Certain.es pensaient naïvement que les références au « temps béni des colonies » ou aux « bienfaits de la colonisation » et autres célébrations du « ya bon banania » appartenaient à un temps révolu ou à une autre génération ayant directement participé à la colonisation. Gabriel Desvallées et Matthieu Henry, jeunes trentenaires branchés nous rappellent le contraire.
Ces jeunes gens branchés ont choisi de faire du colonialisme la base de leur stratégie commerciale. Ils viennent d’ouvrir un bar à cocktails au 22 rue Professeur Weill, dans le sixième arrondissement de Lyon. Ils l’ont baptisé La Première Plantation. Pourquoi ? C’est Le Petit Bulletin qui le révèle dans un article intitulé « La Première Plantation, ou l’art de se planter ». Voici ce qu’ils ont confié à la rédactrice :
Mon nom, La Première Plantation, est une référence aux plantations de canne à sucre (le rhum en est issu) dans les colonies françaises. Je cherche à retranscrire l’esprit colonial, un esprit à la cool, une époque où l’on savait recevoir.
On vomit à la lecture de ces propos racistes, qui nient l’esclavage et les violences intrinsèques du rapport colonial infligées par les grandes puissances européennes aux peuples des pays colonisés.
On pourrait donc, au bénéfice du doute, penser à l’ignorance des gérants du bar, mais pourtant ce n’est pas fini car ils surenchérissent, entre clichés, mépris et racisme. La rédactrice du Petit Bulletin écrit ainsi :
Peut-être avais-je mal entendu, finalement. (...) Non. Il a persévéré. « C’était cool, la colonisation ? » me suis-je indignée. « Dans l’esprit, oui, carrément, ça représente une période sympathique, il y avait du travail à cette époque accueillante. » Je me suis offusquée : « et la partie esclaves, là-dedans ? ». « Ah, on a mis quelques photos dans les toilettes. » m’a-t-il rétorqué.
Pour ceux et celles qui douteraient de la réalité de ces propos, la journaliste les a confirmé sur twitter :
L’indécence de ces propos est inqualifiable. Et leur violence rend inutile le moindre commentaire. Tout comme le font certain avec l’utilisation du Blackface pour faire rire, La Première Plantation appuie sa communication sur une idéologie fondée sur les clichés racistes. Ceux-ci sont tournées en dérision et même promus par cet établissement dont la démarche commerciale se conjugue avec une vision politique rance et réactionnaire, niant à la fois l’horreur historique de cette période et balayant d’un revers de main toutes les luttes d’esclaves ayant amené à sa fin.
En 2017, les gérants d’un bar branché poussent ainsi le cynisme au point de faire de l’apologie du colonialisme et du mépris des ravages de l’esclavage des preuves de leur « coolitude ». De la rencontre du capitalisme hype et du racisme le plus bas du front ne peuvent naître que des horreurs, et elles font peur à voir.
On s’inquiète aussi que plusieurs médias se soient fait écho de l’ouverture du lieu, sans rien n’avoir trouvé à redire à ce choix commercial choquant. Petite revue de presse :
- Fourniresto, le 21 août : « Ils sauront vous faire voyager à travers le décor décalé de leur bar et grâce à leur cocktails. »
Inside-lyon, le 24 août : « une oasis tropicale où la nature a tous les droits ; Un bar sans chichis, magnifique mais à la cool ; on aime la déco tropico-industrielle, qui réussit le pari d’être belle, moderne et pas cliché »
Mixology (en anglais), le 16 août : « Like a highly exotic trip without the kitsch side of the tiki bar : a real indoor jungle mixing palm trees and hanging succulent plants will contrast with rough walls and exposed beams, giving an industrial feel »
Le Progrès, le 11 septembre : « idéal pour une soirée conviviale ».
Tous ces propos s’entendent donc à condition d’être blanc et raciste, sans doute...
Nous terminerons à l’adresse des patrons de ce bar qui n’ont rien compris à l’histoire par une citation de Franz Fanon :
« Le colonialisme n’est pas une machine à penser, n’est pas un corps doué de raison. Il est la violence à l’état de nature et ne peut s’incliner que devant une plus grande violence. » [1]
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