Compte-rendu des comparutions immédiates de gilets jaunes du 28 janvier

L’acte XI a encore été le théâtre d’une manifestation nombreuse, déterminée et enthousiasmante. Cela dit, les policiers étaient présents en nombre et ils n’y sont pas allés avec le dos de la cuillère pour disperser, blesser et décourager les gilets jaunes de descendre dans la rue. En statistiques policières, cela donne : 21 tirs de grenades de désencerclement, 80 tirs de grenades lacrymogènes à main et 150 tirs de lacrymos avec lanceur de type Cougar, 85 tirs de lanceurs de balles de défense. Ainsi que 13 interpellations. Compte rendu des comparutions immédiates de ce lundi 28 janvier au tribunal de grand instance de Lyon.

Bienvenu au pays de l’arbitraire

Un premier gilet jaune est jugé : c’est un jeune homme, agent d’entretien, anciennement facteur. Il est accusé de violences sans ITT sur policiers pour avoir lancé un pavé sur un véhicule de police. Et du traditionnel « groupement en vue de commettre des dégradations ou violences. »

La juge présente l’affaire. À 19h15, un véhicule sérigraphié roule sur une voie de bus (quai Gailleton). Les flics voient un groupe d’un vingtaine de gilets jaunes vers l’hôtel Sofitel. Ils remarquent alors un individu avec un masque de paintball plus un masque blanc qui sort du groupe puis jette un pavé sur leur parebrise. L’individu réintègre ensuite le groupe.

Les policiers diffusent sa description sur leurs ondes et suivent à distance le gilet jaune [1] qui emprunte le pont de l’Université. Ils le voient entrer sur le parking de l’hôpital St Joseph. Quand les policiers arrivent pour l’interpeller, il tente de prendre la fuite mais est rattrapé. Les policiers font usage de leur tonfa et sa tête « tape le sol »… La juge n’en dit pas plus.

Au début les policiers l’accusaient de tous les impacts sur leur parebrise. Maintenant juste d’un. Ils n’ont pas retrouvé le pavé. Le prévenu reconnaît avoir été dans un groupe de gilets jaunes mais nie avoir jeté un pavé. Il s’est mis à courir quand il a vu des policiers venir vers lui en le désignant. « Et voilà, j’ai courru pour évité d’être tabassé et voilà c’est arrivé, ils m’ont arrêté et je me suis fait tabassé ». Il est venu à la manifestation avec quatre amies. « J’étais là pour une manifestation pacifique, je pouvais pas me permettre [de faire n’importe quoi] avec quatre femmes qui peuvent pas courir. »

Juge : Avez-vous jeté des projectiles ?
Prévenu : Non.
J : Vous restez sur vos déclarations ?
P : Oui.

La juge continue et explique que selon elle, à 19h15, l’ordre de dispersion avait déjà été donné et qu’à cette heure-là ne reste que ceux qui viennent pour se « méler aux gilets jaunes pour semer le désordre » et « aller au contact avec les forces de l’ordre ».

Parties civiles (avocat de la police) : il se félicite que les vitres des véhicules de police soient « filmés » pour éviter qu’elles ne se cassent quand elles recoivent des projectiles. « Derrière le pare-brise, il y a des hommes et des femmes pour le maintien de l’ordre. Le préjudice est strictement moral encore une fois. Malheureusement, les gilets jaunes sont infiltrés par des individus [2] comme le prévenu ».

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Procureur : on a affaire à un casseur venu là pour exprimer sa haine à l’égard de la police et pas à un gilet jaune. Le conducteur [de la voiture de police] aurait pu avoir le visage fracassé. Il ne peut pas y avoir erreur sur la personne : les policiers décrivent sa taille, sa corpulence, un individu tout habillé en noir avec un masque de paintball. Quelqu’un qui a la conscience tranquille ne se met pas à courir à l’approche de la police. Les faits sont d’une exceptionnelle gravité. C’est de la violence gratuite. Il est venu pour casser du flic. Il ne porte pas en haute estime la police et tout ce qui représente la République, il n’est pas respectueux des injonctions des forces l’ordre [3].

