Nuit Debout, où vas-tu ? A propos du débat sur la présence d’Egalité et Réconciliation aux agoras lyonnaises

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Vendredi soir, plusieurs militants de l’organisation « égalité et réconciliation » sont passés une vingtaine de minutes à « Nuit Debout Lyon ». Ils se sont présentés auprès de plusieurs personnes sur la Place Guichard comme étant d’Egalité et Réconciliation, c’est à ce titre qu’il leur a été demandé de quitter les lieux et ils sont repartis sentant que leur présence n’était pas désirée. Néanmoins, parmi les présent.e.s, leur départ ne faisait pas l’unanimité et s’en est suivi un débat de plus d’une heure et demi sur la question de leur légitimité à être présents et à parler sur cette place. Petit retour à la réalité.

Retour sur le débat :

Lors de l’agora, la grande AG de Nuit Debout, un grand nombre d’interventions de plus en plus tendues se sont enchaînées. Deux positions principales s’affrontaient : d’un côté, un certain nombre de personnes qui n’avaient pas l’air de bien savoir de qui on parlait ont expliqué tour à tour que Nuit Debout était une organisation citoyenne ouverte et qu’elle ne devait exclure personne, que si des gens s’étaient égarés politiquement on se devait d’aller vers elles, de discuter et que seule la discussion pouvait les faire évoluer.

De l’autre côté, une douzaine de personnes ont essayé d’expliquer qu’il s’agissait, non de citoyens lambda, mais de militants d’une organisation extrêmement structurée autour de leur chef Alain Soral, antisémites, fascistes, masculinistes, violents, acteurs de régulières agressions, et que de dialoguer avec eux et/ou de tolérer leur présence à Nuit Debout n’était pas une option possible.

Au final l’agora s’est dissoute en petits groupes et chacun.e.s a pu continuer à débattre.

En réaction à ces propos, il nous a paru essentiel de revenir sur cette question.

Depuis près d’une semaine que le mouvement Nuit Debout Lyon existe, l’un de ses principes majeurs, au cœur de ce processus de formation politique, est la libre expression au sein d’une agora publique. Ce principe est défendu par une majorité de participant.e.s au nom de valeurs démocratiques et citoyennistes.

Comme son grand frère le mouvement des Indignés français, Nuit Debout refuse toute affiliation politique et n’hésite pas à se définir apolitique alors même qu’il est un lieu de débats et de confrontations de positions politiques très diverses. Cette logique, qui à première vue paraît louable, peut amener à ce que n’importe qui vienne et répande ses idées.

Le problème, c’est quand ce n’importe qui cache des militant.e.s d’extrême droite avançant leurs idées de manière déguisée, sous couvert de "démocratie" (un comble pour les défenseurs d’un projet de société totalitaire) prônant la haine contre des pans entiers de la population.

Que l’on soit bien clair, Nuit Debout est et doit rester un espace ouvert à toutes personnes sincèrement motivées à s’engager contre la Loi travail, c’est un espace qui permet notamment à des personnes qui n’ont jamais milité de discuter et de se former à travers des échanges et des rencontres. Mais ce mouvement s’inscrit dans une perspective de convergence des luttes. Il est donc « de gauche », à la recherche d’un système horizontal, plus égalitaire.

Si Nuit Debout veut -et de nombreuses limites y font déjà obstacle- être un espace ouvert et s’ouvrir comme il le proclame au-delà du centre-ville, il se doit d’être un espace "sécurisé" pour les minorités opprimées (parce que racisées, parce que croyantes, parce que meufs, parce que LGBTI, parce que précaires et invisibilisées ...), qu’a-t-il à gagner à inviter des fascistes qui, quand ils ne participent pas à des agressions physiques contre les diverses minorités, vont légitimer ces oppressions et défendre des positions réactionnaires ?

Qu’une personne qui a voté une fois FN parce qu’elle s’est senti trahie par le reste du monde politique vienne à Nuit Debout, elle sera tolérée dans la mesure où elle respecte cette convergence des luttes, notamment la lutte contre les discriminations. Elle pourra alors prendre le temps de discuter, d’apprendre, de comprendre et de construire les alternatives qui lui manquent. Mais qu’un militant d’une organisation qui diffuse massivement des discours antisémites, ou prône l’agression homophobe comme sortie du dimanche, participe à nos côtés à ce mouvement, il en est hors de question !

