Communiqué de Médic’Action : heurts à la marche des fiertés lyonnaise ce 15 juin 2019

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Ce samedi 15 juin 2019 durant la marche des fiertés, nos équipes se sont retrouvées à devoir gérer plusieurs personnes blessées à la suite d’une intervention policière : nous tenons à clarifier ce qu’il s’est passé.
(Trigger warnings : violences policières, LGBTIphobies diverses, sexisme)

Alors que la marche des fiertés s’apprêtait à s’élancer, de fortes pluies se sont abattues comme annoncées par l’alerte orange Orage Météo France, poussant beaucoup de camions à ranger leur matériel et un nombre important de personnes à quitter la pride. Celle-ci s’élance néanmoins : après quelques dizaines de mètres une centaine de personnes se positionnent devant la banderole de tête, elle même suivie par le cortège AIDES et le camion de la Lesbian and Gay Pride (LGP) , organisatrice de la marche. S’en suit alors un ballet allant d’avant en arrière, l’organisation refusant de laisser ces personnes prendre la tête. Après avoir tout juste fait le tour de Bellecour à cause de la météo, les quelques derniers camions et centaines de personnes s’engagent sur le parvis central : le cortège de tête, toujours constitué d’une trentaine de personnes, empêche alors le bus radioscoop de faire de même en se positionnant devant, signe de protestation contre cette incarnation du pinkwashing. En réaction, le service d’ordre tente de repousser le groupe en formant des lignes, puis en vain s’écarte au profit de la police, qui finit par gazer et tabasser les manifestant-es. La BAC arrive plus tard et procède également à des charges, aboutissant à deux arrestations.

En l’absence de contexte et au vue des quelques communications de la LGP, il serait facile de croire qu’il s’agissait d’un groupe de queer « radicools » ayant tentés et réussi à faire annuler la pride, sur la base de reproches concernant la radicalité des institutions LGBT. La réalité est tout autre.

Tout d’abord, le contexte : voilà des années que le centre LGBTI de Lyon, auquel appartient la LGP et 33 autres associations diverses, est sous les feux de multiples critiques. Pour commencer, il leur est reproché de dépolitiser les luttes LGBTI : il n’est même pas là question de « radicalité », mais d’une spoliation complète de l’aspect politique des luttes LGBTI. Celles ci sont réduites à des événements festifs, des annonces de budgets sans suites concrètes et des sujets de débats avec le gouvernement, sur lequel s’aligne par ailleurs une grande partie la direction du centre ; même si ce n’est néanmoins pas représentatif de toutes les associations existant en son sein. Cette année encore à la pride, nous avons pu entendre à plusieurs reprises le bus Radioscoop parler de « Gay Pride » - ce qui est de fait raccord avec le nom désuet et invisibilisant de l’organisation de la pride, et vu un char « Acheter Gay », pour ne citer que les exemples flagrants de dépolitisation. Ceci est peu étonnant compte tenu du fait que le Conseil d’Administration ainsi que toute l’organisation de la superstructure du centre est aux mains de cis gays cinquantenaires aisés, poussant le vice jusqu’à avoir des sympathisants RN (ex FN) en son sein. À cela s’ajoute une mauvaise gestion obstinée et récurrente des problématiques de classisme, racisme, sexisme, d’agressions, et même - comble de l’ironie - de transphobie.

L’inauguration de la bibliothèque du centre il y a tout juste un an cristallisait ces problématiques. Suite à la manifestation se tenant juste avant place de l’Opéra en soutien à Moussa, migrant homosexuel bisexuel menacé de déportation par le gouvernement français dans son pays où il risque la vie, quelques manifestant-es se sont rendu-es à cette soirée. Le but était de faire entendre leurs revendications aux élu-es de la majorité présent-es alors à cet événement. Pour de simples slogans et deux visages à demi-masqués, le service d’ordre du centre a violenté des personnes LGBTI sous prétexte de défendre des élu-es qui « craignaient pour leur vie » et se terraient à l’intérieur pour éviter d’être exposé-es à la triste réalité de leur politique, le tout couvert par le centre. Plus qu’une dépolitisation, le centre se fait complice de politiques qui nuisent à des personnes LGBTI et issues d’autres minorités.

