Manifestive du 30 avril : passer les frontières et courir...

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Place Guichard entre 13 h 30 et 14 h 30 : les chars arrivent doucement, tous décorés et même avec des slogans engagés (« un commissariat qui ouvre c’est l’éducation et la santé qui reculent... »). Y a pas encore de son mais des gens proposent de séances de maquillage et déguisement, distribuent des petits tracts qui font le point sur l’organisation pratique de la manif et ses objectifs politiques. Un peu avant 15 h ça démarre : les camions sonos font comme des poches où les gens se pressent pour remuer un peu et prendre le rythme, les échassier-es chahutent, les jongleur/euses jonglent... Des petites actions directes s’égrènent au fil du cortège : les premières affiches sont collées (« tous les jours, je lave mon cerveau avec de la pub ») et la station de tram Préfecture redécorée en musique (graphe « zone fraudeuse », destruction des deux distributeurs de transports payants...). Un peu avant le pont Wilson un sac rempli d’encre explose (presque) sur une pub roulante, et un distributeur bancaire se voit peinturluré. Des affiches réclament à intervalle régulier « l’abolition du travail aliéné » qui chaque jour « emmène tout un peuple en prison ».

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16 h, le temps de quelques prises de parole au niveau du premier son (appel aux rebelles et rap militant) et on passe le pont, direction Cordeliers. Arrivé devant Air France, un petit groupe costumé s’en va coller des affichettes appelant au boycott (l’entreprise en effet collabore activement à la déportation des sans papier expulséEs du territoire français) ; la vitrine est colorée en jaune. Place de la bourse : deux distributeurs bancaires sont mis hors d’usage et la tension monte d’un cran quand deux équipes de flics en civil commencent à se déployer sur les bordures. Quatre fenêtres du Palais de la Bourse sont cassées (peut être pour y faire entrer un petit peu de musique...), les petites affichettes continuent de se multiplier sur les vitrines de la rue de la République. Un petit coup de peinture sur la Société Générale et la manifestive arrive au niveau du commissariat de police municipale où se trouve abrité le centre de visionnage du réseau de vidéosurveillance : deux vitres tombent...

Place des Terreaux, le cortège déborde sur l’esplanade : la foule occupe l’espace, les teufeur/euses se mêlent aux badauds. Les flics aussi semblent débordés : ils improvisent tout de même une intervention en ciblant plusieurs personnes masquées au moment où la manif s’engage rue Constantine... Sans brassards, quatre fonctionnaires se jettent dans le cortège... et se font repoussés activement par les personnes alentour. Les personnes alpaguées au départ sont libérées, les flics s’enfuient et dans la confusion l’un d’entre eux se fait éclater sa lacrymo dans la main. C’est la panique : des policiers arrivés en renfort procèdent à un gazage massif ; le gens suffoquent, une personne âgée, le souffle coupé, s’effondre et se fracture la jambe... Le public est de plus en plus hostile : sifflets, jet de quelques canettes. Une fille qui tentait de s’interposer (visiblement sans savoir qu’elle s’adresse à des flics) est interpellée par trois flics plutôt costauds, traînée sur plusieurs mètres. Les agents de la BAC, confrontés quelques instants auparavant à une vraie résistance collective, semblent avoir eu peur ; et surtout ils sont vexés. Résultats : la personne interpellée est immobilisée à coup de täser (pistolet électrique) et, une fois menottée au sol, elle reçoit encore une volée de coups de pied. Pendant ce temps, le gros de la manif progresse jusqu’à la gare Saint Paul où doit avoir lieu la dispersion. Des gens vont traîner sur place jusqu’à 20 heures, mais dans l’intervalle la police aura eu le temps de mettre en place son dispositif ; une charge de CRS disperse les groupes restants et cinq autres personnes sont arrêtées au hasard (elles prendront pour toutes celles et tous ceux qui ont eu l’idée saugrenue de s’opposer à la violence de la police, 3 heures plus tôt)

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La violence de la répression policière (et la sévérité des poursuites judiciaires) a à l’évidence gâché la fête... Mais elle prouve surtout que les flics ont été débordés, qu’une ligne a bien été franchie : celle qui trace la frontière, qui fait la différence entre les comportements sous contrôle et les actes de révolte. Reste à les assumer collectivement en mettant en place une solidarité réelle avec les personnes arrêtées.

Tomas Skée

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