12 choses à faire plutôt que d’appeler la police [Deuxième traduction]

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À partir de la fin mai 2020, les émeutes aux États-Unis contre le racisme structurel de l’institution policière, ont donné lieu à une diffusion inédite des idées du mouvement abolitionniste. Pour participer à son extension et à sa réalisation, voici une seconde traduction d’un texte de 2017 : « 12 things to do instead of calling police », écrit par deux collectifs de New-York, Mayday Collective et Washtenaw Solidarity & Defense.

À partir de la fin mai 2020, les émeutes aux États-Unis contre le racisme structurel de l’institution policière, ont donné lieu à une diffusion inédite des idées du mouvement abolitionniste [1]. Pour participer à son extension et à sa réalisation, voici une seconde traduction d’un texte de 2017 : 12 things to do instead of calling police, écrit par deux collectifs de New-York, Mayday Collective et Washtenaw Solidarity & Defense [2].

A la différence d’autres écrits qui se limitent à des moments de confrontation avec la police (manifestations, arrestations, expulsions, etc.), 12 choses à faire plutôt que d’appeler la police insiste sur des situations ordinaires de nos vies : une panne de voiture, une soirée, quelqu’un qui pète un câble, etc. Aussi, contrairement à d’autres courants du mouvement abolitionniste, qui mettent l’accent sur la réduction ou la suppression des budgets municipaux alloués à la police [3], ce texte part de ce que chacun⋅e, en tant qu’il a partie liée à des communautés (bande d’ami⋅es, voisinage, club d’activité, famille), peut faire quand il ou elle voit une situation inhabituelle ou qui pose problème . On mesure alors l’ampleur des changements nécessaires pour se passer de la police . Si l’on ne veut plus se décharger de nos soucis dans les mains d’une milice capitaliste et raciste, cela suppose un surcroît d’existence politique, une plus grande implication, individuelle et collective, au sein de ce qui se passe autour de nous. Nos efforts ne se dirigent plus seulement contre les forces répressives (dénoncer leurs abus, la répression, leur racisme), mais aussi pour ouvrir à d’autres manières de vivre.

Cette traduction annotée par nos soins fait suite à une première traduction brute, publiée en juillet 2020. Aussi, un autre type de traduction, hors-texte, est déjà en cours : transposer ces « choses à faire » dans notre contexte français, afin de développer nos propres pratiques abolitionnistes. Alors les spécificités de la société états-unienne n’apparaîtront plus comme d’étranges bizarreries, mais comme des points de comparaison à partir desquels préciser nos points d’attaques en France.

Si vous avez des commentaires ou des propositions à nous faire, n’hésitez pas !

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Si tu vois quelque chose, fais quelque chose !

Appeler la police, souvent, aggrave la situation, fait courir des risques et provoque de la violence. Chaque fois qu’on demande de l’aide à la police, on l’invite dans son entourage [4], ce qui met en danger des personnes qui peuvent déjà être dans des situations à risque. Parfois, les gens pensent qu’appeler la police est la seule manière de régler des problèmes. Mais l’on peut construire des réseaux d’entraide et de confiance, qui permettent de mieux prendre en main des conflits nous-mêmes et d’aller vers des formes de justice transformatrice, tout en gardant la police à distance.

1 – Ne te sens pas obligé⋅e de défendre la propriété –surtout la propriété « privée » des grandes entreprises. Avant d’accuser quelqu’un⋅e ou de contacter la police, demande-toi si quelqu’un⋅e est violenté⋅e ou mis⋅e en danger par le « vol » ou le dommage d’une propriété. Si la réponse est « non », alors laisse faire.

2 – Si quelque chose qui t’appartiens est volé et que tu as besoin de faire enregistrer l’infraction afin de toucher l’assurance ou pour une autre raison, vois si tu peux aller au commissariat de police plutôt que de faire venir les flics au sein de ton entourage. Sans t’en rendre compte, tu pourrais faire courir un risque à quelqu’un⋅e de ton voisinage.