Ce fantasme de l’alternative non politiquement située est au fond extrêmement dangereux : sans horizon politique clair, il est la porte ouverte à toutes les récupérations nauséabondes. Comme le rappelle un des fondateurs de "Nuit Debout Paris", cela permet à n’importe quel cryptofasciste de répandre ses immondices et laisse le capitalisme en prendre le contrôle.

Pour ces raisons, il est nécessaire de rappeler ce qu’est réellement ce groupuscule et qui en fait partie, à savoir des militants qui sont clairement racistes, antisémites, sexistes, LGBTIphobes, complotistes et à la solde du Front National.

Ainsi il serait temps que Nuit Debout se positionne politiquement afin d’éviter que ce mouvement puisse être récupéré par des groupes qui sont clairement les ennemis de nos luttes.


Petite revue du web pour mieux s’y retrouver

Une présentation global de ce mouvement et de son « leader » Alain Soral au sein de la fachosphère :
JPEG - 1.5 Mo

Explication du schéma sur le site de la horde.

_________________________________________________________________________________________________________________

-Un petit film sur la rhétorique marxisto-nationaliste du mouvement « Égalité et Réconciliation » animé par Alain Soral réalisé par Parano Magazine intitulé Comprendre l’Empire Islamo-Judéo-Trotskiste des Qataris anglo-américains grâce aux Évangiles et Tariq Ramadan"

- Pour une vision d’ensemble grâce a des fuites internes

- Sur Alain Soral.

- Un exemple de leur misogynie et de leur antiféminisme : « Prudence, les antifas : à force de vouloir tout féminiser, il ne vous restera plus de testostérone pour passer à tabac les dissidents. ! ».

Égalité et réconciliation a Lyon

- Quand les disciples d’Alain Soral nauséabondent à Lyon

- Le « modèle Lyonnais » des fidèles d’Alain Soral

- Une conférence d’Egalité et Réconciliation programmée dans une salle municipale du 9e arrondissement.

- Le meeting antisémite d’Alain Soral et Gilad Atzmon à Lyon n’aura pas lieu.

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  • Le 29 avril 2016 à 15:47, par

    Une bonne fois pour toute le racisme, comme le sexisme, sont des système de domination, pas des gens qui n’aime pas d’autre gens.
    Les personnes qui en sont victimes sont victimes d’un système de domination qui STRUCTURELLEMENT les places dans des positions défavorables.
    Ça ne me parait pas vraiment surprenant qu’un homme blanc est du mal à se figuré ce que veut dire être victimes d’un système de domination. Mais tu pourrait quand même faire un petit éfort pour te méttre un peu en empathie ....
    Pour ce qui est du problème d’avoir perdu du temps à discuté de ça, je suis bien d’accord. Il n’y avait en effet aucune discutions à avoir. Si on veut lutté pour l’émancipation du genre humain, on le fait avec les minorité. Et donc on le fait contre les xénophobes de tout poil. Je vois vraiment pas comment vous espérez voir des personnes issus de « minorités » se joindrent à vous apres avoir largement discuté de la possibilité de laissé parler les gens qui au quotidiens se font les relais zélé de ce système de domination et de son renforcement.

    Pour ce qu’y est de l’autorité de nuit debout, pour autant que je sache la souveraineté d’une assemblée est auto-constitué. C’est donc bien l’assemblée qui à la possibilité en tant que structure souveraine d’écarté de la parole les personnes qui ne partage pas les objectif de la dite assemblée.

  • Le 29 avril 2016 à 14:42, par jonathanh

    « La liberté d’expression ce n’est pas de donné le moyen au gens de parler. C’est de ne pas les empêcher de parler. »

    Dis moi donc QUI à nuit debout à l’autorité de donner à telle ou telle personne les moyens de parler ? Il me semble que justement le principe est celui d’une conversation où chacun peut s’exprimer.

    Quand au « victimes » des racistes, d’ailleurs je ne suis pas sûr de ce mot ce n’est pas parce qu’il existe des personnes me détestent ou me trouvent indésirable que je me sens victime, il y a des victimes de violences ou de discrimination mais il me semble que dans ce genre de débat les « victimes » dont tu parle ont largement l’espace de s’exprimer ou de se défendre.

    Je pense que ces tergiversations sont inutiles et qu’on se concentrerait plus sur le cœur du débat sans elles. Le mouvement n’est rien du tout pour l’instant, des personnes qui se regroupent et apprennent à échanger, à elles de trouver les moyens d’élargir la conversation. Pour revenir à notre sujet : à nuit debout, tout le monde est contre le racisme mais les « victimes » où sont-elles ?

