en cause, en mettant l’accent sur ses contraintes héritées qui pèsent sur nous. "Car il est clair que critiquer la répression institutionnelle ou para-étatique n’a de sens que si l’on s’en sert aussi pour critiquer l’idée de liberté. Non pas en arguant qu’elle serait fausse du fait de l’existence conjointe d’une répression, mais au contraire en montrant qu’elle n’a de sens que dans un contexte de pression et quelle est alors sa fonction." [9] On le voit bien ici, cette conception de la liberté est en réalité plus nocive que productive. Mais vouloir interdire cette liberté à usage verticale, bien qu’étant logique en apparence, passe automatiquement par un accaparement puis un usage inverse de celle-ci ! Ouroboros par excellence : on a peur qu’ils puissent nous interdire la parole alors on interdit la leur ! Dit autrement : à quoi sert la critique même de l’idée de pouvoir si, dans un même temps, on s’en empare ? Dans ce cas ne nous faudrait-il pas, non pas interdire la liberté d’expression, mais la reconsidérer à usage horizontale ? Cela passe par la démystification de cette liberté qui, en réalité, n’est autre qu’une "soumission consentie dans un cadre de soumission forcée" [10]. Mais il ne faut pas perdre de vue que la lutte à mener doit surtout contrer la soumission, pas uniquement l’idée de liberté toute relative qui en découle. Je n’ai pas de solution miracle, mais je persiste à croire que l’interdiction n’en est pas une.

Une victoire à la Pyrrhus

Face à cette question d’importance, je ne peux que vous laisser seul juge devant les conséquences liées à l’interdiction de cette "fausse liberté d’expression"qui en découlent : songeons un instant, dans notre société du spectacle, au spectateur qui serait amener à s’interroger devant tout cela. Il verrait, de prime abord, d’un côté une force dite d’extrême gauche, héritière de valeurs ancestrales telle que la liberté d’expression et d’émancipation du rôle étatique (dans le cas qui nous intéresse), et de l’autre une force dite d’extrême droite qui, toujours au premier abord, est vue comme porteuse de valeurs haineuses et autoritaristes. Dans un second plan maintenant, ce même spectateur peut voir l’extrême-gauche désireuse de couper la parole à l’extrême-droite en passant par l’aide de l’état, il verra ensuite cette même extrême-droite clamer haut et fort le droit à la liberté d’expression, invoquant une trahison étatique. Il y a donc, en terme de visibilité, inversion des rôles. La déformation médiatique aidant, le spectateur éprouvera alors presque automatiquement une certaine sympathie pour l’extrême-droite, et une antipathie certaine pour une extrême-gauche qu’il qualifiera d’hypocrite. Pour être concret cela veut dire que malgré nous, nous sommes en train d’aider l’extrême-droite-nébuleuse à s’implanter dans les esprits en la présentant sous un jour plus enviable. Elle-même se dégagant médiatiquement de son corpus le plus radical. Il y a donc urgence, il nous faut renverser la vapeur, mais par quels moyens ?

Vers l’émergence d’une "refl-action" anti-fasciste ?

Propositions : le but (éradication de la menace fasciste des groupuscules radicaux d’extrême-droite) doit n’être qu’un ADJUVENT à un but plus global et prioritaire visant à repérer puis à affronter sur le terrain idéologique les récupérations de l’extrême-droite-nébuleuse, et même de la classe politique en générale, des thèmes rascistes, xénophobes, populistes, démagogiques, (etc) sous couvent de propos « politiquement correct ». Ce n’est pas évident car Sarkozy n’effectue pas tout les matins en se rasant un salut hitlérien devant son miroir. C’est pourtant là que le danger est le plus grand, c’est-à-dire là où il est le plus subtil, le plus indécelable. Le fascisme ostentatoire est plus facile à combattre car plus visible, mais le fascisme à visage humain est plus sournois, plus insidieux et nous ne disposons pas d’armes pour le combattre. Car les moyens mis en place pour le combattre ne doivent pas rentrer en contradiction avec nos revendications usuelles, vouloir interdire une expression est non seulement hypocrite de notre part, mais de plus contre-productif car faisant le lit de l’extrême-droite-humaniste (sic). Je ne nie pas le danger potentiel des groupuscules néo-nazis, je pense juste que ce danger n’est pas prioritaire. A ce titre les antifas, en tant que force physique, sont nécessaires, mais uniquement d’un point de vue défensif. L’attaque doit se jouer sur le terrain idéologique, or à ce sujet le mouvement antifa manque cruellement de moyens de communications permettant une diffusion massive de pensées critiques. Dire d’une quelconque formation politique qu’elle est raciste et discriminatoire peut constituer une certaine vérité, ne dire que cela passe pour un mensonge ou un manque de discernement.

