La précarité c’est la séduction permanente

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Le Contrat Nouvelle Embauche serait censé sécuriser les petites entreprises (il s’adresse uniquement aux entreprise de - de 20 salariés) grâce aux possibilités de rupture du contrat de travail qu’il offre dans les deux années qui suivent sa signature, et ce, sans aucune contrainte, et de manière quasi instantanée. Or je considère, pour les raisons qui suivent, que les arguments développés en faveur du Contrat Nouvelle Embauche, entre autres, par le Premier Ministre, relèvent de la propagande. Ils sont erronés, parcellaires pour ne pas dire mensongers. Ce contrat est un mauvais contrat pour le salarié embauché, il n’est pas bon pour les autres salariés de l’entreprise. Il est dangereux pour l’Entreprise elle-même, car il met sa viabilité en péril :

-  Une petite entreprise qui n’est pas capable d’anticiper, de faire de la prospective tant en terme économique, qu’en gestion prévisionnelle des ressources humaines et des emplois dans les prochains 24 mois, est une entreprise qui peut se condamner, elle-même, à mettre la clé sous la porte faute d’avoir oser regarder un petit peu plus loin que « le bout de son nez » ou de la dernière page de son carnet de commandes.

-  Le CNE est une variable d’ajustement qui ne prend pas en compte la globalité économique de l’entreprise dans son environnement.

-  Les entreprises peuvent, pour des raisons économiques licencier des membres de leur personnel en CDI normal sans aucune contrainte, pas de demande d’autorisation préalable à la DDTEFP (s’il ne s’agit pas de licenciements collectifs supérieurs à 9 salariés). Certes les salariés peuvent ester devant les Prud’hommes, mais au même titre que les salariés en Contrat Nouvelle Embauche, voir à ce sujet les premières plaintes qui arrivent sur le « bureau des Prud’hommes ».

-  Les entreprises de moins de 1000 salariés doivent proposer, à toute personne licenciée pour motif économique, la Convention de Reclassement Personnalisé. Si le salarié opte pour cette convention plutôt que pour le licenciement économique, il est, pendant une période de 8 mois mieux indemnisé (80 % du salaire brut antérieur les 3 premiers mois, et 70 % les 5 mois suivants), s’il remplit les conditions de durée : 2 ans d’affiliation au régime, de plus, il bénéficie également d’un accompagnement individualisé pour retrouver un emploi.

Cette dernière mesure avait été mise en place pour « assouplir » le licenciement économique, qui par ce tour de passe-passe fait disparaître dans le même temps : la notion de licenciement tout court, la notion de licenciement économique, et le salarié qui sort des effectifs de l’entreprise 15 jours après son entretien l’informant de ce dispositif. L’adhérent à la CRP (Convention de Reclassement Personnalisé) ne fait pas son préavis, il ne passe pas par la case transaction, et touche quand même éventuellement une prime de licenciement (s’il peut y prétendre). L’employeur et le salarié sont alors réputés comme « ayant rompu le contrat de travail d’un commun accord ».

Le Patron : « Vous préférez partir ou partir ?
Le Salarié : - euh... ben... ma fois... partir..
Le Patron : - bon, parfait, nous nous séparons donc d’un commun accord

Il paraîtrait que l’on enregistre une baisse importante des licenciements économiques dans les 8 derniers mois, tiens donc ?

Le salarié sous Contrat Nouvelle Embauche est exclu de cette possibilité (pourtant très récente) puisque l’employeur n’a aucun motif à invoquer pour se séparer du salarié. Un salarié en Contrat Nouvelle Embauche ne peut donc pas être licencié économique et ne peut pas prétendre, de ce fait, à la Convention de Reclassement Personnalisé (ou alors l’employeur n’a rien compris et le MEDEF fait mal son travail).

2e tour de passe-passe : comme pour la Convention de Reclassement Personnalisé, dans le Contrat Nouvelle Embauche la notion de licenciement disparaît, le licenciement économique aussi, et le salarié avec (les 2 premières années)... Vous suivez ? Ah les tours de prestidigitation c’est pas facile... Faut les revoir plusieurs fois, ne vous inquiétez pas, c’est bien parti.

