« Vivons, simplement...! » plutôt, « Messieurs les généraux de la décroissance »

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Que peut-on retenir des « états généraux de la décroissance » qui ont eu lieu à Lyon le samedi 15 octobre ? En tout cas, débordant cette journée, une incroyable dynamique s’est vécue pendant trois jours au sein des retrouvailles des marcheurs...

- Pour les personnes impatientes, voici un petit résumé.

- Le programme du Samedi 15 octobre 2005

- Mais dès le vendredi soir, avant les états-généraux, ça commence avec une grosse fête chez Didier : enfin les retrouvailles collectives entre marcheurs !

Pourquoi parler d’autre chose que cette journée de samedi ?

  • parce que tout est lié : les marcheurs, le marché sur la place de l’église, le square, Pierre Carles discutant sur un trottoir, le pique-nique de dimanche...
  • parce que je parle d’un point de vue subjectif, non en tant que journaliste marchand : un journaliste « libre » parle en son nom, de son point de vue.
  • parce que c’est l’expérience des marcheurs, qui ne colle pas exactement avec le programme de la journée : chacun choisira s’il veut arriver dans la matinée, ou l’après-midi. Certains iront glâner au marché, pour offrir un repas princier à midi ; d’autres préféreront faire le débat entre eux sur une pelouse derrière l’église.

Je compte sur les lectrices, les lecteurs pour contribuer, ajouter, commenter, confronter, corriger... (Possibilité de « Répondre » en fin d’article)

Résumé

L’organisation de cet événement ne relève pas de notre initiative, nous, marcheurs pour la décroissance. Nous savons la difficulté que représente une telle organisation, mais nous en proposons une critique dans la forme.

Le bilan de cette journée est mitigé ET positif.

Mitigé

par une communication malhabile, un niveau d’exposé des intervenants parfois insuffisant, des interventions du public à côté, sans écoute des autres...

Mitigé dans le sens où l’énergie politique n’est pas là où nous pourrions l’attendre : l’énergie reste bien du côté des marcheurs, qui échappent aux organisateurs de la marche pour la décroissance, festoyant la veille, pendant et le lendemain de cette journée de débat et de réflexion.

L’énergie n’était pas présente dans cette salle ringarde, sentant la naphtaline municipale, et cette tribune hiérarchique et machiste (une femme modératrice le matin, pour dire qu’on laisse la place aux femmes).

Malgré toutes les bonnes intentions du monde, le choix de la salle est une erreur, car elle ne permet pas un débat démocratique et une égalité de traitement entre toutes les personnes présentes.

Certaines personnes sont venues là pour tenter de récupérer le mouvement :
- des Verts venant étaler l’amertume de leur échec ou tentant de faire la promotion de leur parti...
- un gars bizarre en costard considérant qu’en politique, « il faut être réaliste... on ne peut pas faire un cours de terminale à des éléves de 3e » : en gros les gens sont trop cons pour comprendre le message de la décroissance, qu’il faudrait maquiller... Un discours publicitaire, digne de la propagande médiatique.

Nous regrettons l’absence de Pierre Rabhi :
- a-t-il été invité ?
- ne pouvait-il pas venir ?
- ne voulait-t-il pas venir ?

Nous nous questionnons également sur la position de Paul Ariès, qui semble vouloir passer de la place de politologue à la place de politicien, un peu comme un musicologue aimerait devenir musicien.

La communication non-violente semble encore ignorée de nombreuses personnes dans l’assemblée et il a fallu une intervention d’une femme pour en rappeler la nécessité.

Nous avons l’expérience d’un ratage historique : celui des Verts. A nous de ne pas reproduire les erreurs du passé, et de puiser dans l’expérience des militants verts critiques, ou ayant rompu depuis longtemps avec ce parti pitoyable.

Et pourtant, d’après une militante Vert critique, c’est ce que nous faisons : nous sommes déjà en train de reproduire les erreurs du passé, par cette salle, par notre naïveté vis-à-vis de profiteurs « qui avancent masqués ».

Mes mots ne sont pas tendre envers les Verts : je leur reproche de s’être fourvoyé misérablement, de s’être dilué dans une politique croissanssiste, prête à tous les compromis, y compris celui de mentir au peuple, et de laisser les mains libres aux arrivistes.

Des arrivistes, des égocentriques, des imbéciles, il y en a plein les rues. Et plein les partis politiques, plein les syndicats... Un trop plein aujourd’hui.

