SI VIS PATRIARCAT, PARA BELLUM : sur deux « bévues » dans l’article de Courant Alternatif sur le livre d’Andrée MICHEL « Féminisme et antimilitarisme »

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Un article, à propos du livre « Andrée MICHEL – Féminisme et antimilitarisme », relie les questions de misogynie et de guerre. Un livre dont l’avant-propos est de Jules Falquet, ça promet. Il semble en effet que ce livre est éclairant. Mais dans les milieux militants teintés d’anarchie ou d’anti-capitalisme, les sujets de la guerre, de la lutte contre le militarisme, sont souvent absents des réflexions, des débats, des pensées. Encore moins sont abordées les liens entre genre et guerre.

Tout ceci, sans JAMAIS regarder au fonds ce qu’il y a de viril, de « blanc » et d’hétéro-centré dans ce monde, dans l’argent, ou dans la « lutte-des-classes » quand elle est religieuse (telle qu’elle est proposée comme unique panacée par ces casseurEs de « bourgeoiSEs ».

Oui, cette question de la misogynie et de la guerre me turlupine depuis longtemps. Il faut dire que je suis de la génération qui était adolescente pendant la « fin » de la colonisation gauloise en Asie et en Afrique. Classe d’âge dont certains pères sont partis en Algérie sous l’uniforme bleu azur. Qui voyait en noir et blanc à 20 heures, les frasques meurtrières entre Palestine, Egypte et Israël. Aussi, quand les mâles fRançais risquaient à l’époque de devoir passer 12 mois à crapahuter en kaki le jour Famas (pas « femmasse ») en bandoulière, pour avoir le droit de boire des bières et de fumer des « troupes » le soir. Sauf à réussir à se faire classer P4 aux « 3 jours ». Je dis pas ça pour la jouer « vieux con » (je sais que j’en suis un), mais juste pour exposer dans quelle ambiance baignait l’époque, les années 1970 et 1980. C’était clair alors pour tout un chacunEs, à commencer par les féministes, que la guerre, ça craint et que c’est bel et bien un truc de mecs.

Puis le temps est passé, et j’ai fait mon bonhomme de chemin. 20 ans se sont écoulés. Soudain, j’ai côtoyé une nouvelle génération dans un monde dont les symptômes ressemblaient tant à ceux des années 1930, que je me suis dit avec effroi qu’ilLEs étaient déjà sacrifiées au dieux de la guerre.

Mais dans les milieux militants teintés d’anarchie ou d’anti-capitalisme où je fraye depuis l’orée du 21e siècle, ce qui me faisait froid dans le dos, c’était qu’un peu comme on à dit des poilus de 1914, qu’ilLEs y allaient « la fleur au fusil ». Pire, les sujets de la guerre, de la lutte contre le militarisme, étaient quasiment absent des réflexions, des débats, des pensées. Encore moins était abordées les liens entre genre et guerre.

Oui, l‘armée était le chien de garde des centrales nucléaires. Oui, dans telle ou telle occupation, le patronat mobilisait les militaires pour déloger les piquets. Oui, la collusion était flagrante entre les propriétaires de journaux, radios et télévisions et les marchands d’armes. Oui, il y avait du racisme derrière le drapeau bleu-blanc-rouge planté en soutien de telle ou telle république bananière (y en a t’il d’autres, « merdre » ? ça c’est une autre question père Ubu !). Oui, la privatisation des armées et des instances pan-nationales façon « District 9 » étaient décortiquées avec détails et pertinence. Que de bonnes analyses, je trouve. Par contre, pas d’horizon au delà de la sacro-sainte « lutte-des-classes ». Le terme « classe » ne pouvant d’ailleurs être utilisé dans certains milieux, sauf blasphème, qu’au sens de groupe économique exploité. C’est-à-dire en éludant les autres classes sociales, à savoir de genre, de race, d’érudition, d’âge et d’orientation sexuelle, notamment.

C’est dans ce contexte donc, que je lis non sans un frémissement, au sujet de ce livre prométeur « Andrée MICHEL – Féminisme et antimilitarisme » qu’il y a des « mythes patriarcaux que les féministes de France n’ont PAS ENCORE (je souligne) déchiffrés ». Et plus loin que « les résistances des femmes (SAUF en France …) portent sur ce lien inévitable entre féminisme et anti-militarisme ». Bref, ce discours à la Alzon et consorts, qui s’est bien vendu à l’époque de la « libération sexuelle ». Discours pourtant bien décortiqué par les féministes radicales, qui cache « sa haine des femmes derrière l’amour des prolétaires ».

A tout dire, je trouve déloyal, et opposé à toute analyse matérialiste – donc d’observation aussi objective que possible des faits sociaux, y compris des mentalités – d’affirmer que les féministes et par extension les femmes de l’hexagone, auraient souffert pendant les trois dernières décennies, d’une « myopie » (comme ose l’affirmer un camarade 101% rougeoyant, au sujet des féministe et des luttes économiques, dans un livre affligeant d’égocentrisme viril) sur tel ou tel angle social, comme la guerre ou les racismes.

Ce qui m’a poussé à prendre le clavier (étant végétalien, je n’ai pas de plume et préfère un « bon PC » pour des raisons d’éthique anti-spécistes…. non, je rigole…), c’est que je constate, au delà du manque assez endémique de sensibilité en milieu « lutte-des-classes » pur jus, aux sujets de la guerre évoqué plus haut, une sorte de tendance, que je trouve insidieuse, à dénier les apports pourtant consistants et étayés des féministes sur ces sujets.