Réquisitions : 10 mois dont quatre avec sursis avec mandat de dépôt et interdiction des 1er, 2e et 7e arrondissement pendant 6 mois.

Défense : le prévenu participe au mouvement depuis le 17 novembre. Il manifestait effectivement avec quatre personnes qu’il connaissait. Mais leur témoignage n’a pas été recueilli par les policiers. Il suffisait pourtant de prendre son téléphone et de le déverrouiller, comme il l’a proposé lors de son audition en GAV. Aucune vidéo ne montre mon client participer au caillasage de la voiture de police malgré ce qu’a dit l’enquêteur pendant la garde-à-vue. Le policier qui l’accuse a très bien pu se tromper par rapport à la tension de la situation, au nombre de gens, à la confusion. Un pv policier parle de la taille du pavé lancé sur la voiture de police alors qu’il apparaît dans la procédure que le pavé n’a pas été retrouvé…

Elle demande donc la relaxe.

Verdict : 6 mois ferme avec mandat de dépôt et 4 mois avec sursis. Interdiction de séjour à Lyon 1er et 2e et 7e le week-end pendant 1 an + interdiction de manifestation dans le Rhône pendant 1 an + 400 € pour la partie civile (police). Il part immédiatement en détention à la prison de Corbas.

Seconde affaire

Le prévenu arrive en boitant avec des béquilles à l’audience. Il a 57 ans et vient de Chapareillans. Il a été victime d’un tir de LBD dans la jambe pendant la manifestation.

La juge commente : samedi 26 janvier, les policiers ont été victimes de jets de projectiles. Ils ont repéré un individu qui se cachait derrière un bus et qui est sorti pour leur jeter une pierre. Un flic lui tire dessus au LBD et le touche. La BAC effectue ensuite une charge et interpelle alors le gilet jaune blessé qui n’arrive pas à s’enfuir.

En le fouillant, les policiers retrouvent sur lui des gants coqués, une corne de brume, une écharpe, une perruque, des gants de chantier et des œufs écrasés dans son sac à dos.

Le prévenu : quelqu’un m’a donné une boite d’oeufs pour lancer sur les CRS. J’ai lancé seulement un œuf. Pas une pierre. Je reconnais mon erreur.

Les parties civiles : lui ressemble un peu à un gilet jaune, il a quelques revendications. Les forces de police sont en train de barrer le pont pour empêcher les manifestants de passer. Les policiers précisent bien qu’il s’agit d’une pierre. Ce geste est tellement dangereux (jeter un projectile sur des robocops surprotégés) qu’il y a eu une réponse au LBD.

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L’avocat des policiers demande quelques centaines d’euros de dommages et intérêts pour son client, même s’il n’a pas été touché. Car il y a « préjudice moral » et c’est quand même lui qui a repéré le gilet jaune.

Procureur : tout son attirail a été détruit après son arrestation. Mais ça montre qu’il n’était pas venu pacifiquement, qu’il était vraiment sorti de sa liberté de manifester. Le jet de projectile est une violence quelle que soit la nature du projectile. Le prévenu était là pour concrétiser son hostilité vis-à-vis de la police. L’individu explique être énervé car il ne reçoit pas son indemnité d’invalidité. Les forces de l’ordre ne sont pas un défouloir pour les énervés.

Réquisitions : 5 mois avec sursis, interdiction du Rhône pour 6 mois (car « Lyon est un pôle d’attractivité pour les manifestants. Beaucoup viennent d’ailleurs ») et interdiction de manifestation d’1 an pour Lyon & Grenoble.

Défense : Il y a plusieurs lectures possibles du dossier. Et il y a une nécessité de graduer les « violences » (pavés, œufs). C’est quelqu’un qui participe depuis le premier samedi aux "gilets jaunes". En riposte de son jet, le tir lui a occasionné une fracture et une ITT de 45 jours. Mais l’OPJ (officier de police judiciaire) n’a pas jugé nécessaire qu’il voit un médecin légiste. Il ne va pas pouvoir commencer sa mission d’intérim. Lui interdire tout le département du Rhône revient à lui signifier une interdiction d’emploi.

