Une alerte lancée sur les conditions de travail à l’Université Lyon 2

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la précarité tue

Dans une lettre, des enseignant.e.s alertent sur de nombreux manquements de l’université quant à ses obligations en tant qu’employeur : agents travaillant sans contrat de travail, des salaires et des primes versés avec des mois de retard ou même jamais versés, des tâches réalisées sans rémunération, etc.

Dans un contexte émotionnellement éprouvant suite à l’immolation d’un étudiant en raison de ses conditions de vie précaires, neuf enseignant.e.s, titulaires et non-titulaires ont tenté d’’exercer, pendant la semaine du 25 novembre, leur droit de retrait. Ces enseignant.e.s ont pointé plusieurs facteurs dégradant les conditions de travail et d’études. La précarité touche de nombreux.ses étudiant.e.s et enseignant.e.s. Le risque d’une reproduction de tentatives de suicide est élevé. La présence régulière d’agents de sécurité sur les campus et la multiplication des interventions des forces de police détenant des armes, instaurent un climat de tensions et de violences.

Le contexte de travail constitue pour ces enseignant.e.s un danger grave et imminent, tant sur les plans psychologique que physique. Ce droit de retrait a été refusé par la direction de l’université qui semble avoir pris l’exercice de ce droit à la légère. Dans les jours qui suivent, ces enseignant.e.s, rejoint.e.s par d’autres membres du personnel, ont sollicité le CHSCT pour lui demander de réaliser une enquête sur les conditions de travail, en ayant recours au droit d’alerte.

Dans une lettre envoyée le 3 décembre 2019, nous, personnels titulaires et non-titulaires de l’université rappelons les conditions délétères dans lesquelles nous travaillons actuellement. Nous souhaitons aujourd’hui la communiquer largement, à l’ensemble de la communauté universitaire et au-delà, afin que soit porté à la connaissance de toutes et tous un premier aperçu des irrégularités et des dysfonctionnements systématiques de l’Université quant au respect des droits et des conditions de travail des personnels et la mise en danger de ceux et celles-ci.

Objet : droit d’alerte

À Madame la Directrice des Ressources Humaines et de l’Action Sociale,

Aux représentant.e.s du Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT) de l’Université Lyon 2

Nous sommes des personnels, de divers statuts et catégories, de l’Université Lyon 2 : étudiant.e.s, doctorant.e.s, enseignant.e.s, employé.e.s dans différents services administratifs

Nous demandons une enquête du CHSCT sur les conditions de travail à l’Université. Entre précarisation des statuts et dégradation des conditions de travail, la crise actuelle exacerbe des problèmes, dont certains ont déjà été signalés à plusieurs reprises à l’administration.

Voici un recensement, non exhaustif, des divers dysfonctionnements et illégalités, qui motive notre droit d’alerte :

- Des personnes dispensent des cours sans contrat de travail de septembre à ce jour.

- Des personnes n’ont eu leur contrat de travail qu’après leur prise de poste, ce qui a entraîné un retard du paiement de leur salaire.

- Des personnes n’ont pas été rémunérées, à ce jour, alors qu’elles ont commencé le travail à l’université à la rentrée universitaire.

- Des personnes n’ont, à ce jour, pas été rémunérées pour des vacations effectuées pendant l’année universitaire 2018-2019.

- Des personnes vacataires ont dû travailler au-delà du nombre d’heures de vacations permises (96h) et n’ont pas été rémunérées pour les heures dépassant ce plafond.

- L’ensemble des vacataires subit un retard de paiement d’au moins deux mois, de manière systématique.

- Des personnes cumulent les statuts de chômeur et de vacataire. Pour ces personnes, les retards de paiement entraînent des ruptures de droit, des radiations, des trop perçus à rembourser.

- Contrairement à la loi, l’administration n’envoie pas d’elle-même les attestations employeurs permettant le calcul et la poursuite des allocations chômage, et ce de manière systématique, entraînant des ruptures de droit.

- Des restructurations de services ont pour conséquence d’exposer des personnels, déjà précaires, à des dangers physiques et psycho-sociaux.

- La multiplication de temps partiels imposés et de contrats courts place une grande partie des personnels dans une grande précarité.

- Le nouveau logiciel OSE est dysfonctionnel. Un grand nombre d’enseignements n’y apparaissent pas, ce qui rend impossible la saisie des heures.

- Des doctorant.e.s ont dû, sous la pression, encadrer des mémoires et participer à des jurys de master, sans être payé.e.s pour ce travail.

- Des contractuel.le.s sont sollicité.e.s pour des surveillances d’examens non rémunérées, qui ne sont pas prévues dans leur contrat.

- Il y a une grande opacité sur les encadrements de mémoires. Dans certains cas, ce travail est évalué comme l’équivalent d’une heure et demi de cours, dans d’autres cinq heures, dans d’autres, il n’est pas du tout rémunéré, parfois dans un même département.

- Légalement, le recours par l’université à des vacataires ne doit pourvoir qu’à des besoins ponctuels. Or, nous constatons qu’il est systématique et qu’il répond à des besoins permanents. Cette situation entraîne des dysfonctionnements dans les départements. Bien qu’assurant, de fait, un travail de manière permanente, les vacataires ne sont pas intégré.e.s dans les équipes pédagogiques. Les vacataires ne sont pas informé.e.s de leurs droits par l’administration.

- Les personnes travaillant pour l’université sont exonérées des droits d’inscription en thèse à partir d’un service de 52h30. Or les conditions pour obtenir cette exonération sont opaques et ne font pas l’objet d’une communication à l’ensemble des doctorant.e.s-vacataires de l’université. Dans des conditions de précarité engendrées par les contrats de vacation, il est parfois impossible à des doctorant.e.s-vacataires de payer ces frais d’inscription dont nous soulignons qu’ils sont destinés à leur propre employeur. Cette situation entraîne des abandons de thèse et augmente alors la précarité de ces étudiant.e.s salarié.e.s de l’université.

- La prime recherche a été versée avec deux mois de retard pour des enseignant.e.s alors que pour d’autres elle a été versée à temps (fin août). Dans certains cas, elle a été versée plusieurs mois après la fin du contrat. Ce versement tardif n’a fait l’objet d’aucune indemnisation, malgré l’enclenchement d’une demande express (cette dernière étant basée sur le droit en vigueur).

Nous jugeons que la question des risques psycho-sociaux est insuffisamment prise au sérieux par la direction et l’équipe présidentielle de notre établissement : en témoigne l’absence de déclaration de ces risques sur le DUERP accessible sur intranet de l’université et l’absence de travail collectif pour les prévenir et les réduire. Or la crise actuelle montre l’urgence d’un diagnostic et d’actions concrètes permettant d’y remédier : que ce soit en exerçant leur droit de retrait, en sollicitant un arrêt de travail auprès de leur médecin ou en alertant les organisations syndicales, de nombreux.ses collègues manifestent leur détresse vis-à-vis de conditions de travail toujours plus détériorées.

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