Plus largement, c’est en ce moment un véritable haro que je constate dans les publications exclusivement « lutte-des-classes » sur ce leitmotiv : « les féministes francophones n’ont rien vu ni compris » de l’économe, de la guerre ou du racisme.

Ainsi, tel brûlot récent sur « les féministes et l’empire » met dans le même sac (excusez le jeu de mot avec la triste organisation éponyme) toutes les femmes et en particulier l’épouse du général Salan, avec toutes les féministes d’ici bas. Tel autre pamphlet pro-communisation (une sorte de période transitoire sans période transitoire, de ce que j’ai compris de ce fumeux concept bien masculin et tout Orwellien, qui n’hésite pas à affirmer par ailleurs que « la sur-value créée les genres – SIC - »), prétend que les féministes - et en gros toutes les femmes, sauf les pures communistes - n’ont jamais compris que tout leurs maux seraient dissous comme par miracle par ladite « lutte-des-classes » (style : encore un effort, camaradE).

Tout ceci, sans JAMAIS regarder au fonds ce qu’il y a de viril, de « blanc » et d’hétéro-centré dans ce monde, dans l’argent, ou dans la « lutte-des-classes » quand elle est religieuse (telle qu’elle est proposée comme unique panacée par ces tigres de papier, casseurEs de « bourgeoiSEs »).

Deux réflexions découlent de ceci.

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Communistes !

D’une part, le constat d’une sorte de révisionnisme tendant à éluder les apports féministes sur ces questions (et en particulier de personnes comme Wittig, Delphy ou Pheterson, pour ne citer qu’elles). C’est d’autant plus inadmissible, que souvent ce discours s’entend de militantEs « lutte-des-classes » ayant bien connu et côtoyé les milieux féministes des années 1970 - 1980. Dont ilLEs feignent d’avoir oublié les douces invectives et les matérialistes propositions. Propositions qu’ilLEs n’ont pas manqué d’entendre, pour continuer trente ans après à s’exclamer « mais, s’il n’y a plus de sexes, comment on baise ? » lors d’un débat sur les genres dans un camping par ailleurs franchement exaltant. Peut-on sérieusement se dire matérialiste en occultant d’un ainsi d’un revers de main la vie et les goûts (par exemple homosexuels) d’autres personnes ?

Les deux petites piques, sans doute involontaires, relevées plus haut en regard du livre de Andrée MICHEL, font partie de cette construction bien ancrée dans certainEs têtes. Par ailleurs solidaires, courageuses et généreuses, je le sais.

D’autre part, je trouve ça particulièrement diviseur (dans le style « barbus de tous les pays, unissez vous » … contre les femmes). Comme le déploraient les affiches d’un groupuscule maoïste, ça serait « dommage pour la révolution ». Sans vouloir faire dans le registre « la déconstruction : une solution pour ce monde », j’ai le sentiment justement qu’une révolution totale implique de balayer devant sa porte, aussi. Ce qui n’est nullement contradictoire avec les luttes, touTEs ensemble si possible. Et puis, j’ai vu dans presque tous les groupes militants, tant des cannettes de bière éclusées en solidarité mâle, de vautrages sur canapé pendant que les filles préparent le dîner ou les tracts, de viens chez moi lire une brochure que je te pince les fesses ma chérie, et autres « angles morts », dans certaines pratiques journalières de la « lutte-des-classes », que je pense qu’il y a là, du bon grain à moudre, pour ladite révolution.

Deux poids, deux mesures, donc. Avec un manque flagrant, voire religieux, d’objectivité qui peut même pousser certainEs à oblitérer les propos et pensées xénophobes de leurs maîtres à penser comme Marx et Engels [1]. Refusant ainsi de voir les mécanismes dominateurs et impérialistes sous-jacents au « Manifeste » et à ses avatars, qui pourtant sont aussi délétères que sources d’avancement des analyses véritablement matérialistes ainsi que moteurs de luttes.

Tout ça pour dire qu’en ces temps de misère extrême, de généralisation à tous bords d’une dialectique marchant au plafond, avec des slogans du style « le nucléaire c’est sans effet de serre et donc écologique », la tentation est grande de voir ressurgir les vieux démons du pouvoir sectaire au sein des luttes. Notre quotidien est plus que jamais propice à l’émergence de nouveaux discours qui s’appuient sur le désespoir des peuples exploités ET opprimés. En jouant sur une évidente nostalgie des temps forts des luttes (en Europe surtout, tant les personnes dites racisées, tout comme les femmes pauvres du « reste du monde », nous en montrent de nos jours), de petits chefs encartent gaillardement en se drapant de rengaines qui ont pourtant montré leurs limites. Comme le nivellement de TOUTES les luttes à la question économique, pourtant … capitale !

P.-S.

Car comme le déplorait Louise Michel « Le pouvoir corrompt toujours ... même nos amis de la Commune, si honnêtes qu’ils ne furent énergiques que pour jeter leur vie. J’en viens à cette conviction que les honnêtes gens au pouvoir seraient aussi incapables que les malhonnêtes sont nuisibles. »

Notes

[1voir sous ce lien d’origine incontestable http://www.marxists.org/archive/marx/works/1862/letters/62_07_30a.htm pour se faire un avis sur la correspondance méprisante et manipulatrice de ces deux gars

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