Un sujet difficile

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Un texte personnel sur les relations de pouvoir au sein des groupes anti-autoritaires qui fonctionnent de manières informelle et affinitaire et sur les pistes pour les combattre

Tout d’abord, il ne faut pas se leurrer, le mouvement anarchiste est bien un mouvement, ou une mouvance, peu importe. On aura beau, pour beaucoup d’entre nous, mettre au centre la question de l’individualité et de l’unicité de chaque individu, cela n’empêchera jamais cette entité plus large que l’individu qu’est le mouvement de se substituer à la volonté individuelle et aux désirs propres à chacun à l’intérieur de ce mouvement. De fait, tout groupe social possède ses marges, c’est la condition sine qua non de son développement, de son auto-délimitation. Car pour se définir, il faut aussi passer par ce que nous ne sommes pas et ce qui nous rassemble. A partir de là, l’originalité des individus et des groupes affinitaires qui s’y exprime est souvent normalisée pour entrer dans un moule, sorte de liant commun. Lorsque la normalisation n’opère pas, comme dans chaque groupe social, il reste le mépris ou l’ostracisme.

C’est ainsi que des automatismes se mettent en place et ne sont plus questionnés. « c’est comme ça », « c’est pas le moment », « ça s’est toujours passé comme ça ». Ces mécanismes-là donnent, au sein du mouvement, le pouvoir à une poignée de gardiens de la transmission sacrée, détenteurs de la juste vérité et généralement peu adeptes de la remise en question malgré les bilans que la vie devrait permettre de pouvoir tirer de décennies d’échecs patents. J’ai bien dit pouvoir, et je rajoute centralisation forcée. Le fonctionnement affinitaire, que je partage, a le défaut lorsqu’il est mal dosé, de donner bien trop de pouvoirs aux individus qui possèdent le plus de relations, et parfois d’ancienneté. Il faut passer par eux, par lui ou par elle, pour s’organiser, pour rencontrer d’autres anarchistes, pour tout.

Nous savons que le pouvoir est à la fois anxiogène et érogène, il attire et il révulse à la fois.

La suite à lire sur : http://www.non-fides.fr/?Un-sujet-difficile

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  • Le 12 septembre 2012 à 01:23, par mildway

    Quand je lis les différents commentaires y a quand même un truc qui revient en permanence. C’est l’idée que « le milieu anarchiste » doit être exemplaire en son sein, dans les relations entre ses membres comme à l’extérieur et par conséquent on avancerait vers la révolution.

    Pour ma part le « milieu » anarchiste ça n’existe pas vraiment an tant qu’acteur politique. A la limite ça existe en tant que culture ou réseau de solidarité, mais ça n’en fait pas nécessairement un acteur politique. Raisonner sur nos conventions sociales à partir du prisme d’analyse du « milieu » c’est se condamner à tourner en rond.
    Nous sommes tous, qu’on le veuille ou non, que ce soit bien ou non, déterminé par nos origines sociales et notre quotidien social et économique. J’apprend rien à personne mais il faut bien comprendre ce que ça implique. Tant que les pratiques, les idées qu’on développe ne rejoignent pas les intérêts des classe sociale en action contre le capitalisme on reste emprisonner par ces déterminismes et tôt ou tard on finit par les reproduire ou d’en inventer d’autres qui se voudront alternatifs mais qui seront toujours l’expression d’une micro-catégorie sociale essentiellement composé de membres des classes moyennes en cour de déclassement et quelques membres du prolétariat. Leurs seul point commun c’est leur marginalisation vis à vis des standards sociaux. On ne fuit pas le capitalisme, on le combat. Nous ne sommes pas une avant-éclairé capables par je ne sais quel miracle de dépasser nos propres contradictions . La société doit changer pour que les « émancipés » aient réellement les moyens de changer, a mon sens l’avancée de la lutte des classes doit rester la priorité absolu qui indexe tout le reste. Surtout dans le contexte actuelle.

    C’est pour ça que je reste méfiant devant le déferlement de réflexions sur nous mêmes, sur notre milieu... auquel j’assiste depuis des années.Je fais de procès d’intentions a personne mais j’ai la nette impression qu’on s’enferme sur nous même et qu’on va finir par en crever. Il faut que le milieu meurt pour que l’anarchisme vive.

  • Le 8 septembre 2012 à 11:11, par vdt

    Texte intéressant.
    Pour moi ça souligne les apports méthodologiques du féminisme sur l’étude des mouvements sociaux :
    oui, le niveau individuel, privé, intime, intra-milieu, est politique. On peut appliquer les mêmes approches à l’intérieur du milieu anarchiste qu’à l’intérieur d’une autre structure d’organisation sociale (comme la famille ou la société de classes).

