Le 19 octobre, c’est le jour où l’énorme manifestation contre la réforme des retraites arrive place Bellecour. Un étudiant est accusé d’avoir jeté des pierres, 2 flics témoignent contre lui, disant qu’il s’est beaucoup débattu et qu’il a dégradé un caméscope (ils n’ont réclamé aucune réparation pour ces dégradations et n’ont d’ailleurs produit aucun justificatif...). La condamnation de 2 mois avec sursis en comparution immédiate le 21 octobre est tombée sous le coup des appels systématiques du parquet.
Devant la cour, le prévenu, de nationalité turque, dit qu’en Turquie les flics sont extrêmement violent.e.s envers les manifestant.e.s – il ne voulait pas blesser les policiers mais les arrêter. Étudiant en doctorat à Lyon, il doit répondre à de curieuses questions de la conseillère Wyon : « Il a des horaires, à 14h30 il ne devait pas être à l’université ? » Dans son ignorance et sa suffisance, la Cour se contente de rigoler quand le prévenu répond qu’en thèse, on choisit ses horaires. Wyon ne se décourage pas et continue de le bombarder de questions : « Est-ce qu’il a réalisé qu’il est en France et que la police n’est pas là pour attaquer les gens ? » [ah bon, pourtant y’en a qui ne se privent pas... par exempleici ou là ] « Quelles sont ses capacités de discernement pour un niveau de Master 2 ? » « Vous avez voulu lancer des cailloux sans vouloir blesser, alors quel intérêt ? » [visiblement cette magistrate, par ailleurs haute placée dans la puissante Union Syndicale de la Magistrature, n’a jamais mis les pieds dans une manifestation et n’a jamais vu les robocops qui canardent de gaz et de flashball à 50 mètres...]
Le parquet, représenté ce jour par Ferron, prend la parole pour débiter toujours la même litanie : Il n’y a pas de difficultés sur la liberté de manifester, mais il y a des casseurs qui menacent l’ordre public. Il demande 6 mois ferme avec un aménagement de peine [encore la même chose : les aménagements ne servent pas à vider les tôles, mais à condamner plus].
L’avocat de l’étudiant, Me Sayn, fait une longue plaidoirie : L’article 430 du code de procédure pénale, qui stipule que les procès-verbaux n’ont pas plus de valeur que les témoignages, est applicable aux délits – sous-entendu Taillebot a menti au cours d’une audience précédente quand il l’a coupé pour lui dire que cela n’est applicable qu’aux contraventions. Il revient encore sur cette séance pour dénoncer les réquisitions d’Escolano, très graves à son sens pour les libertés publiques (elle estimait que toute personne présente dans la manif pouvait être reconnue coupable des jets de pierre de quelques-unes). La Cour se contente de pouffer de rire. Il dénonce aussi la souricière place Bellecour et les disproportions des forces en présence dans l’affrontement : des petits cailloux du jardin d’enfants sont utilisés contre des gendarmes tout équipés. Selon lui, les forces de l’ordre maîtrisaient parfaitement la situation. Il dénonce aussi le fait que très peu de flics ont eu des ITT, alors qu’on fait procès sur procès pour violence sur agents des forces de l’ordre. Il dénonce enfin les propos de Wyon, qui reproche au prévenu de ne pas être à l’université : « Dans ce cas-là, plus personne ne bouge, tout le monde reste à l’usine et à l’école. » « La violence n’est pas caractérisée dans le lancer, mais dans la réception – hors personne n’a reçu les projectiles du prévenu. »
L’avocat du prévenu finit par dénoncer l’attitude de la Cour en général, qui aggrave systématiquement les peines, pour conclure : « Il n’y a plus de double degré de juridiction pour la défense à Lyon ». Il est donc impossible de faire appel à Lyon. Le conseiller Sermanson passe du sourire amusé à un air exaspéré.
Lors du délibéré, ce sont 6 mois de prison dont 4 avec sursis qui sont prononcés.
Dans l’affaire suivante, l’avocate de la défense se place d’emblée en solidarité avec son collègue face à la cour en déplorant le fait que le double degré de juridiction a disparu à Lyon pour la défense.
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