3 – Si tu rencontres quelqu’un⋅e présentant un comportement qui paraît « étrange » à tes yeux, n’en conclus pas qu’il ou elle est sous l’emprise de produits sur la voie publique. Une lésion cérébrale ou une crise liée à une maladie peuvent provoquer des symptômes similaires. Demande-lui si ça va, s’il ou elle est dans un état de santé particulier et s’il ou elle a besoin d’aide.

4 – Garder une liste de numéros de ressources communautaires, comme une ligne d’écoute en cas de situations compliquées (tentative de suicide, mise en danger d’autrui, etc.). Quand la police est contactée pour « gérer » des situations comme celle-là, les personnes qui ont des troubles mentaux ont 16 fois plus de risque d’être tuées par les flics que les autres [5].

5 – Si tu vois quelqu’un⋅e arrêté⋅e sur la chaussée à cause d’un problème de voiture, tu peux t’arrêter et lui demander s’il ou elle a besoin d’aide ou si tu peux appeler une dépanneuse. Si la police s’en mêle, elle peut mettre des amendes abusives, cibler celles et ceux qui n’ont pas de papiers, ou pire encore [6].

6 – Réfléchis à deux fois avant d’appeler la police, lorsqu’une personne te semble suspect⋅e. Est-ce que sa race, son genre, son ethnicité [7], sa classe ou son mode d’habitat influence ton choix ? Des coups de fils comme ça peuvent mettre en jeu la vie de beaucoup de gens [8].

7 – Encourager les professeurs, les collègues et les organisateurs⋅trices d’événements à ne pas convier la police dans les classes, les lieux de travail et les espaces publics [9]. À la place, œuvrer pour une culture de l’attention des un⋅es aux autres, sans mettre par inadvertance qui que ce soit en danger. Si on fait partie d’un groupe qui organise un rassemblement ou une manifestation, ne pas demander d’autorisation à la police et éviter toute forme de coopération avec elle [10].

8 – Si un⋅e voisin⋅e fait la fête et que le bruit te gêne, va voir, va lui parler. Apprendre à connaître tes voisin⋅es lors d’une fête de quartier, est un bon moyen de rendre moins embarrassant le fait de leur demander de faire moins de bruit, ou bien de trouver un⋅e autre voisin⋅e qui veut bien le faire.

9 – Si tu vois quelqu’un⋅e pisser en public, regarde ailleurs ! Souviens-toi que beaucoup de sans-abris n’ont pas d’accès facile à des toilettes.

10 – Organiser et participer à des ateliers de désescalade ou de résolution de conflit, de secourisme et d’auto-défense, dans ton entourage, dans ton école, à ton travail ou au sein de ton comité de quartier.

11 – Le street art c’est beau ! Ne signale pas des graffitis ou des artistes de rue. Si tu vois une œuvre qui contient des propos fascistes ou haineux, peins par-dessus, toi-même ou avec tes ami⋅es.

12 – Souviens-toi que la police peut exacerber des situations de violence domestique. Tu peux soutenir des ami⋅es et des voisin⋅es victimes de violence, en les accueillant, en les conduisant en lieu sûr ou en prenant soin de leurs enfants. Utilise des ressources communautaires comme des lieux d’entraide et des lignes d’écoute [11].

Des communautés fortes rendent la police obsolète !

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P.-S.

D’autres textes sur l’abolitionnisme sont en cours de traduction ou d’écriture. D’ici là, merci pour vos retours !

Notes

[1L’infographie du collectif 8toabolition en donne un aperçu synthétique, décryptée ici

[2La première traduction est ici.

[3Autour du slogan Defund the police baisser ou couper le budget de la police ») se dessine une gestion budgétaire de la violence policière, compatible avec une politique sociale-démocrate, libérale et réformiste. Outre le fait que cela semble insuffisant pour transformer radicalement un système de dominations, ce « désinvestissement » de la police serait bien plus difficile à faire en France qu’aux USA. Ici, bien que la police municipale et la police nationale soient soumises à des autorités distinctes (la mairie ou le ministère de l’intérieur), avec des budgets spécifiques, la municipale est bien, dans les grandes villes, sous le coup des politiques sécuritaires assignées à la nationale, au point que la municipale serait le prolongement de la nationale. Là-bas, les polices municipales ou rurales sont relativement plus autonomes, par rapport aux polices fédérales et étatiques, rendant peut-être plus « réaliste » la lutte pour defund the police.