"La liberté de tout dire n’a d’ennemis que ceux qui veulent se réserver la liberté de tout faire. Quand il est permis de tout dire, la vérité parle d’elle-même et son triomphe est assuré." [11]

P.-S.

(Le titre est une citation de Baudrillard)

(Le sous-titre « Se libérer de l’ordre de liberté » est une citation de Bonnardel)

Notes

[2Politologue, chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris).

[3Dans Article 11 numéro 2.

[5"Nationalistes Autonomes (sur actionantifasciste.fr)

[6Voir son discours à Paris le 1er mai.

[8Pour paraphraser Chomsky

[9Yves Bonnardel, dans Temps critiques numéro 8

[10Beauvois & Joule dans Soumissions et idéologie.

[11Henri-Leclerc

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  • Le 28 juin 2011 à 12:29, par Zog-Zog

    @ l’anarcho-syndicaliste sans coeur
    Je ne parle pas du trop-plein de dénonciation du fascisme au niveau sociétal et national( car il y a effectivement un vide intersidéral à combler à ce niveau) mais à l’échelle militante et locale.

    De plus le sous-titre « comment les antifa se trompent de cible », rejoint le reste de l’article en signalant que le danger fasciste médiatique et parlementaire est plus important que le danger extra-étatique (qui ne doit pas être une priorité de lutte). Ainsi, je ne déni pas le danger fasciste (bien au contraire !), je dénonce une focalisation outrancière et contre-productive du fascisme extra-étatique. Outrancière car exagérée et fondée sur un danger minime. Contre-productive car ne lorgnant pas assez, du coup, sur le fascisme parlementaire et « démocratique ».

    Parenthèse à part, le « fascisme à visage humain », tel que je le définit, n’a pas de réalité sociale mais existe bel et bien dans l’imaginaire collectif, toi-même le reconnait d’ailleurs en qualifiant Zenmour de sous-fasciste. Mais je ne comprends toujours pas en quoi tu critiques l’article car tu rejoins presque mot pour mot ce que j’y dis : « le fascisme […] ne se limite pas à quelques manifestations visibles ». C’est bien ce que j’essayais de démontrer, qu’il ne faut pas se focaliser sur les groupuscules néo-nazis mais sur ce « mouvement de fond ».

    En ce qui concerne l’épineux sujet de la liberté d’expression, la plupart des libertaires la défendent uniquement quand des militants de leur bord sont sommés de se taire. Or, et au risque de me répéter, ou bien on défend la liberté d’expression jusqu’au bout, ou bien on ne la défend pas du tout. Après le fait de discuter de l’élitisme ou non d’un Chomsky ou d’un Baillargeon n’est pas pertinent ici. Je précise que, pour moi, être libertaire signifie n’accepter aucun dogme, aucune morale en bref, aucun autoritarisme quel qu’il soit et quand bien même il œuvrerait pour le « bien commun ». Ainsi je n’accepte pas que l’on m’interdise de proférer des propos haineux, même si je n’en ai pas l’intention, question de principe.

