Aujourd’hui, un syndicaliste, sans antécédents judiciaires, est accusé de jet de pierres, de jet de cartouches de grenades lacrymogènes, porteur d’une barre de fer, d’incitation à l’émeute, de préméditation, de tentative d’évasion, de rébellion... contre la force publique le 19 octobre, sans avoir provoqué d’ITT. Les flics l’ont bien tartiné alors qu’il ne reconnaît qu’un jet de canette sur une poubelle.
À la lecture de l’accusation, le président Taillebot s’étonne : « Vous n’aviez pas l’équipement du parfait manifestant »
L’avocat général Ponsard mène l’attaque en défendant le pouvoir en place, version diviser pour mieux régner : « Vous êtes un ouvrier ? Pourquoi étiez-vous avec les lycéens et pas avec les ouvriers ? » Il reprend ensuite sa diatribe citoyenniste, cette fois-ci teintée de mépris vis-à-vis de ce qu’il ne considère pas comme « civilisé » : « Allons-nous accepter que la violence devienne un moyen d’expression démocratique dans un pays civilisé ? ». Le prévenu nie en bloc.
L’avocat du prévenu, Bambanaste, demande la relaxe : « c’est un syndicaliste, il travaille, vous avez toutes ses fiches de paie, 6 mois ferme pour quelqu’un qui est dans une manifestation contre la réforme des retraites, qui a le droit de manifester, qui n’a jamais eu de problème avec la justice ».
La défense paie et son client est condamné à 6 mois avec sursis – 6 mois de trop, surtout si on se rappelle que le tribunal ne lui avait mis que 2 mois avec sursis ...
Le suivant n’est justement pas un syndicaliste, ce qui lui vaut une forte suspicion : de quoi pourrait-il se plaindre ? En effet, c’est un homme jeune, père de deux enfants, qui se présente à la barre. Arrêté le 19 octobre vers le quai Gailleton, puis condamné à 4 mois de prison avec sursis, il doit verser 330 euros de dommages et intérêts et frais de justice à un policier de la BAC (Brigade Anti Criminelle).
Rien que pour la comparution immédiate, son avocat demande plus de 900 euros ! Paysagiste de profession, il n’a jamais eu de problème avec la police et la justice. Il est accusé d’avoir ramassé place Bellecour un galet de sept centimètres sur quatre et d’avoir visé un CRS.
Le président Taillebot résume « Vous avez un très bon profil social, pas de condamnation, père de famille, tous les éléments sont réunis pour vous insérer correctement. »La conseillère Wyon renchérit « vous êtes en train de faire construire une maison, la vie ne vous est pas trop difficile ! » (sous-entendu, vous n’avez aucune raison de protester !) suivie par la représentante du parquet qui reprend « vous avez un profil tel que vous êtes capable de travailler, vous allez avoir un contrat, vous n’êtes pas dans la rue… pourquoi aller casser du policier, je n’arrive pas à comprendre… » Et elle répète, incrédule « vous n’avez pas le profil » (mais, personne n’as "le profil" !).
La cour ne comprend pas comment cet homme père de famille « en a marre de cette société » ! Ce prévenu qui est là debout devant eux fait partie du même monde qu’eux et ça les insupporte à tel point qu’ielles veulent mettre ça « sur un coup de folie », dénigrant ainsi tout discernement au moment des faits (mais alors, pourquoi conserver la responsabilité du prévenu ?), mais le privant aussi du sens politique de ses gestes. L’avocate générale demande une peine ferme d’emprisonnement à exécuter avec un bracelet électronique. Une des peines les plus lourdes, mais aussi une peine significative de la raison d’être des aménagements de peine : il ne s’agit pas de vider les prisons ni de réduire les peines, mais bien d’en inventer de nouvelles.
Quelques semaines plus tard le verdict tombe : 6 mois ferme alors qu’en comparution immédiate, le parquet n’avait demandé que du sursis, et le tribunal l’avait suivi.
La morale de cette histoire : Il y en a qui ont des raisons de casser du flic et d’autres qui n’en ont pas. Quoi qu’il en soit ielles se font tous fracasser !
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