Entretien avec Radio AXONE et l’assoc KEEP-SMILING

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Oyez, oyez notre invitation à gesticuler comme des burinEs en vous massacrant les tympans... Prise de contact avec la scène Hard Tekno sous la conduite de Juhlee et Jean-gab, deux haktivistEs lyonnaisEs aux contrôles de l’émission de radio AXONE et de l’assoc KEEP-SMILING :

Pouvez-vous rappeler l’historique de la scène tekno française ?

En France, la techno house apparaît d’abord dans quelques clubs parisiens dans lesquels les stars actuelles comme Laurent Garnier débutent. Puis, à leur tour, les raves voient le jour au début des années 1990, dans toute la France. Hangars désaffectés, champs, bois, tous les lieux inédits sont bons à investir l’espace d’une nuit. Quelques soirées officielles voient aussi le jour dans des salles de concert de grandes villes, mais très vite, l’ensemble du milieu techno est accusé d’être un vaste lieu de consommation de drogues. Les clubs qui voient une partie de leur public s’enfuir de leur boîte à vendre de la musique commerciale s’affolent et alertent aussi les autorités et les parents au sujet de ces soirées ; notamment à Lyon en février 1996 où l’ADLR (Association des discothèques de Lyon et de la région) a réussi à faire annuler une soirée pourtant officielle, sous prétexte que « ces soirées engendrent systématiquement un immense trafic de stupéfiants ».

En 1995, paraît la première circulaire signée du Ministère de l’Intérieur, demandant aux préfets d’interdire les soirées. Déjà bien divisé selon les différents styles de musique (house, techno, trance, hardcore...), le mouvement se divise maintenant entre les soirées officielles, les soirées associatives plus ou moins organisées et les frees parties.

En 1998, une deuxième circulaire est éditée par les ministères de la Défense, de l’Intérieur, et de la Culture. Il y est tout simplement demandé aux préfets d’interdire les frees parties et d’aider les organisateurs qui « souhaitent se responsabiliser ». Mais aucune aide n’est apportée aux « petits » organisateurs qui déclarent leurs soirées, bien au contraire : elles sont systématiquement et facilement interdites par les autorités qui détiennent toutes les informations sur la date, le lieu... De plus en plus de soirées associatives sont annulées alors que les frees parties se développent sur tout le territoire. De leur côté, les boîtes de nuit qui rejetaient jusque-là ce
mouvement, commencent à s’intéresser à ce marché juteux et prometteur qui touche de plus en plus de monde.

En 2001, profitant de la LSQ (Loi sur la sécurité quotidienne), Mariani (RPR), soutenu par Vaillant (PS), fait voter par le gouvernement pourtant de gauche, un article concernant les « rassemblements festifs à caractère musical », dans le but d’officialiser les nombreuses saisies de matériel de sono qui ont déjà été faites par les autorités, dans les frees parties. Les organisateurs doivent obligatoirement déclarer leurs soirées et respecter de
nombreuses conditions impossibles à réunir pour des amateurs qui ne font pas payer leurs soirées.

Depuis, les grandes frees parties regroupant de 1 000 à 3 000 personnes ont disparu. Quelques discothèques ont accueilli les portes grandes ouvertes ce public interdit de soirées dans les champs. Mais pour les mêmes raisons qui les avaient fait fuir dix ans auparavant, le public des frees parties les a désertées, pour investir à nouveau des lieux inédits, dans des frees très discrètes, de moins de 300 personnes. Certains sounds systems importants du milieu frees organisent annuellement en collaboration avec l’état, un Free Open Festival, dont l’ancêtre est le teknival (rassemblements de plusieurs sounds systems de frees sur plusieurs jours et regroupant jusqu’à 20 000 personnes).

Quelques mots sur le Tuning Teknival et les Manifestives .

Axone a rejoint d’autres radios associatives underground et militantes pour un événement national organisé par le site Internet Kanyar et des sounds systems du sud. Ce « Tuning teKnival » n’avait rien à voir avec les rassemblements d’amateurs de voitures trafiquées et décorées type sapin de noël. Le but de cet événement, festif et contestataire (contre les lois sécuritaires, contre la répression envers le milieu tekno), est de diffuser une programmation tekno en simultané par un maximum de radios françaises. L’objectif était de permettre aux auditeurs d’écouter du bon son, de se regrouper pour faire la fête et d’éviter des saisies de matériel de sono, la police va t-elle confisquer un autoradio ou un poste à pile ? Pour montrer aux politiques qu’ils ne détruiront pas les frees parties et qu’on trouvera toujours une alternative pour préserver le mouvement tekno (Infos).

Il nous semble bien que les street party (ou manifestives), manifestations accompagnées principalement de chars de musique tekno (mais à ne confondre avec la Love Parade... !), sont apparues lors de la répression des frees parties en 2001 : le concept est en tout cas, d’allier manifestation et revendication avec musique et fête. Ce concept est utilisé depuis dans la plupart des manifestations contre l’état répressif et les lois liberticides et sécuritaires (LSQ, LSI...), la société de CON-sommation (journée sans achats) mêlant artistes, jongleurs, teufeurs, échassiers, intermittents, chômeurs, étudiants, salariés, militants, non militants... La manifestive se veut d’être une appropriation de la rue où chacun et chacune est acteur, une fête de rue revendicatrice et militante. On regrette cependant qu’une bonne partie des teufeurs présents lors de ces manifestives ne soit pas toujours au courant de l’objet de la manifestation et que certains ne viennent que pour le son...