Le Contrat Nouvelle Embauche (CNE) n’est pas un contrat de confiance, pire il introduit la défiance au sein de l’entreprise qui peut se traduire par une insécurité sociale collective :

-  Les salariés voyant arrivé un (e) collègue en CNE auront des raisons de s’inquiéter compte tenu des arguments avancés dans le choix de la mise en place de ce type de contrat : raisons économiques. L’employeur en recrutant en CNE démontre son incertitude quant à l’avenir immédiat de la viabilité de son entreprise, et par là même, peut produire un effet d’insécurité sociale, sur tout le personnel de son entreprise, et pas seulement sur la personne nouvellement recrutée sous ce type de contrat.

-  L’insécurité sociale peut avoir des conséquences dans l’accueil et l’intégration du nouveau salarié, elle peut entraîner des freins à la transmission des savoirs, et rendre les apprenants moins réceptifs à cette transmission.

Cette confiance entamée peut avoir des conséquences sur les salariés « plus protégés » en terme de démotivation, désengagement, désinvestissement.

Enfin, le Contrat Nouvelle Embauche c’est la séduction permanente :

-  Un salarié recruté sous ce type de contrat devra être sans cesse sur ses gardes pour, pendant 24 mois d’affilés, plaire à tout le monde dans l’entreprise, sinon il court le risque de perdre son emploi : soit beau, performant, réactif, ponctuel, souriant, aimable, et.... Tais-toi.

Le Contrat Nouvelle Embauche c’est un plomb dans l’aile de la démocratie dans l’entreprise :

-  Il y a fort à parier que de nombreuses heures supplémentaires ne seront plus payées, que les conditions de travail vont aller en se dégradant, que le harcèlement au travail va continuer de se développer, que le taux de syndicalisation de ces salariés sera nul.

-  C’est le traitement différencié des salariés, même travail mais avec des contraintes supplémentaires, mêmes emplois avec moins de droits.

Avec le Contrat Première Embauche qui pointe son nez, et le Contrat Unique d’Embauche qui arrive juste derrière, ce n’est pas la liberté d’embaucher qui va primer, mais bel et bien la liberté de licencier, à discrétion, en douceur et profondeur (Arno). Et dans ces conditions, il ne s’agit plus là de liberté, mais d’autocratie.

ROSE CELAVI

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  • Le 23 mars 2006 à 21:37, par Patric Kruissel

    être contre le CPE c’est essentiel et même indispensable, mais il ne faut pas oublier de faire des propositions pour améliorer l’emploi des jeunes. Si vous souhaitez quelques propositions, vous pouvez télécharger le texte suivant

    http://www.monde-solidaire.org/spip/IMG/pdf/analyse_chomage.pdf

    cordialement Patric

  • Le 14 mars 2006 à 11:19, par maja 24

    Embauché le lundi viré le vendredi c’est ce qui vient de m’arriver avec un Cne .L’entreprise fonctionne comme ca pour tout les remplacements maladie mais n’en parle pas au nouvel embauché. Le personnel en sursis ferme ca gueule et se fait avoir sur des heures sup non payé .
    Comme mon contrat etait de neuf heures mais que mon planning en comptait vingt deux, j’ai prevenu que les depassements au delas de 1/10 d’heure complementaire devaient m’etre payé en heures sup.vous connaissez la suite.
    Je suis une mere de famille (4 enfants) de 45 ans
    et je me dit que mes enfants a la fin de leurs etudes risque de ce retrouver avec un ou plusieurs CPE, la precarité ne sera pas de deux ans mais de baucoup plus,ensuite a 26 ans ils passerons au CNE .CNE repetté peut etre toute une vie ?

    Il faut une mobilation forte pour ne pas laisser s’installer ce retour a l’esclavage.

  • Le 7 mars 2006 à 17:36

    Ni cne, Ni cpe, Ni cdi

    A bas l’exploitation.

    A bas le salariat.

    A bas l’esclavagisme moderne.

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