Que sait-on de la nouvelle affaire de terrorisme contre des antifascistes russes à Tioumen ?

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Retour sur l’arrestation et l’enferment de 6 antifascistes russes à Tioumen.
Une traduction d’un article de la BBC et d’un texte l’Anarchist Black cross de Mouscou réalisée par l’équipe des relations internationales de la fédération anarchiste.

[NdT : cet article contient des témoignages de tortures physiques et/ou psychologiques subies par nos camarades et qui peuvent être difficiles à lire]

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Au début du mois de septembre, un tribunal de Tioumen a arrêté six antifascistes, dont le plus jeune a 23 ans et le plus âgé 28 ans. L’une des personnes arrêtées est accusée d’avoir organisé un groupe terroriste, les autres de participation. En outre, deux des accusés dans cette affaire sont accusés de fabrication d’explosifs. Depuis, trois des accusés ont fait état de tortures par chocs électriques. Les proches des personnes arrêtées craignent qu’une affaire soit en train d’être montée de toutes pièces contre les jeunes hommes, comme dans l’infâme affaire Network, dont les accusés ont été condamnés à de longues peines de prison grâce à une accusation de terrorisme.

Nous portons à votre attention la traduction de l’article de la BBC.

Le dernier jour de l’été, les forces de sécurité russes ont procédé à une série de détentions à Lekaterinbourg et Sourgout. À Lekaterinbourg, ils ont arrêté Yuri Neznamov (27 ans) et Danil Chertykov (28 ans). À Sourgout - Nikita Oleinik (27 ans) et Roman Paklin (25 ans). Tous les quatre ont été arrêtés à peu près au même moment, le 31 août à 23 heures.

Après leur détention, tous les quatre ont été transférés à Tioumen. Bien qu’ils aient été détenus le 31 août, le tribunal de première instance s’est tenu le 7 septembre. Le tribunal central de Tioumen a arrêté les quatre personnes jusqu’au 30 octobre. Le service de presse du tribunal n’a pas répondu à la question de savoir de quoi sont accusés exactement les détenus de Sourgout et de Lekaterinbourg.

« Les gars viennent de différentes régions, ils se rendaient visite et allaient à des concerts. Ils avaient beaucoup de choses en commun. Entre eux, ils avaient des opinions antifascistes », raconte une connaissance de Yuri, qui a requis l’anonymat.

Neznamov - un designer indépendant, intéressé par la modélisation 3D - a été détenu à Ekaterinbourg dans un appartement loué. Comme l’a écrit son cousin Aleksey sur « VKontakte », des personnes en civil se sont présentées à son appartement, ont procédé à une fouille sans témoins (elles ont confisqué du matériel et quelques objets, mais n’ont rien trouvé d’illégal, selon son cousin), puis « l’ont maîtrisé et emmené vers une destination inconnue ».

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Les proches ne savaient pas où il se trouvait. Le 2 septembre, son père a déposé une déposition pour personne disparue. « Et ce n’est que le 6 septembre qu’il a été informé que des agents du FSB (NdT : services de renseignements intérieurs remplaçant le célèbre KGB) avaient emmené Yuri à Tioumen » - écrit le cousin de Neznamov.

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Yuri Neznamov

Le 9 septembre, plusieurs jours après les arrestations, l’avocat Fyodor Akchermishev a rendu visite à Neznamov dans la prison de Tyumen. Ils leur ont accordé 35 minutes d’entretien. "Tout en comprenant que les accusations seront absurdes, je lui ai demandé ce qu’il avait à dire concernant les accusations. Il a répondu qu’il n’avait rien à voir avec elles. Il ne sait pas exactement de quoi on l’accuse, il n’a aucun document, je n’ai aucun document non plus", a déclaré l’avocat à la BBC.

Pendant l’entretien, il regarde Neznamov et voit sur son coude gauche deux marques de choc électrique. « Je lui demande : "Ils t’ont, peut-être, connecté à quelque chose ?" Il a répondu qu’il ne s’en souvenait pas », - se rappelle Akchermishev.

