8 Mai 1945 : Massacre de Sétif !

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Le jour même où la France est libérée, elle réaffirme dans le sang sa domination coloniale en Algérie : 45.000 morts à Sétif, Guelma, Kherrata et dans tout le Constantinois. Cet évènement tragique nous touche particulièrement à Lyon, car il y a un grand nombre de personnes originaires de Sétif parmi les habitants de Lyon.
La négation des massacres d’hier font le racisme d’aujourd’hui !

Jour de liesse ? Fête de la libération ? Pas pour tout le monde...

Le 8 mai 1945 signifie la fin du nazisme. Il correspond aussi à l’un des moments les plus sanglants de l’histoire nationale. La répression colonialiste venait d’y faire ses premiers accrocs face à une population farouchement déterminée à se promouvoir aux nobles idéaux de paix et d’indépendance.

Faim, famine, chômage et misère semblaient résumer la condition sociale de la population musulmane algérienne colonisée par la France, population surtout agricole souvent déplacée car les colons s’étaient saisis des meilleures terres, et de plus dans une période de guerre, de sécheresse et de récoltes décimées par les acarides. « Des hommes souffrent de la faim et demandent la justice... Leur faim est injuste. » écrivait Albert Camus début 1945 dans Combat.

Le 8 mai 1945 fut un mardi pas comme les autres en Algérie. Les gens massacrés ne l’étaient pas pour diversité d’avis, mais à cause d’un idéal. La liberté. Ailleurs, il fut célébré dans les interstices de la capitulation de l’état-major allemand. La fin de la Seconde Guerre mondiale, où pourtant 150.000 Algériens s’étaient engagés dans l’armée aux côtés de de Gaulle. Ce fut la fin d’une guerre. Cela pour les Européens. Mais pour d’autres, en Algérie, à Sétif, Guelma, Kherrata, Constantine et un peu partout, ce fut la fête dans l’atrocité d’une colonisation et d’un impérialisme qui ne venait en ce 8 mai qu’annoncer le plan de redressement des volontés farouches et éprises de ce saut libertaire.

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Sétif
Fontaine Ain El Fouara

Sétif, mardi 8 mai 1945

Dès 8 heures du matin, une foule estimée aux environs de 10.000 personnes était rassemblée devant la mosquée de la gare. Puis elle entamait son élan rue des Etats-Unis pour se diriger vers le centre-ville, rue Georges Clémenceau... Pacifiques, dépités et désarmés, les paisibles manifestants scandaient des slogans de paix et de liberté. « Indépendance », « Libérez Messali Hadj », « L’Algérie est à nous ». Ils s’étaient donnés pour consigne de faire sortir pour la première fois le drapeau algérien. La riposte fut sanglante.

Pourtant, profitant du jour du marché hebdomadaire, ce 8 mai 1945, les organisateurs avaient rappelé aux paysans venus des villages de déposer tout ce qui pouvait être une arme (couteau, hâche, faux...). Derrière les drapeaux des alliés, c’étaient les écoliers et les jeunes scouts qui étaient au premier rang suivis des porteurs de la gerbe de fleurs, et les militants suivaient juste derrière pour éviter tout débordement de la masse paysanne.

A la vue d’un drapeau algérien vert et blanc, qui avait été déployé en cours de route, les policiers avaient jailli du barrage et avaient attaqué la foule pour s’emparer du drapeau. Un militant avait expliqué que le drapeau étant sacré, il est impossible de le remiser une fois sorti. Le maire socialiste de la ville supplie de ne pas tirer. Mais c’est à ce moment que tout dérape quand un inspecteur tire, tue celui qui portait ce drapeau à ce moment-là et deux coups de feu en soutien de la part d’Européens partent du café de France. Dans la panique provoquée par les premiers coups de feu, à d’autres fenêtres des Européens tirent à leur tour sur la foule.

« On a tiré sur un jeune scout » ! Ce jeune « scout » fut le premier martyr de ces incidents : Saâl Bouzid, 22 ans, venait par son souffle d’indiquer sur la voie du sacrifice la voie de la liberté. K. Z., âgé alors de 16 ans, affirme non sans amertume à ce propos : « Il gisait mourant par-devant le terrain qui sert actuellement d’assiette foncière au siège de la wilaya. Nous l’avons transporté jusqu’au docteur Mostefaï... et puis... » L’émotion l’étouffe et l’empêche de continuer...

