Cesare Battisti cesse de s’alimenter et de se soigner - Lettre & Communiqués.
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Suite à sa décision, consécutive au refus de son transfert, de cesser à nouveau le 2 juin de s’alimenter et de se soigner, Cesare nous a adressé une lettre dont la lecture nous a profondément bouleversé.e.s. Nous avons décidé de rendre publique sa traduction, d’une part pour toutes les personnes qu’elle concernerait directement sans être pour autant en contact avec l’un ou l’une d’entre nous, d’autre part parce que l’idée de le laisser crever dans ce silence assourdissant nous est insupportable... Il demande que la décision de la Cour d’Assise de Milan soit appliquée, de sorte qu’il puisse être transféré dans une prison et dans un parcours de réclusion classique, hors de l’AS2, accessible aux visites de sa famille, et hors de l’isolement de fait qu’il subit depuis 28 mois.
« Je m’adresse à mes enfants bien-aimés, à ma compagne de voyages, aux frères et aux sœurs, aux neveux, aux amis et aux camarades, aux collègues de travail et à vous tous qui m’avez bien aimé et soutenu dans votre cœur.
Les effets destructeurs de la grève
Je vous demande à vous tous un dernier effort, celui de comprendre les raisons qui me poussent à lutter jusqu’à la conséquence ultime au nom du droit à la dignité pour chaque détenu, de tous.
La dignité d’affronter ses propres responsabilités en restant soi-même.
Mon choix est un choix radical, si on peut parler de choix, quand il reste le seul moyen décent de défendre son amour propre, les valeurs humaines et de justice que jusqu’ici vous avez partagées avec moi, la sauvegarde de la mémoire historique et de la mémoire affective.
Le 2 juin 2021, j’ai commencé une grève de la faim en sachant que je ne reviendrais pas en arrière, donc en étant conscient de vous infliger une grande douleur. Mais en ayant la certitude que, le temps relâchant la morsure de la douleur, vous conviendrez avec moi que c’était l’acte le plus digne que je puisse faire pour éviter de mourir à genoux, après avoir été pressé et utilisé, à toutes ses fins ignobles, par le pouvoir.
Ce serait ainsi trahir les valeurs d’un passé auxquelles j’ai crues, jusqu’à la dérive armée. Je ne me suis jamais senti un criminel alors, ni ne me sens de l’être aujourd’hui, même si j’ai conscience de m’être trompé. Je suivais, comme tant d’autres, des valeurs fondamentales du droit pour la personne, je ne peux me permettre de les trahir sur la ligne d’arrivée.
Voilà pourquoi je vous demande une dernière fois de m’aider à être moi-même et de me pardonner pour la douleur que je vous inflige.
Je veux qu’il soit clair pour vous que ma lutte est une lutte de protestation, de revendication de droits inaliénables.
Il n’y a pas de place dans ma décision pour des dérives d’ordre psychologique. J’ai des demandes objectivement précises, clairement formulés aux autorités compétentes. Il n’y aura donc aucune espèce d’arrondissement des angles, d’actes irréfléchis, ni de prétextes psychiatriques. Si nécessaire, je continuerai la grève de la faim jusqu’au dernier souffle.
Je ne suis pas un imbécile, je suis en train de lutter pour la vie.
Vous êtes des personnes merveilleuses, défendez toujours la liberté et le respect.
Je vivrai pour toujours avec vous.
Rossano, le 9 juin 2021
Cesare Battisti »
Cette traduction ainsi que son original en italien sont à retrouver ICI
« Le traitement du condamné et de la personne internée passe principalement par le biais de l’éducation, du travail, de la religion (ça c’est l’Italie), des activités culturelles, récréatives et sportives et en facilitant les contacts appropriés avec le monde extérieur et les relations avec la famille. »
Art. 15 - loi du 26/07/1975, n. 354 - Constitution
Communiqué des ami.e.s de Cesare Battisti
Nous, connaissances, amies, amis, ou proches de Cesare ou encore simples soutiens attachés à la dignité humaine,
qui pour certain.e.s connaissons, ou avons connu ou aimé d’autres personnes issues de la même Histoire, soumis.es à la même vindicte à perpétuité,
voulons dire nos inquiétudes, notre angoisse, notre déchirement, notre écœurement. La suite de ce communiqué
À 17 ans, en rébellion contre sa famille et le vieux PC (Parti Communiste), auquel elle adhère, et dans un contexte politique très tendu avec les lois fascistes issues de la seconde guerre mondiale encore en exercice, Cesare Battisti opte pour l’illégalisme. Il reverse alors au mouvement les fonds récoltés lors de ses braquages (réappropriations prolétaires, comme on dit alors). Il est arrêté en 1974. C’est 2 ans de prison plus tard environ qu’il décide de rejoindre la lutte armée suite à son incarcération et aux rencontres qu’elle occasionne. À sa sortie en 1977, Il rejoint donc les PAC (Prolétaires armés pour le Communisme), dont les opérations entraînent en 78 la mort de 4 personnes désignées par différents mouvements comme des assassins, et/ou des tortionnaires. Il décidera en 2019 de valider en package la reconstitution sur laquelle a été basé son jugement par contumace, ne pouvant compter sur un nouveau procès pour éventuellement faire le tri, et dans l’espoir resté vain que cela entraîne l’Italie à admettre ses propres responsabilités dans ce pan de l’Histoire qui a vu tomber plus de 400 personnes de tous bords. En 81, pourtant, quand les PAC le font évader de prison à près de 27 ans, il ne croit déjà plus en la lutte armée, et rejoint la France, puis le Mexique, ou il écrit son premier roman, rompant ainsi avec cette courte période de sa vie (qui n’aura en effet pas duré plus de 3 ou 4 ans). Il se consacre dés lors entièrement à l’écriture tout au long d’une cavale alternée qui dure près de quarante ans, entre ses enfants à élever puis perdus, l’angoisse de la traque et celle de la page blanche, de multiples publications et projets culturels, les périodes d’emprisonnement, les asiles accordés puis repris, les fuites, et autres tentatives toujours vaines de mener tant bien que mal « une vie normale ». Il est arrêté une dernière fois en 2019 en Bolivie, et au prix d’une manœuvre trouble (comme il l’explique ici), livré à l’Italie. Il y est incarcéré dans la prison d’Oristano, à 65 ans et près de quarante ans après les faits, sous un régime de haute sécurité, et maintenu à l’isolement jusqu’à son transfert en Calabre en septembre 2020. Un isolement inhumain qui se perpétue dans les faits, puisque pour des raisons politiques de sécurité personnelle, il ne peut en aucun cas se mêler à la population carcérale qui l’entoure.
Par ailleurs, ses frères et sœurs, déjà âgés, ne peuvent l’y visiter qu’à grand peine, résidant à plus d’un millier de km...
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