    Le fait de ne pas pouvoir dire que « 2 et 2 font 5 » pourrait paraître comme étant un argument plausible s’il ne se limitait qu’aux sphères dites des « sciences dures », où il existe(rait ?) une réalité indéformable. Mais qu’en est t’il des sciences humaines ? Elles sont, par essence, floues, et il est donc difficile, si ce n’est dogmatique, de vouloir en extraire une quelconque vérité. Et même en admettant qu’une vérité empirique s’en dégage, qui la fixerait ? Ou se situerait la limite ? Devrait-on la poser comme étant incontestable ? Ne ce serait-ce pas là justement l’alter ego inversé d’une vision libérale et bourgeoise de la société ?

    Je n’ai peut-être pas été assez clair à ce sujet, je dis qu’il faut détruire les libertés verticales (oxymore par excellence). Mais au lieu de les détruire totalement il faudrait, pour métaphorer, les applanir et les rendres horizontales, donc accessibles à toutes et à tous. Car on peut (doit) critiquer et détruire le pouvoir, vertical par essence, de la liberté d’expression, mais si l’on désire s’en accaparer à d’autres fins ce pouvoir gardera en lui cette même origine que nous lui reprochons actuellement. C’est un peu la même chose qu’il se passe lorsqu’est instauré la dictature du prolétariat, ou, pour reprendre Bakounine : "Prenez le révolutionnaire le plus radical et placez-le sur le trône de toutes les Russies, ou confiez-lui un pouvoir dictatorial [...] et avant un an il sera devenir pire que le Tsar lui-même.".

    Pour conclure, et comme dit plus haut, je n’ai pas la panacée à tous ces problèmes. Je pointe seulement du doigt les contradictions qui peuvent nous perdre. A mon sens en tout cas.

    @Cha
    Je suis d’accord avec toi, l’anti-fascisme est nécessaire d’un point de vue physique mais uniquement, selon moi, en termes défensifs. C’est ce qui, je pense, a fait son succès dans les années 80. Mais je trouverais plus logique, en tout cas moins hypocrite, d’aller directement leur casser la gueule que d’implorer l’Etat à fermer leur local...

    Qui plus est, pour te convaincre qu’il y a bien quelque chose qui ne vas pas, lors de la dernière manifestation, le PS était présent et rejoignait le point de vue des antifas. Ou bien le PS a radicalement changé, ce qui est peu probable, ou alors il y a un problème quelque part, non ? ;)

  • Le 19 juin 2011 à 06:34, par « Un anarcho-bolchevik sans coeur »

    Beaucoup de blabla pour peu de reflexion.

    Le titre même me pose problème : est-ce qu’on est vraiment dans un pays où « l’antifachismeuh » est si prédominant ? Est-ce que ça occupe « tant que ça » les reflexions ? J’en ai pas l’impression. L’analyse du fascisme comme mouvement de fond dans la société est même quasiment absent et cet article en est la preuve.
    On est dans le refus de l’analyse, dans le refus de regarder l’évolution de la société au niveau local et international, de la montée du fascisme et des autoritarismes de droite bien traditionnels (même si elles ont leurs composantes résolument modernes - rien ne nous dit en effet que le fascisme ne prendra pas pour prétexte ou pour « déguisement » la démocratie : mais ça ça n’a rien de nouveau...) en europe et ailleurs.

    Autant dire même les choses franchement, pour le commun des mortels, les identitaires, alain soral ou même eric zemmour (qui à sa décharge, peut être considéré comme une espèce de sous-fasciste ou de proto-fasciste) ont plus de notoriété et de crédit que le plus célèbre des groupes ou collectif antifasciste dans ce pays (c’est lequel déjà ?), ou que la démarche antifasciste (même révolutionnaire, même quand elle ne prend pas ce « nom »). Soyons un peu honnètes avec nous même : le « problème » est plus important en france que le débat sur comment le contrer et l’action effective pour y arriver.
    En bref, pour détourner le vieux Baudrillard (vieille baudruche pantouflarde heureusement disparue) : « on ne détourne jamais autant son regard d’un problème que lorsqu’il crève les yeux ».

