Environ 16h00, mon conjoint (23 ans) et moi (21 ans) sommes rentré·e·s de la manifestation du 05 décembre (arrêt à Jean Macé) depuis deux heures. Retourné·e·s à nos occupations, nous entendons des cris apeurés « ils sont derrière ! Ils sont derrière ! » provenant de la rue. Nous ouvrons nos fenêtres de la rue des Verriers (7e arrondissement), pensant tout d’abord à une énième attaque de groupuscule d’extrême droite. Mais un gaz de lacrymogène s’engouffre dans notre petit appartement du premier étage. Nous remarquons rapidement deux escadrons de police (environ une quinzaine par escadron) à chaque bout ; l’un au croisement de la rue des Verriers et de la rue Lortet, l’autre bouchant le croisement entre la rue des Verriers et la rue Galland. Nous voyons une cinquantaine de manifestant·e·s arriver, sans drapeau ni banderole, assez dispersé·e·s et relativement paniqué·e·s. Certain·e·s renversaient les poubelles de la rue pour ralentir l’attaque policière qui arrivait à leurs trousses de la rue Lortet. Action vaine, car le second escadron positionné rue Galland chargeait face à elles/eux (« reculez, ils sont en face ! »), se retrouvant pris·es au piège dans les gaz.
Avec mon conjoint, nous avons le réflexe d’ouvrir la porte de notre hall pour permettre aux personnes de pouvoir s’y réfugier. Un jeune homme en profite pour souffler, et un autre de quarante ans non-masqué, arrive en se tenant la tête, la main pleine de sang, sous le regard hébété des autres témoins de la scène. Mon conjoint le prend en charge dans notre appartement et appelle les pompiers, il a une plaie sur le haut du crâne qui saigne abondamment. Il explique à mon conjoint qu’au moment de l’impact (nous ne saurons pas avec quelle arme il a été blessé), il était mains en l’air, et ne représentait aucune menace. Au même moment, un autre homme est pris en charge dans le bâtiment d’en face, également blessé à la tête.
Pendant ce temps, je suis témoin d’un matraquage de manifestant·e·s au niveau du croisement. Une personne s’effondre au sol, inerte, suite à un coup de matraque. Nous accourons à son secours avec d’autres manifestant·e·s en criant d’appeler les pompiers, tandis que la police use de répression dans la rue des Verriers, sans nous porter la moindre aide. Grâce à la réactivité de toutes et tous, les pompiers arriveront rapidement pour prendre en charge cette personne ainsi que le quarantenaire.
Je retourne à mon appartement dans le but d’apporter de l’aide médicale à la personne à terre avant l’arrivée des pompiers. Sur les courts mètres pour accéder à mon hall, je croise un couple enlacé, en pleurs. Au moment de leur proposer de venir se réfugier dans notre immeuble, un policier les matraque, le couple est surpris par cette violence gratuite. Je crie ma surprise, et ce même policier me menace également avec sa matraque, me frôlant le dos, alors que je suis pieds nus et en peignoir. À ce moment je ressens beaucoup de colère, mais reprends le pas vers notre appartement. Un autre policier me barre la route, et me pousse avec son bouclier dans le sens inverse de ma marche. Je réplique que je veux simplement rentrer chez moi, lui et un de ses collègues me dit d’un ton menaçant « ouais, rentre chez toi ! ». Ahurie, je leur réponds que c’est ce que j’essaie de faire, oui.
Enfin rentrée, j’observe la scène de ma fenêtre : le gaz lacrymogène commence à se dissiper, les manifestant·e·s sont de moins en moins nombreux·ses dans notre rue, les policiers se sont déplacés dans les rues adjacentes, avec toujours autant de violence.
Il est 17h00, le calme revient, nous essuyons la marre de sang étalée dans le hall et notre appartement avec l’aide de voisines.
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