Bien que la panique ait gagné l’ensemble des manifestants, un militant avait sonné le clairon pour que la gerbe de fleurs soit déposée. Cela se passait à 10 heures du matin. Le car de la gendarmerie ayant eu du retard était arrivé en fonçant en direction des manifestants fauchant les présents.

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Surgit alors la préparation du massacre des Algériens. Une milice d’Européens est formée à qui on donne des armes ; l’armée, la police et la gendarmerie sont déployées... C’est une véritable chasse à toutes personnes musulmanes.

Le 9 mai, à Sétif, ce sont 35 Algériens qui ont été abattus parce qu’ils ne savaient pas qu’un couvre feu avait été établi. Le rapport du commissaire divisionnaire, M. Bergé, expliquait que chaque mouvement jugé suspect provoquait le tir : « les musulmans ne peuvent circuler sauf s’ils portent un brassard blanc délivré par les autorités et justifications d’un emploi dans un service public. »

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Guelma, mardi 8 mai 1945

A Guelma, à 16 heures, un rassemblement s’était organisé hors de la ville. Les militants des Amis du Manifeste et de la Liberté (AML) attendaient, en fait, les instructions venant de Annaba. A 17 heures le cortège s’était ébranlé avec les pancartes célébrant la victoire des alliés ainsi que leurs drapeaux entourant un drapeau algérien. Arrivé à l’actuelle rue du 8 mai, le cortège avait été arrêté par le sous préfet Achiary. Il ne restait plus que 500 mètres pour atteindre le monument aux morts.

Le sous préfet, Achiary - futur chef de l’OAS créé à Madrid en 1961 -, hors de lui avait intimé l’ordre de jeter les pancartes, drapeaux et banderoles. Un socialiste nommé Fauqueux avait râlé auprès du sous préfet : « Monsieur le sous préfet est ce qu’il y a ici la France ou pas ? ». C’est alors, comme un coup de fouet, Achiary saisit le revolver dont il s’est armé, entre dans la foule droit sur le porte drapeau et tire. Son escorte ouvre le feu sur le cortège qui s’enfuit, découvrant dans son reflux le corps du jeune Boumaza. A Guelma ce jour-là il y a déjà 4 Algériens tués, mais aucun Européen.

Le 9 mai, à Guelma, la milice dirigée par Achiary avait tenu sa première séance au cours de laquelle l’adjoint Garrivet proposait : « Nous allons étudier la liste des personnes à juger. Commençons par nos anciens élèves ». Une perquisition au local des AML a permis de saisir les listes nominatives des responsables et militants, tous considérés comme suspects, qui seront incarcérés, souvent torturés, et exécutés par fournées entières.

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Arrestations de civils menés vers leur propre exécution avant de finir brûlés dans des fours à chaux de Guelma

Kherrata, mardi 8 mai 1945

C’est aussi mardi jour de marché, et il n’y a pas de défilé prévu pour la fin de la deuxième guerre mondiale, ce 8 mai, dans ce gros village tranquille, situé au pied d’une chaîne montagneuse, à quelques dizaines de kilomètres de la Méditerranée. En fin de matinée on y apprend les tueries policières de Sétif. Les nouvelles se répandent vite parmi la population de Kherrata. Les Européens prennent peur, l’administrateur colonial leur distribue des armes et ils se planquent dans une forteresse. Tandis qu’on donne l’ordre au crieur public d’annoncer le couvre-feu, celui-ci au contraire parcourt tous les villages à l’entour en appelant la population musulmane à se rassembler à Kherrata.

Ce sont 10.000 personnes qui vont arriver durant la nuit à Kherrata. Dès l’aube du 9 mai, une grande agitation règne au centre de Kherrata grouillant de monde. Les Musulmans sachant que les Européens étaient armés, et prêts à les tuer, se sont rassemblés pour envisager comment se défendre. Certains ont coupé les lignes téléphoniques, et d’autres ont cherché des armes au tribunal et dans trois maisons, qui furent incendiées. L’administrateur colonial et le juge de paix furent tués. Les 500 Européens qui étaient dans la forteresse tirèrent alors sur la foule déchaînée qui traversait le village avec des drapeaux algériens, tandis qu’on entendait les « you-you » des femmes.