    Finalement il s’agit de mettre en doute ce qui était tenu hors du politique, et de chercher à y mettre en évidence les rapports de pouvoir et les conflits. Visibiliser ces rapports de pouvoir permet que l’on en reste pas à des fonctionnement basés sur des normes ’naturelles’ ou ’morales’. Ces normes ont la fâcheuse tendance guider et déterminer nos fonctionnements par défauts, quand on ne prend pas la peine de les débusquer et de les regarder en face.
    (exemple : nos actions ou articles c’est politique, ça fait consensus. La manière dont on se parle entre nous ou bien dont il est possible (ou pas...) de s’intégrer dans un milieu anarchiste, n’est pas moins politique).

    En gros ça veut dire que si on ne cherche pas à voir et à déconstruire ces rapports de pouvoir dans nos propres milieux et ben on les alimente... en faisant du coup partie de ces mécanismes que l’on cherche à abattre.

    J’ai pas de solution mais je regrette que le texte ne donne pas de pistes concrètes pour tenter de répondre aux fonctionnements oppressifs et insidieux qu’il dénonce.

    Contrairement à la position de mildway je pense que c’est bien un sujet difficile. Oui visibiliser les rapports de pouvoir c’est nécessaire, mais pas suffisant pour les diminuer/ les éliminer.
    Difficile car il s’agit non seuleument d’arriver à le poser en mots, d’identifier ces mécanismes de domination aux sein de nos groupes et milieux anarchistes, de les visibiliser ET de trouver des moyens de les réduire : la mise en pratique. Alors je sais pas votre avis mais j’ai l’impression que c’est pas si facile... ce qui ne veut pas dire que ça soit pas intéressant, au contraire.
    Difficile aussi par qu’impliquant des remises en question pas forcément agréables ou confortables, à plusieurs niveaux : individuel, inter-individuel et collectif - et les deux derniers ne sont pas équivalents. Pour moi il y a clairement une différence entre ces trois niveaux, en gros : individuel= de moi à moi ; interindividuel= de moi à un-e autre ; collectif= de moi au groupe.

    « Que je sache, oui il y’a une justice. Car être pour la liberté de l’individu ça sous-entend le reconnaître responsable de ses actes. C’est justement ce qui fait la différence entre un groupe démocratique où les individus sont jugés à égalité et un groupe hiérarchise avec différents niveaux d’engagements où finalement « le glandu » n’a pas vraiment légitimité à s’exprimer et reste un militant de seconde zone. »

    Là j’ai du mal avec cette position et avec le paragraphe de morale paternaliste révolutionnaire qui suit. C’est finalement une position qui revient à dire "attention la Cause, la Lutte, la Révolution, l’Histoire, ça c’est du sérieux du vrai politique. Attention à pas foirer Notre combat avec des questionnements individuels de bas étage, si t’es pas à la pointe du mouvement, si t’es un-e "glandu-e" c’est que tu le veux bien, et c’est pas parce le milieu est traversé de raports de domination ni parce que les individu-e-s qui le composent ont intégré des codes de dominance qui oppressent les autres dans le silence". Oui la responsabilité individuelle c’est important, mais politiser ces relations intra-milieux n’est pas moins important si on ne veut pas reproduire les mécanismes sur lesquels on crache.

    Comme disait l’autre "toute connaissance qui ne reconnait pas, ne prend pas pour prémisse l’oppression sociale, la nie ; et en conséquence la sert objectivement" (C Delphy, l’ennemi principal tome I)

    Alors oui ça fait flipper cette dynamique de remise en question permanente, et ça me donne le vertige parce qu’on dirait qu’il y a plein de choses à déblayer....mais perso ça me rassure d’essayer de combattre autant à l’intérieur de moi qu’à l’extérieur ;
    parce qu’à mon avis c’est là dedans que la lutte commence et que la révolution est quotidienne. et puis parce que j’ai pas envie d’être blasé-e de militer un jour et que j’ai l’impression que ce coté ’autocritique’ me permet d’aller de mieux en mieux et du coup de mettre d’autant plus d’énergie constructive dans différentes luttes.

  • Le 7 septembre 2012 à 19:13, par herope

    Ce texte met en exergue l’impossibilité pour certains individus de se fondre dans quelques orgas structurées à l’identique de la société que l’on dit combattre ! et ouf bien heureusement !
    D’autre part on n’ a pas fini d’expérimenter ou d’inventer les différentes options organisationnelles de nos vies !
    Oui la mouvance Anarchiste est multiple, heureusement car quel monde triste et sans perceptive nous serait offert ?
    Bon maintenant essayer d’expliquer l’anarchie c’est déjà dans un sens renier l’anarchie ! ce qui est encore plus génial c’est de recourir à des « penseurs » anarchistes qui par leurs écrits essaient volontairement ou non d’imposer une certaine idée de l’anarchie !!! on combat l’Etat, alors pourquoi des orgas ?

