Réflexions, approximativement philosophiques, sur l’anarchie, l’anarchisme et le néo-anarchisme

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Notes et vidéo de l’intervention de Tomás Ibañez le 28 janvier 2011 au Cedrats.

Tomás Ibañez

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Ayant participé au Mouvement du 22 mars en mai-juin 1968, mais aussi parmi les inventeurs du A cerclé qui symbolise depuis l’anarchisme, Tomás Ibañez, après plusieurs années d’activisme dans la composante libertaire de l’opposition au franquisme, développe une réflexion sur l’histoire et l’actualité de l’anarchisme qui se veut à l’écart de tous les dogmatismes militants. Vient d’être traduit en français son recueil de textes s’étalant sur plus de 40 ans, Fragments épars pour un anarchisme sans dogme.

Texte diffusé introduisant l’intervention

Après quelques considérations préliminaires sur les rapports entre Anarchisme et Philosophie, nous nous appuierons sur Foucault pour interroger le statut ontologique de l’anarchie et de l’anarchisme dans l’acception particulière que nous donnons à ces termes. Ensuite, compte tenu du caractère nécessairement situé, socialement et historiquement, de l’anarchisme, nous nous arrêterons sur l’utilité que présente la critique poststructuraliste de la modernité pour analyser la pensée et les pratiques anarchistes. Enfin, nous argumenterons la convenance pour la pensée anarchiste de s’ouvrir largement à certaines contributions en provenance d’une pensée contemporaine située en dehors de sa propre tradition. Nous essaierons de montrer comment certains aspects de la pensée de Foucault, de Castoriadis, ou de Rorty, peuvent fertiliser la pensée anarchiste, et l’intérêt qu’aurait celle-ci à s’appuyer plus directement sur certains aspects du relativisme. Pour conclure, nous tenterons de formuler quelques implications générales concernant les pratiques actuelles de l’anarchisme. L’exposé sera suivi d’une discussion avec les organisateurs et les participants.

Enregistrement vidéo de l’intervention


Débat avec Tomas Ibanez le 28 janvier au Cedrats
envoyé par RebellyonTV.

Retranscription de l’intervention

Tomás Ibañez nous a fait parvenir via le Cedrats les notes qui lui ont servi à faire l’intervention. Ce qui suit n’est donc pas un texte théorique en tant que tel, mais une introduction à un débat. La mise en forme, le découpage du texte et les notes sont de la modère de Rebellyon.


A la demande des organisateurs de ce séminaire j’ai préparé une intervention d’à peu près trois quarts d’heure que j’ai intitulé :
Réflexions, approximativement philosophiques, sur l’anarchie, l’anarchisme et le néo anarchisme.

Mais avant d’entrer en matière, je voudrais juste préciser deux choses :
La première c’est que je n’ai pas du tout une formation universitaire de philosophe, en fait ma connaissance de la philosophie est très fragmentaire et assez superficielle.

La deuxième c’est qu’aujourd’hui mon rapport au mouvement et aux pratiques anarchistes est très mince, il se limite pratiquement à faire nombre dans certaines manifs, à filer un coup de main pour certaines activités libertaires, et il se cantonne pour l’essentiel à produire des textes et à participer à des colloques.

Voilà, ceci étant dit de quoi est ce que je vais parler ? Et bien, j’ai divisé mon intervention en cinq blocs :

1. Pour commencer je voudrais préciser, très rapidement, comment j’entends le rapport entre la philosophie et l’anarchisme.

2. Ensuite, deuxième bloc, je parlerais du type d’êtres que sont pour moi l’anarchie d’une part, et l’anarchisme d’autre part.

3. En troisième lieu, j’essaierai de justifier le recours à la notion de « néo-anarchisme » pour designer l’anarchisme contemporain.

4. Comme quatrième point je m’arrêterais sur certains aspects de la pensée critique contemporaine qui devraient enrichir, à mon sens, la pensée anarchiste, et je dirais aussi quelques mots à propos du relativisme.

5. Enfin, cinquième et dernier bloc, je voudrais conclure par quelques commentaires sur les pratiques anarchistes contemporaines.

1. Le rapport entre la philosophie et l’anarchisme

Bon alors, pour commencer, comment est-ce que je vois, pour ma part, les rapports entre l’anarchisme et la philosophie ?
Pour faire vite je pourrai dire que l’anarchisme et la philosophie se trouvent dans une relation d’extériorité.

J’entends qu’il n’y a pas une philosophie anarchiste, et que l’anarchisme ne peut pas être abordé comme s’il s’agissait d’une pensée philosophique ou d’un système philosophique.