Même s’ils avaient une grande conscience révolutionnaire, beaucoup parmi les insurgés algériens ne savaient pas quoi faire. Pour savoir comment réagir, ils se sont alors rassemblés dans la montagne à Bouhoukal, mais l’armée française était déjà en marche. Le peu de monde qui avait des fusils se mit en groupes dans les gorges et à l’entrée de Kherrata pour retarder l’arrivée des gendarmes et des troupes. Mais dans cette révolte, qui allait vite être étouffée par l’armée, il n’y eu en tout et pour tout sur ce secteur que 10 morts et 4 blessés parmi les militaires et les Européens.

Vers midi, les automitrailleuses de l’armée française se mettent à tirer de loin sur les populations de Kherrata et des villages avoisinants, suivi de près par les tirs impressionnants du bateau-croiseur Duguay-Trouin sur les crêtes des monts de Babor, et l’après-midi c’est l’aviation qui bombardait les environs. Bombardements, tirs nourris et fusillades firent que plusieurs milliers d’Algériens furent massacrés. Vers 10 heures du soir, la légion étrangère franchissait les gorges et arrivait au village complètement vidé de ses habitants musulmans.

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Propagande coloniale - (à la mode Tartarin de Tarascon) : on distribue des armes sans munitions aux civils pour un besoin de propagande : « les insurgés déposent les armes ». Ils feront TOUS partie des victimes assassinées, jetées vivantes du haut de la falaise de Kherrata (voir les gorges de Kherrata au fond de la photo) et enfin ramassées et brulées dans des fours à chaux.

Un des plus atroces massacres coloniaux de la part de la France

Suite aux assassinats d’Algériens à Sétif et à Guelma, des groupes d’indigènes avaient, dans leur repli, riposté en tuant des Européens. [1] S’en suit une répression extrêmement violente dans les rues et les quartiers de ces deux villes importantes, alors que la presse française parle abusivement de terrorisme algérien. Pendant une semaine, l’armée française, renforcée par des avions et des chars, se déchaîne sur les populations de la région et tue sans distinction. À la colère légitime des Algériens, la réponse du gouvernement français, dans lequel se trouve, mais oui, le PS et le PC, aux côtés de de Gaulle, ne s’est, en tout cas, pas fait attendre en mobilisant toutes les forces de police, de gendarmerie, de l’armée, en envoyant des renforts de CRS et de parchuttistes, et même en recrutant des miliciens, qui ne se gênent pas de fusiller des Algériens de tous âges et sans défense.

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De Sétif, la répression sanglante s’est généralisée. Elle allait toucher tout le pays durant tout le mois de mai. L’Algérie s’embrasait sous les feux brûlants du printemps 1945. Le général Weiss, chef de la cinquième région aérienne, avait ordonné le 13 mai le bombardement de tous rassemblements des indigènes sur les routes et à proximité des villages.

Kateb Yacine, écrivain algérien, alors lycéen à Sétif, écrit : « C’est en 1945 que mon humanitarisme fut confronté pour la première fois au plus atroce des spectacles. J’avais vingt ans. Le choc que je ressentis devant l’impitoyable boucherie qui provoqua la mort de plusieurs milliers de musulmans, je ne l’ai jamais oublié. Là se cimente mon nationalisme. »
« Je témoigne que la manifestation du 8 mai était pacifique. En organisant une manifestation qui se voulait pacifique, on a été pris par surprise. Les dirigeants n’avaient pas prévu de réactions. Cela s’est terminé par des dizaines de milliers de victimes. À Guelma, ma mère a perdu la mémoire...
On voyait des cadavres partout, dans toutes les rues. La répression était aveugle ; c’était un grand massacre. »

Dans les localités environnantes à Sétif, Ras El Ma, Beni Azziz, El Eulma, des douars entiers furent décimés, des villages incendiés, des dechras et des familles furent brûlées vives. On raconte le martyre de la famille Kacem. Korrichi, son fils Mohamed et son frère Nouari furent torturés et tués à bout portant...
Les légionnaires prenaient les nourrissons par les pieds, les faisaient tournoyer et les jetaient contre les parois de pierre où leurs chairs s’éparpillaient sur les rochers...

