« Murs blancs = Peuple muet », retour sur la manifestation du 10 novembre 2001

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Le samedi 10 novembre 2001 : une Manif pour l’affichage libre s’oppose au « plan propreté » de Gérard Collomb et fut durement réprimée par les CRS ! Retour sur cet épisode qui marqua un des éléments de la boboïsation de Lyon et de ses rues.

Dans le courant de l’année 2001 un « plan propreté » a été mis en place par la mairie de Lyon gauche plurielle (avec Gérard Collomb) qui consiste notamment en une « tolérance zéro » vis à vis de l’affichage dit « sauvage » (passible d’amende jusqu’à 25 000 francs, soit 3 800 euros aujourd’hui), sous couvert de lutte contre la saleté. En fait, pour eux/elles, affiches et merdes de chien/ne/s sont donc à considérer sur le même plan...

Pour réagir à ce plan qui va totalement à l’encontre de la liberté d’expression au sein même de la ville célèbre pour les « révoltes des canuts », qui va totalement à l’encontre de la communication pour les associations de quartier et veut brimer tout le mouvement associatif, culturel ou politique de la cité des gones et des fenottes, l’idée d’une manifestation non déclarée a germé où chacun, chacune apporterait le plus possible d’affiches anciennes à coller sur les murs des Pentes entre Terreaux et Croix-rousse. Le rendez-vous donc est pris pour le samedi 10 novembre 2001.

Ce samedi après-midi, cette manifestation de 100 à 150 personnes se passe d’abord dans une ambiance très bon-enfant, d’ailleurs il y en a qui sont venus en familles, où l’on se met aussi à chanter quelques chants révolutionnaires. Bien sûr elle n’allait pas très vite, cette manif, à grimper la Côte Saint-Sébastien tout en prenant le temps de coller sur chaque bout de mur libre le maximum d’affiches récupérées.

Et puis soudain l’air devient très tendu, arrivé presque au carrefour de la rue des tables claudiennes et de la Grand’Côte, tout le groupe bien affairé à coller des affiches a été chargé brutalement par les CRS. Du coup tout le monde se met à débarouler la Grand’Côte à toute vitesse, quand certains et certaines dévaleront les pentes par le jardin des plantes. Arrivé en bas sur la place des Terreaux, on se met à compter ses ouailles et on essaye de supputer qui a bien pu se faire arrêter.

Il y a eu 4 interpellés lors de cette « manif-collage » du samedi 10 novembre 2001, dont l’un a été blessé par la « charge » des flics (et évidemment c’est lui qui est accusé de « violence aggravée », « outrages et rébellion » et etc...vis à vis des CRS). Il passe en procès en mars 2002, en même temps que 2 sans-papiers interpellés tout aussi violemment lors d’un rassemblement pour leur régularisation. Notre merdelyon aime décidément la matraque et les menottes...il est vrai que les roses sans épines se font rares cet an-ci !

Précisions sur notre maire : il me semble qu’il serait une erreur de le sous-estimer et de le traiter de guignol ou d’imbécile réactionnaire. Réactionnaire, certes il l’est, et ses propos en attestent : déclarer dans Le Progrès que Lyon ne peut donner satisfaction aux revendications de droit au logement des demandeurs/euses d’asile en lutte car sinon cela créera un appel d’air et « 4 millions de demandeurs d’asile afflueront à Lyon », en est une preuve flagrante.

Vouloir une ville « propre », nettoyée de toute impureté murale, renvoie presque à une conception de la « propreté » et de la « pureté » que je ne nommerai pas... Mais imbécile, que non ! Gérard Collomb sait très bien sur quel terrain il joue. Ainsi, le terrain « expérimental » de l’opération « ville propre » n’a pas été choisi au hasard : le 1er et le 7e arrondissement sont ceux où le tissu militant et associatif subsiste encore, et utilise les espaces muraux comme il le peut pour faire circuler ses idées et/ou informations. Une fois cette zone clef « purifiée » de ses « salissures », le reste ne sera que pure formalité. De plus, il n’a pas déclenché cette opération à n’importe quel moment : l’évolution sociologique de ces quartiers est suffisamment prononcée, suite aux rénovations et autres réformes, pour que nous n’y ayons plus qu’une base sociale restreinte. La base sociale majoritaire étant maintenant certaines couches moyennes dont les voix lui sont acquises. Quant à la majorité des silencieux/euses...

