À mon sens, la manifestation du 7 Janvier à Chambéry qui a réuni quelques 5 000 manifestants est un tournant dans ce que l’on peut appeler « la lutte contre le TGV Lyon-Turin ». Cette lutte ne commence pas, elle se poursuit, mais il est évident quelle prend une autre tournure. À ma connaissance, rares ont été les mobilisations qui ont vu déferler plusieurs milliers de militants d’un autre pays.
Alors que Cohn-Bendit propose de construire un TGV de Brest à Moscou pour relancer la construction européenne (La croix du 10 janvier 2006), je pense que cette journée du 7 janvier est autrement plus importante dans la construction européenne. C’est en luttant ensemble pour une autre Europe qu’une identité commune s’élabore, et non en créant des projets technocratiques dictés par Bruxelles et imposés aux peuples pour répondre à des régles économiques qui ont déjà fait les preuves de leurs conséquences graves sur les populations et leurs environnements. Mais ne nous trompons pas, la construction d’un Autre monde qui préserve celui qui nous a été légué, sera dure et difficile.
Aujourd’hui, la majorité des habitants de la Savoie et du futur « grand sillon alpin » sont favorables à un dévelopement économique de la région. Pouvons-nous repprocher à Mr Besson d’aller dans le sens de ses électeurs, alors que Chambéry accueille la plus grosse centrale photovoltaïque de France, utilisant l’énergie solaire pour produire de l’électricité ?
Malgré toute la sympathie de nombreuses personnes, la décroissance est une notion loin d’être partagée par la majorité des habitants de la région. Pourtant la décroissance de notre économie est indispensable si nous voulons construire un monde égalitaire. Sans changement de nos modes de vies, nous allons dans le mur. Et ce mur se construit autour d’Israël, à la frontière entre les États-Unis et le Mexique, et autour de l’Europe. Il sera bientôt aussi techno-biométrique et culturel et risque un jour d’être infranchissable.
Aussi bizarre que cela puisse paraître, le TGV , qui est censé rapprocher les villes et leurs habitants, nous éloigne au contraire les uns des autres. Pour les spécialistes technocratiques, construire le TGV s’appelle « mailler le territoire » ; pourtant, plus nous construisons ce maillage, plus nous en sommes prisonniers et plus nous réduisons l’espace qui a tendance à disparaître.
Les altermondialistes ont appelé à la création « d’espace » - ainsi les forums sociaux dans leurs définitions, ce n’est pas un mouvement mais « un espace ». L’espace s’oppose désormais au territoire. Le territoire réduit le temps en cherchant à réduire l’espace. C’est notamment pour cela que nous avons une perception de fuite en avant du temps. N’avons-nous pas l’habitude de dire « le temps s’accélère » ou « je ne vois pas passer le temps » ? Mais demandez au berger des montagnes si sa perception du temps a changé. Il vous répondra que non ! Car il a le temps devant lui, et l’espace à perte de vue. Il ne connait même pas « le territoire ». Alors pourquoi continuer à détruire les bergeries et construire à la place des « maillages » pour des « flux humains » et « des flux de marchandises ». Ca y est ? Dans la tête de ces gens là, les marchandises ont-elles plus de valeurs que l’humain ? Apparement oui...
Mais la touche d’espoir existe : la population du Val de Susa a créé un espace, elle s’est levée contre ce projet comme beaucoup de peuples dans le monde entier. Nous le savons désormais, la logique « du territoire » qui est celle « du capital » est mondialisée. Les peuples qui habitent les montagnes ont toujours été particulièrement résistants, d’abord au froid mais aussi aux attaques extérieures. Au Mexique, c’est dans les montagnes que les zapatistes luttent contre la mondialisation néolibérale et la perte de leurs cultures au profit d’une économie qui uniformise tout.
Alors les Italiens qui sont venus à Chambéry ont bien eu raison de le faire, car le 7 Janvier, la lutte a pris « une autre tournure ».
Fakir, La Rage du Peuple
contact : larage_dupeuple(arobase)yahoo.fr
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