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L’armée française avait planifié l’extermination de milliers d’Algériens. Pour mettre à exécution leur dessein les soldats français avaient procédé au regroupement de toutes les populations avoisinant les côtes-est de Béjaïa à Bordj Mira en passant par Darguina, Souk El-Tenine et Aokas. Toutes les populations de ces régions étaient forcées de se regrouper sur les plages de Melbou. L’occupant n’avait en tête que la liquidation physique de tout ce beau monde. Des soldats armés faisaient le porte-à-porte à travers la ville de Sétif et certaines régions environnantes, et obligeaient hommes, femmes et enfants à sortir pour monter dans des camions.

Dès lors, des camions de type GMC continuaient à charger toute personne qui se trouvait sur leur passage. Le convoi prenait la direction de Kherrata. Les habitants de cette autre ville historique n’allaient pas échapper à l’embarquement qui les menait avec leurs autres concitoyens de Sétif, vers le camion de la mort. Les milliers d’Algériens furent déchargés depuis les bennes des camions au fond des gorges de Kherrata. L’horreur n’était pas terminée pour ces pauvres « bougnouls » comme aimaient les surnommer les colons français. Des hélicoptères dénommés « Bananes » survolaient les lieux du massacre pour achever les blessés. Une véritable boucherie humaine allait permettre, plus tard, aux oiseaux charognards d’investir les lieux.

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Avec la venue de l’été, la chaleur monte... et l’odeur de la mort. Vers Guelma, faute de les avoir tous enterrés assez profond ou brûlés, trop de cadavres ont été jetés dans un fossé, à peine recouverts d’une pelletée de terre. Les débris humains sont transportés par camion. Le transport est effectué avec l’aide de la gendarmerie de Guelma pendant la nuit. C’est ainsi que les restes des 500 musulmans ont été amenés au lieu dit « fontaine chaude » et brûlés dans un four à chaux avec des branches d’oliviers.

Alors que l’on sait que ce sont en tout 102 Européens ou militaires qui ont été tués, et 110 blessés, à ce moment-là, en riposte aux tueries des autorités françaises, malgré un minutieux travail de recherches, il est aujourd’hui absolument impossible de savoir le nombre exact d’assassinats perpétrés par la France parmi les Algériens. Tout a été fait pour que cet énorme massacre soit le plus possible dissimulé à l’opinion publique. On peut estimer cependant qu’il y a eu à ce moment-là plusieurs dizaines de milliers de blessés algériens, pas loin de cent mille. Selon l’armée américaine cet énorme massacre de la France de de Gaulle, par l’armée française, la police et les miliciens, aurait fait 45.000 morts. C’est le chiffre, qui peut sembler peut-être vraisemblable, retenu officiellement désormais par les Algériens.

Dans la matinée du fatidique 8 mai, en guise de riposte à cette manifestation pacifique, la police ouvrit le feu... Plusieurs d’entre acteurs et témoins encore en vie sont ainsi soumis à la souffrance du souvenir et le devoir de dire ce qu’ils ont vécu, vu, entendu dire et se dire. Ils craignent pour la postérité, l’amnésie.

Parler à Sétif du 8 mai 1945 rend obligatoire la citation de noms-phares : Abdelkader Yalla, Lakhdar Taârabit, Laouamen dit Baâyou, Bouguessa Askouri, Gharzouli, Rabah Harbouche, Saâd Saâdna, Miloud Begag, Saâdi Bouras, Benattia, le Dr Hanous, le Dr Saâdane, Bachir Ibrahimi, et beaucoup d’autres que seul un travail sérieux institutionnel pourrait les lister et en faire un fronton mémorial.

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Le 8 mai 1945, un des plus atroces massacres coloniaux est perpétré par cette France fraîchement libérée. Et, à Sétif en Algérie, où est organisée une manifestation pacifique indépendantiste par les militants du PPA (Parti Populaire Algérien), le gouvernement français envoie l’armée, sous le commandement du général Duval. Dans une répression violente contre la population civile, des navires de guerre tirent et l’aviation bombarde la population de Sétif. 10.000 soldats sont engagés dans une véritable opération militaire. Ils sont issus de la Légion étrangère, des tabors marocains, des tirailleurs sénégalais et algériens. En outre, des milices se forment sous l’œil bienveillant des autorités, et se livrent à une véritable chasse aux émeutiers. Le général Duval déclare que « Les troupes ont pu tuer 500 à 600 indigènes. » Le nombre de victimes est aujourd’hui estimé à au moins 30.000 morts.