Au lieu de nous diluer, nous devons nous concentrer, là où nous pouvons agir concrètement.

Positif

Le bilan de cette journée est positif, parce qu’il nous a permis de nous retrouver, originaires de tous bords, et de partager nos points de vues très diversifiés.

Il est positif, dans le sens de son objectif : impulser un projet collectif, produire des propositions concrètes, faire passer nos idées, ce contenu dont la radicalité garantie la puissance de propagation, auprès des partis politiques existants.

Une conception innovante de la politique
« La Décroissance n’est pas mûre pour présenter une candidature aux présidentielles » nous dit Paul Ariès. Ouf, nous voilà rassurés. José Bové ou un candidat de la gauche du Non nous conviendra parfaitement. A l’issue des 9 mois de travail, ceux qui le souhaitent se présenteront aux municipales et aux cantonales.

Il semble logique de travailler AVEC les autres mouvements qui nous sont proches, et de se renseigner sur ce qui existe déjà.

De mon point de vue, ce sont les marcheurs qui montrent aujourd’hui la voie de ce que peut être une nouvelle politique. Un point de vue innovant, radical, sans compromis facile. Une énergie refusant l’autorité, et donnant à la solidarité un sens plus vaste, celui peut-être de l’Agapè, l’amour universel. Une énergie déployée en actions concrètes, par exemple : réunir 150 personnes dans un village de quelques milliers d’habitants.

Un outil de collaboration est déjà disponible pour les groupes de travail des Etats-Généraux, développé par un marcheur, Damien : le site decroissance.info.

Quand je dis « les marcheurs », il s’agit de ceux et celles qui ont marché en juin, mais aussi de tou-te-s ceux et celles qui sont prêts à emboîter le pas pour de nouvelles marches régionales.

En conclusion

« Messieurs les généraux, votre politique de partis, d’élections, de démocratie basée sur les droits de l’homme, et non de l’être humain (Cf. Raoul Vaneigem), ne nous intéresse pas. Vos réunions, vos motions, vos commissions, votre bureaucratie, votre clergé... ne nous plaisent pas.

Nous leur préférons un grand cercle, assis dans l’herbe, avec un facilitateur désigné par le groupe, des mots simples, des débats sans spécialistes, une attitude d’écoute et une économie de l’ego perceptible à des interventions précises et courtes.

Ce qui nous intéresse aujourd’hui, c’est le projet soutenu par François Schneider, d’éco-village sans voiture... C’est le film de Pierre Carles projeté l’après-midi - “Volem rien foutre al païs” - montrant des expériences viables économiquement de vie campagnarde et collective, bien après les communautés de baba-cool et l’échouage des années 70’... »

Lors de ce week-end, un fanzine de Chartres passait de main en main avec ces mots en couverture : « Vivons simplement... pour que simplement d’autres puissent vivre ! »

Voilà ce qui nous intéresse.

Fête de vendredi à la Croix-Rousse

Donc ce vendredi soir, plusieurs dizaines de marcheurs venus de toute la France se retrouve chez Didier, pour un repas digne de l’ambiance de la marche : chacun apporte quelque chose, et si possible du « fait maison ». Plusieurs personnes s’activent à la cuisine.

Insister sur le « fait maison », ce n’est pas pour jouer à « plus décroissant que moi tu meurs ! ». C’est parce que ça change les rapports que nous avons entre nous. Je m’explique : vous connaissez sans doute le « repas bourgeois », avec des amis intimes, en petit comité, où l’on apporte quelque chose, mais en s’accordant au préalable avec notre hôte ; le traditionnel « j’amène une bouteille et le dessert, ça te va ? ». Il s’agit souvent d’un truc acheté dans le commerce, qui vaut cher, si possible qui « en jette », pour montrer qu’on est pas regardant à la dépense pour ceux qu’on aime (variante du proverbe capitaliste bien connu : « quand on aime, on ne compte pas »).

Dans ce petit appartement avec mezzanine, je retrouve la profusion, l’abondance, la générosité, le partage, le sourire, les rires, les discussions soutenues...

Rapidement, nous débordons l’entrée et l’escalier se retrouve plein de décroissants souriants, heureux de se retrouver et de partager à nouveau.

Après la descente dans les escaliers, soixante-dix personnes exubérantes dansent en pleine rue avec plein de musiciens dans une grande ronde improvisée. Une voiture de police vient rappeler la loi, sans agressivité ou violence, et nous gagnons les jardins de la montée de la Grande Côte.