Mais pendant l’entretien avec l’avocat, Neznamov a fourni une description écrite détaillée des tortures (la BBC en a une copie). Comme il l’a raconté, ils l’étouffaient avec un sac, lui versaient de l’eau dans le nez et la bouche, lui attachaient les pieds et les mains et le torturaient avec des chocs électriques.

"Ils ont mis quelque chose d’humide dans une de mes baskets, ont attaché quelque chose à mon dos et ont ensuite libéré le courant électrique. Je ne peux pas vous dire combien de temps cela a duré, car cela m’a semblé une éternité. Je leur ai également dit toute la vérité, en la complétant par des mots qu’ils voulaient entendre, pour que cela cesse. Je n’ai jamais ressenti une telle douleur dans ma vie", - a-t-il écrit.

En outre, selon ses dires, ils m’ont présenté "quelque chose dans les mains", pour y laisser ses empreintes digitales : "Ils menaçaient de poser des explosifs chez mes proches, avec mes empreintes dessus".

BBC Russian Service a envoyé une demande au département du ministère des affaires intérieures (MIA) de Tioumen et attend une réponse.

L’avocat de Neznamov, Akchermishev, a déposé une plainte auprès du Comité d’enquête de Tioumen, concernant l’utilisation de la torture contre son client. Le dossier, signé par la petite amie de Neznamov, demande que les "officiers de police et/ou du FSB" impliqués dans l’organisation et l’exécution directe des actes de torture par chocs électriques, ainsi que l’officier qui a fait signer des documents à Naznamov, soient traduits en justice, en vertu de la partie 4 de l’article 286 du Code pénal (abus de fonction avec utilisation de la torture).

"Les tortures par chocs électriques sont pratiquées pour couvrir le manque de professionnalisme et obtenir des aveux de crimes que la personne n’a pas commis" - est-il écrit dans le document.

Ils ont monté une affaire, similaire à l’affaire "Network".

Des tortures par chocs électriques ont déjà été rapportées par trois accusés de cette affaire, mais seul Neznamov a été interrogé par un avocat. Roman Paklin a dit à sa mère et à sa petite amie qu’il avait également été torturé par des chocs électriques. Après les tortures, il ne pouvait plus sentir son bras et a commencé à ressentir des douleurs au cœur, - a déclaré un ami à lui à la BBC.

Oleinik a également informé ses proches, par l’intermédiaire d’un avocat, qu’il avait été torturé. "Il a été torturé exactement de la même manière que Neznamov. Il y avait des informations sur le waterboarding (NdT : techniques de torture par l’eau, dont la plus connue est celle simulant la noyade), les chocs électriques. Ils lui ont mis un sac sur la tête, et pendant quelques jours, il ne pouvait rien voir et ne comprenait pas où il était", a raconté sa petite amie.

Danil Chertykov a également informé ses proches que des pressions avaient été exercées sur lui, mais n’a pas précisé de quel type. Le 19 septembre, l’avocat Andrey Bekin lui a rendu visite en prison. Chertykov lui a raconté qu’il avait été battu pendant la capture et dans le cabinet, et qu’il avait également été forcé de signer des documents. En cas de refus de signer, il était "puni" en faisant des squats (NdT : exercice physique où on doit s’accroupir et remonter avec ses jambes) - la nuit de sa détention, il a fait environ 400 squats, a-t-il dit à son avocat. Selon ses dires, les forces de sécurité lui donnaient des coups de pied dans les jambes et le menaçaient de violence contre ses proches, sa mère et sa petite amie.

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Danil Chertykov

« Ils disaient : Fais attention, on peut te mettre dans notre prison, pour te faire assoir dans ton propre sang, ta merde et ta pisse ». En l’amenant à la police, ils l’ont allongé sur le sol entre des sièges et ont mis leurs pieds sur son dos, en appuyant sur sa tête avec leurs bottes sur le sol. Dans le bureau, lorsqu’ils frappaient Danil, il entendait les cris de Yuri, torturé derrière le mur - les officiers riaient des cris et disaient à Danil que s’il ne signait pas ce qu’ils voulaient, ils l’emmèneraient au même endroit" - les amis des accusés rapportent les paroles de l’avocat.