Le drame est passé inaperçu dans l’opinion métropolitaine. Le quotidien communiste L’Humanité assure alors que les émeutiers étaient des sympathisants nazis ! Il faudra attendre le 27 février 2005 pour que, lors d’une visite à Sétif, M. Hubert Colin de Verdière, Ambassadeur de France à Alger, qualifie les « massacres du 8 mai 1945 de tragédie inexcusable. » Cet évènement constitue la première reconnaissance officielle de sa responsabilité par la République française.

Pourtant, en ce jour de commémoration de la liberté, de la fin du joug nazi, pas un mot ne sera dit sur ce massacre de la France coloniale. Rappellons qu’il en est d’autres (Madagascar 1947, Paris le 17 octobre 1961, Alger le 26 mars 1962...). Cette France qui fait teinter ses médailles aujourd’hui, à coup de célébrations idéologiques, continue de pratiquer le déni historique sur ses propres crimes.

Aujourd’hui seront rapellés la barbarie nazie et les crimes de Vichy.
Aujourd’hui seront oubliés les crimes coloniaux, ou encore le fait que les derniers camps de concentration en France pour Tziganes n’ont fermé qu’en 1946, que Papon n’a jamais été inquiété pour les crimes qu’il a commis en tant que préfet de la Ve République, la nôtre.

Les crimes commis par la France sont structurels. Non Nicolas, cette France-là nous ne l’aimons pas.

D i s s i d e n c e . f r

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P.-S.

Sources :
- Livre de Boucif Mekhaled « Chroniques d’un massacre 8 mai 1945 Sétif Guelma Kherrata » (1995, Syros, au nom de la mémoire)
- Site Setif info (Ce site a recopié un article du journal El Watan dont les informations ne sont plus archivées).
- Et quelques témoignages qui se recoupent de Lyonnais originaires de Sétif.

A lire aussi sur la colonisation et décolonisation de l’Algérie sur Rebellyon.info :
- La conquête coloniale de l’Algérie débute le 14 juin 1830
- Le 24 janvier 1845 en Algérie : « Je brûlerai vos villages et vos moissons » (Bugeaud)
- Le massacre du 17 octobre 1961 à Paris : « ici on noie les Algériens ! »

Notes

[1Parmi la population européenne d’Algérie certains disent a contrario que ce massacre abominable d’Algériens “faisait suite à l’assassinat d’une centaine d’Européens par des indépendantistes”. Qui croire ? Il semble que ce soit vraiment l’inverse, et que ce soit la plupart du temps par défense ou par riposte que des Européens ont été blessés ou tués. En tout cas, tout ce pan de notre histoire a été méticuleusement occulté par la France et l’armée française qui a tout fait pour détruire toutes preuves et empêcher qu’une réelle enquête puisse être ordonnée... Cependant, même si les traumatismes sont encore bien présents, il nous reste suffisamment de témoignages sérieux.

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  • Le 28 septembre 2016 à 18:08, par jacques

    Sétif est une date sombre de l’histoire de France et de celle de l’Algérie.

    Elle souligne, avec d’autres épisodes de cette nature à Madagascar et en Afrique, le décalage abyssal qui existait encore au sortir de la guerre entre deux catégories de personnes. D’un côté, le combat total et difficile contre un totalitarisme absolu avait gommé les différences entre des populations contraintes à la solidarité pour vaincre l’adversaire (ou leur avait permis de mieux se comprendre, ou de mieux se tolérer, comme on voudra). De l’autre, il restait ceux, pas très nombreux, mais qui, n’ayant pas participé à cet immense élan de solidarité contre le nazisme, s’en tenaient encore à une vision "coloniale" de la planète.

    Le phénomène n’est bien sûr pas spécifique à la France. L’idée même de colonisation, déjà mal en point avant la guerre, s’effondre à ce moment. Moins de deux décennies après Sétif, il ne reste rien des immenses empires coloniaux européens d’avant guerre. L’empire colonial soviétique naît certes à ce moment là, lui aussi d’une soif économique habillée par une vague "vision de progrès" pseudo-internationaliste comme avant les empires perse, chinois, romain, espagnol, portugais, turc, français, britannique, japonais ou américain. Mais il s’effondre comme les autres, plus vite même que les autres avant la fin du siècle. Les grandes puissances (voire les petites) ont une tentation impériale depuis la nuit des temps, mais ces empires sont devenus éphémères. Je le vois comme un progrès.