Là, des gens de passage, qui empruntent l’escalier pour rentrer chez eux, s’arrêtent, réjouis par tant de joie et de vitalité, et se renseignent sur l’origine d’une telle fête.

Musiciens, danseurs, grande improvisation renouant avec les fêtes médiévales et les carnavals. J’ai eu l’occasion de m’essayer avec mon accordéon acquis récemment : débutant depuis un mois, mais l’essentiel, c’est de participer. Là encore, nous choisissons de rompre avec l’idéologie de la spécialisation et de la compétence.

Arrivée aux Etats-Généraux le samedi

J’arrive un peu en retard, ce samedi matin. Max attend à l’entrée du foyer Monchat. Pas vraiment envie de rentrer tout de suite. Nous partons boire un café en terrasse. Il me parle rapidement de son nouveau mode de vie, avec Gilles et un autre gars informaticien qui bosse à distance pour une entreprise coopérative belge depuis sa maison d’Ardèche, qui est prêtée gratuitement par un ami parisien : le rêve de nombreux citadins.

Question-réponse au passage : pourquoi le télé-travail est devenue une arlésienne, un bide ?
Parce que les patrons des grandes entreprises ne supportent pas l’idée de ne plus pouvoir contrôler leurs salariés !

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La salle est du type « municipale ringarde ». Le responsable est aimable comme un gardien de prison : « si chacun plante sa tente... » en parlant de sacs à dos posés dans un coin. Il ne doit pas bien aimer les marcheurs, qu’il doit sans doute associer aux vagabonds, à la racaille... Serait-il raciste anti-pauvres, lui qui n’a pas l’air de sortir de l’aristocratie ?

La salle est pleine, le responsable de la sécurité ne veut pas dépasser la jauge, on a déjà refusé des gens qui n’avaient pas réservé.

Et j’apprends que certains organisateurs ont invités des amis sans prendre la peine de les inscrire. C’est un détail, mais il me semble représentatif d’un état d’esprit déplorable : celui de citoyens privilégiés, qui se croient au-dessus de la mêlée.

La logique voudrait qu’on leur interdise l’accès comme aux autres, mais ils sont « organisateurs », alors... Voilà à quelle situation embarrassante Bruno Clémentin a dû faire face. Je considère que cette négligence de la part de personnes responsables, est une forme de violence, inacceptable ici.

Bon, j’ai loupé les bla-blas d’accueil et le thème « décider » : tant pis.

Roland Mérieux - « Les alternatifs »

Il nous rappelle ce que nous savons déjà, et nous explique pourquoi « Les alternatifs » s’engagent aux Etats-Généraux :

  • Le PIB n’est pas un bon indicateur.
  • L’indice de développement humain du PNUD, c’est mieux, mais insatisfaisant parce que toujours trop basé sur l’économique.
  • D’autres indicateurs ont été élaborés, en Suisse, et au Canada, basés sur
    - la démocratie,
    - la santé,
    - l’éducation,
    - l’environnement,
    - les collectivités sociales,
    - le bien-être personnel...
  • « La sphère économique s’est isolée des deux autres : les sphères humaine et environnementale ».

Bon, ben, Roland, tu m’as pas vraiment passionné.

Jean-Paul Lambert - revue PROSPER - Pour une économie distributiste

  • Il faut stopper la colonisation croissanssiste.
  • Comment implanter la décroissance dans l’économie ?
    - dans un cadre de concurrence et de recherche du profit ? Impossible.
  • Il nous faut sortir du dilemme croissance/décroissance.
  • Comment entrer en politique ?
    - soit nous nous associons à un parti « collabo »
    - soit nous proposons un nouveau modèle.
  • Et ce modèle existe déjà, et il est viable techniquement. Au lieu du profit et des actionnaires, nous revenons à l’usage et aux usagers. Cette économie parallèle peut être financée par des banques locales, pratiquant du crédit sans intérêt. Les banques actuelles savent déjà le faire.

Débat

Un débat commence avec un micro sous la tribune, et un autre micro qui circule dans la salle. Dans la journée, quelques utilisateurs du micro « tribune » regarderont les « généraux » en tournant le dos au public, tombant parfois dans une discussion en tête à tête : catastrophique !

Un gars aux cheveux blancs commence une longue diatribe : aie aie aie ! Par la suite, de nombreux intervenants diront qu’ils feront court, et s’avéreront atrocement bavards.