Selon eux, l’avocat de Chertykov a l’intention de déposer une plainte auprès du Comité d’enquête sur l’utilisation de la torture.

Selon Chertykov, à la suite de tortures et de menaces, il a été obligé de reconnaître « ce qu’ils ont demandé » et qui, selon ses dires, ne correspond pas à la réalité.

« Ils ont monté une affaire de terrorisme contre six personnes, dont mon cousin Yuri Neznamov, très similaire à la célèbre affaire Network », conclut Aleksey Neznamov.

Les accusés de l’affaire Network ont été condamnés à de longues peines de prison - de 5,5 à 18 ans - pour avoir organisé un groupe terroriste et y avoir participé. Selon les accusés, cette organisation n’a jamais existé et l’affaire a été entièrement fabriquée par le FSB.

Presque tous les accusés de l’affaire du Network ont déclaré avoir été soumis à des tortures, à la suite desquelles ils ont dû s’incriminer eux-mêmes et s’accuser mutuellement. Quatre accusés ont déclaré que les forces de sécurité les avaient torturés à l’aide de décharges électriques, afin d’obtenir le témoignage souhaité. Presque tous les accusés se sont ensuite rétractés sur leurs témoignages.

Le début de l’affaire Tioumen.

Le 30 août, un jour avant les arrestations à Sourgout et Lekaterinbourg, les forces de sécurité de Tioumen ont arrêté Kirill Brik (24 ans) et Deniz Aidyn (23 ans). Selon le dossier de l’affaire, ils ont fabriqué un explosif artisanal et se sont dirigés vers la zone de la centrale thermique 2 (TPP) de Tioumen, à la périphérie de la ville, afin de trouver un site approprié « pour la réalisation d’explosions dans un site forestier ».

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Deniz Aydin

La petite amie d’Aidyn, Diana, pense que la police a pris les jeunes hommes pour des toxicomanes et a donc décidé de vérifier leurs téléphones. "Il est très probable qu’ils les aient pris, lui et Kirill, pour des consommateurs de drogue. Il y a généralement beaucoup de dealers dans la zone de TPP-2. Ils ont vérifié leurs téléphones, et ont alors trouvé qu’ils étaient abonnés à de nombreuses chaînes antifascistes sur Telegram. Et ils les ont embarqués" - a-t-elle supposé en parlant à la BBC.

Selon les enquêteurs, lors de l’arrestation, la police a trouvé sur Brik et Aidyn une matière explosive d’une masse de 312,13 grammes et deux détonateurs. Le 2 septembre, le tribunal du district central de Tioumen les a arrêtés en les accusant de fabrication d’explosifs artisanaux en réunion, par entente préalable. La peine prévue par cet article est de 10 à 15 ans d’emprisonnement.

Selon Diana, le 30 août vers 21 heures (c’est-à-dire environ une heure après l’arrestation effective d’Aidyn et de Brik), elle avait prévu de rencontrer Aidyn dans le centre de Tioumen. Après l’avoir attendu en vain, elle a commencé à s’inquiéter et est rentrée chez elle, en espérant que son "téléphone était tout simplement « mort »". À l’entrée de la maison où Diana et Aidyn louaient un appartement, les forces de sécurité l’attendaient : "Ils m’ont également arrêtée à l’entrée et m’ont expliqué que mon petit ami et son ami Kirill Brik étaient soupçonnés de fabriquer des explosifs".

Après sa détention, selon ses dires, elle a été amenée au département de lutte contre le crime organisé de la police de Tioumen. Des officiers de ce département ont participé à sa détention, a-t-elle ajouté - "ils nous ont montré leurs badges". La petite amie de Kirill y a également été amenée. La BBC n’a pas réussi à établir un contact avec elle.

Dans le bureau, raconte Diana, les agents "essayaient de manière agressive de l’impliquer à l’affaire" : "Ils ont immédiatement commencé à lancer des phrases fortes, comme "nous t’avons sauvé la vie", avec l’arrestation des gars, et qu’ils voulaient "me faire sauter" le 1er septembre.