Qu’en est-il de l’émission de radio AXONE ?

A la base, depuis sa création en 2000, l’émission était partagée en deux parties : une première partie dub électro (animée la première année par Pit) et une seconde hardtek/hardcore (animée par Juhlee). Aujourd’hui, on anime tous les deux (Juhlee et Jean-Gab), les deux parties de l’émission.

En ce qui concerne la deuxième partie, le but est de permettre aux auditeurs d’écouter du son qu’ils ont l’habitude d’entendre en frees parties, vu qu’elles deviennent plus rares à cause des nouvelles lois (LSQ, LSI). On fait aussi passer des infos pour les soirées (légales car pour les free parties on reste sur le bouche a oreille pour éviter les saisies et les annulations), et des infos sur les manifs et différents événements... on utilise notre site Internet comme support pour les infos soirées et manifs, et pour les photos qu’on a pu prendre à droite et à gauche.
L’émission est engagée et militante, mais pas seulement en faveur du milieu tekno, dans l’esprit de Radio Canut ! On essaye
souvent de faire un lien entre la politique libertaire et le mouvement tekno (plus précisément celui des frees parties) car les deux prônent l’égalité, la liberté avec des idées d’anticapitalisme, d’autogestion...

On donne aussi notre avis sur certains événements. Concernant les Nuits Sonores à Lyon par exemple, on ne se gêne pas pour dire que les établissements de la nuit s’en sont mis plein les poches alors qu’ils étaient les premiers à l’époque, à encourager les autorités pour que les raves et frees parties soient interdites. Autre critique possible de ces fameuses Nuits Sonores : la scène free n’était absolument pas représentée alors qu’elle est une part importante du milieu tekno, et les artistes locaux en général n’étaient que très très peu présents derrière les platines... Enfin, la loi impose maintenant que les organisateurs tekno mettent à disposition de leur public, des outils de prévention de l’usage de drogues, des problèmes auditifs et des maladies
sexuellement transmissibles. La mairie de Lyon commence aussi à l’imposer pour certains concerts de la fête de la musique par exemple... Mais pour les Nuits Sonores par contre, il y a visiblement eu des passe-droits. Aucune action de prévention pour un festival de 4 jours, pourtant largement soutenu par la ville de Lyon et bien d’autres : politique de
l’autruche ou manque de moyens financiers ? ou peut-être encore par peur d’avouer dans les médias partenaires de l’événement que des jeunes ont consommé de l’alcool et des drogues illicites dans des soirées légales ?

Comment pensez-vous que la scène tekno va évoluer ?

La scène tekno s’est énormément développée à cause de sa forte médiatisation et donc par effet de mode. Depuis quelques temps, les médias n’ayant plus rien à dire sur le milieu, sont passés à autre chose et certains soi-disant teufeurs aussi. Les préjugés et le vilain portrait du mouvement vont peut-être enfin pouvoir disparaître... On a le droit de rêver (ou de « raver » si on devait adopter le style « presse grand public »)... Certains anciens sounds systems sont toujours présents malgré ces années de répression. De nouveaux sound6tm pleins de talents sont arrivés aussi ces dernières années. On voit l’avenir du milieu dans les petites teufs de moins de 300 personnes avec quelques gros évenements « encadrés » mais moins importants et médiatisés que les
sarkovals (hérités des Teknivals et de Sarkozy).
Il reste encore sinon la possibilité de poser librement du son sans contrainte dans certains pays, notamment dans les pays de l’Est et l’Italie pour l’instant.
Le milieu tekno a encore de beaux jours devant lui. Enfin, on l’espère....

Votre play-list des formations/sounds du moment et les assoc et autres collectifs que vous appréciez :

69 DB - Lady Die Mix (74 min),
DJ TAL - Mix At Rennes 2002 (72 min)
MSF - Gravos Polemic 663 (69 min)
_Alien Dutch - 23e bordel (77 min)
Les 3points & co (69 min)
M.A.T.T. Fraktal - The Exorcism - STORMCORE 03 (59 min)
Cess’ - Neutral Korp - tekos 2002 (58 min)
_Les boucles étranges - Krakovia (62 min)

Les gens qu’on apprécie :

- Hacktivist : Non à Big Brother, No pasaran, Indymedia, A-Infos, Fédération anarchiste, Fédération Informatique et Libertés, Samizdat, Collectif ras l’front, Odebi, Ekonosystem, Réseau voltaire...
- Associations de prévention dans les teufs : Keep Smiling (Lyon), Le Tipi, Technoplus...
- Collectifs, artistes, sounds systems et autres acteurs tekno... : Cirkus alien, Lego, Metek, M2R, Collectif des sounds systems français, 3boom, kanyar, Okupe, oko system, Strahov system, acid anonymous, suburbass, fky, Empatysm, Skwatt6tm, Spiral tribe / Network23, Les boucles étranges, Banditos, Desert storm, Teknomobilsquad, Heretik, TTC, Cinkope, Eko6tm, dj Tal (Jeff), Maniaks, Mem pamal, Mental resistance, Polemiks, Alternative system, Izif, R-zac, Triphase, Ufo, Utf, Orbital Space... et plein d’autres encore...

  • Pour plus d’infos sur Axone - axone at no-log.org
  • Pour écouter Axone : tous les vendredis soirs de 20 h à 21 h sur Radio Canut, 102.2 Fm.

propos recueillis par Richie.

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