Pour mieux comprendre cette colère, rappelons qu’en moyenne il faut compter à Santiago 1400 pesos pour un aller-retour par jour, soit 1,70 euros environ. Le salaire minimum était de 300 000 pesos par mois - avant l’augmentation de 20% concédée cette semaine - soit 370 euros par mois environ : pour un aller-retour par jour pendant un mois, ce serait comme payer autour de 160 euros de transport pour un salarié au Smic en France (13,8% du salaire). L’annonce d’une nouvelle augmentation a stimulée toutes les colères et condensé la rage contre toutes les inégalités dans l’accès à l’éducation, à la santé, à la mobilité, etc., dans un pays où la majorité des gens est endettée à vie par des crédits à la consommation auprès de grandes chaînes de magasins comme Falabella.
Réaction du président Piñera dans cette démocratie libérale modèle : état d’urgence, couvre-feu, militaires dans la rue en renfort des policiers (première fois depuis la fin de la dictature de Pinochet en 1990). Ont été reportées les actions suivantes :
- matraquages, gaz lacrimo, canons à eau (actions « normales » lors de manifestations)
- charges arbitraires
- des milliers d’arrestations, y compris de mineurs
- policiers infiltrés parmi les manifestants pacifiques et jouant les casseurs et agresseurs de la police
- mise à feu d’incendie par la policie pour faire croire à des saccages
- mise en joue de la foule par les militaires
- tirs à balles de caoutchouc (petit calibre)
- tirs à balles réelles
- tabassages arbitraires de jour hors de toute manifestation : voiture de police qui se gare pour attraper un homme, le tabasser quelques minutes, puis le rejeter dans la rue.
- tabassages arbitraires de nuit après le couvre-feu, également après un enlèvement provisoire dans une voiture ou une camionnette
- entrée de nuit dans les maisons des habitants des quartiers populaires pour exercer la terreur
- attaques d’écoles par la police
- attouchements, humiliations, viols
- disparitions depuis plusieurs jours, y compris de mineurs
- soupçons de se débarrasser de cadavres de victimes dans les incendies donnés pour saccages.
Quand le libéralisme va mal - ce qui semble être vraiment le cas actuellement si l’on en croit certains penseurs (voir le documentaire d’ARTE, « Travail, salaire, profit », épisode sur le marché), et les mouvements sociaux d’un nouveau type au Liban, en Équateur, en France – il révèle toute sa violence, qui en plus d’être économique et sociale, devient alors radicalement policière et militaire. - Le Chili comme modèle du début et de la fin du néo-libéralisme ?
En attendant les enquêtes indépendantes de l’ONU et de groupes universitaires chiliens, voici quelques sources utiles :
Pour le partage d’articles de presse et de vidéos témoignant des violences policières, voir le groupe de philosophes latinos sur Facebook « Deleuze y Guattari latinoamérica (reel&g) »
El Mostrador Chile
Guardian News et BBC News sur Youtube
Arrêts sur Images
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