Le jour suivant, le 31 août, ils ont fouillé leur appartement. Cela a été réalisé en présence d’Aidyn. À ce moment-là, Diana se trouvait au poste de police. Selon elle, elle a été libérée après la perquisition.

Pendant la perquisition, ils ont confisqué un fusil de chasse Saiga (NdT : fusil de chasse semi-automatique), que, selon sa petite amie, Aidyn possédait légalement et avait tous les documents requis.

Ils ont également confisqué du matériel, un drapeau de la Sibérie (drapeau blanc-vert de la République sibérienne non reconnue de 1918) et des livres : "La révolte des masses" du philosophe espagnol Jose Ortega y Gasset, des ouvrages des anarchistes russes Bakounine et Kropotkine et un livre sur la révolution espagnole, dont Diana ne se souvenait plus le nom.

La maison de Brik a également été fouillée, mais la BBC n’a pas pu trouver d’informations sur ce qu’ils ont confisqué. "Ces jours-ci, j’ai parlé avec la petite amie de Kirill, et elle m’a dit qu’ils avaient une petite réserve - 15 à 20 000 roubles - et qu’après la perquisition, elle ne l’a pas retrouvée".

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Kirill Brik

Dès l’arrestation d’Aidyn, ni ses parents, ni Diana n’ont réussi à lui parler. Ils ne se sont pas rendus au tribunal des affaires pénales, car ils ne savaient pas qu’il aurait lieu. Son avocat a refusé de parler à la BBC.

Aidyn et Brik sont antifascistes et musiciens. Brik travaillait comme mécanicien automobile. Aidyn, selon les histoires de sa petite amie, "travaillait dans des mariages, comme chargeur et dans d’autres endroits, il n’avait pas de travail officiel".

Aidyn jouait de la guitare dans le groupe local de hardcore Siberian Brigade, ainsi que dans le projet black metal Rasputin. "Deniz jouait dans de nombreux groupes. C’est un guitariste virtuose qui a une grande oreille pour la musique, c’est pourquoi il était assez populaire. Brik a un projet expérimental solo, "m6th - grindcore numérique, noise ambient" - a raconté à la BBC un ami d’Aidyn et Brik qui a requis l’anonymat.

À la fin du mois de juillet, Aidyn était déjà accusé dans une affaire pénale, pour hooliganisme (NdT : dans les pays de l’Est, le terme « hooliganisme » est utilisé pour qualifier des faits de violences ou de troubles à l’ordre public). Selon ses amis, il a été attaqué par cinq hommes dans le centre de Tiumen. Afin de s’échapper, Aidyn a utilisé un pistolet traumatique (NdT : pistolet utilisant des balles en caoutchouc au lieu de balles réelles). Après cela, l’un des agresseurs s’est retrouvé à l’hôpital.

"Comme l’ont dit les policiers, le moment de l’attaque a été filmé par une caméra de vidéosurveillance. Denis s’est rendu à la police le même jour. Il n’y a pas encore eu d’audience sur cette affaire. L’avocat de Deniz prétend que l’affaire de hooliganisme devrait être requalifiée en légitime défense" - raconte son ami.

Selon lui, le cœur du conflit est qu’Aidyn, au début, a pris la défense de jeunes patineurs qui "étaient malmenés par cinq Azerbaïdjanais". Après cela, il s’est battu avec l’un d’eux "d’un commun accord", tandis que plus tard dans la journée, il a été attaqué par une foule à coups de pierres, "je suppose, par vengeance".

"Activité destructrice"

Des amis des accusés arrêtés ont déclaré à la BBC que Nikita Oleinik, originaire de Sourgout, était accusé d’avoir organisé un groupe terroriste (première partie de l’article 205.4 du Code pénal, avec une peine de 10 à 15 ans de prison ou une peine de prison à vie), tandis que les autres membres du groupe étaient accusés d’y avoir participé (peine de 5 à 10 ans de prison).