La liste des préjudices, directs ou indirects, dont le centre est responsable est trop longue pour être déroulée ici : mais il en résulte une fracture profonde entre le centre et une partie toujours plus grandissante de celleux qu’il est censé accueillir et représenter. Des initiatives plurielles sont apparues en réaction à cela, allant de simple collectifs auto-gestionnaires à l’organisation de prides de nuit [1] (cette année encore, la veille de la marche des fiertés), en passant par des actions de diverses formes à l’encontre du Conseil d’administration du centre. Que l’on approuve ou non certains de ces modes d’actions ne change pas la situation qui en est à l’origine, et accuser ces militant-es de créer une division équivaut à cacher les corps sous le tapis.

Le jour de la marche des fiertés donc, nous nous sommes rendu-es à la pride de jour en vue de la formation d’un cortège de tête, comme cela s’est fait l’année dernière. Si le début avait été chaotique l’année dernière, cela s’était ensuite déroulé sans accroc majeur d’un côté ou de l’autre jusque à la fin de la manifestation.
Néanmoins, deux choses étaient différentes cette année :

  • d’une part, certain-es Gilets Jaunes avaient émis la volonté de se joindre à la pride, même si cela ne faisait pas consensus, leur nombre à la pride n’a finalement pas excédé la dizaine ;
  • d’autre part, la LGP s’attendait à présent à la formation d’un cortège de tête, qui avait notamment fait l’objet d’un appel sur Rebellyon .

De fait, de nombreux bruits de couloirs et conversations interpersonnelles, laissaient entendre que le service d’ordre de la manifestation serait prêt à laisser intervenir la police en cas de formation d’un cortège de tête, même si cela ne faisait pas consensus. L’organisation a d’ailleurs lâché en pâture le nom d’une personne LGBT sur les réseaux sociaux via capture d’écran de conversations privées, sous prétexte de laisser éclater au grand jour les rumeurs à propos d’un éventuel cortège de tête.

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(censure du nom de notre fait)

C’est ce qu’il s’est finalement passé le jour venu, et nous avons ainsi assisté à une scène surréaliste : la BAC chargeait entre les camions sonorisés encore présents pour les quelques centaines de personnes qui n’ont pas laissé la pluie les décourager tandis que d’autres manifestant-es blessé-es/paniqué-es erraient au milieu de la mousse, et ce pour avoir empêché le bus Radioscoop de rentrer sur le parvis par une résistance statique.

Une personne témoigne :

« Je me suis retrouvé.e à faire face aux autres du groupe (dos aux flics avec un sac à dos). Torse nu sous le sac à dos. Je me suis agrippé.e à la chaîne humaine pour ne pas être arraché.e par les flics. Une flic a planté ses doigts sous le sac à dos profondément et a pincé ma chair dans mon dos pour me faire lâcher prise. Elle a recommencé plusieurs reprises. Elle a tenté ensuite de me pincer au cou, et m’a un peu étranglé.e. J’ai laché prise et pris son bras que j’ai enlevé, en lui disant "mais ça va pas ?". Puis j’ai repris ma position. Il y’a eu la gazeuse qui a été sortie. Il me semble que j’ai été pulvérisé.e à bout portant. Je n’ai plus pu respirer (taux d’oxygénation qui a chuté de 99% à moins de 82%). Tout le haut de mon corps me brule depuis. Problèmes respiratoires, vertiges et nausées qui reviennent parfois. Sensation de brulure en profondeur (poumons, visage, cuir chevelu, yeux, bouches, système digestif). Légère paralysie/anesthésie faciale et dans le dos là où ça a du être à bout portant. ».

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S’il n’y a heureusement pas eu de blessé-es graves, nous avons dû gérer une vingtaines de personnes gazé-es, de multiples crises de paniques, une personne en hypothermie et quelques blessures superficielles.