    Ce qui me gêne profondément dans cet article n’est pas la volonté d’éclairer ces évènements méconnus, bien au contraire, mais le mélange permanent des genres entre l’imaginaire et la réalité. Il est des auteurs qui croient mieux convaincre en tombant dans l’emphase. C’est tout le contraire qui arrive. Si Victor Hugo raconte avec talent et détails la vie de la cour des miracles, ce n’est pas comme historien mais en assumant d’être romancier.

    Ici, le sujet est assez grave pour ne pas avoir besoin d’en rajouter. Je lis que "les légionnaires projetaient les nourissons sur les parois ...où leurs chairs s’éparpillaient.." La scène est puissante mais tient du pur imaginaire romanesque. Au surplus, un corps projeté contre une paroi ne risque pas de "s’éparpiller". Cette image est un mythe présent depuis toujours dans les récits guerriers lorsqu’on veut accuser l’autre de barbarie. Ici c’est un légionnaire, ailleurs ce sera un soldat russe, un marine américain, un garde rouge chinois, un soldat vietminh, un khmer rouge, un tirailleur sénégalais, un taliban afghan, un cavalier comanche ou un policier turc. La liste est longue mais c’est toujours la même histoire du nourisson et de la femme (enceinte de préférence) lâchement assassinés par une brute épaisse au visage ingrat et haineux.

    De la même façon, il est impressionnant d’envisager que "Des hélicoptères dénommés « Bananes » survolaient les lieux ....pour achever les blessés...". On imagine parfaitement cette scène d’épouvante à laquelle ne manque que la chevauchée des Walkyries pour figurer dans un film à grand spectacle. Le seul problème est qu’il n’y avait pas d’hélicoptère dans les armées françaises (ni dans les autres d’ailleurs) en 1945. Et la fameuse "banane" dont on parle pour donner corps à la vérité du propos n’a fait son premier vol que sept ans plus tard, en 1952, aux Etats Unis.

    Je n’insisterai pas sur les chiffres sortis de nulle part qui affichent de plus de morts que la région entière n’avait d’habitants à l’époque, ni sur les gens précipités (vivants ?) dans des bûchers de bois d’olivier. Quelle transgression absolue que de tuer avec un symbole de la paix ! Il n’y a pourtant pas beaucoup d’oliviers dans la région de Sétif (c’est historiquement une région à blé très peu arborée) et le bois d’olivier brûle trop mal pour convenir à cet usage. Mais l’auteur n’a sans doute pas pu résister à la tentation du parallèle induit avec les crématoires nazis.

    Il ne manque qu’une seule chose à ses récits, la preuve. Le mécanisme de la rumeur a pris le pas sur la vérité historique dans la présentation des faits. L’auteur veut être précis pour être crédible, mais son imprécision manifeste ruine cette crédibilité. Certains diront que c’est manquer de respect à tous ceux qui ont perdu la vie au cours de ces jours sombres, d’autres penseront même que c’est trahir leur mémoire.

    Pour ma part, je crois que cet évènement tragique mérite un traitement plus sérieux. Personne ne demande à ce qu’on réécrive l’Histoire en désignant les bons et les méchants, les bons étant très bons et les méchants très méchants comme à Hollywood. On doit plutôt chercher à comprendre comment une population humaine peut arriver un jour à vouloir en supprimer une autre de sang froid, que les motifs soient politiques, sociaux, religieux, économiques ou raciaux. La façon dont Sétif est traité dans cet article est plutôt de nature à entretenir ce feu malsain et mortifère qu’à essayer de l’éteindre.