  • Il faut créer une mouvance, comme il y a eu une mouvance pour le Non ; nous ne sommes pas mûrs pour créer un parti ;
  • Faire des propositions concrètes aux partis politiques existants :
    - arrêt de l’énergie nucléaire
    - transports en commun
    - réduction des budgets militaires
    - limiter les loyers à 10% du salaire : à Paris, 4000 employés sont SDF parce que incapables de se loger ;
  • Faire cesser les crimes du capitalisme ;
  • Proposer des lois incitatives (vivre plus simplement) et des lois coercitives, pour un collectivisme citoyen et accepté.

Un élu vert de la région Rhône-Alpes intervient :

  • Les Verts ont perdu de vue le fil conducteur, bouffés par des fonctions de gestion.
  • Faire de l’écologie politique : agir sur les systèmes de production et de distribution.

Son ton monte, il en a marre d’entendre « des conneries » (comprendre sans doute « des critiques à propos des Verts »), et s’enlise dans l’énumération des actions concrètes des Verts au Conseil Régional :
- arrêt des subventions aux incinérateurs,
- subventions aux réductions des déchets et réductions à la source.

Quelqu’un dans la salle gueule « on s’en fout ».

Une femme aux cheveux longs, prénommée Abeille, rappelle alors l’importance de la non-violence. Elle parle lentement et calmement : une oasis de fraîcheur.

  • La communication violente amène immanquablement à la violence physique.
  • Certains mots eux-mêmes sont violents : par exemple, au lieu de dire « nous devons... », elle propose « nous choisissons de... ».

Autre exemple d’expression violente entendue dans la journée : « nous n’avons pas le droit de nous planter ».
Ben plante-toi tout seul, mon pauv’ vieux !

Un prof. d’histoire-géo de Béthune réfléchit à notre mode de communication.

  • Comment expliquer la décroissance autour de nous ?

Il donne également des cours d’éducation civique. Il n’y a pas de programme officiel : c’est laissé à l’initiative du prof. Il fait donc un cours sur la publicité, et fait passer en douceur les idées de la décroissance.

Il a réalisé un petit guide qui explique progressivement la décroissance, et le distribue autour de lui.

Une femme responsable Vert, en région parisienne, entame une critique fougueuse sur la forme de la communication dans cette salle :

  • La tribune face au public ne se prête pas à un débat démocratique.
  • Pourquoi les Verts ont échoué ? Parce qu’il y a eu scission entre des « chefs » et les contributions du terrain.
  • « Nous attirons (la décroissance) des profiteurs, des récupérateurs : c’est normal ».

Bernard

  • Au lieu de « je », j’emploierai « nous », car je suis mandaté pour apporter les résultats de travail d’un groupe de préparation en forêt de Brocéliande (rumeur admirative dans la salle).
  • Quelques exemples de propositions :
    - soutenir les services publics ;
    - taxer fortement les transports de marchandises ;
    - favoriser les petites structures aux grosses industries ;
    - être créatif ;
    - la distribution AMAP peut être l’occasion de donner un panier à quelqu’un qui ne peut pas l’acheter.
  • Au cours de notre histoire, nous avons pensé que la terre était au centre de l’univers, puis nous avons appris que c’était le soleil qui trônait au centre de notre système planétaire, et enfin, nous avons placé l’homme au centre de l’univers. Alors que c’est la nature qui doit être au centre : il faut re-sacraliser la nature.

Pause du midi

Je sors fatigué par cette salle « bad trip », son gardien de prison, les « gauche caviar », les nationalistes, les vieux roublards qui s’étalent en long en large...

J’ai loupé la synthèse de Paul Ariès, qui était très bonne selon Bernard, mais c’est tellement bon de prendre l’air !

Mika distribue un gros pain paysan. Je coupe un camembert en douze petites portions qu’on distribue aux alentours. Quelqu’un passe avec une grosse boîte de palets en chocolat.

Une bière au café du coin (économie locale), et pique-nique dans un petit square derrière l’église : l’occasion d’échanger nos points de vue sur cette matinée, de rencontrer de nouvelles personnes.

Volem rien foutre al païs.

Il s’agit d’extraits du prochain film de Pierre Carles. Cf. Attention danger travail, « Pas vu, pas pris »...

Un vrai moment de bonheur. Si toute la journée avait pu se passer dans le même état d’esprit, ç’aurait été parfait.

