Un timide sommeil d’hiver baigne encore le campus de Lyon 1 de la Doua, tout endormi encore dans sa
torpeur si propre au service public. Mais c’est un grand jour qui se lève sur l’Université ! Jour des
élections du Conseil d’Administration, marquant l’entrée dans la nouvelle ère de l’Autonomie.
Voici venu le temps des « Fondations » qui vont faire prospérer notre fier établissement dans
l’élite mondiale. Enfin les énergies sont libérées, enfin la concurrence est débridée, enfin notre
travail sera reconnu à son juste valeur dans le classement de Shangaï !!!

Au petit matin, les plus enthousiastes d’entre nous ont décidé de mettre en conformité le matériel
avec l’événement : nous avons rebaptisé nos bâtiments autrefois dénommés tristement « Mendel »,

« Charles Darwin » et autres fossiles du savoir sclérosé de l’ancien millénaire, par le nom de nos présents et futurs financeurs, dynamiques, vivants et privés…
… autant d’étendards blancs et conquérants se dressant en lettres rougeoyantes sur les ténèbres
encore fraîches, sur la nuit du passé qui s’estompe à l’aurore argentée de ce 12 février…
…tandis que « Son Excellence » s’affichait sur le bâtiment « Présidence », dénomination méritée.

Pour cette fonction aujourd’hui complète : tout autant un titre, qu’un appel, un objectif d’Unité
auquel nous nous rallions désormais comme un seul homme.
Nul doute que le « don privé » (remarquez le doux oxymore, n’écorche aujourd’hui plus l’oreille
d’aucun public) s’effectuera sans aucune contrepartie. Nul doute que nous soyons à l’aune
d’échanges équitables. Des membres extérieurs nommés, issus du « monde socioéconomique »
siègeront au CA… tout comme les chercheurs en sciences sociales, économie sociale, sciences et
techniques, etc… siègeront un jour au sein des conseils d’administration de toutes les entreprises
du pays : ils ne manqueront pas alors d’être accueillis chaudement et suivis avec un indéfectible
intérêt dans leurs recommandations et remarques pour les décisions stratégiques des sociétés
anonymes.

Soyons sérieux…

A l’université, pas de pétrole bien sûr, mais surtout plus d’idée dont on est pas sûr qu’elles ne
soient utiles et profitables à court terme pour nos champions sur le marché. Partout dans le monde
où les deniers de subsistance viennent à manquer, la soumission en l’échange de moyen de survie
guette. L’université fera-t-elle exception ?
En dehors de la marchandisation, bien d’autres aspects concernant l’évolution de l’université
seraient à souligner. On pense par exemple à la précarité, à l’évaluation associée aux primes et à la
modulation enseignement/recherche, à la bureaucratisation (ANR, AERES, PRES, la fin
programmée du CNRS, …), à la réduction de la démocratie ou à la chasse aux étudiants sans
papiers. Sous des prétextes de pragmatisme, ces évolutions sont la marque de l’ingérence de
l’idéologie dominante dans une université de moins en moins indépendante.
Pour un savoir universel à l’université, on repassera à l’ère suivante, si jamais.

Des étudiants et personnels de Lyon 1,
Soutenus par SUD Education, CNT Sup/recherche