  • Le 17 septembre 2016 à 07:20, par

    Bonjour,
    Cette bataille de chiffres est inqualifiable et intolérable au vu des personnes massacrées parce que « indigènes » (dans son acception péjorative) donc sujets inférieurs aux européens français et naturalisés.
    Ma famille est originaire du constantinois et depuis mon enfance (je suis né en 1956) je suis au courant de ces massacres perpétrés par les autorités françaises servies par leur armée si puissante envers des paysans démunis mais défaite en 1940 en quelques jours par une armée de son niveau ; servies également par des Tabors marocains, par des tirailleurs sénégalais, par la Légion étrangère (un ramassis de criminels) et par certains colons armés par les préfets et les administrateurs des villes et villages martyrs (mechtas et douars). Je déplore le massacre des européens tués et/ ou massacrés pendant ces émeutes mais celui-ci est chronologiquement postérieur au lynchage et au mitraillage des foules venues fêter la libération de l’Europe du Joug de l’Allemagne nazie, venues demander l’application de la charte de l’atlantique et également venues revendiquer l’application des promesses d’émancipation et d’égalité en droit, faites par les autorités françaises aux algériens « indigènes » quand la France était à genoux et qu’il fallait compter sur les « indigènes » de son Empire pour libérer « la mère Patrie ». Les français de la Métropole ayant choisi majoritairement de collaborer avec l’ennemi, il a fallu faire appel « à la chair à canon » des indigènes (rappelez-vous le débarquement en Provence et en Italie ainsi que les campagnes qui ont suivi).
    Ce qui est terrible avec l’Algérie, c’est que systématiquement, les autorités françaises et quelques « historiens » avancent des chiffres farfelus. Personnellement, comme les Oulémas l’ont déclaré (85 000 personnes martyres), je pense que le chiffre frise les 100 000 personnes. je m’explique. Ceux qui ont commis quelques livres dits d’histoire ont oublié quelques points importants relatifs à la sociologie de l’algérien (voir Bourdieu in sociologie de l’Algérie)) qui a connu sur plusieurs décennies des massacres que les français appelaient « pacification » :
    1) Depuis l’invasion de l’Algérie et surtout après le soulèvement des Aurès en 1916 contre la souscription des jeunes musulmans (pour la guerre de 14-18), les algériens ne déclaraient plus qu’un seul enfant mâle dans la famille, les autres frères prenaient systématiquement le même nom que leur frère aîné.Dans les villes et les villages mixtes, c’était plus difficile mais dans les mechtas, douars ou chez les paysans nomades, c’était la norme. C’était le cas dans ma famille pour quasi tous les natifs à partir de 1916.
    2) Les manifestations se sont déroulées pendant les jours de marché et les personnes qui sont venues dans les villes du constantinois étaient en majorité de condition paysanne et n’étaient pas formées politiquement comme les militants du PPA (Parti du Peuple Algérien) et des AML (les Amis du Manifeste de la Liberté) et c’est pour cette raison qu’ils se sont faits massacrer par les suppôts du colonialisme français. Ce sont ces paysans dont une grande partie est inconnue de l’Etat civil français qui ont payé le prix le plus cher.
    3) Les massacres ont duré entre 4 à 6 semaines, selon les régions. Les plus touchées étaient dans le constantinois parce que le nationalisme était omniprésent dans cette région. Je me rappelle qu’on me parlait de Fedj M’zala, Kherrata, Setif, Mila, El Milia,Guelma...alors que je n’avais que 3 ans. Chez nous la transmission est orale et ce sont les mères et les grands-mères qui sont nos bibliothèques et nos mémoires.
    4) Il y a eu de l’artillerie ! des bombardements avec 2 croiseurs entre Kherrata et Jijel !! des bombardements avec l’aviation !!! des villages entiers rasés et qui n’existent plus, des tribus entières anéanties (système hérité des Bugeaud, Clauzel, Saint Arnaud, Rovigo et autres maréchaux français), des familles entières complètement liquidées, des personnes abattues comme du gibier, brûlés dans des fours , jetés dans des fours à chaux pour effacer les traces, jetées des falaises dans les gorges des oueds, fusillées sans aucune forme de procès, exécutées après un simulacre de procès...

