Après qu’une partie de la Friche artistique RVI ait brûlé le vingt décembre 2010, on imagine aisément que Gérard Collomb et le directeur de la SEPR aient sabré le champagne. Que s’est-il passé exactement et comment un tel incendie a-t-il pu se déclencher ? Ce sont des questions qui n’ont jamais véritablement été posées sur la place publique et aucune réponse précise n’y a été apportée. Pour être franc, nous avons très vite suspecté un incendie criminel sans pouvoir avancer d’argumentaire précis. Les autorités se sont d’ailleurs fort logiquement abstenues de diligenter une enquête. Trop heureuses de mettre un terme à l’aventure fricharde, elles se sont contentées de prendre un arrêté de péril leur permettant d’évacuer les artistes des bâtiments, une bonne fois pour toute.
Depuis lors, certains frichards se sont installés sur le parking mitoyen, dans des conditions très difficiles. Cela fait déjà plus de six semaines. D’un point de vue juridique, il faut préciser que la convention signée avec la Mairie de Lyon au sujet de la Friche n’incluait pas ce parking. Légalement, les frichards n’ont donc aucun droit contractuel d’y rester. Fidèles à leur logique implacable nos autorités ont donc réclamé une expulsion des indésirables au tribunal des référés. Une audience s’est tenue aujourd’hui, lundi 7 février 2011, à ce sujet. La juge a écouté les arguments des uns et des autres. Et rendra son verdict le 21 février. Pour l’instant on n’en sait pas plus.
D’une façon ou d’une autre, la pression sur le lieu demeure. Le Grand Lyon a dépensé dix millions d’euros pour acheter ce terrain, il n’est pas question de le laisser ad vitam æternam à une bande de zoulous artistouilles désargentés. Plus urgent encore, la Région Rhône Alpes a débloqué onze millions et demi d’euros de subventions pour l’exercice 2010, en vue de la construction d’une extension de la SEPR voisine, ainsi que pour une école compagnonnique. Or ces subventions ne peuvent être obtenues qu’à la condition d’entamer les travaux avant le vingt deux juillet 2011, dans le cas contraire elles sont caduques et il faut réenclencher une demande de subvention pour l’année suivante.
Si l’incendie qui a permis d’expulser les frichards est criminel, un esprit égaré pourra aisément penser que c’est dans ces histoires de gros sous qu’il faut chercher l’allumette.
La mairie de Lyon souhaitait expulser les frichards en septembre 2010 pour que la SEPR puisse commencer ses travaux. C’était sans compter avec la détermination des frichards et la clémence d’un juge qui nous a accordé un délai jusqu’en mai 2011. Une date un peu trop tardive si l’on considère qu’il fallait désamianter les lieux, démolir les bâtiments et procéder au terrassement avant d’entamer la construction. Bien sûr, la mairie de Lyon et le grand Lyon ont ensuite fait appel. Mais tant que le jugement en appel n’était pas rendu les frichards restaient de plein droit dans leurs murs. C’est pourtant dans ce contexte que la mairie de Lyon accorde à la SEPR le droit de démolir nos bâtiments à compter du dix sept décembre 2010 ! On pourrait raisonnablement y voir l’effet d’un bug administratif ou la conséquence d’un optimisme immodéré des bétonneurs. Il serait sans doute fort irréfléchi d’y voir le préalable d’un incendie qui se déclenchera trois jours plus tard au cœur de la nuit.
Là où ça devient très louche, c’est lorsque l’on s’intéresse aux conditions matérielles du départ de l’incendie. Il faut d’abord situer le départ de feu, car cet incendie s’est déclenché dans un local vidé de son contenu quelques semaines plus tôt. L’artiste qui y travaillait les années précédentes avait légué son espace à une nouvelle personne qui entretemps s’était rendue à Berlin pour trois semaines. A son retour la dite personne vient faire un tour dans son atelier et constate qu’un(e) inconnu(e) a étalé de grandes feuilles de papier sur son plancher. Un peu surprise elle ne s’inquiète pas outre mesure et part vaquer à d’autres activités, en prévoyant de s’y installer véritablement quelques jours plus tard. C’est donc dans un espace vide, inoccupé durant plusieurs semaines et où une personne inconnue a étalé de grandes feuilles de papier que part l’incendie.
Il est vrai que l’installation électrique de l’atelier était assez déplorable. L’infrastructure électrique globale de la Friche avait été mise au norme mais dans certains ateliers çà laissait à désirer, à cet endroit en particulier. Ce n’est pas pour autant la cause du départ de feu car le courant y avait été coupé, les responsables du collectif sont formels à ce sujet. Pourtant c’est un argumentaire qui sera très vite développé par la police et les représentants de la mairie. Cela ne manquera pas de s’étaler dans les médias alors même que les pompiers se déclareront pour leur part incapables de donner une explication à l’origine du sinistre.
L’affaire est devenue clairement douteuse lorsque l’on s’est mis à inspecter les lieux. A deux endroits de l’incendie on a pu constater que la chaleur dégagée avait été très forte, puisque du verre y était arrivé à son point de fusion (lequel est variable en fonction de la composition même du verre). L’un d’entre eux était un espace où était stocké beaucoup de matériel, ce qui paraît logique. L’autre endroit est le lieu même du départ de feu, un local vide deux jours avant, avec du papier étalé par terre... Étrange non ? De là à se dire qu’un individu malveillant s’est débrouillé pour y amener une bonne quantité de produit inflammable, sans laquelle une telle température n’aurait jamais pu être atteinte, il n’y a qu’un pas. Pour en avoir le cœur net, il aurait fallu une expertise scientifique qui n’a pas été faite, nous en resterons donc là... avec de très gros soupçons.
Ce qui nous paraît particulièrement obscène c’est que la mairie en ait profité pour nous traîner dans la boue dans les médias, en insistant bien sur le fait que nous étions, soi disant, sans droit ni titre dans la Friche... de viles squatteurs en somme. Ce qui est clairement mensonger et calomnieux au regard de la décision du juge. Ce qui est d’autant plus honteux que certains d’entre nous ont tout perdu dans l’incendie et que d’autres se trouvent contraints de devoir vivre sur un parking soumis aux intempéries, au beau milieu de l’hiver !
La morgue des nantis est souvent sans limite.
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