Même si on ne considère que son versant discursif, il se trouve que l’anarchisme n’est pas homologable à un discours de type philosophique, du moins dans la tradition dominante, instituée par Platon. L’une des raisons est que son mode de production n’est pas du tout du même ordre que celui du mode de production du discours philosophique. Le discours anarchiste ne résulte pas d’une pure activité intellective, orientée vers l’analyse ou la compréhension, ni même vers l’invention de concepts, comme Deleuze aimait définir la tache de la philosophie.

Je suis d’accord avec Vivien Garcia pour dire que son corpus théorique n’est pas constitué en général par des textes ayant avant tout une visée doctrinale, mais qu’il s’agit plutôt de textes ayant une visée éminemment politique. Ce sont, bien souvent, des textes qui naissent de l’agir et qui visent l’agir. En d’autres termes, pour l’anarchisme, comme Proudhon et Bakounine l’ont d’ailleurs clairement spécifié, l’idée à une origine et une valeur pratique, elle nait dans un contexte d’action et elle vise à produire des effets pratiques à travers l’action qu’elle suscite.

C’est parce que l’anarchisme est, tout à la fois, mouvement, luttes, éthique, pratiques, autant que corpus doctrinal, et c’est parce qu’il établit une symbiose entre l’idée et l’action qu’il se situe en dehors du domaine des produits purement philosophiques. C’est une pensée sociale qui est enracinée dans un mouvement politique, et qui s’est forgée dans l’expérience humaine de l’oppression et de l’injustice. En tant qu’il s’agit d’un phénomène social, plus que d’une œuvre intellectuelle, il relève plutôt de l’histoire, et de la sociologie, que de la philosophie.

Ceci dit l’extériorité de l’anarchisme par rapport à la philosophie est bien loin d’être totale. Il est clair en effet que l’on peut causer de philosophie à partir de l’anarchisme et porter des jugements sur les discours philosophiques, tout comme, réciproquement, la philosophie peut elle aussi s’occuper d’anarchisme.
Elle peut s’occuper de lui parce que, en tant qu’il existe au sein d’une société et d’une culture déterminées, il est marqué, d’une manière ou d’une autre, par les conceptions philosophiques qui circulent en leur sein. Déceler et discuter ces influences éventuelles fait partie du travail philosophique et, dans ce même ordre de choses, c’est bien un travail philosophique qu’il faut mener à terme pour pouvoir discuter, comme le fait Jean-Christophe Angaut par exemple, le rapport de Bakounine à l’hégélianisme.
De plus, comme les écrits anarchistes traitent parfois explicitement de philosophes ou de courants philosophiques, ces écrits sont susceptibles, bien sûr, d’être abordés à partir des disciplines philosophiques.
Enfin, dans la mesure où l’anarchisme incorpore des concepts dont il fait un usage qui lui est propre, et parfois en invente, il est clair que ces concepts peuvent être traités d’un point de vue philosophique, comme le fait par exemple Daniel Colson dans son « lexique » [1].
En définitive, il y a bien un rapport d’extériorité entre la philosophie et l’anarchisme, mais il existe aussi un certain nombre de passerelles qui permettent de faire des incursions mutuelles.

2. Du type d’êtres que sont pour moi l’anarchie d’une part, et l’anarchisme d’autre part

Mon deuxième point consiste en quelques considérations autour du type d’être que sont pour moi l’anarchie d’une part, et l’anarchisme d’autre part.
Je ne suis pas suffisamment familiarisé avec la métaphysique pour être tout à fait certain que les concepts que je vais utiliser le soient correctement, mais je dirais quand même que mon approche de l’ontologie est d’ordre relativiste, anti essentialiste, contextualiste et relationnelle. Autant dire que je ne conçois pas des êtres qui seraient « en eux-mêmes », et qui seraient constitués par un ensemble de propriétés intrinsèques. Les êtres n’ont pas de propriétés intrinsèques, ils ne sont que l’ensemble des relations qui les constituent comme tels, ils sont littéralement ces relations, et ils changent donc substantiellement lorsque ces relations se modifient.

L’être n’est que l’ensemble de ses manifestations, il n’excède pas l’ensemble de ses formes d’existence, et il n’y a donc pas à coté, ou en plus, de ses formes d’existence quelque chose qui serait son essence.
Bien entendu, cette approche anti-essentialiste, contextualiste, relationnelle etc. vaut aussi bien pour ma conception de l’anarchie que pour celle de l’anarchisme.