  • Le travail salarié est une forme de soumission.
  • Le salarié ne sait pas pourquoi il produit, pour qui...
  • Le RMI sert les intérêts du pouvoir économique : il alimente la peur du chômage, et favorise ainsi l’acceptation de la soumission par les salariés ;
  • De nombreux RMIstes (non décroissants ?) dépensent une large part de leur budget dans les transports : c’est tout bénéf. pour l’état qui récupère une bonne partie de ce qu’il distribue, et qui subventionne indirectement l’industrie automobile.
  • Nous n’avons plus le choix : c’est l’humain ou la marchandise.
  • Le Medef nous dit : « le socialisme s’est effondré avec la chute du mur de Berlin... Il n’y a pas d’alternative à l’économie de marché. » Eh bien, si, il y en a. Et elles existent déjà, loin des villes, loin du faisceau du mirador médiatique.

Pierre Rimbert et Sophie Divry - « Informer »

J’avoue avoir été un peu plus attentif pour ce sujet.
:0)

  • Une impression largement répandue : l’information que nous recevons est purement journalistique. C’est faux ! Nous recevons quotidiennement plus d’informations par les gens que nous cotoyons au quotidien. Et le Non au TCE l’a bien montré : une très bonne circulation de l’information dans les réseaux militants, par l’internet et par l’oralité locale.
  • Certains militants se trompent en collaborant sans réfléchir à la production industrielle de l’information.
  • Nous pouvons exister sans être visibles des médias.
  • Les médias dominants imposent leur conditions aux personnes qui contribuent à la production médiatique.
  • La personnalisation de la lutte politique est une dépolitisation : au lieu de parler des revendications, des idées du mouvement, les médias vont s’intéresser à la façon de vivre, aux petits détails domestiques.
  • Les médias sélectionnent ceux qui leur ressemblent, selon des critères très différents, voire incompatibles avec les critères militants.
  • La question des médias est toujours éludée par les médias eux-mêmes.
  • Les personnes invitées par les médias se taisent sur la structure médiatique. Exemples :
    - le studio de télévision baptisé « Jean-Luc Lagardère » ;
    - les présentateurs de télé sont aussi des patrons : patrons de sociétés de production audiovisuelle, profitant de la déréglementation.
  • Les médias récupèrent les leaders des mouvements, ce qui provoque également la lassitude des militants.
  • Vouloir subvertir l’organisation politique et médiatique est voué à l’échec.
  • Même si nous avons conscience de toutes ces difficultés, il ne faut pas non plus refuser systématiquement les médias dominants. Cet état de fait n’est pas une fatalité : il découle de choix politiques, dont la privatisation de TF1 est l’exemple parfait. « Nous devons nous réapproprier TF1 ! »

En conclusion : le travail militant est un travail de longue haleine, discret, peu médiatisé, qui peut avoir des conséquences importantes sur la société.

Débat

A ce moment là, il se passe quelque chose d’étonnant : Didier, facilitateur pour l’après-midi, propose un grand débat en fin de journée, plutôt qu’un débat après chaque intervention. Il oublie de soumettre sa proposition aux votes. Hésitations, agacement, prise de parole sans micro que personne n’entend... finalement on mets au vote à main levée, et nous conservons le débat.

C’est d’autant plus amusant, que le sujet qui vient d’être évoqué est la réduction au silence du peuple face aux médias dominants. C’est comme si nous vivions dans cette salle, ce que nous vivons au quotidien ; comme si les organisateurs empruntaient involontairement les techniques de manipulation et de détournement des médias marchands.

Je vais m’ébattre dans le square, je loupe l’intervention sur le thème « Décider » de Raoul-Marc Jennar, un gars bien intéressant.

Jean-Emile Sanchez - Nourrir

Installé depuis 1970, Jean-Emile produit des volailles. A l’époque, la ferme était jugé non viable : surface d’exploitation trop petite pour pouvoir bénéficier des aides de l’état.

S’il voulait bénéficier des aides, il devait se lancer dans une production industrielle, se soumettre aux volontés d’un acheteur, adopter des techniques imposées, s’endetter sur du très long terme (merci le Crédit Agricole), avoir une vie stressante... devenir en quelque sorte un « travailleur à la chaine » agricole.

Aujourd’hui, son terrain de 10 hectares génére 6 emplois : belle réponse à l’agriculture productiviste, et à la politique française qui a volontairement détruit massivement des emplois dans l’agriculture.