    Mais c’est toute la question. Ou bien on considère que le fascisme, ou « l’autoritarisme de droite » qui compile nationalisme, et replis national - andogamie et xénophobie (ou ethnocentrisme et consanguinité érigée en modèle de société)-, suspension des libertés allouées par l’Etat de droit bourgeois tout ça parce que : concentration du capital, et donc corporatisme et collusion directe -et non plus seulement entente réciproque entre appareil et entre bourgeoisie industrielle et pouvoir d’Etat, atomisation de la société et sa soumission absolue à l’Etat et aux idéologies les plus réactionnaires qu’il colporte via son infrastructure idéologique para-institutionnelle -médias, culture, propagande- (et donc le squadrisme, la prolifération de milices ou des groupes « nébuleux » comme phase préfigurant l’avènement du fascisme, comme symptôme et non comme phénomène distinct ou « cause ») généralisation du contrôle social et militarisation de la société... arrive inévitablement comme contre-révolution préventive en réponse à l’agitation révolutionnaire et comme « porte de sortie » de la crise du capitalisme en vue de le restructurer, de se rallier la plus large partie des exploité-e-s et d’éliminer en son sein les éléments les plus ouvertement révolutionnaires : en détruisant toute menace subversive et en jugulant le reste de la contestation « tolérable » avant de s’en débarrasser définitivement. Bref que LE FACHISMEUH est une réalité ou peut le devenir. Ou bien on considère que c’est une « vue de l’esprit » (weltanschaung), un paradigme, une façon de voir les choses, une relique du passé qui ne se répète pas : bref, un mirage.

    Ou bien on considère qu’en l’Etat, la plupart des éléments qui constituent l’actualité de ce pays et même et surout à l’international ( la situation italienne, la situation grecque -principalement ces dernières semaines-, la situation allemande surtout à l’est, la situation russe, où les mouvements fascistes sont passé à l’étape supérieure et ont dépassé l’agitation : la constitution d’un parti et la conquête du pouvoir dans la lutte sanglante et permanente contre toute opposition révolutionnaire) nous permettent bien de parler sans nous abuser de fascisme. Mais je suis preneur si vous trouver un mot plus pertinent pour parler des copains de soral qui ont roulé sur un camarade en voiture à Rennes il y a quelques jours et donc tentative de meurtre, des tabassages « militants » (motivés politiquement) d’homosexuels en recrudescence en région parisienne comme ailleurs, de celui qui s’est fait coupé les tallons d’Achille dans le sud par des nazillons, des attaques ciblées avec rafale à la kalachnikov contre une mosquée et un kebab près de marseille l’année dernière, de la montée des agressions et attaques antisémites avec en parallèle la tolérance relative vis à vis des discours négationnistes et conspirationnistes qui accusent le juifs de tout les maux du monde (On pourrait parler de Chomsky, de Bricmont, de la « lutte pro-palestinienne » comme alibi à tout et n’importe quoi, on va y revenir), des identitaires qui pour la première fois ont fait la marche sur paris à plus de 300 cette année, de la manif ensuite du 9 mai où ils étaient plus de 3000 et se maintiennent par rapport à l’année passée -et les antifas quant à eux, à peine 500 (même si évidemment, tout n’est pas qu’une histoire de chiffre, mais faudrait pas non plus se raconter de berçeuses) le tout pétri de folklore antifa à deux balles et d’auto-satisfaction déplacée... bref. De choses pas vraiment anodines, qui ne concernent pas que Lyon et son milieux militant et qui pourtant s’instaurent petit à petit dans la routine des « faits divers » avec en face des « révolutionnaires » de plus en plus « anti-anti-fascistes » et suffisants dans leur aveuglement volontaire .

    Mais pour paraphraser le jeune Marx, nous pourrions nous mettre une capuche de nuage sur les yeux comme Percée pour avancer parmi les monstres que celà n’y changerait rien : les « monstres » sont toujours là.