J’avoue que j’aime beaucoup cette évocation deleuzienne de l’anarchie, reprise par Daniel [2], qui la présente comme étant : « cette étrange unité qui ne se dit que du multiple ». J’aime cette expression parce qu’elle incite à penser, et parce qu’elle évoque plus qu’elle n’enferme dans une définition.
Cependant, à vouloir saisir ce qui définirait l’anarchie, à vouloir appréhender ce que c’est que cette chose que l’on nomme « anarchie », on peut être tenté de l’essentialiser et de la concevoir comme quelque chose de transhistorique ou de non historique : de la voir par exemple, comme étant ce qui s’oppose en tout temps et en tous lieux à la domination, ou ce qui s’oppose à l’uniformisation au nom de la diversité du vivant, etc. Mais ce serait ne pas tenir compte, par exemple, que le phénomène que nous typifions aujourd’hui comme étant de la domination est un phénomène construit par des pratiques contingentes historiquement et socialement situées, et ce serait oublier que l’idée qu’il y aurait une sorte de combat entre la domination et ce qui lui résiste est également une idée récente, culturellement située.
Ce que saisit le concept d’anarchie c’est, d’une part, ce qui contredit, dans la pratique, la logique de la domination quel que soit le plan où celle-ci se déploie, et c’est, d’autre part, ce qui proteste contre l’érosion de la diversité, contre l’annulation de la différence et contre l’élimination de la spécificité qui résultent des processus de catégorisation, d’étiquetage et d’abstraction conceptuelle.

Généalogiquement, pour que l’anarchie accède à l’existence, pour qu’elle se construise comme une entité spécifique, il faut qu’il existe, entre autres choses, des dispositifs de domination et des résistances face à ces dispositifs, il faut aussi qu’entre d’autres idées, les idées de singularité, de liberté, et d’autonomie soient effectivement pensables.
L’anarchie, n’est pas ceci ou cela « en soi », elle est le produit circonstanciel d’un faisceau de relations, et elle ne fait sens que dans le contexte d’une culture, d’une société et d’une époque déterminée, plus concrètement le contexte dans lequel l’anarchie fait sens par antinomie est un contexte de domination ressentie comme telle.

Il en va exactement de même avec un anarchisme dont il serait absurde de croire qu’il ait un caractère universel et qu’il surgisse à partir d’une essence constitutive préexistante. Loin d’être consubstantiel à l’existence humaine, celui-ci prend corps dans un contexte bien déterminé qui, d’ailleurs, ne se plaque pas nécessairement de manière exacte sur celui qui rend possible la formation de l’anarchie. En tant qu’il se forme au sein d’un ensemble de pratiques de lutte contre la domination qui sont pleinement contingentes et historiquement située l’anarchisme ne préexiste pas aux pratiques qui l’instituent, et il ne peut survivre, sauf comme curiosité historique, aux pratiques qui le produisent constamment. Il ne peut pas le faire car il n’est pas quelque chose qui inspirerait ces pratiques, qui serait latent sous ces pratiques, il n’est rien d’autre que ces pratiques elles mêmes.
Une des implications qui découle du fait que l’anarchisme naisse et se développe de l’intérieur même des pratiques de résistance contre la domination est qu’il est nécessairement évolutif, car ces pratiques antagonistes ne peuvent, elles mêmes, que se transformer au fur et à mesure qu’avec le changement social se modifient et se recomposent les dispositifs et les modalités de la domination.

En d’autres termes, ce contre quoi lutte l’anarchisme se modifie et, en conséquence, ce sont les formes de lutte qui se modifient également, donnant lieux à de nouvelles expériences et à de nouvelles démarches qui en s’incorporant à l’anarchisme le font évoluer.

Parallèlement à la modification des pratiques de lutte, les nouvelles conditions sociales produisent aussi des modifications dans la sphère culturelle. D’un coté elles appellent de nouveaux discours légitimateurs qui viennent les soutenir, mais d’un autre coté elles suscitent de nouvelles analyses et de nouveaux discours antagonistes qui enrichissent la philosophie critique, c’est-à-dire cette modalité de la pensée qui selon Foucault milite contre toutes les formes de domination quelles qu’elles soient. Dans la mesure où l’anarchisme est plus ou moins réceptif aux apports de la philosophie critique, il y a là, à coté des pratiques de lutte dont le changement le modifie lui même, un autre élément qui le modifie également et qui le fait évoluer.

Cependant, tout n’est pas qu’évolution dans l’anarchisme, il y a aussi d’importants facteurs d’inertie et de résistance au changement. Et cela est tout à fait normal, l’anarchisme ne peut qu’être entravé dans son évolution parce que, pour lui aussi, le poids de l’institué croît nécessairement avec le passage du temps historique. Le déjà-fait, l’acquis si l’on veut, (histoire, expériences, écrits, etc.) ferme plus de voies de développement qu’il n’en ouvre, et immobilise plus qu’il n’impulse et qu’il ne dynamise.
En fait, je crois que lorsque le poids du passé historique de l’anarchisme, le poids de l’institué, sera suffisamment lourd pour bloquer sa capacité d’évolution et pour l’engluer dans l’immobilisme, le temps du post-anarchisme sera venu, et très bienvenu. Mais ce temps n’est pas encore là… Par contre, il n’est peut être pas prématuré de commencer à parler d’un « néo-anarchisme ».

