Nous vous écrivons depuis la pandémie. Depuis le passé ? Non, depuis un présent radicalement transformé par cet événement qui n’en finit plus, malgré la façade de normalité dont on nous fait partout la publicité. Nous sommes handi·es ou valides. Nous nous obstinons à porter des masques FFP2, ceux en becs de canard, que certain·es portaient déjà parfois en manif ou à l’hosto. Nous ? Un groupe d’autodéfense sanitaire composé de personnes qui, comme d’autres, désertent les soirées de soutien où tout le monde se postillonne à la tronche, se battent pour le port du masque en réunion et persistent à ouvrir les fenêtres en AG. Nous proposons ici une chronique mensuelle à l’écriture mouvante et collective. Nous voulons y politiser l’enjeu du validisme, ce système de valeurs dans lequel les performances des corps valides (non malades et non handicapés) s’imposent comme normes dans tous les espaces sociaux, y compris militants. Des maraudes solidaires de 2020 à leur envers complet, le covidonégationnisme de l’hiver 2024, en passant par les initiatives mises en place par des collectifs en France et ailleurs dans le monde, nous aurons de quoi écrire.
Nous voulons interroger l’acceptation des 30 millions de morts du Covid (pas moins de 200 000 en France), noyé·es dans le bruit de fond, et celle des multiples handicaps que le Covid long produit depuis 4 ans, dans un silence social assourdissant. Interroger comment l’écroulement de l’attention à l’autre au nom du « vivre avec » et d’un « retour à la normale » ont laissé transparaître dans nos milieux politiques un goût pour le déni, les impostures scientifiques ou le complotisme. Certain·es d’entre nous portaient déjà des masques de protection respiratoire bien avant l’apparition du Covid en l’absence de mesures collectives. Était-ce « normal » ? Nous aurions espéré que la pandémie permettrait de mutualiser la prévention et le soin et de s’auto-organiser en ce sens – ce que propose l’autodéfense sanitaire. Pourtant, dans les milieux libertaires et queers comme ailleurs, le retour à la norme validiste de « la vie d’avant » est devenue une urgence, une condition de la « santé mentale » – et tenter de la subvertir, une menace à la convivialité. Trop souvent, nous nous sommes couché·es avec des libertaires et réveillé·es avec des libertarien·nes.
Nous voulons visibiliser l’expertise personnelle et collective sur les questions de santé publique qui s’est construite depuis 2020, les liens qui se sont tissés et qui ont commencé à redessiner le champ des luttes, les gestes apparemment anodins qui sont devenus des actes politiques, les solidarités qui ont émergé. Nous voulons documenter et transmettre ce que les expériences de santé communautaire d’hier et d’aujourd’hui nous enseignent, des favelas brésiliennes à Act Up ou aux Black Panthers.
Nos chroniques dépasseront le cadre de la pandémie de Covid pour réfléchir à des futurs antivalidistes. Derrière l’autodéfense sanitaire ne se cachent pas des choix individuels, mais des positions politiques déterminées. Nos masques sont anticapitalistes, féministes, antiracistes et antifascistes.
Les Canards masquées est un groupe d’autodéfense sanitaire composé de palmipèdes handi·es et valides qui luttent pour des futurs antivalidistes.
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