L’avocate note que le bacqueux qui demande de l’argent pour un préjudice imaginaire apparaît aussi dans une autre procédure.

Verdict
 : 3 mois avec sursis + interdiction de Lyon le week-end pendant 6 mois + interdiction de manifestation à Lyon et Grenoble pendant 1 an + 400 € pour la partie civile (police).

Troisième affaire

Un jeune habitant de Montélimar, âgé de 22 ans, comparait pour violences sans ITT sur policiers (jet de cocktail molotov), détention de produit explosif sans motif légitime (une recharge d’essence pour briquet) et groupement en vue de… (en fouille, les policiers trouvent une trousse de premiers secours et trois canettes vides).

Les flics, quai Jules Courmont, sont victimes de jets de projectiles. À 16h17, la BAC signale un jet de molotov. La direction de la supervision prend le relais et identifie le lanceur grâce au réseau de vidéo-surveillance de la presqu’île. Ils vont le suivre à la caméra pendant 30 min grâce à tous les signes distinctifs qu’ils trouvent (il a un gilet jaune noué à son sac à dos, il boite à cause d’un tir de LBD à la hanche, etc.). ils finissent par l’interpeller.

Le prévenu est effondré au vu des charges qui pèsent sur lui. Il n’a pas de casier, c’est sa première garde-à-vue et son premier procès. Il dit que quelqu’un lui a mis le cocktail dans le sac à dos à son inssu (de l’essence s’est d’ailleurs renversé dans son sac). Il l’a trouvé, l’a enlevé puis finalement lancé sur la police : « beaucoup de gens autour de moi m’ont dit de l’allumer et de le lancer ».

Prévenu : je voulais que ça soit impressionnant mais je ne voulais blesser personne. Beaucoup de gens en avaient.
Juge : c’est effrayant ce que vous dites là. Et les canettes de bières vides dans votre sac ?
P : c’était pour pas les jeter dans la rue.
J : vous aviez conscience que vous participiez à un groupement qui avait pour but de commettre des dégradations et blesser des gens ?
P : j’ai jeté le cocktail dans le feu de l’action.
J : on ne vous attend pas, Monsieur, sur des faits pareils (il a une formation en ébénisterie).

Procureur : on retombe sur quelqu’un qui a un peu à voir avec les gilets jaunes. Je me demande ce qui serait arrivé si le policier s’était embrasé. Vous lui auriez porter secours ? Ça aurait été un peu tard. On est dans la violence de plus en plus dangereuse.

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Parties civiles : il [le policier] est rentré avec une grosse frayeur. Il va devoir revenir samedi prochain parce qu’il va falloir revenir. Aujourd’hui on leur reproche leur manière d’interpeller. Il ne faut pas s’étonner qu’ils prennent peu de précautions pour les uns et les autres. Le fonctionnaire de police n’est pas un objet, ce n’est pas du mobilier urbain.

Procureur : je ne suis pas sûr que leurs protections leur permettent de les protéger de l’embrasement. C’est extrêmement dangereux. L’acte que vous avez fait est ignoble. Vous n’avez pas le droit de mettre en danger la vie des gens, vous auriez pu le mutiler, le défigurer. Vous devez assumer vos actes. Qui peut croire qu’on vous l’a mis [le cockail] dans le sac ? Il a pris des risques inconsidérés pour la vie d’autrui.

Manifestement ce procureur, comme une bonne partie de la magistrature, vit dans une bulle depuis deux mois et n’a plus de contact avec la réalité. En tout cas il fait mine d’ignorer que depuis le début du mouvement des gilets jaunes, TOUTES les mutilations (mains arrachées, oeils défoncés, fragments de grenades dans les chairs, tabassages en règle de manifestants, etc.) sont infligées à un camp (les gilets jaunes qui veulent destituer Macron) par le camp adverse (la police qui protège le gouvernement en réprimant les manifs et en virant les occupations de rond points).

Réquisitions : 1 an d’emprisonnement ferme avec mandat de dépôt, interdiction de manifester pendant 2 ans, interdiction de séjour dans le Rhône pendant 1 an, 5 ans d’interdiction de port d’armes + 400 euros pour la partie civile (police).