    Donc, en admettant que ça existe et que ça ressemble à ce qu’on disait plus haut, au delà de ça : le fascisme au juste, c’est quoi donc ?

    Qu’est-ce que ça veut dire « fascisme light » ou « fascisme à visage humain », si on le définit ? Rien ou pas grand chose. Il n’y a pas de modèles statiques, ou de fascismes qui se déclinent en palette de « light » et de « strong » comme au Bar-Tabac entre malbacs menthols et gitanes sans filtres. Pas plus que le fascisme ne se limite (comme dans la vision strictement syndicaliste révolutionnaire ou anarcho-syndicaliste - assez limitative) aux « milices du patronat » : c’est clairement un mouvement de fond dans la société. Est-ce que pour autant il ne s’agit que de « l’inévitable et irrésistible conséquence du capitalisme décadent et pourrissant » comme le voient certains marxistes ? Vision sans doutes trop mécaniste . Mais dans une société en mouvement, car tout est mouvement, ou les choses bougent et les lignes de front évoluent sans cesses : on ne peut voir le fascisme que comme un fait général, un phénomène social complexe qui ne se limite pas à quelques manifestations visibles (comme les groupes de nazis assumés). En fait, voir les choses en terme d’idéologie ne nous apprend pas grand chose. Il faut regarder l’évolution du fascisme ou du replis nationaliste et de ses différents avatar comme une forme de contre-révolution préventive (il faut lire Luigi Fabri, anarchiste italien, sur la question).

    Concernant la « liberté d’expression » aussi, il y a un gros problème.
    C’est quoi au juste « la liberté d’expression » ? Un droit garanti par l’Etat de dire « tout et n’importe quoi » ? De « tout dire » ? Dans cette « défense absolue de la liberté d’expression envers et contre tout » en idiots utiles que nous serions -entant qu’anarchistes ou libertaires- seuls à défendre, nous polissons la hache qui nous tranchera la tête.

    Où sont donc les Chomsky et les Bricmont pour soutenir la « liberté d’expression » des camarades condamnés pour « incitation à l’émeute », pour signer la pétition pour la libération des prisonniers d’action directe ? Où sont il pour défendre la parole des opprimé-e-s et des exploité-e-s ? Ce sont des « anarchistes » de salon, qui vivent sur les rentes universitaires de l’Etat, et qui se retrouvent à défendre des principes abstraits qui ne nous servent à rien. Si « défendre liberté d’expression », c’est faire comme radio libertaire et inviter des gens racistes ou soutenir des propos stygmatisants sur sa radio (voir l’article des luftmenschen « Radio Courtoisie en direct sur 89.4 » ) ou organiser des débats sur « la liberté d’expression » où sont tolérés des négationnistes sympathisants et antisémites dans ses « rencontres sur la liberté d’expression » (voir aussi cet article et ses commentaires sur indyparis ou encore l’article « les 3 formules du professeur Bricmont » sur le fameux bonhomme toujours bienvenue dans les sauteries de la F.A et de Radio « libertaire »)
    si défendre la « liberté d’expression » c’est défendre la présence de gens comme ça dans nos propres « rangs » et les inviter/tolérer/soutenir : alors je suis contre !
    BOUH ... je suis un « fasciste rouge » ?