3. La notion de « néo-anarchisme »

Je vais donc essayer maintenant, en troisième lieu, de justifier le recours à la notion de « néo anarchisme » pour designer l’anarchisme contemporain.

J’ai la conviction que l’anarchisme d’aujourd’hui n’est plus tout à fait le même, même s’il n’est pas tout à fait un autre, bien sûr, que celui d’il y a un demi siècle quand je commençais à militer, et c’est précisément pour parler de cette évolution, pour faire référence aux changements, aux différences entre l’anarchisme que j’ai connu en 1960 et celui d’aujourd’hui que je trouve utile d’utiliser la notion de « néo anarchisme ».
Je voudrais préciser tout de suite qu’il n’existe pas un courant, qu’il n’y a pas une doctrine, qu’il n’y a pas une identité qui se revendiquent du néo anarchisme, et qu’en ce sens Vivien n’a pas tort de dire que le néo anarchisme est en quelque sorte un syntagme vide. En fait, la référence au néo anarchisme n’est, pour moi, qu’une façon commode et provisoire de mentionner cette partie de l’anarchisme contemporain qui est pluriel, ouvert, non figé, et qui est vraiment contemporain au sens précis, j’insiste, au sens précis, où il se trouve en correspondance, en syntonie, en prise directe avec les caractéristiques et avec les exigences du présent.
En réalité, je préférerais l’appeler tout simplement l’anarchisme contemporain au lieu de néo-anarchisme, si ce n’était que l’anarchisme contemporain, entendu cette fois comme celui qui existe effectivement aujourd’hui, est forcément hétérogène et qu’il comprend tout aussi bien des formes d’anarchisme fossilisées et sclérosées.
Lorsque l’on se situe dans la perspective des cinquante dernières années on ne peut qu’être frappé par la très forte expansion de l’anarchisme en dehors des frontières du mouvement anarchiste. Il est vrai que l’anarchisme a toujours débordé les contours, finalement assez flous, de ce mouvement, mais son actuelle expansion à l’extérieur du mouvement anarchiste n’est pas seulement plus importante que par le passé, elle revêt aussi des aspects un peu différents. En effet, il ne s’agit plus d’un débordement de type essentiellement culturel, comme quand par le passé certains artistes et certains intellectuels, manifestaient parfois leur sympathie envers les idées libertaires. Aujourd’hui il s’agit d’un débordement qui se manifeste au cœur même de certaines luttes menées par des mouvements antagonistes qui ne se réclament pas explicitement de l’anarchisme.

Les débuts de cette expansion se situent vers la fin des années soixante quand une forme quelque peu différente d’anarchisme a été produite par les nouvelles luttes contre la domination qui commençaient alors à se manifester.

Tout d’abord, dans la foulée de Mai 1968 et jusque dans les années 80, ce fut la constitution des Nouveaux Mouvements Sociaux qui luttaient sur des bases identitaires pour la reconnaissance de certains sujets discriminés et stigmatisés. Ces mouvements n’étaient pas anarchistes, loin de là, mais ils s’en rapprochaient sur certains points, et ils s’écartaient en tout cas des schémas politiques classiques, qui étaient bien plus centralistes dans les formes d’organisation et dans les formes de luttes, et qui se montraient beaucoup moins sensibles à la problématique des relations de pouvoir.
Ensuite, vers la fin des années 90, c’est une nouvelle expansion qui se produit avec ce mouvement de mouvements qu’est le mouvement altermondiste, un mouvement qui touche très probablement à sa fin aujourd’hui, mais qui, malgré son énorme hétérogénéité et malgré toutes les critiques que l’on peut lui faire, n’est pas dénué de fortes résonnances libertaires. En effet, il est partiellement constitué, par des collectifs, et par des personnes qui militent en dehors des organisations spécifiquement anarchistes mais qui retrouvent ou qui réinventent, dans les luttes, des formes politiques proches de l’anarchisme aussi bien dans les méthodes de décision, que dans les formes d’organisation.

La nouveauté c’est donc qu’aujourd’hui le mouvement anarchiste n’est plus l’unique dépositaire, le seul détenteur, de certains principes antihiérarchiques, ni de certaines pratiques non autoritaires, ni de formes d’organisation horizontales, ni de la capacité d’engager des luttes qui ont des tonalités libertaires. Ces éléments se sont disséminés hors du mouvement anarchiste, et ils sont repris par des collectifs qui ne s’identifient pas comme étant anarchistes, et qui explicitent même, dans certains cas, leur refus de se laisser enfermer dans les plis de cette identité.
Donc, si nous voulons pouvoir parler de l’anarchisme contemporain il nous faut bien tenir compte de l’existence de cette réalité car elle fait partie de l’anarchisme en acte, même si elle n’en revendique pas le nom, et même si elle le bouscule quelque peu. Il nous faut bien en tenir compte car ce qui importe finalement c’est que les gens développent des pratiques de type anarchiste, qu’ils engagent des luttes anti-autoritaires et qu’ils manifestent une sensibilité libertaire, plutôt que le fait qu’ils se placent, ou non, sous la bannière anarchiste.
Alors voilà, c’est, en partie, pour désigner cet anarchisme quelque peu diffus, non identitaire, forgé dans les luttes contemporaines, et extérieur au mouvement anarchiste que j’ai recours à l’expression « néo-anarchisme ».

