Le caractère spectaculaire de ces multiples histoires ne doit pourtant pas masquer la réalité. Bien sûr la disparition de la différence entre Justice et Police entraîne une concentration de pouvoir dans les mains de l’administration. Cette concentration de pouvoir augmente machinalement les possibilités de nuisance répressive et s’accompagne chez les policiers d’un sentiment accru d’impunité. Toutefois, aucun des dispositifs mis en application n’est une réelle nouveauté. Les interdits de stades sont déjà soumis à des système de pointages au commissariat. Les personnes sous contrôle judiciaire expérimentent déjà les joies de l’assignation à résidence. La perquisition est un acte de police quotidien. L’occupation militaire du territoire est continue depuis l’invention de Vigipirate. Les Zones de Sécurité Prioritaire (ZSP) connaissent déjà le quadrillage généralisé du territoire. Croiser un agent de police exposait déjà à l’ « outrage et rébellion » avant qu’il ne soit assorti de la désormais fameuse « apologie du terrorisme ». Et avec deux morts depuis le début de l’état d’urgence l’activité létal de la police se trouve dans sa moyenne annuelle. D’ailleurs ce n’est pas la police de l’état d’urgence que dénoncent 18 adolescents en portant plainte contre les policiers de la BAC de leur quartier pour « violences volontaires aggravées », « agression sexuelle aggravée », « discrimination » et « abus d’autorité » en décembre 2015. L’activité de l’appareil répressif pendant l’état d’urgence apparaît bien comme la généralisation d’un état de non-droit déjà en vigueur quotidiennement sur tout un tas de territoires.
Au quotidien, les personnes perçues comme musulmanes ou arabes et plus généralement « extra-européennes » subissent déjà plus de contrôles d’identité, ils ont déjà plus de chance d’être emmenés au poste, d’être poursuivis et finalement condamnés. Tout comme être identifié comme militant soumet déjà à une attention particulière de la police. C’est aussi plus généralement les pratiques sociales des classes populaires qui sont criminalisées : une certaine propension à pratiquer l’échange en refusant la taxe, à utiliser la rue bruyamment, à produire soit même ou encore à traverser les frontières. Ces populations, les territoires où ils vivent, sont déjà sujets à des régimes d’exception.
L’état d’urgence c’est la généralisation de tous les régimes d’exception qui existent au quotidien, c’est bien là la vocation de tout régime d’exception que de se généraliser. La dynamique répressive est à l’enflement des dispositifs : La BAC c’est déjà la généralisation d’un régime d’exception propre à la capitale, les centres de rétention sont créés quand le pouvoir socialiste légalise une pratique de rétention extrajudiciaire. Vigipirate, conçu comme un état d’urgence « light » et donc à vocation temporaire, devient permanent à sa troisième activation. L’enfermement des mineurs est passé avec les Établissements Pour Mineurs (EPM) du stade de l’exception à celui de pratique commune, alors même que les discours disaient que leur création visait à faire disparaître les quartiers pénitentiaires pour mineurs... C’est le propre de toute institution de chercher à augmenter son champ d’action, comment s’attendre à une autre approche de la part des institutions répressives.
Il s’agit donc de prendre acte et d’organiser notre solidarité, contre l’état d’urgence mais aussi contre la répression au quotidien.
Témoin - caisse de solidarité Lyon.
39, rue Courteline
69100 Villeurbanne
caissedesolidarite [ a ] riseup.net
06 43 08 50 32
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