    Il est venu le temps où les omissions, les mensonges, les raisons d’Etat, les « bienfaits du colonialisme »... doivent s’arrêter et enfin passer à un travail de recherche historique et scientifique. Des témoignages existent, des documents (écrits, audio et vidéo) existent, les lieux des massacres sont toujours là, des méthodes scientifiques modernes sont là (ADN, séquençage, datation carbone 14...), l’utilisation de l’archéologie et de l’anthropologie peuvent également être d’un grand secours. Mais....il manque le courage politique des autorités algériennes pour faire ces recherches quitte à faire des équipes de chercheurs de plusieurs pays afin d’avoir une transparence sans équivoque (Siyasetna ouadha = notre politique est claire) : il faut mettre les moyens financiers et humains afin de donner des réponses aux descendants et clore définitivement ce sujet par des preuves irréfutables. Les « occidentaux » l’ont bien fait pour les différents massacres et génocides perpétrés dans le monde dit occidental et ailleurs. Pourquoi pas en Algérie ? Il y a tellement de boîtes de Pandore qu’on ose pas s’y aventurer !!!
    Nous avons eu nous aussi nos « Ouradour sur Glane », nos « massacres de Nankin », nos « massacres de Katyn » et nos génocides non encore reconnus. Mais un jour peut-être...
    Après cela, nous pourrons faire un travail sur les martyrs de la guerre d’Algérie entre 1954 et 1962 et je pense que le chiffre de 1,5 millions sera dépassé vu qu’une bonne partie de la population était inconnue de l’Etat civil français.
    Puis, nous pourrons faire un énorme travail sur « la pacification » de l’armée française depuis 1830. Il y aura,je pense, beaucoup de surprises au niveau des chiffres par rapport aux génocides perpétrés !!!
    D’ailleurs entre 1830 et 1962, il n’y a jamais eu de recensement sérieux des indigènes en Algérie, il n’ y a eu que des estimations : De cette façon, les colonisateurs pouvaient massacrer à tout va et donner des chiffres farfelus.

    Celles et ceux qui prônent encore « les bienfaits du colonialisme » et qui sont encore nostalgiques de « l’Algérie Française » doivent savoir que « les indigènes » sont devenus simplement indigènes (dans le sens premier du mot) puisqu’ils sont natifs de leur patrie, qu’ils ont pu acquérir du savoir, qu’ils ont et auront les moyens de déconstruire l’histoire écrite à leur place par les historiens de la colonisation ou ceux de l’Algérie de « papa », qu’ils la réécriront d’une manière honnête et juste afin d’apaiser les rancœurs et enfin construire une vraie amitié entre les deux peuples, algériens et français. Quand nous aurons récupéré notre culture, notre identité et notre histoire, nous aurons beaucoup à construire ensemble car nous avons beaucoup de choses à partager.

    NB : Au sujet du drapeau. Il existait déjà du temps de l’Emir Abdelkader en 1832. Il a été remanié par Messali Hadj et les militants de l’ENA (Etoile Nord Africaine) en 1926 puis définitivement accepté en 1935 dans sa mouture actuelle. Pas de polémique sur le drapeau qui peut changer à tout moment : l’exemple du drapeau français qui ne date que de la révolution de 1789, l’histoire du drapeau italien qui date de 1865...C’est le peuple qui fait la nation. Bien à vous, Omar D.

  • Le 20 mai 2016 à 16:46, par LAKEHAL

    8 Mai 1945 ....une date ; mais aussi une mémoire et un miroir pour chaque algérien .

  • Le 9 mai 2016 à 16:05, par

    Bonjour,
    Je vous rapporte le peu que mon père m’a raconté. Il était en premier rang tout prés Saal Bouzid, le porteur de drapeau. La première ligne de la manifestation été composée essentiellement de lycéen. La marche a été arrêté effectivement par un barrage de policier local. Les policiers suppliaient les manifestants de ce disperser car l’armée arrive et elle sera sans pitié. Un policier (l’inspecteur) été tellement en panique. L’arme lui échappa des mains. En tombant à terre, un coup de feu est parti. Ce coup a atteint le poteur de drapeau.

  • Le 25 novembre 2015 à 17:57, par michel rohmer

    On ne doit pas dire « drapeau algérien » à Setif en 1945
    Il faudra attendre 17 ans pour que l’Algérie devienne un pays
    le drapeau porté à la manifestation par les indigènes est vert et blanc avec le croissant et l’étoile rouge.
    Il n’est encore que le drapeau de la rébellion. Il deviendra rapidement le drapeau du FLN et plus tard, a partir de 1962 date de l’indépendance, le drapeau officiel de l’Algérie.
    Remarquez en passant que le drapeau de Sétif comporte l’étoile à 6 branches qui est plutôt un symbole
    d’Israël (l’étoile de David), correction faite sur les premiers drapeaux du FLN, l’étoile devient à 5 branches reconnue comme symbole de l’Islam : drapeau de la Turquie, de la Tunisie etc…

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