    Non, je pense juste que la liberté d’expression, si elle existe en dehors du droit bourgeois : c’est pas la liberté de dire n’importe quoi. C’est la liberté de dire que « 2 et 2 font 4 » pour reprendre Orwell. Pas de soutenir et d’assener en criant avec les loups que « 2 et 2 font 5 » et qu’on « a le droit de le dire même si c’est faux ! » : parce que ça c’est une vision libérale et bourgeoise de la liberté. Je ne dis pas qu’il faut « censurer » ou imposer par l’Etat des restrictions, mais que la lutte passe aussi par faire fermer leur bouche aux fascistes ou même aux bourgeois et à leurs intellectuels en commençant déjà par ne pas tolérer et/ou relayer leurs discours de merde (du plus petit révisionnisme historique à la négation de crimes contre l’humanité, de la « petite insulte » raciste/sexiste/homophobe/antisémite à l’appel au pogrom) : parce que le fascisme passe aussi (comme tu le remarque si justement) par le pouvoir et la violence des mots. Et comme on a le droit de refuser un coup, on a le droit de refuser une insulte ou un appel au meurtre (même lorsqu’il est savamment déguisé) : parce que ce n’est pas la liberté de s’exprimer qui est en jeu, c’est la « liberté » d’écraser les autres, et donc la nécessité de survivre pour « les autres » (autrement dit « nous » ? Je ne sais pas dans quelle classe tu te situe ou pense te situer, ni quelle type de domination tu subis... mais je suppose que tu te range du coté des exploité-e-s/opprimé-e-s, n’est-ce pas ?).

    Du reste, quelle cohérence et quelle logique il y a à vouloir faire la révolution et donc de détruire les « libertés » (d’entreprendre, de gouvernement, de légiférer, de nous asservir ou de nous enfermer -voir de nous tuer-) des classes dominantes tout en leur laissant de loisir de déverser leur pire propagande sans réagir ?

    Les lettristes eux-mêmes (qui devaient plus tard fonder l’internationale situationniste pourtant fort attachée à « la liberté d’expression », même si ça a été dit en d’autres termes) n’ont ils pas interrompu et saboté une conférence de presse de Charlie Chaplin en le traitant de « fasciste larvé » pour son film « les lumières de la ville », en lui intimant de ne plus faire de film et en lui souhaitant de crever vite-fait ? (voir ici le tract « finit les pieds plats »)
    Les interventions des intermitant-e-s/précaires contre la télé réalité sont ils une attente à la « liberté d’expression » de ce type de divertissement ? Certainement !
    Les actions anti-fascistes contre les locaux de nazis pour les empêcher de déverser leur propagande et d’agir sont ils une atteinte à leur « liberté d’expression » et même de « mouvement » ?!

    Parfaitement ! Et il n’y a pas de quoi avoir honte. Du reste : pourquoi il faudrait avoir honte de vouloir boycotter les fascistes, les vrais, et pas charlie chaplin ou la télé réalité ? Pourquoi l’expression politique la plus dégueulasse (négation de crimes contre l’humanité) trouve pour certains « intellectuels » (si prompts à critiquer toute posture d’intellectuel mais jamais la leur) dans leur tour d’ivoire -comme Chomsky- une sorte de respectabilité philosophique qui lui inspirent des sentiments voltairiens, ou le fait que des révolutionnaires soient enfermés pour avoir exprimés leur envie de révolte ou de révolution (de ceux enfermés pour des tags ou un tract contre la croix rouge en passant par des affaires plus notoires comme celle de Jean-Marc Rouillan qui a été remis bien que malade en prison pour avoir simplement dit qu’il ne regrettait rien de son passé et alors que la peine de sureté était largement dépassée) ? Une seule question : pourquoi ? Et où est-ce que ces intellos de merde placent leurs priorités ?

    Une chose est sure : ce ne sont pas les miennes ! Et on rediscutera « liberté d’expression absolue » quand tout les camarades auront été libérés et pourront en parler avec nous. En attendant, la « liberté à géométrie variable », c’est défendre des grands principes quand on garde des révolutionnaires en prison et qu’on libère des négationnistes comme Renouard (même si, ouais pas de soucis okay : moi aussi je suis contre les prisons...), quand au lieu de défendre des camarades ou « compagnons » (pour les anarchistes à cheval sur la sémantique) engeolés pour avoir appelé à l’insurrection ou à la révolution, on défend la « liberté » des fascistes à déverser leurs merdes.