Belle promesse également pour l’avenir, qui montre que l’agriculture relocalisée peut générer un nombre important d’emplois dans les prochaines décennies.

Il utilise un circuit court de distribution, dans une conception locale de l’économie. Son beau-frère a un maraîchage bio. Ils travaillent solidairement sur les 2 productions volailles-maraîchage, et emploient des salariés agricoles. Ils ont accueilli récemment une miellerie (fabrication de miel).

Ce modèle d’agriculture locale permet :
- des produits de meilleure qualité (euphémisme),
- générer des emplois,
- entretenir une meilleure relation avec les clients, pour faire évoluer les produits et la vente,
- un impact positif sur l’aménagement du territoire, en préservant des zones naturelles, et en contribuant par exemple à refuser des projets autoroutiers ; les transports autoroutiers sont eux-même une menace pour l’agriculture locale, puisqu’ils favorisent les productions éloignées.

Débat :
- la relocalisation de l’économie réussira-t-elle face au système de l’OMC ?

Claude Le Guerranic - Produire

Claude prend l’exemple du bois.

Le bois brut est devenu très rare. Il a été remplacé par des agglomérés, mélange de bois et de colle, qui sont plus pratiques à travailler. Mais tellement plus laids, et ça pue quand on les scie (et j’imagine que ça doit sans doute être toxique) !

  • 2/5e des contreplaqués sont produits avec des bois exotiques.
  • 60% des réserves sont dans les pays pauvres, qui n’en utilisent que 12% localement.

On comprend bien le déséquilibre et la prédation des pays riches sur les pays pauvres. Pourquoi ne consommons-nous pas seulement 12% de nos propres réserves, comme les autres ?

  • Dans le travail salarié, les initiatives ne sont pas appréciées.
  • Il n’y a pas qu’un modèle d’organisation du travail, ce modèle hiérarchisé, que nous appelons « entreprise », et qui n’existe que depuis 150 ans !

C’est possible de passer à autre chose, parce que dans l’histoire nous avons connu autre chose !

Débat :

  • « Croire ce que nous savons ».
    Souvent, nous savons, mais nous ne voulons pas croire ce que nous savons.
  • Notre modèle de production est très fragile concernant l’alimentation (Cf. « Nous mangeons du pétrole », Yves Cochet).
  • Notre système économique est lui-aussi très fragile.

En conclusion : quelle est notre priorité ?

Synthèse de Paul Ariès et Jean-Claude Besson-Girard

Comment travailler ensemble ?

  • Des travaux locaux d’abord, dans un mode d’organisation démocratique... il en résultera peut-être des candidats pour les élections législatives.
  • Relocaliser la démocratie : travailler dans la perspective des élections municipales et cantonales.
  • Une autre façon de faire de la politique : repas de quartier, jeux gratuits dans des lieux publics, discussion à la pause café, diffusion d’information en entreprise...
  • Convaincre les gens avec qui nous sommes en contact, ce qui est abordable par un enfant de 8 ans. Une femme donne un exemple d’enfant qui organise une « conférence » dans la cours de récréation pour débattre avec ses camarades de l’injustice de la production mondiale, à partir du yaourt qu’il a mangé au petit-déjeûner.
  • Il y a une désaffection de la politique et du syndicalisme : 8% de syndiqué-es. Parmi ces personnes syndiquées, seuls 2% sont véritablement actifs-ves politiquement.
  • José Bové soutient le Parti Communiste, qui est un parti productiviste. Le combat de José Bové est anti-libéral, mais c’est insuffisant.

Conclusion :
La décroissance est une idée forte, originale, qui s’imposera d’elle-même.
Elle propose un imaginaire nouveau, qui séduit beaucoup de jeunes d’aujourd’hui.
Il est temps de nous débarrasser de l’idéologie du travail, de la consommation, et du progrès.

Pique-nique du dimanche

Un peu fatigués par la journée et deux soirées de fête, nous nous retrouvons au Parc de la Tête d’or dimanche midi.

Des flics municipaux interviennent parce que nous buvons du vin et de la bière, ce qui est interdit par le règlement, et notre bon maire, Monsieur Gérard Collomb, socialiste.

Il est d’ailleurs interdit tout ce qui peut apporter du plaisir dans ce parc : interdit de faire du vélo à certaines heures et certains jours. Il faudrait aussi interdire de pique-niquer, de pisser dans les bosquets, interdire de rire voire de sourire ?