Pour montrer la dureté de notre tâche : le 10 novembre, certain/e/s habitant/e/s nous ont balancé des oeufs et de la flotte du haut de leurs fenêtres. Et ce seraient des habitant/e/s qui auraient décollé certaines de nos affiches après notre passage. Il est vrai que d’autres personnes, plus rares, nous ont manifesté leur soutien. Mais globalement, il semble que la réaction dominante soit celle de l’adhésion aux thèses municipales : « les affiches sur les murs, c’est sale ». C’est en tout cas ce à quoi nous sommes confronté/e/s lors des diff’ de tracts et autres occasions de discussion avec les habitant/e/s.

Quelques jours après, le samedi 1er décembre avait lieu une autre manif pour protester contre le plan « ville propre » à Lyon. Cette manifestation, dûment déclarée en préfecture, et durant laquelle nous n’avons pas collé nos affiches sur les murs mais les avons porté sur nous (homme/femme sandwich et d’autres systèmes d’affichages mobiles), puis nous les avons déposé devant l’hôtel de ville, s’est bien passée, malgré la tension provoquée par la présence sur les côtés de flics en civil trentenaires en jean-basket-capuche. Cette tension a pu être déjouée par le fait que nous étions, contrairement à la dernière fois, organisé/e/s pour faire face (service d’ordre par ex - mixte et non monopole de « gros bras », je précise). Elle a regroupé jusqu’à 200 personnes, selon plusieurs estimations de manifestant/e/s (je fais une moyenne).

Jamais affiches n’ont été regardées avec autant de curiosité ! En effet, sur les escaliers de l’hôtel de ville, beaucoup de passant/e/s ont fait l’effort de monter les marches et restaient un bon moment pour tout lire, même bien après la fin de la manif ! Une action positive, donc.

Si nous voulons conserver l’espoir de pouvoir continuer à coller nos affiches dans cette ville, il nous faudra discuter âprement et finement avec les habitant/e/s, en évitant de nous limiter à la répétition de slogans qui ne sont évidents que pour des déjà convaincu/e/s, et en écoutant réellement leurs arguments et en y répondant de notre mieux. C’est à mon sens la seule façon d’espérer pouvoir couper court aux velléités « purificatrices » de notre maire. En tant qu’habitante du périmètre expérimental, je peux dire que les discussions sur ce sujet, ainsi que tous ceux liés au « sécuritaire » (vidéo surveillance...) sont très difficiles avec le voisinage. En effet, les problèmes, au moins dans mon quartier, sont réels : jeunes fêtard/e/s étudiant/e/s qui viennent terminer leurs nuits sous nos fenêtres en cuvant leur alcool bruyamment et sans gêne jusqu’à 5 h du matin, ne pensant nullement au sommeil de ceux/celles qui travaillent le lendemain, propriétaires de chien/ne/s qui regardent béatement ceux/celles-ci déféquer au milieu du trottoir et deviennent agressif/ives à la moindre remarque, etc. Le maire surfe donc sur une vague de mécontentement qu’il exploite aisément, via une propagande sécuritaire bien ficelée et qui amalgame tout et n’importe quoi. A nous de prouver à tout/e un/e chacun/e que ses solutions n’en sont pas ! A nous aussi de trouver et proposer des solutions plus...libertaires.

P.-S.

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Le logo ci-contre « Murs blancs Peuple muet » créé par le Collectif Lyonnais Affichage Libre quelques jours après la manifestation du 10 novembre 2001 est imprimé depuis sur bon nombre d’affiches, pour marquer l’opposition aux volontés municipales de brimer l’expression des Lyonnais et des Lyonnaises. Ce logo veut dire : « Pour la vie-même de la cité continuons, quel que soit les arrêtés de Collomb, de coller des affiches sur les murs de la ville » . Maintenant, on voit ce logo sur des affiches de plein de régions... [1]

Notes

[1L’expression « Murs blancs Peuple muet » est de Jean Cocteau

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  • Le 10 novembre 2014 à 18:51, par zora la rousse

    J’étais aux deux manifs.

    Quand je lis : « Et puis soudain l’air devient très tendu, arrivé presque au carrefour de la rue des tables claudiennes et de la Grand’Côte, tout le groupe bien affairé à coller des affiches a été chargé brutalement par les CRS. »

    Brutalement me semble peu approprié, même si à l’époque on l’a vécu comme ça : aujourd’hui, « chargés brutalement », ça veut dire autre chose qu’en 2001.