Défense : beaucoup de gilets jaunes commettent des faits invraisemblables depuis des mois alors qu’ils ont des emplois, des situations familiales structurantes. Il a un brevet de secouriste, il est bénévole dans une association de prévention des risques en milieux festifs. C’est un effet de folie des manifestants, des gaz opaques, des réactions incompréhensibles et c’est le cas de monsieur. L’excitation qui se répand. Il n’a pas réalisé la portée de son acte. Il va intégrer l’entreprise de son père. Peut-on le priver à son âge de la possibilité de construire sa vie ? Un suivi socio-judiciaire pour rencontrer quelqu’un et parler de ce qui l’a amené là serait plus approprié.

Verdict : 1 an ferme aménageable, 5 ans d’interdiction de port d’armes, 2 ans d’interdiction de manifester, un an d’interdiction d’aller à Lyon.

Quatrième affaire

Un gilet jaune de Vaugneray est accusé de violences sur policier et rébellion.

La juge : les policiers sont en mission de sécurisation sur la presqu’île, ils recçoivent des projectiles. Des sommations sont effectuées et à 16h30, la décision d’interpeller trois manifestants est prise par un équipage de la BAC.

Un policier de la BAC se détache alors de son groupe (il court plus vite que les autres) et voit un manifestant foncer sur lui et lui porter un coup de poing dans le casque. Le policier l’attrape par son sac à dos, ses collègues arrivent et le mettent au sol. Ils retrouvent sur lui : des lunettes, un masque, un cache nez et des protections dorsales.

Le prévenu a du mal à s’exprimer, séquelle d’une méningite qu’il a contracté par le passé. Il doit donc écrire certaines de ses réponses sur une feuille que son avocate lit ensuite à l’audience.

Du point de vue du gilet jaune, il raconte s’être mis à courir quand il a vu des flics foncer sur lui. Il s’est pris un coup, est tombé, s’est relevé et a riposté (en mettant à son tour un coup de poing) et a essayé de s’enfuir.

Juge : vous étiez encore là alors que des sommations d’usage [pour se disperser] avaient été faites. Vous n’avez pas à porter des coups à un policier.
Prévenu [protestation du prévenu] : mais il m’a agressé.
J [s’énervant] : mais peu importe ! Lui quand il agit, c’est pour défendre l’ordre public, les biens et les personnes ! Il est légitime dans les violences qu’il inflige ! Mais vous non ! Vous étiez suffisamment équipé pour laisser à penser que vous ne veniez pas forcément avec des intentions pacifiques. Théoriquement, si vous respectez les sommations, vous n’avez pas besoin de cet équipement. Ce sont les gens qui lancent des projectiles qui viennent comme ça.
P : j’ai juste voulu m’enfuir. Les 3/4 des manifestants sont comme moi pour les lunettes.
J : oui mais le reste ?
P : on voit tellement de bavures policières.
J : c’est ça.

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Alors que les forces de l’ordre élèvent le niveau de conflictualité dans la rue et essaient de disperser les cortèges à coups de LBD et de lacrymogènes, venir équipés en conséquence pour ne pas finir sur un brancard devient, dans la logique des magistrats, le signe que les manifestants sont des « violents » [4].

Parties civiles : tout cela est assez confus au niveau revendications. C’est pas avec cet attirail qu’on vient à une manifestation pacifique. Le prévenu dit « c’est pour me protéger des violences policières ». Mais là on est plus dans la réalité de ce qui se passe, on est dans l’irrationnel. Les fonctionnaires de police sont là pour la paix publique et pour protéger les manifestants contre les menaces [5]. La BAC avait pour mission d’interpeller trois individus. Lui n’en faisait pas partie. Ces manifestations lancés sur de bons sentiments au départ attirent désormais des individus qui n’ont rien à y faire. Comment on peut se dire pacifique et venir avec tout cet attirail ? Le fait de se rebeller gène les policiers et fait encourir, sur le moment, des risques de caillassage.