[4La difficile traduction du terme anglo-saxon community a été rendue par un groupe de mots proches : entourage, voisinage, communautaire, de quartier. Cet écart linguistique pointe vers une différence socio-culturelle.

[5Dans ce texte, les chiffres sont valides dans un contexte états-uniens. Aux États-Unis, une personne tuée par la police sur deux aurait une maladie mentale. Dans le contexte français, nous n’avons pas trouvé de statistiques comparables et fiables. Les études sur les rapports entre santé mentale et justice y sont moins développées. Il est cependant admis qu’entre 20% et 60% de la population carcérale souffre de trouble psychique (avant et/ou après l’incarcération). Au passage, rappelons l’homicide de Serge Partouche, autiste, tué par trois policiers, lors d’un plaquage ventral en septembre 2011 à Marseille. Le 15 avril 2020 à la Courneuve, Miakhil Zar Mohammad, un afghan de 25 ans en demande d’asile, est tué par les balles de la police, alors que ses proches s’inquiétaient de la dissociation de sa personnalité.

[6Dans certains états américains, des accords entre la police et la municipalité permettent d’augmenter les fonds publics grâce au paiement d’amendes routières discutables (cf. Jacky Wang, Capitalisme carcéral, Divergences, 2020). Les contrôles routiers, en plus de reproduire des discriminations sociales, peuvent être l’occasion de violences policières. La mort de Cédric Chouviat en janvier 2020 l’atteste.

[7L’ethnicité (ethnicity) désigne un sentiment d’appartenance à une communauté d’origine, réelle ou fictive, s’incarnant dans des pratiques transmissibles. La race est un rapport social (et non un caractère biologique), issu de l’histoire de l’esclavage, distinguant un groupe dominant et un dominé. En France, les politiques de statistiques n’utilisent pas ces catégories, mais celles de citoyenneté et d’origine. Pour approfondir, lire ici.

[8Certes, la peine capitale n’existe plus en France, à la différence de certains états américains. La « loi des trois coups » (three strikes law aux États-Unis), qui vise à « mettre hors d’état de nuire » en enfermant sur de longues périodes (parfois sans possibilités de libérations conditionnelles), majoritairement des voleurs récidivistes et toxicomanes, n’est pas non plus de vigueur en France. Cependant, ici, la détention provisoire et l’enfermement court mais répétitif sont des techniques d’exclusion comparables. Quant à la « théorie de la vitre brisée » (broken-window theory), qui « postule que la répression immédiate et sévère des moindres infractions et désagréments sur la voie publique enraye le déclenchement des grandes atteintes criminelles en y (r)établissant un sain climat d’ordre » (Loïc Wacquant, Punir les pauvres), elle est largement implantée dans les politiques sécuritaires en France.

[9Ajoutons qu’aux USA, certains services de police municipale ou à l’échelle du comté gèrent parfois les entrées et sorties de l’école ou de l’université. En France, l’introduction des forces de l’ordre au sein des établissements scolaires est croissante, depuis la police de proximité des années 1990 et surtout depuis que le président Sarkozy a mis à l’agenda politique « la lutte contre les intrusions et les violences aux abords des établissements scolaires du second degré » (circulaire du 24 mars 2009).

[10L’usage du second amendement de la constitution américaine et l’usage du port d’arme font débat au sein de la gauche radicale également. Voir cet article par exemple.

[11Force est de constater que, dans l’ensemble, nous manquons de « ressources communautaires » fortes, accessibles et pérennes. La domination des services publics d’État et la politique républicaine d’assimilation culturelle, notamment, vont à l’encontre de l’autonomie communautaire. De plus, la « communauté » y est parfois utilisée comme épouvantail par les courants républicains, ainsi que le suggère la connotation péjorative assignée aujourd’hui aux termes « communautarisme ». Mais c’est bien à partir de tentatives d’auto-organisation hors de l’état que peuvent naître des communautés capables de prendre en charge les problèmes auxquels on est confronté, ainsi de se passer réellement du recours aux forces de l’ordre.

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