Un deuxième volet du néo-anarchisme est constitué par des collectifs et par des personnes, généralement très jeunes, qui tout en s’affirmant explicitement comme étant anarchistes, expriment, cependant, une nouvelle sensibilité par rapport à cette inscription identitaire. Leur manière d’assumer l’identité anarchiste est marquée par une souplesse et par une ouverture qui entraine un rapport différent envers la tradition anarchiste d’une part, et envers les mouvements antagonistes extérieurs à cette tradition d’autre part. En fait, les frontières entre ces deux réalités deviennent plus perméables, plus poreuses, la dépendance par rapport à la tradition anarchiste s’assouplit, et, surtout, cette tradition est perçue comme devant être fécondée, enrichie, et donc transformée et reformulée, par des incorporations, et même par une hybridation, par un certain métissage, avec des apports venus de luttes menée dans le cadre d’autres traditions, telles, par exemple, que celles du zapatisme ou celle des autonomes italiens, ou celle du féminisme, ou celle de l’écologie. L’idée est qu’il faut produire en commun, avec d’autres collectifs engagés eux aussi dans des luttes contre la domination, des éléments qui s’incorporent dans la tradition anarchiste en la faisant bouger

Cette redéfinition identitaire a des répercussions sur un imaginaire anarchiste qui a incorporé tout d’abord les barricades, les occupations et les slogans de Mai 68, puis ensuite une série de phénomènes, tels que les anarcho-punks, ou le foisonnement des squats, avec l’esthétique et le style de vie qu’ils ont développé, et plus récemment, les grands épisodes internationaux des luttes contre diverses formes de domination, depuis le Chiapas en 94, jusqu’à Gênes en 2001, en passant par Seattle en 99 ou encore par les manifestations en Grèce depuis 2008. C’est cet imaginaire, quelque peu différent de l’imaginaire des années 60 qui lui s’arrêtait, en gros, à la révolution espagnole, qui suscite les adhésions identitaires des jeunes anarchistes d’aujourd’hui, et il est clair que les nouveaux éléments qui le constituent redessinent, forcément, les contours de cette identité.

En bref, l’identité anarchiste contemporaine n’est plus tout à fait la même que celle d’antan, et elle ne peut pas être la même, parce que l’imaginaire dans lequel elle se constitue se nourrit aussi des luttes développées par des mouvements subversifs qui n’existaient pas dans le passé.
Voilà, ce sont donc les formes prises par les luttes des nouveaux mouvements subversifs qui se retrouvent incorporées, en partie, dans l’anarchisme contemporain et qui dessinent du coup un néo-anarchisme. En fait, si l’anarchisme change c’est dans la mesure où, se trouvant impliqué, aux cotés d’autres collectifs, dans les luttes actuelles, il incorpore à son propre bagage certaines caractéristiques de ces luttes. Autant dire que l’anarchisme qui change c’est l’anarchisme qui lutte, pas l’anarchisme qui se cantonne à la diffusion/répétition de la pensée anarchiste et aux débats tournant autour de l’anarchisme, de ses principes et de son histoire.
C’est par les nouvelles pratiques de lutte que se définit en fait le néo-anarchisme, ce sont ces nouvelles pratiques qui l’identifient le plus précisément, mais je ne vais pas en parler tout de suite, je le ferais quand j’aborderais, pour conclure, les pratiques anarchistes contemporaines.

Je disais il y a un moment que parallèlement à la modification des pratiques de lutte, les nouvelles conditions sociales suscitaient aussi de nouvelles analyses et de nouveaux discours qui enrichissaient la philosophie critique, et que dans la mesure où l’anarchisme était plus ou moins réceptif aux apports de cette philosophie critique, il y avait là un autre élément qui le modifiait et qui le faisait évoluer.

Je prends peut être mes désirs pour des réalités, mais je pense que si l’anarchisme vraiment contemporain, c’est-à-dire ce que j’appelle le néo-anarchisme, diffère de l’anarchisme d’il y a, mettons, cinquante ans, c’est aussi parce que certaines idées élaborées par des penseurs tels que Foucault ou que Deleuze ont diffusé au sein de la pensée antagoniste actuelle.

4. Certains aspects de la pensée critique contemporaine qui devraient enrichir la pensée anarchiste

En tous cas je voudrais m’arrêter maintenant, donc en quatrième lieu, sur certains aspects de la pensée critique contemporaine qui devraient enrichir, à mon sens, la pensée anarchiste, et je voudrais dire aussi quelques mots à propos du relativisme.