Procureur : ce sont des violences gratuites sur un policier. Il n’était pas ciblé, il a trouvé l’occasion de s’en prendre à un policier isolé. Il avait l’intention d’en découdre, il admet avoir tenté de se débattre.

Réquisitions : trois mois avec sursis, interdiction de paraître sur Lyon pendant 6 mois et interdiction de manif pour 1 an.

Défense : c’est un gilet jaune de la première heure. Il n’est pas responsable de tout ce qui s’est passé. Jusque là, il n’avait jamais été interpellé. Les casseurs viennent la nuit et pas à 16h30. Samedi dernier, dans la nuit, il y a d’ailleurs eu des courses poursuites dans le Vieux-Lyon avec des individus peu recommandables que je ne défendrai pas [6].

Elle rappelle que les violences policières ne sont pas qu’une vue de l’esprit en parlant d’éborgnement à la grenade de désencerclement de Jérôme Rodriguez, une des « figures » des gilets jaunes, le même samedi à Paris.

Défense : moi je vais aller participer la semaine prochaine aux gilets jaunes pour voir si on peut entendre les sommations ! Si je vais manifester, j’aurai des lunettes de protection ! C’est pas extraordinaire ce qu’il a dans le dos [des protections dorsales de motard], il a des problèmes de dos. Est-ce que ses vêtements peuvent être utilisés comme des armes par destination ? Ce qu’il a fait n’a rien d’irrationnel. C’est toujours l’amalgame avec les casseurs qu’on ne voit jamais devant ce tribunal.

Verdict : 3 mois avec sursis + 6 mois d’interdiction de Lyon le week-end + 6 mois interdiction manif à Lyon + 400 € partie civile (police).

5e affaire

Un gilet jaune de Montalieu accusé de violences sans ITT (coup de poing sur policier), groupement en vue de…

La juge lit les pv des flics : ils sont confrontés à des individus hostiles et chargent place Antonin Poncet pour disperser le groupe. Selon la version policière : un flic trébuche et un gilet jaune en profite pour le bloquer à l’aide d’un genou sur le torse avant de lui asséner plusieurs coups de poing. Dans les enceintes judiciaires, plus c’est gros, plus ça passe.

Le gilet jaune a, quant à lui, pris des coups de matraques télescopiques dans les jambes dans la bousculade. Deux bacqueux sont venus l’interpeller et aider leur collègue.

Prévenu : un policier m’est tombé dessus dans la course. Le policier a essayé de m’attraper mais je n’ai pas porté de coup. Il y a eu un mouvement de foule. J’ai entendu « attention ils chargent », ça s’est agripé, je suis tombé, le policier est tombé aussi, c’est allé très vite, je ne me souviens plus bien.

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Parties civiles : je ne comprends pas le réflexe qui consiste à se mettre à taper sur un policier quand il tombe. C’était un contexte de guérilla documenté par les pv versés au dossier. Il faut prendre en compte la situation de stress [du policier qui demande 400 euros de dommages et intérêts sans fournir le moindre certificat médical]. C’est grâce à ses collègues qu’il a pu s’en sortir.

Procureur : On a affaire ici à une agression de policier, ils [les flics] doivent être regardés en tant qu’hommes, en tant que représentants de la République.

Réquisitions : 3 mois avec sursis, interdiction du Rhône pendant 6 mois et 6 mois d’interdiction de manifestation.

Défense : il a été grièvement blessé [il a des points de suture dans chaque jambes] suite à son interpellation. Le policier a l’honnêteté de dire qu’il n’a rien à voir dans sa chute. La plupart des gens qui comparaissent sont des gens pacifiques. Les fonctionnaires de police devraient demander des dommages et intérêts à l’ensemble des gilets jaunes s’ils « ont peur ». N’importe quel victime lambda doit justifier de ses demandes devant un tribunal. Eux [les flics], jamais ils ne justifient de rien. Si l’interdiction du département du Rhône est prononcée, il risque le licenciement vu que le siège de son entreprise se trouve à Écully.

Verdict  : 3 mois de sursis + interdiction de Lyon le week-end pendant 6 mois + interdiction de manifestation à Lyon pendant 6 mois + 400€ partie civile (police).

