Tribunal d’instance de Villeurbanne. Jeudi 24 février 2011. Dix heures du mat. Météo poisseuse et pluvieuse.
Plusieurs dizaines de personnes sont pourtant sur le trottoir, entourant Preda et Octavian, les deux pères de famille Roms, extrêmement nerveux..
Les membres du collectif 31 BB déploient drapeaux et banderole, avec comme inscription « Un toit, c’est un droit, la réquisition un devoir », sur les grilles et installent une table devant l’entrée avec des tracts et une espèce de thermos géant pour offrir une boisson chaude aux passants.
A l¹intérieur du bâtiment, il y a comme un début d’affolement. La présidente du tribunal en personne sort pour venir nous signifier que banderole et drapeaux la dérangent vraiment. Fort civilement, elle insiste sur le vraiment, surtout pour la banderole...
Qu¹à cela ne tienne ! Banderole et drapeaux sont accrochés sur le providentiel grillage d’un chantier jouxtant le tribunal, et la table au thermos géant déplacée d’un bon mètre au moins.
A la suite de Me Guy Nagel, notre avocat, la moitié d¹entre nous s¹engouffre dans les lieux. Perplexité de la jeune préposée au portique de l’entrée et nouvelle légère tension dans l’air. La jeune fille se fait confirmer que les audiences du tribunal d¹instance sont bien ouvertes au public.
Finalement tout le monde arrive au premier étage et s¹entasse dans le couloir menant à la salle d’audience, plongée dans un silence sépulcralŠ On a quasiment l’impression que ceux sont en train de passer au prétoire chuchotent à l’oreille du juge, à tel point le silence est quasiment total.
Dans le couloir, on attend, Me Nagel nous a dit ’être patients : il y a plusieurs dizaines d’affaires avant celle qui nous préoccupe. Alors on essayer de meubler le silence mais pas trop fort surtout. Preda et Octavian, eux, restent muets.
Puis soudain, tout accélère : notre cas semble passer finalement plus vite que prévu. A mon avis, on doit déranger en bouchant le couloir.
L¹audience dure moins de quelques minutes : notre avocat demande son renvoi pour manque de temps de préparation du dossier et l’obtient. L’audience est reportée au 24 mars.
Un mois : cela peut paraître peu sauf que pour certains, c¹est immense ! Quand Freda (puis Octavian) comprennent qu’ils ne seront pas dehors demain ou après-demain, leurs visages s’illuminent. Ils ne peuvent plus s’empêcher de sourire, ils sont hilares.
Au point d’en agacer le juge qui fait remarquer aux assignés qu¹il n¹y a rien de franchement drôle dans tout cela.
Mais, monsieur le juge, vous ne comprenez pas : ces hommes sont en train de rire non de vous, ni de la justice, mais de joie. Ils vont rentrer « à la maison » pour dire à leur famille que, ce soir, tous vont pouvoir dormir en paix.
Un mois pour vous, ce n’est peut-être rien. Pour eux, à cet instant là, c¹est tout.
Anne Sizaire
Pour le collectif 31 BB
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