Etant donné que l’anarchisme, considéré aussi bien comme corpus théorique que comme mouvement social, s’est constitué et s’est développé au sein de la Modernité, il semble raisonnable de considérer qu’il n’a pu qu’être influencé par ses caractéristiques, soit par assimilation de certaines d’entre elles, soit de manière diacritique par opposition à celles-ci.
Ceci dit, il est vrai que la pensée anarchiste étant essentiellement diverse on peut trouver de grandes différences entre les penseurs anarchistes quant au degré de leur syntonie ou de leur divergence avec tel ou quel aspect de la modernité. Mais il me semble quand même que, globalement, la trace laissée dans l’anarchisme par bon nombre de présupposés modernes n’est pas du tout négligeable, et c’est pourquoi l’effort critique développé par le post-structuralisme [3] se révèle ici doublement utile.

Utile, tout d’abord, parce qu’il nous aide à détecter et à cerner les présupposés modernes qui se nicheraient éventuellement dans la pensée anarchiste, et utile, d’autre part, parce qu’il contribue à mettre en évidence les effets de pouvoir que véhiculent ces présupposés.
Je crois que le post-structuralisme nous a aidé à voir que la pensée anarchiste reprenait en bonne mesure les grands principes modernes de progrès, d’émancipation, de projets totalisants, tels que la révolution par exemple, et qu’elle participait de l’idée d’une histoire linéaire, orientée tendanciellement vers la fin de l’histoire, puisque elle devrait déboucher, dans la plus pure tradition eschatologique, sur une société pacifiée et réconciliée.
Le post-structuralisme nous a permis de voir également que la pensée anarchiste participait d’une conception de la réalité insuffisamment critique envers l’essentialisme, et qui du coup ouvrait sur l’acceptation de présupposés humanistes, ou sur l’adhésion à l’universalisme en ce qui concerne les valeurs, mais aussi en ce qui concerne la connaissance et la vérité. Pour ne pas parler de l’insuffisant esprit critique envers une Raison qui, en tant qu’elle se postule comme universelle et fondée sur elle-même, surplombe de très haut la sphère des simples pratiques humaines et commande, de ce fait même, des rapports de soumission.

En fait il y a un ensemble de croyances bien ancrées dans la modernité qui contredisent et qui ferment la possibilité même de développer des pratiques de liberté, et qui contribuent à instaurer des dispositifs de domination. La façon dont opèrent ces croyances, la logique qui les sous-tend, est toujours la même : elle consiste, en gros, à instaurer une instance qui transcende les pratiques simplement humaines dans leur contingence et dans leur historicité, et qui peut ainsi leur dicter sa loi. Aujourd’hui cette instance ne s’appelle plus Dieu, elle s’est fragmentée en toute une série de « doubles » de Dieu qui ont pour nom : la vérité, la nature ou l’essence des choses, l’universel, la réalité telle qu’elle est en elle même, le savoir expert, etc.etc.
Je ne connais pas suffisamment bien les textes des pères fondateurs de l’anarchisme pour pouvoir affirmer qu’ils sont dupes de ces croyances, même si j’ai tendance à penser qu’ils le sont effectivement dans bien des cas, mais ce dont je suis convaincu c’est que ces croyances ont été largement présentes dans le mouvement anarchiste, même si elles commencent plus ou moins timidement à battre en retraite aujourd’hui.

Le concept « d’émancipation » peut servir d’exemple pour expliquer ce que je veux dire. En effet, dans ses luttes en faveur de l’émancipation le mouvement anarchiste à bien souvent entendu l’émancipation comme étant la réalisation, la libération de quelque chose qui gisait par en-dessous de ce qui le réprimait, que ce soit le sujet dans son essence et son authenticité, à savoir, notre véritable moi, que ce soit notre désir constitutif, que ce soit notre liberté naturelle, que ce soit la nature humaine enfin libérée des contraintes qui l’empêchent de se réaliser pleinement, que ce soit les exploités tels qu’ils sont en dehors du joug de l’exploitation etc.
Bien sûr, cette façon d’entendre l’émancipation, qui consiste à retrouver l’authenticité par-dessous de ce qui l’adultère et à lui permettre d’affleurer, n’est pas étrangère à l’acceptation acritique des présupposés essentialistes, et c’est là que l’œuvre de Foucault, par exemple, est fondamentale. En effet Foucault s’est éreinté à contredire « le postulat essentialiste », à neutraliser ses implications et à montrer qu’il n’était pas seulement insoutenable intellectuellement, mais qu’il était de plus dangereux pour l’exercice de notre liberté.