Dernière affaire

Le dernier gilet jaune jugé est auxiliaire de vie. Il est accusé de violences sans ITT sur policiers (pierres & pavés), groupement formé en vue de… rebéllion et outrage (des insultes sur les flics). Il a été identifié grâce à son pantalon bleu et sa veste de motard blanche et rouge. Il a été interpellé à 17h25 vers Victor Hugo.

La juge lit encore la version des flics : l’attention des fonctionnaires de police est attirée par un individu qui lancent des pierres (une dizaine) sur eux. Ils ripostent au LBD 40 mais le ratent. La caméra piéton n’a pas fonctionné.

Rires et remarques ironiques dans la salle.

Juge [outrée] : Taisez vous dans la salle ! Sinon vous sortez !

Le gilet jaune aurait alors dit « c’est de la merde vos armes » et aurait continué à lancer des pierres. Il est coursé sur 400m et finalement interpellé. Au sol, il se fait malmener par la BAC mais se laisse faire. Il conteste la rebéllion et mime son arrestation, agripé à la gorge par le bras d’un baqueux qui lui lance « suis-moi, suis moi ! » : « je pouvais pas me rebeller, j’ai un physique de crevette ».

Le prévenu reconnaît les insultes mais pas les jets de pierres. Il n’a lancé que des bombes à eau et de peinture. Dans le but de « salir, gêner » les policiers. Il est venu par conviction et pas pour « casser du flic ». « Oui j’aurais jamais du jeter ces ballons parce que plein de gens jetaient des trucs et maintenant ils pensent que j’ai jeté des pierres.

Juge : pourquoi vous les outragez ?
Prévenu : j’ai fais l’abruti, je le reconnais.

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Parties civiles : la personnalité ici est dure à cerner. Les policiers l’ont regardé à de très nombreuses reprises leur jeter des pierres. La peinture, c’était très à la mode pendant le dernier mouvement social [7]. Attendons le printemps et on leur jetera des fleurs.

L’avocat des flics fait ensuite une tirade assez incroyable sur un prétendu service d’ordre mis en place par les gilets jaunes qui aurait pour fonction d’exfiltrer des manifs les faux gilets jaunes « qui n’ont pas le bon comportement » pour que « tout se passe bien ». Le type prend vraiment ses désirs pour la réalité. Malheureusement, peu au fait de la réalité des manifestations gilets jaunes, la juge ne demande pas à ce que l’avocat soit expertisé par un psychiatre sur le champ. Ce qui serait quand même la moindre des choses quand on professe autant de contre-vérités sur un temps aussi court et avec autant d’aplomb.

Procureur : la violence n’a pas été seulement physique mais verbale. Quand on le voit, on ne doute pas qu’il puisse se mettre dans des états pareils. Il y a une liberté de manifester mais pas une liberté de se laisser-aller.

Réquisitions : 6 mois avec sursis, interdiction de séjour à Lyon et Villefranche pendant 1 an + interdiction de manifestation pendant 1 an.

Défense : il a reçu un tir de LBD à l’abdomen. Le médecin de SOS Médecin a dit qu’il devait de toute urgence aller faire une échographie pourtant rien n’a été fait. Ce n’est pas dans sa personnalité de se plaindre mais il doit passer de toute urgence une échographie [8] Que le respect qu’on demande aux manifestants trouve son corrollaire dans la manière dont sont traités les manifestants, quoi qu’ils aient faits. Il n’a eu de cesse de dire qu’il n’avait pas lancé de pierres. Avec son « physique de crevette », on l’imagine mal se rebeller face aux flics. Concernant les parties civiles, encore une fois les policiers n’apportent aucune pièce justificatives. Pourquoi 400 euros ? Pourquoi pas 4000 ou 40 000 ? Il n’est pas venu pour provoquer des violences, il est venu avec des banderoles.

Verdict : relaxe rébellion mais 6 mois avec sursis + interdiction de Lyon le week - end pendant 6 mois + interdiction de manif à Lyon et Villefranche pendant 6 mois + 200 euros à chacune des deux parties civiles (police).