  • Le 26 avril 2016 à 17:02, par

    La liberté d’expression ce n’est pas de donné le moyen au gens de parler. C’est de ne pas les empêcher de parler.
    En l’occurence empecher quelqu’un de prendre la parole à un rassemblement ça n’as rien a voir avec la liberté d’expression.
    Chomsky à pris position pour que d’autre est le droit de parler, pas pour leur donné la parole.
    C’est une distinction importante.
    En réalité la vrai question c’est de savoir si les nuit debout sont un mouvement sociale, une entité qui prétend prendre parti dans la question du pouvoir ou si c’est un organe qui prétend représenté la société française.
    Dans le premiers cas il faut faire des arbitrages, si vous écouter les racistes vous n’aurez pas leurs victimes... dans le deuxième cas il faut exiger que tout le monde parle, mais pour ça il faut attendre que tout le monde soit là, sous peine de reproduire une assemblé représentative...

  • Le 26 avril 2016 à 16:48, par jonathanh

    C’est toujours le même problème. A la fois de confiance et de liberté d’expression.

    Si l’on pense que 6 mecs aux idées tordues peuvent contaminer un groupe qui discute et débat depuis plusieurs jours, se pose le problème de la confiance dans le discernement de ce groupe.

    Pour ce qui est de la liberté d’expression, il semble que plus on contraint des personnes à ne pas s’exprimer, plus on leur donne des chances de se victimiser et d’avoir des arguments pour déstabiliser le mouvement qui les empêche de s’exprimer.

    C’est ce que Francesco Masci, dans son livre « entertainment » appelle la négativité du pouvoir, qui est un concept assez utile et intéressant. Par ailleurs, des gens comme Chomsky, au risque de se faire injustement accuser de négationnisme, on toujours défendu un liberté d’expression sans limite. C’est, à mon sens et pour en revenir à la négativité, le meilleur moyen d’éradiquer les idéologies haineuses et tout genre. En effet un négatif qui s’exprime librement perd un énorme pouvoir de séduction auprès de gens en recherche d’une mouvance souterraine qui leur donnerait mille occasions de s’illusionner sur leur condition de victimes.

    C’est pourquoi il me semble qu’il faut bien sûr veiller à la sécurité et au respect de tous, mais qu’il y a quelque chose de profondément improductif dans ce genre de débats. Par ex. Finkelkrault dans son coup bien monté, pain béni de scandale pour les médias qui n’attendaient que de mettre en évidence les contradictions du mouvement. Croyez-vous sincèrement qu’avoir laissé assister ce pauvre type à cette discussion publique aurait eu une incidence aussi néfaste ? Non il serait reparti, dans son monde, déçu de n’avoir pas fait sensation, déçu d’avoir raté son coup, pathétique... c’est pareil pour ces mes d’E et R.

  • Le 19 avril 2016 à 13:37, par Bananarchiste

    @bananonyme

    Ce que tu appelles « enfermement idéologique » j’appelle ça « prise de position ». On doute, mais pour agir sur le monde il faut à un moment accepter d’avoir des certitudes. Comme dit WshCzn le relativisme à outrance n’amène que des débats interminables sur tous les sujets, et pendant ce temps le capital se fait encore du blé sur notre dos.
    Alors perso je sais ce que je veux et pourquoi je le veux et je transigerais pas, au mieux je peux expliquer mon raisonnement mais je sais avec qui je peux m’associer pour obtenir ce que je veux et avec qui ce serait peine perdue. Et avec les soraliens c’est peine perdue, avec des royalistes ou des islamistes aussi. Mais il reste beaucoup de gens indécis qui vivent le même quotidien que moi et qui ont les mêmes intérêts que moi avec qui m’associer. j’ai pas besoin de perdre mon temps à écouter tout le monde. Qu’ils parlent, je m’en fous, mais si vous exigez de moi que j’y prête attention, c’est mort. Je sais ce que dit Soral, c’est un bouffon, j’ai pas envie de débattre avec lui ou ses partisans.

  • Le 18 avril 2016 à 18:33, par WshCzn

    Je comprends qu’à trop vouloir être intransigeant vous fassiez fuir des gens.
    La nuit debout se dit un mouvement citoyen, le citoyennisme a pour crédo les droits de l’homme et l’idéal démocratique et donc la liberté d’expression. Si vous partagez ou dites partager ce but alors vous êtes effectivement dans la contradiction en censurant certains partis (et ça c’est mathématique).
    Le problème c’est plutôt que la nuit debout soit un mouvement citoyen et pas un mouvement de classe, qu’il soit idéaliste et donc situe la lutte sur le terrain des idées qu’on peut débattre et faire évoluer et pas matérialiste où alors la lutte se situe sur le terrain de nos rapports au monde et aux autres et qu’il ne suffit pas d’en discuter pour que ça change mais bien de prendre position concrètement.