En effet, si les choses ont une essence qui les constitue par-dessous de leur existence concrète, alors nos pratiques ne peuvent rien créer qui ne soit déjà pré-contenu dans cette essence, elles ne peuvent que modifier les manifestations circonstancielles des choses, mais la nouveauté radicale, la création ex novo, se trouve exclue.
Sur ce point Castoriadis ne dit pas autre chose que Foucault quand il soutient que si un être autonome est, effectivement, un type d’être capable de se donner à soi même ses propres normes d’existence, celui-ci ne peut exister que dans un contexte où la création radicale soit possible, un contexte qui échappe donc aux exigences essentialistes et déterministes.
Il n’y a pas d’autonomie et il n’y a pas de liberté au sens fort dans le cadre de l’essentialisme, et il nous faut bien reconnaître que cela l’anarchisme ne l’a pas toujours perçu clairement.

Une autre croyance qui est exemplaire pour mon propos est la croyance au caractère universel de certains principes ou de certaines propositions, c’est-à-dire la croyance que leur validité l’est en tout temps, en tout lieu et pour tous, ou ce qui revient au même, dans tous les contextes.
Si nous nous plaçons par exemple sur le plan de l’éthique, qui peut douter que le mouvement anarchiste dans sa lutte pour défendre certains principes et certaines valeurs, a assumé bien souvent que ces valeurs, telles que la dignité humaine, la liberté, la justice sociale, l’égalité etc., étaient des valeurs universelles et qu’elles étaient objectivement meilleures que leur contraire ?
Or, cette idée, qui situe les valeurs sur un plan transcendant par rapport aux pratiques humaines, est porteuse d’effets de pouvoir qui ne sont pas négligeables, et il se trouve que le relativisme éthique est bienvenu ici pour désamorcer ces effets.

En effet, le relativisme nous a appris que nulle valeur n’est inconditionnée, c’est à dire valable en elle-même, toutes les valeurs sont créées par nos pratiques et elles sont toutes équivalentes quant à leur commune absence de fondements ultimes. Mais le relativisme nous a également appris que cette stricte équivalence n’impliquait pas que nous ne puissions pas décider que certaines valeurs sont meilleures que d’autres.

Par exemple, nous pouvons lutter farouchement contre un nazi et attaquer ses arguments, mais nous ne pouvons pas le faire au nom de valeurs qui, étant supposées universelles, vaudraient pareillement pour lui et pour nous, et pour tous les êtres humains. Nous ne pouvons argumenter et lutter qu’au nom du choix que nous faisons nous-mêmes de certaines valeurs.
On dit habituellement que le relativisme pousse à l’indifférence morale, mais c’est bien le contraire qui se produit, car si les valeurs ont un fondement universel, alors elles tiennent toutes seules, pour tous et pour toujours, que nous les défendions ou non et, si nous sommes des êtres moraux nous n’avons d’autre choix que de les accepter telles qu’elles nous sont données. Par contre, si, loin d’être absolues, elles sont relatives à nos pratiques, alors elles ne reposent plus que sur notre propre engagement envers elles et sur la défense que nous en faisons. C’est bien parce que les valeurs ne sont pas universelles qu’au lieu de simplement les accepter sans rien pouvoir décider à leur sujet, nous sommes à même de les établir et de les soutenir par notre engagement envers elles.

D’autres croyances qui sont également bien ancrées dans le mouvement anarchiste, et qui sont également mises à mal par le relativisme sont celles qui ont trait au statut absolu de la Vérité, ou celles qui concernent une réalité que l’on dit peuplée d’objets ayant des propriétés intrinsèques. Mais je ne vais pas poursuivre sur le thème du relativisme, si ce n’est pour dire que s’il est attaqué de façon si généralisée et si virulente, c’est probablement parce qu’il sape à sa racine même, c’est-à-dire de façon radicale, tout principe d’autorité.

Quoi qu’il en soit, je suis convaincu que même s’il était faux que l’anarchisme participe de présupposés issus de la modernité, il aurait quand même tout à gagner à incorporer à son corpus théorique bon nombre d’éléments provenant du dehors de la pensée anarchiste, et plus précisément, de la philosophie critique contemporaine, afin de mieux cerner et de mieux traquer les manifestations de pouvoir/domination qui se développent dans la société d’aujourd’hui.

5. Quelques commentaires sur les pratiques anarchistes contemporaines

Enfin, je vais conclure par quelques commentaires sur certaines pratiques anarchistes contemporaines qui confortent l’idée selon laquelle un néo anarchisme est entrain d’émerger.

