Jeudi 15 mai à 18h 30 : renconre/débat avec Fabien Lebrun, auteur de Barbarie numérique. Une autre histoire du monde connecté (L’échappée, 2024), préface d’Alain Deneault et avant-propos de Denis Mukwege (chirurgien-gynécologue, qui a fondé un hôpital dans la Sud-Kivu où il soigne les victimes de violences sexuelles. Il a obtenu le prix Nobel de la Paix en 2018)
Il s’agit d’un véritable traité d’économie politique sur l’histoire des rapports du capitalisme avec l’Afrique. Fabien Lebrun tente ici une approche matérialiste du numérique, avec cette « sociogenèse du numérique par le prisme de sa matérialité », en établissant un parallèle avec l’analyse de Marx sur l’accumulation primitive du capital l’auteur veut montrer que la période 1996 à 2003 en Afrique centrale correspond à l’accumulation primitive de l’ère du numérique.
Replaçant son analyse dans un cadre historique, Lebrun rappelle l’histoire de la traite transatlantique et du système esclavagiste qui durèrent à peu près de 1500 à 1850 pour souligner le rôle de la conférence de Berlin de 1885. En effet au cours de cette conférence les puissances européennes et l’empire ottoman dessinent une carte de l’Afrique conforme à leurs intérêts sans avoir jamais consulté aucun africain. À cette occasion, le roi Léopold II de Belgique obtient le droit de créer l’État congolais comme possession personnelle, un territoire de 2,5 millions de km2 autour du bassin du fleuve Congo en Afrique équatoriale. Grâce à une exploitation coloniale féroce, cette région devient exportatrice, entre autres, de caoutchouc pour alimenter l’industrie du pneu des pays occidentaux. Immense territoire sans taxe ou impôt sur le capital, sans contrainte publique, dans cet espace politique dédié au seul commerce, Léopold II crée là le prototype du paradis fiscal moderne. Ainsi dans sa configuration étatique initiale le Congo est pensé avec pour seul et unique finalité la libre exploitation de ses ressources naturelles qui vont alimenter les différentes révolutions industrielles.
Mais la thèse principale du livre c’est que le numérique et ses avatars sont de la matière constituée d’éléments naturels provenant du sol et du sous-sol et donc que l’industrie numérique est indissociable de l’industrie minière. Derrière le numérique il y a la terre, la roche, la mine et donc l’extractivisme.
Les technologies de l’information et de la communication correspondent à la troisième révolution industrielle, révolution de la micro-électronique ou de la micro-informatique, qui réclament de plus en plus de métaux, en diversité et en quantité. Le numérique est donc le principal déterminant de l’extractivisme. L’extractivisme concerne désormais la totalité de la vie et du vivant à mesure qu’ils sont pris en charge par des algorithmes et des applications. L’économie numérique est une économie extractiviste qui extrait des données immatérielles à partir d’une extraction de ressources matérielles.
C’est là où l’histoire du Congo intervient parce que ce pays est singulier en termes de ressources naturelles. Dans cette région depuis les années 90 nous sommes face à la première guerre mondiale africaine mettant en jeu les armées rwandaise, ougandaise et burundaise d’un côté, les armées angolaise, zimbabwéenne et namibienne de l’autre ; Il y a donc un caractère économique et financier- métallique et énergétique dans cette guerre du Congo. Par exemple, le Congo détient 80% des réserves de Cobalt, il en est le premier producteur, le Congo est au premier rang des producteurs mondiaux de coltan. Le cuivre et le cobalt ainsi que les terres rares sont les ingrédients de base de cette transformation numérique du capitalisme amorcée dans les années 90.
Mais la guerre des métaux technologiques continue à faire rage au Congo. Les principaux motifs du conflit en RDC sont devenus l’accès à cinq ressources minérales : coltan, cuivre et cobalt, or et diamant. Ainsi l’exploitation des ressources minières qui passe par diverses formes de pillages (étatiques, militaires, criminels commis par des milices armées) font que la guerre est devenue une affaire très lucrative à laquelle participe toutes les forces armées de la région et leurs officiers à titre privé. Ce sont de véritables réseaux mafieux mélangeant fonctionnaires d’état, officiers, trafiquants d’armes qui organisent le pillage et l’exportation des ressources du Congo. Dès 1988 Guy Debord expliquait déjà : on se trompe à chaque fois que l’on veut expliquer quelque chose en opposant la Mafia à l’État … (la Mafia) règne en fait comme le modèle de toutes les entreprises commerciales avancées ». La nouvelle configuration technologique a fait du Congo le centre de la criminalité mondiale.
Derrière le confort technologique de nos appareils numériques il y a une lutte sanguinaire pour des matières premières : le coltan (un complexe minéral composé de colombite et de tantalite qui est capital dans fabrication des microprocesseurs) l’étain qui ne pèse rien mais est omniprésent (le minerai d’étain transformé en soudure sur une carte électronique), le germanium (pour les fibres optiques par exemple), et donc les souffrances des peuples de cette région. Le smartphone qui fait son apparition dans les années 2007/2008 requiert de nouveaux métaux et davantage de métaux de base. Si on comptait dix matières premières dans un téléphone en 1960, elles sont au nombre de 54 dès 2021
L’économie numérique est totale, totalisante et totalitaire.
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