Le nabot malfaisant l’avait promis aux sauvageons de je ne sais plus quelle cité, et c’est toute la France qui s’est réveillée avec la gueule de bois, mais là où les premiers ont vécu trois semaines de fêtes avant la « descente », la seconde ne doit son état léthargique qu’à sa passivité soigneusement entretenue depuis des années par la propagande médiatique.
Celles et ceux qui ont été élu pour « faire barrage au fascisme » (vous vous souvenez ? ils en rigolent encore ...) nettoient au Kärcher [1] la façade de la République, faisant disparaître le vernis démocratique qui protégeait - en théorie - les libertés dites fondamentales. État d’urgence, lois antiterroristes, projet de loi anti-émeutes [2], qu’on peut résumer en une formule : tout le pouvoir aux flics. Garde-à-vue de 6 jours (on ne compte même plus en heure), perquisition sans mandat de jour comme de nuit, usage d’armes létales (100 % létales devrait on dire, puisque le täser , le flashball et le tonfa peuvent tuer aussi) pour défendre des bâtiments, couvre-feu, interdiction des rassemblements, vidéosurveillance généralisée, etc. ; mesures pour l’instant limitées à certains cas de figure mais généralisables, comme l’ont été jusqu’ici toutes les « lois d’exceptions » (10 ans de vigipirate, 4 ans de LSQ, ...).
Les gesticulations médiatiques de la gauche « plurien » ne visent qu’à mettre en avant leur différence de tactique pour assurer le maintien de l’ordre (police de proximité contre brigade anti-criminalité, rétablissement de l’ordre « mesuré » et « dans le cadre de la légalité » contre carte blanche à la flicaille, emploi aidés et néanmoins sous-payé et sur-précaire contre instauration de zone franche, ...), pour faire oublier combien l’objectif et le même : le bon fonctionnement de l’exploitation capitaliste, donc une vie de merde pour à peu près tout le monde. La question de savoir laquelle des deux méthodes est la plus efficace n’a donc qu’une importance relative, mais c’est pourtant le seul débat médiatisé.
Le modèle républicain où la justice (de classe, ne l’oublions pas) est sensée encadrer le pouvoir policier vient encore de se révéler pour ce qu’il est : l’arnaque du siècle (et des deux siècles précédents) avec la condamnation de Luis et Christian (poursuivis pour violences sur agent lors de la manifestive du 30 avril, relaxés en première instance) par la mal-famée cour d’appel de Lyon et l’infâme Finidori, à respectivement quinze et douze mois de prison avec sursis, et quelques centaines d’euros de dédommagement (resp. 1490 € et 1290 €) aux plaignants , qui rappelons-le avaient été victimes d’une incapacité temporaire de travail de ... 0 jour. À ce prix là, je suis sûr que les deux auraient préféré les avoir lancées, ces foutues canettes, et que l’ITT soit le moins « temporaire » possible. Comme disait Émile Pouget, qui s’y connaissait en sagesse populaire, il y a une centaine d’années : « Puisque ça coûte le même prix de dire merde, de fiche une claque ou de foutre la baïonnette dans le ventre, m’est avis qu’il vaut mieux choisir la baïonnette ». Reste à savoir s’il parlait des flics ou des juges...
À ce propos, le même juge qui avait relaxé nos deux manifestivants, devant l’évidence des mensonges policiers relevés même par l’IGPN, ne s’est pas gêné pour donner trois mois ferme pour une poubelle brûlée, six mois pour une voiture, deux mois pour un caillassage de flics plus que douteux - mais néanmoins mérité - avec l’apparente satisfaction du travail accompli, même pas ému par les larmes des parentEs et amiEs des embastilléEs. Un confrère envoie un autre jeune pour un an en cellule pour un potlatch du même genre. Ces raclures de bidet enjuponnées appliquent la loi, ni plus ni moins, en notre nom à tous, je le rappelle ; pour le compte de l’ordre bourgeois, je le rappelle aussi.
Si les ultras du gouvernements estiment qu’il est temps de court-circuiter la case « justice » dans le parcours du maintien de l’ordre, c’est parce qu’ils pensent que la mascarade citoyenne qui justifie cet ordre n’est plus nécessaire. La molle réaction des crapules citoyennistes leurs donne raison.
Mais certainEs sont décidéEs à réagir, et à résister, en contestant le contrôle du territoire aux flics lors de l’interdiction des rassemblements un après midi dominical au centre ville de Lyon. En soutenant ceux et celles qui se sont révoltés, et ceux et celles qui sont prêt à le faire, comme ces familles de Meyzieu dont les fils ont été violemment arrêtés (pour rien) [3] et qui sont emprisonnés en attente de leurs procès. À cette occasion on a pu renouer avec des pratiques de lutte plus intéressantes que le rassemblement mou et la protestation par communiqué, comme la manif sauvage dans les quartiers populaires, la mise sous pression des élus, qui démontre leur inutilité mieux que n’importe quel discours, et l’auto-organisation des oppriméEs et exploitéEs dans un but tout autre que celui de maintien de la paix sociale, rôle auquel les autorités voudraient les limiter.
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