Michel Foucault nous disait, il y a déjà bien longtemps, que la politique radicale avait abandonné la croyance en l’émancipation universelle et la croyance en la transformation sociale globale. Et il ajoutait que la politique radicale se consacrait aujourd’hui à des luttes contre des formes spécifiques de domination, c’est-à-dire qu’elle développait des luttes partielles et hétérogènes qui se situaient sur le terrain concret du local.
Il me semble qu’il avait tout à fait raison et qu’il est vrai que les luttes subversives actuelles s’attachent surtout, à multiplier et a disséminer les foyers de résistance contre des injustices, des impositions et des discriminations, bien concrètes et clairement situées. Ce n’est pas seulement que la perspective d’une transformation globale faisant advenir une nouvelle société ne constitue plus, aujourd’hui, le nerf qui dynamise et qui oriente les luttes, c’est, de plus, que les luttes qui prétendent être globales ou totalisantes inspirent plutôt une certaine méfiance car elles sont vues comme étant amenées inexorablement à reproduire, tôt ou tard, ce qu’elles prétendent combattre.

C’est sans doute pour cela que la construction de grandes organisations solidement structurées et fixées sur un territoire n’est plus du tout à l’ordre du jour. Au contraire, on veille plutôt á préserver la fluidité des réseaux qui se constituent, et on évite que cristallisent des coordinations trop fortes qui ne présentent que l’apparence de l’efficacité et qui finissent toujours par stériliser les luttes. Donc, pas de guerres de tranchées mais des guérillas, la fluidité, la dispersion, et la mobilité, comme étant les réponses qui sont effectivement les mieux adaptées aux nouvelles formes de la domination.
D’autre part, c’est sur le présent et sur sa transformation, limitée mais radicale, que l’accent est placé, et c’est pourquoi une bonne partie du néo-anarchisme s’efforce de créer des espaces de vie et des manières d’être qui se situent en rupture radicale avec les normes du système et qui fassent surgir de nouvelles subjectivités radicalement insoumises. Il s’agit, pour cela, de créer des liens sociaux différents, de construire des complicités et des relations solidaires qui dessinent dans la pratique et dans le présent une réalité différente, et une vie autre.

Je crois que les modifications qu’a subi l’imaginaire révolutionnaire, et la resignification du concept même de révolution peuvent éclairer la nature des pratiques anarchistes contemporaines.
En effet, la valeur stimulante et incitatrice que revêt l’insurrection généralisée dans l’imaginaire révolutionnaire classique est remplacée dans l’imaginaire révolutionnaire actuel par l’attrait pour ce que l’on pourrait appeler la Révolution continue, c’est-à-dire par la considération de la Révolution comme une dimension qui est constitutive de l’action subversive elle-même. La Révolution se conçoit comme quelque chose qui est ancrée dans le présent et qui n’est donc pas seulement désirée et rêvée comme évènement futur mais qui est effectivement vécue.
Ce qui est révolutionnaire c’est la volonté de briser, au présent, des dispositifs de domination concrets et situés, c’est l’effort pour bloquer le pouvoir dans ses multiples manifestations, c’est l’action pour créer des espaces qui soient radicalement étrangers aux valeurs du système et aux modes de vie induits par le capitalisme.

Alors voilà, que ce soit sur le plan de ses pratiques, de son imaginaire, de son identité, de son discours, le néo anarchisme présente, bien évidemment, suffisamment de similitudes avec l’anarchisme tout court pour qu’il soit tout bonnement possible de parler de néo anarchisme, c’est-à-dire pour qu’il soit possible de reconnaître l’anarchisme dans ce qui finalement n’est que préfixé par le terme « néo », mais je crois que les différences sont, elles aussi, suffisantes pour qu’elles puissent être désignées par un terme spécifique. D’autant plus qu’il y a, aussi, une visée performative dans l’usage du terme « néo anarchisme », il ne sert pas seulement à désigner un changement, il sert aussi, du moins c’est ce que j’espère, à stimuler l’ouverture au changement dans la pensée et dans les pratiques anarchistes en les incitant à être créatives, et à s’éloigner, tant que faire se peut, de la simple reproduction.

P.-S.

PS de la modère : merci au Cedrats pour la vidéo et les notes de l’intervention. Une initiative à refaire pour enrichir le débat.

Le Cedrats est un centre de documentation et de ressources sur les alternatives sociales situé 27 montée Saint Sébastien, 69001 Lyon. Tél. 04 78 29 90 67. Il est ouvert à tous et toutes du lundi au samedi de 14h30 à 19 h.

Notes

[1Daniel Colson, Petit Lexique philosophique de l’anarchisme, Livre de Poche 2001

[2Daniel Colson, ibid.

[3Pour résumer très rapidement ce qu’est le post-structuralisme, en voici la définition très incomplète de Wikipédia : Le post-structuralisme est un courant philosophique initié par Jacques Derrida dans les années1960. Ce courant s’inscrit en réaction au structuralisme, il s’élève contre le formalisme intellectuel et dogmatique, il décentre la pensée, le sujet et instaure une théorie de la déconstruction dans l’analyse et le texte littéraires, livrant ce dernier à une pluralité de sens. Autres références bienvenues.

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