Loin d’une simple confrontation LGBTI VS forces de l’ordre, divers incidents se sont ajoutés à la cacophonie. Nous avons dû aider des manifestant-es n’appartenant pas au cortège de tête car iels se sont fait gazer en allant demander à la police ce qu’il se passait. Une personne de nos équipes s’est vue assener un « tu vas me ranger tout ça » de la part d’un membre du service de sécurité qui pointait sa poitrine nue du regard. Même s’il n’appartient sans doute pas à la LGP elle même, il reste mandaté par celle-ci et ce genre de comportements est inacceptable.

On notera une certaine réactivité et bienveillance de la part des ambulancier-ères présentes sur place qui ont pris le relai au fur et à mesure, même s’iels ne pouvaient distribuer de couvertures de survie du fait de l’alerte orange orage.

Face à cette situation, la LGP a trouvé pertinent d’accuser des personnes LGBTI de l’annulation de la pride malgré des pluies torrentielles, tout en assurant par la suite que celle-ci n’a pas été annulée : « il y avait encore des camions à 19h ».

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A cela s’ajoute des fausses infos propagées par la LGP et d’autres, qu’il convient de démentir :

  • « Le Service d’Ordre (SO) a essayé de protéger les militantes de l’intervention de la police » : toute personne ayant un peu l’habitude des manifestation sait que lorsqu’un SO est tourné vers un groupe, ce n’est pas pour le défendre. La logique tactique adoptée par les SO veut qu’il soit tourné vers le danger perçu, donc le groupe de manifestant-es dans ce cas précis.
  • « Le SO a refusé l’intervention des forces de police » : si quelques rares personnes du SO sont restées passives, sûrement animées par le doute, le SO dans son ensemble s’est bel et bien retiré dans le but de laisser la police prendre le relai : ce choix était assumé bien en amont et annoncé lors les réunions d’organisations de la pride.
  • « Le cortège de tête était composé de cishetdyadiques/de fascistes » : le cortège en question était composé quasi exclusivement de personnes LGBTI+, et surtout pas fascistes. Ces accusations témoignent d’une profonde malhonnêteté, tant vis à vis de la communauté dont se revendique la LGP, qu’au regard de l’histoire du fascisme.
  • « Le cortège a piqué la tête au cortège de tête en non-mixité racisé-es » : si la présence d’un cortège de tête en non-mixité racisé-es pour les 50 ans de Stonewall aurait été plus que pertinent et une bonne raison de ne pas forcer la tête, ce n’était pas le cas car il avait été relégué à une place lointaine. D’ailleurs, non seulement le cortège de tête était loin d’être entièrement blanc, mais certaines personnes du cortège en question ont fini par rejoindre le cortège de tête.
  • « les personnes ayant dégradé le centre sont les mêmes que celles ayant appelé à un cortège de tête » : aucun lien n’a été prouvé, et quand bien même des dégradations matérielles légères n’ont jamais justifiées des violences physiques envers des personnes, d’autant plus LGBTI.
  • « iels ont surtout chanté des slogans sexuels ’folkloriques’ dénués de sens » : la quasi intégralité des slogans portés par le cortège de tête étaient des slogans revendicatifs et concrets. Ce que l’on nomme « le milieu queer radical » est loin d’être à l’abri de critiques, mais là encore la malhonnêteté de tels propos est navrante.

À ce titre nous dénonçons les accusations de la LGP concernant les causes de l’annulation de la pride et le comportement inacceptable qu’elle a pu avoir, accompagnée du Conseil d’Administration du centre, à la fois pendant et en dehors de la pride. Nous dénonçons également sa malhonnêteté et pointons du doigt son indignité à organiser la pride en bafouant son histoire, ce qui lui a été massivement souligné sur les réseaux sociaux.

Médic’Action, collectif lyonnais, agissant dans les manifs et auprès des populations précaires, composé en très grande majorité de personnes LGBTI+.

Notes

[1Les appels sont visibles ici, ou encore ici

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