Une étrange après-midi judiciaire

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Une cinquantaine de personnes étaient venues lundi 26 mars au tribunal de Grande instance pour soutenir les 5 inculpés suite à l’autoréduction du leader price pendant le mouvent LRU 2007, après avoir posé une banderole sur laquelle était inscrit « on est tous des voleurs de carottes », ils ont assisté à une étrange après midi judiciaire !

Lire aussi :
- LRU : quatre ans après la répression frappe encore (article récapitulatif)

L’après midi commence par M. déjà incarcéré pour d’autres histoires qui est accusé aujourd’hui d’avoir cambriolé un garage dans lequel se trouvait un scooter, des skis et d’autres affaires. On aurait retrouvé une empreinte digitale appartenant à M sur « un pile ». M. nie et « ne comprends pas comment son empreinte a pu se retrouver là dedans ». Vue l’ancienneté des faits, il ne se souvient pas où il était au moment du cambriolage. Le procureur ironise sur le procès verbal des policiers qui dit que « l’empreinte du prévenu a été retrouvé sur un pile ». Il a cherché dans le dictionnaire « un pile » ça n’existe pas. On ne sait pas s’il s’agit d’une pile de quelque chose ou d’une pile électrique ou d’un autre objet non identifié. Devant la minceur du dossier, il demande la relaxe que le président confirme.

Suit un jeune, accusé lui d’une conduite sans permis en état d’ébriété et de rebellyon. Mais voilà, il nie les faits et affirme que quelqu’un a prit son identité. Il a 3 témoins : les agents de police qui ont procédé à l’arrestation et au procès verbal. Ils sont présents. Il s’agit de 2 baqueux type molosse et crane rasé et d’une baqueuse. Ils se présente en costard cravate et tailleur classe. Le président les fait sortir « pour la forme » pour que chacun d’entre eux n’entendent pas le témoignage des autres. Et tous ont la même version : l’homme à la barre n’est pas celui qu’ils ont interpelé. Relaxe.

Un jeune accusé de s’être introduit dans un lycée alors qu’il n’y est pas scolarisé et d’avoir un peu foutu le bordel dans le bahut se présente à la barre sans avocat. Il reconnaît les faits et le procureur réclame 200 euros d’amende. Le président donne la parole au prévenu qui doit donc plaider seul pour sa cause : « le procureur propose une peine de 200 euros, qu’estce que vous avez à dire pour votre défense ?
je vais les payer, c’est tout »

Un peu amusé, le président consulte ses assesseurs qui sortent de leur sommeil éveillé pour acquiescer de la tête et le président déclare « monsieur, le tribunal vous condamne à 200 euros d’amende dont 100 avec sursis. C’est à dire que vous allez devoir payer 100 euros au trésor public, même un peu moins puisque si vous payez rapidement, vous aurez une remise de 20 %, et si on ne vous revoie pas, on s’en tiendra là. »

Enfin arrive l’histoire du leader price, de nombreux articles de rebellyon relatent les faits et le procès annoncé, on ne reviendra donc pas sur le fond.

Après le rappel des faits par le président, la lecture des différents procès verbaux, le procureur pointe des témoignages (ceux des employés et du directeur de Leader Price) qui se contredisent, une instruction menée à la va vite malgré le temps écoulé. Il s’en remet au tribunal pour juger 4 des prévenus et demande une condamnation symbolique avec dispense de peine pour le 5e (On ne sait pas vraiment pourquoi cette différence de traitement). Le président annonce directement qu’il relaxera au moins les 4 et dispense un des deux avocats de la défense de plaider.

Un peu déçu Maître Sayn dit quand même quelques mots pour pointer de nouveau l’absurdité des témoignages des gens du leader price (qui ne sont pas venus au procès et qui ne se sont pas fait représenté), Maître Forray lui, rappelle les conditions arbitraires des arrestations, retrace le parcours des inculpés (40 heures de garde à vue, transfert au dépôt du tribunal, contrôle judiciaire, longue attente...) et défend habilement le seul qui risque une condamnation en rappelant son alibi.

Après 5 minutes de délibération, le président et ses assesseurs reviennent, ils annoncent une relaxe totale, présente des excuses « au nom de l’institution judiciaire » et souhaite une bonne continuation à chacun des prévenus dans leurs activités. La salle applaudit.