La plainte pénale (disponible à la BBC) indique qu’Oleinik a "créé une association terroriste entre 2021 et février 2022", étant "un opposant au pouvoir de l’État et à l’ordre constitutionnel de la Russie" et "avec l’intention de créer un groupe terroriste pour mener des activités terroristes".

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Nikita Oleinik

Dans ce groupe, selon l’enquête, Oleinik a impliqué Brik, Aidyn et Chertykov, ainsi que « d’autres personnes non identifiées par l’enquête ». Concernant les personnes arrêtées, Neznamov et Paklin, l’ordonnance ne dit rien.

L’enquête estime que Oleinik a organisé et tenu des réunions et des assemblées conspiratrices avec les participants du « groupe terroriste » dans les oblasts (NdT : régions) de Tioumen et de Sverdlovsk, ainsi que dans la région autonome de Khanty-Mansi. Ces réunions, selon le document, avaient pour objectif de renverser le gouvernement par des moyens violents.

Selon l’enquête, Oleinik a exercé sur les participants du groupe une « influence et un lien de recrutement » et a mené une « activité destructrice » sur le territoire de la région autonome de Khanty-Mansi. Chertykov, sur ses instructions, a mené une « activité destructrice » dans l’oblast de Sverdlovsk, tandis que Brik et Aidyn se sont rendus dans l’oblast de Tioumen. La nature de cette « activité destructive » n’est pas précisée dans la décision d’ouverture d’une procédure pénale.

D’après l’enquête, Brik et Aidyn étaient responsables de la fabrication d’explosifs artisanaux - nécessaires à la conduite d’actes terroristes - ainsi que de la conduite directe de ces actes dans les trois régions où, supposément, le groupe était actif. En revanche, le document ne mentionne aucun des « actes terroristes » menés par les accusés dans cette affaire.

Chertykov - qui travaille comme vétérinaire -, selon l’enquête, a fourni aux participants du groupe des médicaments et des « articles hémostatiques », « dont les participants du groupe pourraient avoir un besoin urgent lorsqu’ils commettent des crimes liés au terrorisme et des affrontements armés avec des représentants du pouvoir d’État ».

Le document ne dit rien sur la planification de crimes spécifiques ou d’« affrontements armés » par les accusés. Mais l’enquête a conclu que les personnes arrêtées « étaient bien conscientes qu’elles étaient membres d’un groupe terroriste » et que les motifs d’engager des poursuites pénales sont suffisants.

Il convient de noter que la date figurant sur l’ordonnance est le 2 septembre, alors que tous les accusés ont été détenus les 30 et 31 août. L’affaire a été initiée par le département du MIA (NdT : Ministère de l’Intérieur) de Tioumen.

« Je ne sais rien, je ne suis intéressé par rien, je n’ai entendu parler de rien »

Danil Chertykov est un vétérinaire. Il est spécialisé dans la chirurgie orthopédique. Avant son arrestation, il travaillait dans la clinique vétérinaire Vetpuls. Sur internet, on peut trouver de nombreuses critiques positives sur son travail. « Danil est l’un des meilleurs vétérinaires de Lekaterinbourg, il a une énorme clientèle » - nous a dit sa petite amie Alyona.

Les collègues de Chertykov sont au courant de la situation, s’inquiètent pour lui et ne croient pas à ce qui se passe, ajoute-t-elle : « Tout le monde l’aime beaucoup dans son travail ».

Chertykov a été arrêté alors qu’il sortait d’un restaurant à Ekaterinbourg avec sa petite amie et des amis. « Une foule de forces de sécurité nous a sauté dessus, en uniformes banalisés, sans insigne. Ils portaient des gilets pare-balles, des cagoules, des masques et des armes à feu. Ils étaient trop nombreux » - se souvient Alyona. Après cela, elle et Chertykov ont été emmenés dans différentes voitures civiles, le reste de ses amis n’ont pas été retenus. Pendant l’appréhension, Chertykov a été battu - ajoute-t-elle.