Épilogue

Chaque lundi, depuis le début du mouvement, la petite clique de magistrats lyonnais du TGI s’en donne à coeur joie contre les gilets jaunes. Protégés par des policiers présents jusque dans la salle d’audience des comparutions immédiates, ils et elles font les coqs : procès inéquitables et uniquement à charge, mépris face aux manifestants gilets jaunes, non remise en cause de la parole policière, j’en passe et des meilleurs. Chaque audience est à ce titre édifiante sur l’état de délabrement de la société et des « institutions républicaines » (comme disent les macronistes).
On notera aussi que le seul inculpé gilet jaune envoyé en détention au cours de l’audience était le seul arabe à comparaître.

Les juges et les flics travaillent main dans la main et veulent faire des exemples. Venir en soutien, discuter avec les proches, entre gilets jaunes, en plus de mettre un minimum de pression aux magistrats, c’est la solidarité élémentaire envers tous les gilets jaunes arrêtés que le système judiciaire veut casser et condamner - quand il ne veut pas les envoyer en taule. Sans oublier d’ajouter évidemment aux revendications l’amnistie pour tous les manifestants de ces derniers mois.

P.-S.

En cas d’arrestations, de condamnations, d’appel du parquet, pour des conseils juridiques et des choix d’avocats, etc. vous pouvez contacter la Caisse de solidarité au 06.43.08.50.32 ou caissedesolidarite(arobase)riseup.net

Notes

[1Ils reconnaissent quand même l’avoir perdu de vue au moins une fois.

[2Le gilet jaune en question était pourtant un des piliers de l’occupation du rond-point de Feyzin.

[3Il a une condamnation à son casier pour refus d’obtempérer.

[4« Ils veulent quoi ? qu’on vienne en petite culotte » s’énervait une proche d’un interpellé lors d’une audience précédente.

[5Il fait un apparté sur les affrontements récents au sein des manifs entre des groupes néo-fascistes et hooligans contre des gilets jaunes.

[6Apparemment des fachos ont foutu le bordel dans la soirée après la manif et brûlé des poubelles dans le quartier de St-Jean

[7Contre la loi travail en 2016.

[8Deux autres gilets jaunes blessés par la police n’ont pas eu accès normal aux soins : un prévenu n’a pas eu ses piqures d’anti-coagulant et les pansements n’ont pas été refaits pour celui qui s’est pris des coups de télescopiques dans les jambes.

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  • Le 1er février 2019 à 19:13, par

    Les procès débutent à 14h

  • Le 1er février 2019 à 12:45, par Manu

    Y a-t-il une heure conseillée pour venir en soutien ?

  • Le 31 janvier 2019 à 09:50, par

    si les avocats notent évidemment qu il n’y a pas souvent de jours d’ITT pour les policiers et que contrairement à ce que veut le code pénal les policiers ne produisent pas de preuves et qu’ils perçoivent toujours une compensation ....il faut rappeler que : les ITT délivrées par un hôpital ou un médecin peuvent être contestées du coup il faut demander à voir ou aller voir un médecin légiste dont seules les préconisations d’ITT sont tenues pour certaines et valables par la justice .La même avocate qui dénonçait les abus de demandes de compensations pour choc psychologique requises par les avocats des policiers, rappelait que outre le manque de soin apporté aux prévenus aucun d’eux n’avait été présenté à un médecin légiste : on parlait ici d’une personne souffrant d’une fracture fermée au pied et d’un jeune victime d’un tir de flash ball à l’abdomen on ne parle même pas de choc psy...
    du coup pas d’itt pour des GJ bien blessés

    à lire l ’article intitulé « les incroyables consignes du parquet sur les gilets jaunes » en page 3 du canard enchaîné de ce mercredi , en plus des consignes que la hiérarchie a données aux magistrats du parquet de Paris sur « que faire des gj interpellé.e.s ? »
    dans cet article,vous noterez un ptit détail le mot « attirail » relevé dans l’article apparu aussi depuis quelques semaines dans la bouche des magistrats lyonnais...

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