Une relaxe parce qu’une empreinte digitale n’est pas une preuve, une autre avec l’aide de 3 policiers de la bac, et une troisième pour 5 inculpés liés à un mouvement social. Ce sont des décisions judiciaires qu’on aimerait moins rares. Malheureusement quand on fréquente, le palais de justice, on sait que ce genre d’après midi est exceptionnelle et que l’abattage judiciaire et carcérale continue de battre son plein au quotidien.

Voir aussi :
- LRU : quatre ans après la répression frappe encore
- Intervention policière sur le campus de Bron dans la nuit du 28 au 29 novembre
- Communiqué de presse des étudiants lyonnais sur l’évacuation musclée du campus de Bron le 28 au soir
- Étudiants et personnels de l’IEP soutiennent les 13 arrêtés de Bron
- Les Roboptiques
- À ceux qui se désolidarisent d’un certain « type d’action »
- Lyon 2 : mises au point sur l’affaire du Leader Price
- L’université Lyon 2, laboratoire leader de l’industrie de la surveillance

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  • Le 29 mars 2012 à 15:53, par zoraledéchet

    « Une relaxe parce qu’une empreinte digi­tale n’est pas une preuve, une autre avec l’aide de 3 poli­ciers de la bac, et une troi­sième pour 5 inculpés liés à un mou­ve­ment social. Ce sont des déci­sions judi­ciai­res qu’on aime­rait moins rares. »

    Une relaxe parce que « un pile » personne ne sait ce que c’est.
    Une relaxe grâce au témoignage de trois policiers de la BAC montrant l’usurpation d’identité.

    Bah c’est vrai que concentré en un après midi, c’est la loi des séries et son caractère parfois exceptionnel : cet après midi là, on a eu que des choses dans ce sens là. Pourtant, pour avoir été observer les diverses chambres depuis août dernier (et pas que les comparutions immédiates, même si aussi les comparutions immédiates), cela arrive de temps en temps, le truc hallucinant genre 3 baqueux qui viennent confirmer que le coupable, ben non, c’est pas celui là.
    Donc ça c’est pas nouveau, on a juste eu un après midi où il y a eu un concentré d’affaires comme ça (idem pour le « un pile »).

    La vraie nouveauté, c’est la relaxe de 5 inculpés alors qu’il y avait des témoignages contre eux. Et franchement, ça m’est arrivé plusieurs fois de voir des gens morfler grave sur la base du même nombre de témoignages, et aussi « bien » ficelés.
    Donc la vraie nouveauté, c’est venu du Parquet qui a mis en cause la fiabilité de ces témoignages : ça, c’était étonnant. Ca, c’est peut-être un tournant, au moins pour nous. L’attitude du tribunal (le président + ses deux assesseurs) ne m’a en revanche aucunement semblée atypique par rapport à l’habitude : le président faisait partie de ces juges qui « taillent » les prévenu.e.s durant l’audience (un mélange de cynisme et de sadisme dans le propos, matiné d’un humour noir, grinçant et résigné de magistrat endurci ?), mais qui sont mesurés dans les verdicts (les 100 euros d’amende + 100 autres avec sursis, c’est un verdict intelligent du point de vue judiciaire, en plus d’être mesuré par rapport aux réquisitions : d’autres auraient été plus doux en audience, mais auraient flanqué les 200 euros demandés par le Parquet direct).

    Quant à savoir ce qui est arrivé au Parquet pour avoir ce changement notable concernant une affaire autour d’étudiants de Lyon 2 ... alors ça, même les RG doivent se demander le fin mot de ce qui s’est passé là.
    Mystère et boule de chewing gum.

    Le fait que le président du tribunal récrimine le Parquet sur la conduite de l’affaire (qui a duré trop longtemps par rapport aux normes judiciaires actuelles, etc), n’impliquait en aucun cas une telle attitude du Parquet, je tiens à le souligner. Ce type de « récriminations » fait partie du « jeu » entre Parquet et tribunal lorsqu’il y a matière, mais n’implique aucune influence sur les réquisitions du Parquet.

    Donc sur cette affaire précise, il y a vraiment eu quelque chose d’inédit - du moins dans ces dernières années - venant du Parquet : la mise en doute de témoignages, qui a permis la relaxe.
    Preuve s’il en est que l’allié le plus puissant, devant un tribunal, c’est le Parquet ... ;-)

  • Le 27 mars 2012 à 23:05, par Gwern

    Toujours agréables à lire ce genre de nouvelles, mais au delà et si certains magistrats sans être des révolutionnaires , en avaient marre de subir le bon vouloir de nos dirigeants si prompts à s’affranchir de règles qu’ils imposent à d’autres ?

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