Dans la voiture, Alyona a essayé de mémoriser l’endroit où elle avait été emmenée, et a demandé des explications. « Ils étaient très grossiers avec moi : ’’tais-toi’’, ’’ça ne te regarde pas’’. Ils ne m’ont jamais rien expliqué. Personne ne s’est présenté. Quand j’étais assise dans la voiture, j’ai essayé de mémoriser où ils m’emmenaient. Mais ils me disaient ’’Ne tourne pas la tête, sinon ça va être pire’’ » - raconte-t-elle. Selon elle, ils lui tenaient la tête basse et la maintenaient dans cette position, de sorte qu’elle ne pouvait pas comprendre où elle était emmenée.

"[Dans le bureau] ils me demandaient : ’’Quelle musique est-ce que j’écoute ; quels livres est-ce que je lis ? Que pensez-vous de la situation politique actuelle en Russie ? Que pensez-vous de la situation en Ukraine ? Avais-je des sentiments ou des opinions anti-étatiques ?’’ Je répondais : ’’Je ne sais rien, je ne m’intéresse à rien, je n’ai entendu parler de rien’’ - raconte Alyona. Mais elle ne se souvient pas dans quel bureau elle a été emmenée.

Chertykov - comme il l’a dit plus tard à son avocat - a été interrogé au commissariat de police sur ce qu’il faisait à Sourgout et à Tioumen. « J’ai répondu la vérité, qu’à Sourgout j’étais pour les besoins de mon travail de vétérinaire. J’ai été invité là-bas pour mon travail. J’ai également dit que je n’étais jamais allé à Tioumen » - raconte-t-il.

Selon ses dires, dans le bureau, il y avait six personnes en civil et deux en « vêtements noirs spéciaux » et en cagoules. La réponse de Chertykov sur Sourgout et Tioumen ne les a pas satisfaits et avec les mots « tu mens » ils l’ont frappé au visage plusieurs fois – a-t-il raconté.

« Je leur ai dit qu’ils pouvaient vérifier les informations - contacter la clinique, vérifier les billets d’aéroport, qu’il y a des photos de moi avec les animaux que j’ai opérés. Une fois de plus, ils n’étaient pas satisfaits de la réponse et m’ont dit : ’’Rafraîchissons-nous la mémoire’’ et m’ont fait faire des abdominaux, tout en filmant tout sur une caméra de téléphone » - a raconté Chertikov à son avocat.

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Daniil Chertykov

Perquisitions et argent disparu.

La petite amie de Chertykov a été libérée du poste de police tôt dans la matinée du 1er septembre, tandis que pendant la nuit, alors qu’elle était toujours détenue, une perquisition a été menée dans leur maison (Chertykov et sa petite amie vivaient ensemble avec sa mère).

La fouille a été menée en présence de Danil Chertykov. Pendant la fouille, ils ont forcé la mère de Chertykov à signer des papiers vierges, raconte Alyona.

« Il y avait des hommes des forces de sécurité - ils ont dit qu’ils étaient des témoins. Elle [sa mère] leur a dit qu’elle ne signerait pas des papiers vierges. Ils lui ont dit de ne pas s’inquiéter car elle signait en présence de témoins, qui voyaient que les papiers étaient vierges. Ils ont commencé à lui mettre la pression. Elle a été réveillée au milieu de la nuit, a eu peur et a tout signé » - explique Alyona, ajoutant qu’après les recherches, 15 000 roubles manquaient.

La petite amie de Nikita Oleyinik parle également de l’argent manquant après les recherches. Selon elle, elle a découvert que 250 000 roubles d’économies manquaient dans leur coffre-fort.

Quand la police a commencé à frapper à la porte de leur appartement en criant « Ouvrez, police ! Ou nous allons casser la porte ! » Oleyinik a pensé que c’était une blague et l’a ouverte - elle raconte. « Je suis restée dans la pièce et j’ai vu comment il a été immédiatement jeté sur le sol. Ils m’ont fait sortir de la pièce et m’ont jetée sur le sol à côté de lui. D’après mes souvenirs, ils ne se sont pas présentés et ont commencé à demander à Nikita s’il connaissait des gens ». Elle ne se souvient pas des noms de ces personnes.

