Le temps viendra où notre silence sera plus puissant que les voix que vous étranglez aujourd’hui !

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zbeul hiver 2018/2019 | Gilets Jaunes

Ce texte a été écrit suite au jugement des 4 gilets jaunes (Maria, Tom, Dylan et Stephane) de Valence. Les peines sont allées de 12 mois à 3 mois de prison ferme, 6 mois de sursis pour les 4 ainsi que trois ans d’interdiction de manifester. Trois d’entre eux ont fait appel.

Comment mettre des mots sur ces sentiments d’impuissance et d’injustice ? Comment rendre visible l’ensorcellement qui nous fait rester si sage lorsque tout se dégrade ? Où trouver collectivement la force et la puissance de résister face à l’enfermement, la machine judiciaire, la violence policière ou celle des institutions ?

C’est un profond désarroi, une boule d’impuissance, une infinie tristesse qui m’ont parcouru à la sortie du tribunal. Dans ma tête résonnaient les mots du juge « prison ferme, bouffeurs de flics, trophée, interdiction de manifester………... ». Je regardais le visage de ces ami.es et inconnu.es, je sentais le désespoir parcourir la petite foule, je voyais peindre la détresse sur le visage de ceux qui m’entouraient. Nous étions envoûté.es et nous ne nous en rendions pas compte.
L’envoûtement provoque une certaine forme de léthargie, elle nous ôte la possibilité d’avoir prise sur ce qui se déroule devant nous. C’est comme si on nous fait fixer un point précis, obéir à des injonctions précises et qu’hypnotisé.es nous ne voyions plus la multitude de possibilités qui s’offrent à nous pour reprendre en main la situation. Ce soir là, après le délibéré du tribunal, ils nous ont ôté notre puissance de nous tenir ensemble.
Nous étions envoûté.es par l’idée que la justice puisse rendre justice.
Envoûté.es par sa soi-disant neutralité.
Envoûté.es par l’espoir, qu’à respecter les règles de cette justice nos ami.es ne retourneraient pas en prison.
Pourtant je me dis qu’il aurait suffit d’un cri, d’un cri bestial venant du tréfonds des tripes, pour que se casse en mille morceaux l’ensorcellement.
Un simple cri venant du cœur, face à l’injustice. Un cri lorsque les peines d’enfermements sont prononcées contre nos ami.es. Un cri pour que nous trouvions la force de nous lever et hurler ensemble. Un cri pour que nos yeux se croisent et découvrent dans ceux des autres cette détermination capable de renverser des mondes.

« Si nous vivons, nous vivons pour marcher sur la tête des rois ! ».
Puis un grand silence et notre volte face collectif face à cette justice qui se passe dans un palais (!). Un grand silence afin que nous ressentions dans nos cœurs cette dignité humaine enfin retrouvée. Cette dignité qui peut se passer de leurs justices, de leurs polices, de leurs institutions pour tout recréer sur les ruines du monde marchand et bourgeois.

« Nous n’avons pas peur des ruines. Nous sommes capables de bâtir aussi. C’est nous qui avons construit les palais et les villes d’Espagne, d’Amérique et de partout. Nous, les travailleurs, nous pouvons bâtir des villes pour les remplacer. Et nous les construirons bien mieux ; aussi nous n’avons pas peur des ruines. Nous allons recevoir le monde en héritage. La bourgeoisie peut bien faire sauter et démolir son monde à elle avant de quitter la scène de l’Histoire. Nous portons un monde nouveau dans nos cœurs. » Buenaventura Durruti 1936

Il est édifiant de rentrer dans un tribunal un jour de procès. Il est édifiant d’assister à une journée de comparution immédiate. Il est édifiant de prendre le temps de regarder les costumes, le décor, les nombreux vigiles et policiers armés.
Tout de suite on sent que ce monde n’est pas le notre. Qu’il n’a pas été fait pour s’y sentir à l’aise. On entre pas dans un palais de justice sans laisser une partie de nous en dehors du tribunal. Qu’aucune des règles qui régit ce genre de lieu ne serait valide tacitement en dehors. Que les multiples fouilles à l’entrée ne sont qu’une manière d’inscrire dans nos corps notre propre nudité face à la machine judiciaire, que les flics armés à l’intérieur du palais de justice ne nous font sentir que plus nu.e, que le langage du juge, du procureur, des avocats sont un langage de privilégiés entre personnes qui s’entendent et ont une éducation commune face à celles et ceux qui ne possèdent pas ces codes. Que les sourires tacites et les blagues entre ces différents protagonistes, tout du long du procès, nous donnent à voir une connivence et une liberté que nous ne pouvons pas partager entre nous. Que l’injonction paternaliste au silence et à la retenue ne semble être donnée que pour les personnes lambda du public de la pièce de théâtre qui se joue devant nous. Tandis qu’eux peuvent se permettre de blaguer, d’éructer, de couper, casser, insulter les prévenu.es, et le public, pendant que les flics discutent entre eux, se racontant eux aussi des petites histoires drôles. Ici, l’humanité, le sensible, n’ont pas leurs places. Ici on ne fait que respecter l’État de droit (parole de procureur...).

Depuis le début du mouvement des gilets jaunes je repense souvent à cette phrase de Jérome Bashet « Mais qu’est-ce donc que ce « peuple » qui, d’un coup, se réveille et se met à exister ? Rarement comme aujourd’hui le mot aura paru aussi juste ». Effectivement je crois bien que c’est le peuple qui est dans la rue. Pas un peuple mais le peuple. Et dans cette idée de peuple je vois ressurgir cette idée de classe sociale qui semblait bonne à être jetée à la poubelle tant la classe moyenne semblait dominante. Macron, en traitant tout.es celles et ceux d’en bas « d’illettrés », « de gens qui ne sont rien », « de gaulois réfractaires » jusqu’à son fameux « qu’ils viennent me chercher » est venu brusquer la scission nécessaire entre ces classes dominantes et ces classes dominées. Ces dernières ont cru aux rêves d’élévation sociale et se retrouvent finalement les dindons de la farce, devant même payer pour la crise écologique alors que les 100 plus grandes entreprises mondiales sont responsables de 70 % de rejet du CO2 mondiale [1]. Qu’un yacht de tourisme consomme l’équivalent d’en moyenne 100000 voitures(2). Que le gouvernement a supprimé l’ISF. Qu’il fait la traque aux pauvres plutôt que de s’attaquer à la fraude fiscale. De là, naît une révolte qui ne semble ne pas vouloir s’arrêter. A certains moments de l’histoire l’augmentation du prix de la farine, ou du sel mirent le feu aux poudres et furent une des raisons de grandes flambées révolutionnaires, la taxe sur le diesel n’est que l’élément déclencheur d’une colère généralisée qui tente à certains endroits de remettre en question la démocratie participative, la représentation électorale, les inégalités de richesse, la justice de classe, la violence policière.

La suite à lire sur : http://www.ricochets.cc/Le-temps-viendra-ou-notre-silence-sera-plus-puissant-que-les-voi

P.-S.

Un festival de soutient a lieu ce week-end à Saillans (Drome), plus d’info ici : http://www.apartcatoutvabien.org/
Une caisse de soutient aux 4 inculpé.es se trouve ici : Lien

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