  • Le 7 septembre 2012 à 12:09, par Malekal

    Merci Mildway, grâce à toi on a pu découvrir que l’autogestion et fait, c’est de la démocratie directe pure. Il y a une parfaite égalité entre les membre d’un collectif révolutionnaire ; même champ des possibles, même écoute etc...
    J’en verse ma larme, mais pourquoi n’y ai-je pas pensé plutôt.

    Plus sérieusement, non la contribution ne m’a pas été utile pour répondre à ta question.

  • Le 6 septembre 2012 à 17:40, par Seb

    Sur le même sujet, ce texte du début des années 70 :
    La tyrannie de l’abscence de structure, Jo Freeman

  • Le 6 septembre 2012 à 15:02, par mildway

    un sujet "difficile" ? Non, il suffit de savoir le poser correctement.

    « Je ne parle pas du pouvoir institutionnel mais des relations de pouvoir inter-individuelles »

    des relations de pouvoir "inter-individuelles" ça signifie des relations collectives. L’’individu est autant déterminer par son libre arbitre que par sa marge de man oeuvre au sein du groupe. En réalité le sens même du terme "individu" sous-entend un collectif qui l’encadre. exemple : quel intérêt à se teindre les cheveux en blonds si tu vis tout seul dans les bois ? Par conséquent un collectif, quel qu’il soit est de fait institutionnelle, même informellement.

    « On va admirer la prose et le charisme de tel ou tel autre compagnon (vous qui lisez ce texte connaissez tous un ou une compagnon/ne qui a plus de valeur sociale au sein du mouvement que les autres). Là naissent les relations de pouvoirs et se créent les classes à l’intérieur du mouvement, par le biais de la rhétorique, du charme, de la politique. »

    C’est la conséquence de deux faits :
    1/ le caractère informelle de l’organisation qui nie, et donc renforce les hiérarchies. Contre ça on a inventé les mandats qui repartissent les tâches et les statuts qui régissent les prises de décisions.
    2/ Les capacités inégales des militants et militantes à s’emparer de tel ou tel sujet. Plutôt que de les nier (une fois encore) mieux vaut le poser au grand jour, soutenir les camarades efficaces pour améliorer l’efficacité globale, en échange organiser une autre invention géniale les formations et ensuite instituer un autre truc géniale la répartition des tâches ,avec des mandats par exemple.

    Ensuite j’aimerais qu’on m’explique le lien entre le charisme et une domination de classe. J’espère que les auteurs du texte ne mettent pas sur le même plan l’exploitation salariale c’est à dire la divergence d’intérêt entre un patron qui doit soutirer le plus de profits, et un salarié qui cherche à joindre les deux bouts et la frustration de ne pas avoir pu parler de la répartition des temps de paroles dans un squat ?

    « De tels mécanismes sont indissociables de l’ostracisme ; contre ceux qui ne sont pas là où il faut être, dans telle lutte, dans tel lieu, à telle assemblée, qui sont donc forcément des « branleurs », des « je-m’en-foutistes », « petits-bourgeois » etc. Opère alors une forme de pointage pas si éloigné de celui de la justice.

    Que je sache, oui il y’a une justice. Car être pour la liberté de l’individu ça sous-entend le reconnaître responsable de ses actes. C’est justement ce qui fait la différence entre un groupe démocratique où les individus sont jugés à égalité et un groupe hiérarchise avec différents niveaux d’engagements où finalement "le glandu" n’a pas vraiment légitimité à s’exprimer et reste un militant de seconde zone.
    Et j’aimerais rappeler que lorsqu’on s’engage dans un mouvement révolutionnaire on s’auto-proclame, qu’on le veuille ou non, d’un mouvement avec une histoire, des morts, des torturés... et que les actes, paroles , textes que l’on produit seront intégrés à ce patrimoine. Ce n’est pas un jeu, c’est pas un exutoire à nos problèmes personnelles, c’est un engagement qu’on prend avec l’histoire. La moindre des choses est effectivement de "pointer" ou tout du moins de s’excuser quand on plante des camarades en pleine lutte alors que les enjeux de la lutte dépassent de loin nos petits questionnements individuels.

    J’espère avoir apporté une contribution utile à vos questionnements.
    Fraternellement.

  • Le 6 septembre 2012 à 11:46, par Malekal

    Merci pour le texte qui à le mérite de mettre les pieds dans le plat

  • Le 5 septembre 2012 à 12:24

    le fait de quitter un groupe ne provient pas forcément d’un manque de ténacité. la difficulté insurmontable est d’éliminer la hiérarchie dans le groupe sans user soi-même des moyens employés pour devenir un leader

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