A Lyon, depuis que le nouvel Hôtel de Police (HP) qui doit remplacer le commissariat Marius Berliet est construit, les contrôles d’identité intempestifs sont en recrudescence dans le périmètre du nouvel HP. Les jeunes sont contrôlés quotidiennement alors que les policiers les connaissent et les appellent par leur nom.
La prolifération des flics fait aussi la prolifération des soit-disant « délits ».
Samedi 26 juillet vers 21 heures, dans le 3e arrondissement, plusieurs jeunes passent l’après midi dans le parc se situant approximativement derrière le nouvel HP. Ils discutent tranquillement et viennent juste d’ouvrir une bouteille de bière. L’un d’entre eux, Abdelatif, 18 ans, est assis avec sa copine sur un banc et à proximité, un autre copain, Saïd, 18 ans aussi, est sur le banc d’à côté, à 20 mètres de là. Un verre de bière s’échange. Une voiture de police arrive à ce moment là et des policiers descendent du véhicule pour tenter d’interpeler les deux copains qui ont eu le malheur d’ouvrir une bière. A la vue du gyrophare, Saïd, qui sait qu’il peut être verbalisé pour consommation d’alcool sur la voie publique, pique un sprint et va s’assoir à l’arrêt du tram le plus proche. Abdelatif reste assis sur le banc avec sa copine.
Un policier poursuit Saïd jusqu’à l’arrêt de Tram et l’interpelle. Il lui met une baffe en guise de bonjour et lui passe les menottes derrière le dos. Ensuite il ramène le jeune homme en le trainant par les menottes, les bras le plus en l’air possible et dans la position la plus douloureuse pour celui-ci. Une fois arrivé devant ses collègues et le fourgon de police, le fonctionnaire de police empoigne Saïd et le projette violemment sur le sol du fourgon de police.
Ayant vu la scène, Abdelatif s’avance, sans se précipiter, vers le fourgon et les cinq flics pour demander à son pote s’il veut qu’il prévienne un avocat ou sa famille. Il n’a pas le temps de dire un mot qu’il est violemment mis à terre d’un coup de balayette qu’un flic lui met. Il est ensuite relevé et projeté à son tour dans le camion des flics, sur son copain encore au sol.
Pendant tout le trajet jusqu’au commissariat Marius Berliet, les deux jeunes hommes sont cloués au sol par les policiers et roués de coups de
pieds et de coups de poings. Saïd a pu faire constater plusieurs traumatismes par le médecin de garde à vue : contusion à l’épaule gauche, contusion au front et des hématomes sur le corps. Abdelatif a été aussi observé par le même médecin qui a diagnostiqué plusieurs traumatismes, au coude, au bras, au dos, une lèvre inférieure déchirée, l’os du nez déplacé ou cassé, diverses ecchymoses et dermabrasions.
Le samedi soir, à l’entente des témoignages des policiers, le procureur décide de déferrer les deux jeunes hommes en comparution immédiate le lundi qui suit, c’est à dire le 28 juillet. Ceux ci restent en garde à vue le reste du week-end sans que leurs parents soient informés de ce qui s’est passé, ni où ils se trouvent.
Pendant l’audience des comparutions immédiates du lundi 28 juillet, les deux jeunes gens sont dans le box des accusés avec deux avocates pour les défendre.
Les cinq flics se sont portés partie civile et sont représentés par un avocat. Dans leur procès verbaux quasi identiques (du copier coller dira une avocate de la défense) les cinq policiers se plaignent d’avoir reçus des coups de tête, des coups de poings, d’avoir été menacé de mort et essuyé des insultes (bouhouhou...).
Selon la version policière, Saïd, menotté les mains dans le dos, aurait réussi à donner plusieurs coups de pieds à différents flics et aurait ensuite tenté de fuir alors qu’Abdelatif aurait tenté d’extraire son pote du véhicule de police avant de mettre un coup de tête à un flic...tout ça sans ITT [1] bien sûr pour aucun des flics et surtout sans aucune prise sur la réalité.