La police a alors commencé à fouiller l’appartement. Ils ont confisqué un pistolet traumatique et un fusil Saiga (selon sa petite amie, il était officiellement enregistré), une écharpe du club de football Spartak, « quelques ouvrages » et du matériel - ordinateurs portables et téléphones. « J’ai récupéré mon téléphone après quelques jours, le reste de l’équipement est parti à Tioumen. Ils ont aussi emmené la voiture de Nikita à la fourrière, en disant que c’était une preuve matérielle. Chevrolet Cobalt » - raconte sa petite amie.

Selon elle, Oleyinik a acheté le pistolet traumatique pour se défendre, alors qu’avec le Saiga il allait dans un champ de tir.

« Il apprenait à l’utiliser sur ce champ de tir. Les armes à feu étaient pour lui une sorte de divertissement, le simple fait de tirer sur des cibles était pour lui un loisir » – raconte-t-elle.

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Nikita Oleinik

Le pistolet traumatique et le Saiga d’Oleyinik ont tous deux été achetés dans des magasins locaux. « Ce ne sont pas des armes de combat ; ce sont des armes civiles » - ajoute-t-elle.

Après la fouille, ils ont tous deux été emmenés dans des voitures civiles séparées.

Elle, comme dans le cas de Chertykov, Brik et les petites amies d’Aidyn, a été libérée le jour suivant. Mais, pendant la détention, lorsqu’elle a été amenée au service (elle ne sait pas lequel), elle dit avoir été « abordée grossièrement par deux hommes en civil et menacée pour la santé de Nikita ».

« Ils disaient qu’il serait tout cassé, qu’il aurait la tuberculose, etc. Ils menaçaient de lui faire beaucoup de choses désagréables » - raconte la petite amie d’Oleinik. « J’ai tout de suite compris qu’ils allaient le torturer ».

Les accusés se connaissent-ils ?

Nikita Oleinik est végétarien, il pratique la boxe et s’intéresse à l’histoire et à la photographie - raconte sa petite amie, qui a demandé l’anonymat à la BBC. Il étudiait la médecine et rêvait de devenir chirurgien. Cependant, il a dû abandonner ses études pour des raisons familiales.

Il n’avait pas d’emploi permanent et travaillait où il pouvait : assistant médical dans l’un des établissements médicaux de Sourgout, coursier, chauffeur de taxi, assistant-grutier.

Oleyinik et Roman Paklin - l’ami de Nikita depuis son adolescence - ont organisé à Sourgout une « bibliothèque publique libertaire ». Ils choisissaient eux-mêmes les livres - sur la politique, la philosophie et l’histoire des mouvements de libération - disent leurs amis. Selon l’un d’eux, Palkin travaillait dans l’industrie pétrolière, mais il ne sait pas à quel poste.

Diana, la petite amie d’Aidyn, a déclaré que lui et Brik « connaissent certainement les gars de Sourgout ». Elle-même ne connaît pas les gars arrêtés à Lekaterinbourg. La petite amie de Chertykov a déclaré qu’elle connaissait personnellement Neznamov, mais pas Brik et Aidyn de Tioumen. Par conséquent, elle ne pouvait pas dire si Chertykov les connaissait. Chertykov lui-même a dit aux enquêteurs qu’il avait vu Brik et Aidyn une fois dans sa vie - c’est ce qu’il a déclaré lors de l’entretien avec son avocat.

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Yuri Neznamov
Canal Telegram sur l’affaire Tioumen (en russe)

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Deniz Alattinovich Aidyn 1999 g.r.
Nikita Vitalevich Oleinik 1995 g.r.
Yuri Yevgenevich Neznamov 1995 g.r.
Danil Germanobich Chertykov 1994 g.r.
Nikita Vitalevich Oleinik 1995 g.r.
Roman Vladimirovitch Paklin 1997 g.r.
SIZO-1, ul. Yalutorovskaya d.42, 625000 Tyumen Russie

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Publié le 12 octobre 2022 sur le site de l’ABC Moscou.
Traduit par l’équipe des relations internationales de la fédération anarchiste

La suite à lire sur : https://monde-libertaire.net/?articlen=6802&article=Que_sait-on_de_la_nouvelle_affair

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