    Mais la liberté n’est ni un droit hérité du code pénal, ni un fait accomplit issu du « droit naturel » : elle se gagne au fruit de la lutte. Si les fascistes veulent la liberté d’expression -pour eux seuls donc, comme on sait- : qu’ils se battent seuls. Ils n’ont pas besoin du soutien des révolutionnaires. Sans parler d’Etat (verbiage marxiste donc) : la liberté est un rapport social qui se construit et s’instaure, souvent par la force et contre ce qui tente de nous en priver ... Il n’y a pas de droit « donné », il n’y que des libérations. En somme : « les libertés ne se donnent pas, elles se prennent »
    Alors nous n’avons rien à donner à une poignée de fascistes qui rêvent de nous voir mort-e-s.

    Bref, vu le niveau du débat, je nous souhaite bon courage pour la suite...
    A savoir si on va enfin s’organiser pour faire la sociale et chasser les fascistes et le pouvoir de nos rues ou continuer à prier pour que les monstres disparaissent...

    A nous de voir !

  • Le 6 juin 2011 à 14:22, par cha

    Bon, ben j’ai tout lu. Je suis assez d’accord dans l’ensemble.

    Une question cependant : les mouvements antifascistes des années 1980 qui ont littéralement bannis, par la violence, les fafs de certaines villes françaises n’ont-ils pas eu un effet contre l’extrême droite quand même ?
    ...Un local comme celui de Gerland drainait nécessairement des connards d’un peu partout en Rhône-Alpes, voir plus loin... si un truc comme ça continue à exister, ça le normalise, les connards invitent leurs potes connards, ensemble ils ont confiance, et sont de plus en plus cons. Parce qu’ils ont le temps de venir, on les emmerde pas trop, ils font les coqs, ils s’entrainent à la baston, on leur monte la tête, et puis forcément ça finit par déborder, c’est logique... si au début ils sont quinze à se réunir ils sortent pas trop de leurs murs, mais quand ils se sentent tolérés, ils deviennent cent, deux-cent, ils commencent à malheureusement servir de modèles à d’autres. Effet boule de neige...
    alors qu’en leur montrant 1/ qu’ils sont pas la bienvenue 2/ que leur comportement n’est pas « normal », on stoppe l’avancée...

    C’est cette vieille histoire de « gangrène »...

  • Le 2 juin 2011 à 14:43, par Fab

    Merci pour cet article qui pousse à la réflexion de la diffusion de nos idées anti-fasciste (et anti connerie surtout) au delà de la simple « réaction ».

    Maintenant, il nous reste à .... nous mettre au travail :)

  • Le 2 juin 2011 à 01:37, par L’auteur

    Je ne m’en rends compte que maintenant mais il est vrai que cet article peut paraître ésotérique à bon nombre de personnes. Pour le comprendre il est nécessaire de se replonger dans les récents événements ayant confronté les antifas aux fascistes(Je ne les nomme comme cela que pour reprendre le jargon médiatique). Je vous invite donc à lire les liens situés dans le paragraphe « avant-propos » si vous êtes étranger à tout cela.

    Si vous avez la flemme de perdre du temps je vous résume le tout : grosso et modo, un local néo-nazi (catégorisé et approuvé comme tel) à élu domicile vers Gerland. Mais ce n’est pas tout. Le nombre d’agressions fascistes s’est accru ces dernières années. Plus, d’ailleurs, envers des militants catalogué comme étant « à gauche » qu’envers des personnes non-blanches (c’est une donnée que je me doit de préciser) . L’ensemble a favorisé un « devoir de réponse » des Antifa. Les antifa (c’est à dire tout ceux qui se joignirent au mouvement, moi inclu) ont demandé illico la fermeture du local. On s’est rassemblé. On a manifesté. On a obtenu des audiences avec l’équipe municipale de Lyon 7. Au final, le local à été fermé par voie préfectoral au motif hypocrite d’un « non respect des consignes de sécurité ». Concrètement on leur fermait la gueule. Voila pour le contexte, et donc dans l’article je remets en cause la légitimité invoquée de l’action antifa.

    En tout cas si vous avez tout lu vous êtes des champions ! Bravo !

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