Les 5 procès verbaux des policiers présents lors des interpellations accusent les 2 jeunes hommes pour le triptique désormais habituel outrage / rébellion / violences avec un petit « plus », cette fois-ci, puisqu’ils ont rajouté « menaces de mort ». C’est leur couverture habituelle devant la justice lorsqu’ils passent à tabac des gens. Ils ont aussi l’habitude de pleurnicher plus pour gagner plus et c’est le cas à nouveau puisque leur avocat réclame pour chacun d’entre eux 500 euros de dommages et intérêts, plus le règlement, par les prévenus, de leurs frais d’avocats.
« Franchement, ils ont fait une bonne histoire qui tient la route... » dit Abdelatif au juge lorsqu’il l’interroge. Il rajoute « il suffit de regarder les bandes des caméras de vidéo surveillance du tram ou de la station de veloV ou d’écouter les témoins, c’est n’importe quoi, ca s’est pas passé comme ça ». Les deux jeunes hommes nient les faits pour lesquels ils sont accusés sauf les insultes (outrages) qu’ils reconnaissent avoir dit après qu’ils aient été passé à tabac. Concernant le visionnage des vidéos ou l’entente des témoins, la justice expéditive qu’est la procédure de comparution immédiate ne permet pas de faire ce genre de requête, étant donné que les avocats n’ont le dossier de leur client entre les mains en général qu’une à deux heures avant de le plaider.
Lors de la plaidoirie de la défense, une des avocates précise que « parmi la liste des policiers qui demandent des dommages et intérêts, les noms de certains policiers reviennent très fréquemment »... un vrai scandale (pour illustration voir ici, ou là et encore là).
Dans leur plaidoirie, les avocates démontrent sans difficulté que cette histoire a été montée de toute pièce par les policiers : coups impossibles à porter par les prévenus, absence d’ITT chez les policiers, copier/coller dans les procès verbaux des 5 policiers, pas d’enregistrement du témoignage de la copine d’Abdelatif qui était pourtant présente lors de l’interpellation, certificats médicaux éloquents pour Saïd pour une consultation en garde à vue, pas de requête effectuée par le parquet pour visionner les bandes de vidéo surveillance alors que les faits se sont passés le week end et donc que les caméras fonctionnaient. Les avocates demandent la relaxe ou une peine complètement assortie du sursis pour leurs clients.
La procureure a du dormir pendant l’audience ou présente des déficits auditifs rédhibitoires puisqu’après avoir écouté les deux prévenus s’exprimer, elle demande la peine plancher pour les deux jeunes majeurs qui viennent tout juste d’avoir 18 ans, c’est à dire un an de prison pour tous les deux, avec 6 mois de sursis.
Le Tribunal condamne finalement Saïd et Abdelatif à la peine plancher, c’est à dire 1 an de prison avec 9 mois de sursis et « 2 ans de sursis mise à l’épreuve avec obligation de travailler et d’indemniser » les flics « et exécution provisoire », sans mandat de dépôt. C’est à dire que les deux jeunes hommes ne partent pas en prison au sortir du tribunal mais devront voir avec le juge d’application des peines les modalités d’application de leur peine de 3 mois de prison ferme (régime de semi liberté, jours amende, TIG, etc.).
Avec cette affaire les cinq flics ont gagné 200 euros chacun, plus le remboursement de leurs frais d’avocat (100 euros chacun, pour un seul avocat).
C’est vraiment cher payé pour deux jeunes de 18 ans qui se font massacrer par la police en toute impunité. Ils ne porteront pas plainte, ayant soit l’expérience d’un copain qui s’est vu rire au nez lorsqu’il a voulu déposer plainte pour violences policières dans un commissariat de police, soit le sentiment d’impuissance face à une police qui, devant un Tribunal, est toute puissante avec ses agents assermentés.
Après une histoire pareille les flics s’étonneront de se faire caillasser quand ils passeront en voiture dans les quartiers ou de se faire incendier le commissariat...alors qu’il n’y a pas de cendres sans feu.
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