    Voici comment ça c’est passé avec la police pour cette manif : sur la place croix paquet au départ de la manif, quelqu’un a été négocier avec la police pour voir ce qu’ils feraient. On est assuré/e/s qu’ils n’interviendront pas (parole de flic : toujours se méfier, comme la suite le montre ici ;-) ).

    Après un temps pas très long de collage, on entend des « clong ! clong ! clong ! » rythmés à l’arrière : ce sont des CRS qui frappent, en cadence, l’arrière de notre camionnette sono de leurs matraques. Des gens commencent à courir, venant de l’arrière.
    C’est la première (et à ce jour, unique) charge de CRS dans laquelle je me trouve prise.
    Ca n’est pas du tout l’assaut sauvage et très violent que je m’imaginais (en fait je m’imaginais les CRS un peu comme mon pater familias : des êtres surpuissants qui foncent et frappent sauvagement sans limite et furieusement).
    Au contraire, je réalise assez vite que c’est très tactique, pas du tout colérique : je fais aux autres autour : « ne courez pas tant qu’ils ne font que taper sur la camionnette : c’est leur but, qu’on courre en pagaille ».
    L’aspect très structuré de la violence d’Etat me rassure : contrairement à la violence du pater familias, ici, on a le temps de réfléchir en face...je réfléchis à ce qui peut se passer ensuite, cependant que les « clong » continuent à l’arrière, ne me faisant ni chaud ni froid (parce que des coups sur une camionnette ne me menacent pas dans l’immédiat).

    Face à cette violence très structurée, notre déstructuration cause notre perte : arrivés à l’intersection avec la montée de la grande côte, la camionnette sono se barre, nous laissant en prise directe avec les CRS...qui chargent, ouais OK, mais gentillement...la preuve j’ai à peine eu peur.
    En vrai ce qui m’a fait peur, c’est quand j’ai vu qu’en plus de la camionnette qui se barrait, le cortège était en train de se diviser sur les solutions : monter ou descendre ?
    Certains montent, d’autres descendent.
    Les premières interpellations se font en haut. D’autres veulent accourrir pour libérer les premiers interpelés mais c’est juste un coup à se faire interpeler soi aussi, vu l’aspect clairsemé et désordonné du tout qu’on ne forme plus...
    Après que la grosse majorité ait fait elle aussi ce constat, tout le monde se tire vers le bas, avec un objectif majeur : outre échapper aux éventuels coups de matraque, dissimuler seaux, colle et affiches pour au moins ne pas être interpelé.e.s avec...

    Moi je bifurque, en emmenant des gens du cortège chez moi rue leynaud, et la charge se termine donc là pour nous.
    Pour les autres, elle continuera jusqu’aux terreaux !

    Mais il s’agissait d’une charge face à une volée de moineaux. Pas d’une charge face à une chaîne solide constituée.
    Il n’y avait pas encore, non plus, de flash ball. Aucune lacrymo n’a en outre été lâchée, si je me souviens bien (en tout cas jusque rue leynaud c’est sûr y’a rien eu).

    Pour la deuxième manif, on a en effet tiré le bilan de notre désorganisation, donc on s’est organisé.e.s : on a fait un « service d’ordre » (avec des guillemets parce que c’était plus compliqué qu’un service d’ordre). Son rôle était de quadriller le cortège et les alentours pour que la police sente bien que cette fois ci, on n’était plus une volée de moineaux.

    Le cortège de la deuxième manif a non pas été « entouré » mais « infiltré », au début, d’un certain nombre de mecs plutôt crânes rasés, la trentaine, en jeans, avec un gabarit plutôt physiquement entretenu...bref, des flics en civil infiltrés dans le cortège.
    Mais comme chaque membre du « service d’ordre » les a marqués comme au rugby, ils ont senti qu’on était organisés, et ils n’ont pu que rester comme des cons à marcher avec nous un certain temps...sans rien pouvoir faire d’autre.
    Ils croyaient quoi, qu’on allait se laisser faire une deuxième fois ?

    Tout ça restait néanmoins très peu violent à comparer de ce que signifie « charge brutale » aujourd’hui...et entre les caméras et les surfaces anti-affiches, on se ferme un peu trop notre gueule aujourd’hui, nous, le peuple.

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