Nous parlementons, l’ambiance se calme, les flics repartent à d’autres soucis.

Après le repas partagé, un petit cercle de réflexion se forme avec François Schneider, auquel je ne participe pas, mais je suppose qu’il s’agit du projet Cyclane, village sans voiture à Montech, entre Toulouse et Montauban.

Atelier boomerang avec Thomas, accordéon avec Pauline, rigolades, jeux, discussions sérieuses... De nouvelles rencontres, des liens se tissent, des réseaux s’agrandissent, d’autres projets naissent...

Tout cela est passé bien vite, et nous devons déjà nous séparer.

Snif !

Anonyme XXI,
journaliste libre,
sans aucune exclusivité.

P.-S.

Ce texte est publié conjointement, en plus de Rebellyon, sur les sites :
- altermonde
- decroissance.info

  • Le 21 octobre 2005 à 13:58, par Aurélien Lafarge

    Je copie-colle le message que j’ai mis sur decroissance.info pour que les gens qui ne lisent que Rebellyon soient informés aussi :

    Bonjour, je voudrais signaler quelques erreurs dans ton article :
    - Jean-Emile Sanchez n’a pas pu intervenir, il a été remplacé par un autre paysan donc je ne me souviens pas le nom.
    - Raoul-Marc Jennar a été retenu à Genève, son intervention n’a pas été remplacée.
    - C’est dommage que tu fasses une telle distinction entre « marcheurs » et « organisateurs », une part non négligeable des organisateurs des états-généraux ayant participé plus ou moins à la marche et/ou à son organisation (Thomas, Bruno, Vincent, Sophie, Paul Ariès et moi-même)
    - Encore une fois, je suis d’accord sur le fait que la discussion aurait été plus conviviale et moins « violente » dans le square juste dehors, seulement : La météo est encore une chose incertaine L’extrait du film de Pierre Carles n’aurait pu être diffusé Nous étions obligés de recruter un agent de sécurité pour gérer cette salle municipale

    Je rappelle comme tu le fais d’ailleurs que cette journée était une journée de lancement et que les discussions locales pourront prendre plus facilement la forme souhaitée (à 300, nous arrivons à une limite).

    La personne qui est intervenue pour proposer que nous avancions masqués est Jean-Marc Governatori, qui a crée un parti qui récupère tous les mécontentements et idées qui se présentent, donc nous savons quoi en penser...

    Les personnes qui sont entrés « de force » n’étaient pas des organisateurs, mais des membres des Verts envoyés par le bureau national pour « voir ce qu’il se passe », seulement le bureau national des Verts n’a pas pris la peine de s’inscrire par les voies normales d’où la colère justifiée de Bruno, qui a préféré ne pas « faire un incident » pour ne pas entacher le bon déroulement de la journée. Il est évident que je regrette ce genre de choses, et les autres organisateurs aussi je pense.

    Sinon, très bon article, et je trouve tout à fait justifié que tu aies mélangé les états-généraux et toutes les choses organisées autour, sans quoi ce week-end n’aurait pas eu la même saveur.

  • Le 21 octobre 2005 à 13:25, par Bug-in

    Il y a une erreur importante dans cet article :
    « Un outil de collaboration est déjà disponible pour les groupes de travail des Etats-Généraux, développé par un marcheur, Damien : le site decroissance.info. »

    Le site decroissance.info n’est pas un outil de collaboration pour les groupes de travail des Etats-Généraux. Il est un outil collaboratif pour tout ceux qui se pose des questions ou ont des idées vers une pratique qui tend à la décroissance. Le site existait avant les Etats-Généraux et n’a pas une politique Pro Etats-Généraux étant donné que les participants au site ne sont pas tous pour une dérive étatiste, non mais.

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>Présentation du livre « Problèmes de localisation »

Présentation et discussion autour du livre « Problèmes de localisation » (éditions Même pas l’hiver) de Élise Legal à l’Amicale du futur (31 rue Sébastien Gryphe, 69007 Lyon) // Ouvertures des portes 18h30 - Début de la présentation 19h - Cantine

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>32 ans Friche des Chats Libres de Saint-Bernard

Les chats-libres et leurs ami·es vous invitent à la fête d’anniversaire de la friche Saint-Bernard ! Ouverte au public le temps d’une après-midi, retrouvez une exposition biographique in situ présentant les “preuves de vies” de cet espace en libre évolution !

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