    Vous voulez contester le droit à E&R de parler, ça va être compliqué si vous ne contestez pas le citoyennisme. D’autre part, se pose aussi la question de comment E&R parviennent à se reconnaitre dans le mouvement de la nuit debout et y déceler un terreau fertile à ses idées, c’est qu’il y a effectivement une convergence sur certains points et ça il ne suffit pas de le nier dans le discours en se prétendant antifasciste pour que ce soit le cas.
    Il me semble par exemple que l’idée qu’il existerait 2 capitalismes : un petit capitalisme, « productif », « industriel », familial, proche de la terre et des salariés qui vend des produits bio et tout et un capitalisme financier, improductif, qui parasite le véritable capitalisme et créée de la valeur de nulle part... Or ce constat, Soral fait exactement le même. Donc c’est véritablement la théorie qu’il faut revoir de fond en comble : le capital n’est JAMAIS productif, qu’il soit industriel ou financier, SEUL le travail crée de la valeur. Le capital, aussi familial et doux qu’il soit, spolie TOUJOURS les travailleurs et réduit toujours les prolétaires à l’état de marchand d’eux-mêmes. Aussi le capital financier est aussi vieux que le capitalisme, l’industrie ne s’est jamais passée de comptabilité, le développement des monopoles et du capital financier est le résultat d’un processus historique logique et pas d’un choix politique.

    Bref, tant qu’on ne tombera pas d’accord là-dessus les fascistes, dont la théorie repose sur la critique unilatérale du capitalisme financier et « cosmopolite », pourront faire de l’entrisme et ils ne seront pas étrangers malheureusement.

    Le dilemme c’est citoyennisme ou classisme, faut-il mettre l’accent sur la démocratie ou sur l’anticapitalisme. Pour moi le choix est fait : je suis pour une révolution prolétarienne anticapitaliste et je ne pourrais donc jamais m’allier à un fasciste.

  • Le 18 avril 2016 à 14:06, par

    Juste une petite précision factuelle qui n’enlève rien à la pertinence du propos :

    Les 6 mecs d’E&R se sont pointés à Guichard sans s’afficher immédiatement comme appartenant à cette organisation, mais ont commencé, comme d’habitude, à se présenter comme étant « anticapitalistes » (une fausse position qu’ils tiennent dans la réalité) avec toute une rhétorique antisystème et fan d’Etienne Chouard (je mets des infos en fin de message). Au bout de 20 minutes environ de discussions avec eux, des personnes participant à Nuit Debout les ont poussé dans leurs retranchements politiques vu que ce qu’ils racontaient était très ambigu, et c’est à partir de ce moment qu’ils ont assumé être d’E&R. Du coup il leur a été demandé de se casser.

    Sur Chouard faut faire gaffe aussi il est passé récemment à Lyon, usant lui sur le registre confusionniste, sans que ça pose trop problème : https://rebellyon.info/Alerte-antifasciste-Etienne-Chouard-a-la-15922
    Un autre petit lien sur qui il est et quelle est sa stratégie politique : http://confusionnisme.info/2015/03/18/le-vrai-visage-detienne-chouard/

  • Le 18 avril 2016 à 12:23, par Gomeisa

    Le mouvement Nuit Debout ne se dit pas apolitique (parce que c’est exactement ce qui s’y passe, de la réappropriation du débat politique), mais se dit apartisan (indépendant de tout parti politique).
    Le mouvement n’invite pas de « fascistes ». Il y a des fascistes qui s’y rendent, nuance. Et quand des idées sont énoncées et qu’elles ne suscitent pas l’engouement, une mer de bras en croix se lève (comme lors de l’énonciation du besoin d’un groupe masculiniste pour contrebalancer un groupe féministe).
    Le mouvement se dit aussi inclusif, il est donc important que cet espace soit safe pour que toute personne souhaitant y participer dans le respect puisse s’y sentir en sécurité physique et affective. Il y a une vigilance aux différentes formes d’oppressions aux Nuits Debout.
    De là à penser que les gens forts de leurs idées se feraient récupérer par e&r ça me parait peu probable tant les gens qui y sont présent cessent d’écouter sagement la parole mais réapprennent le débat contradictoire. A moins de prendre les gens pour des idiots.

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