Depuis décembre 2019, le Comité de liaison contre les violences policières de Lyon [1] observe et recense, depuis l’intérieur des manifestations, les actes de violence commis par la police. Cette vigilance se met en place sur le long terme pour organiser une solidarité autour des victimes et pour dénoncer les pratiques belliqueuses de la police d’État à Lyon. Dans l’attente des résultats de nos enquêtes de terrain, et après notre premier état des lieux sur la répression judiciaire des Gilets jaunes (publié en novembre dernier), nous publions aujourd’hui un second état des lieux. A travers l’analyse systématique de la presse locale, recoupée avec les observations de terrain et les premiers témoignages portés à la connaissance du Comité, il expose les techniques policières mises en place en 2019 pour réprimer le mouvement des Gilets jaunes et dont les cortèges syndicaux font aussi les frais, aujourd’hui. Pour faire face et dénoncer ce harcèlement, le Comité appelle toutes les personnes victimes ou témoins de blessures, par le passé ou dans l’avenir, à lui communiquer leurs informations, qu’elles déposent plainte ou pas.
« Avoir un impact physique » sur les cortèges
A Pau le 15 janvier, le Président de la République a timidement dénoncé certains « comportements pas acceptables » de la police, sans doute pour mieux faire oublier que ces « comportements » sont bien le résultat d’une politique menée intentionnellement pour anéantir toute contestation. A Lyon, dès la fin de l’année 2018, le dispositif de maintien « de l’ordre » (selon la novlangue gouvernementale) a conduit à multiplier les troubles au lieu de les faire cesser. La préfecture a mis en œuvre dès le mois de décembre 2018 des techniques connues et dénoncées pour les risques de confrontation qu’elles occasionnent. Ainsi, les « unités mobiles », telles que les BAC (en civil) ont été déployées très tôt pour brutaliser les cortèges. « On demande aux BAC (...) d’avoir un impact physique (...). Un peu comme un remplaçant du XV de France qui entre en fin de match pour renforcer le pack », explique un policier lyonnais. Le terrain est sanglant, et les LBD [2] ne cessent de faire des dégâts. Les blessé-es graves du 9 mars 2019 et celles et ceux qui ont suivi en témoignent. Cette politique rugbystique, d’habitude réservée aux banlieues loin des regards, fait irruption en centre ville.
Police plus discrète, rues plus tranquilles
La stratégie n’est pas nouvelle, mais elle s’est intensifiée avec les derniers mouvements sociaux. Concrètement, la préfecture a fait le choix de mettre les cortèges sous pression : militarisation de la zone avec la sortie récurrente de l’hélicoptère (une spécificité lyonnaise), canalisation des manifestant-es pacifiques à coups de tirs de lacrymogènes et de LBD, parcours déclarés en préfecture interdits d’accès par la police, centre-ville barricadé, etc. Ce n’est pas tout. Très tôt, les récits des manifestations par la presse établissent que bien souvent, les heurts ont jailli quand la police barrait l’accès à la Presqu’île. Mais plutôt que de rectifier sa politique, la préfecture l’a très vite amplifiée. Ainsi les « unités mobiles » sont « renforcées » manifestation après manifestation, et la dispersion des cortèges est décidée de plus en plus tôt, même quand ils étaient complètement pacifiques. Cette tactique a été maintenue pour la première manifestation intersyndicale du 5 décembre 2019, et répétée par la suite. La technique de la nasse, qui piège les manifestant-es et les met en danger a été peu à peu systématisée. Puis tout à coup, quand la police se fait plus discrète (après le 10 décembre 2019 avec la médiatisation du tabassage d’Arthur par des policiers en civil médiatisé), les manifestations se déroulent plus sereinement [3].
Petits soldats du Gouvernement
A l’opposé de son discours, la préfecture n’a donc cessé de générer l’insécurité des cortèges et des manifestant-es. D’un côté, les corps des manifestant-es, des soignants (les medics) et des médias sont exposés, et l’intimidation marche à plein régime. De l’autre, les troubles sont multipliés, les interpellations aussi, ce qui permet à la préfecture de criminaliser le mouvement. Main dans la main, le préfet et le maire de Lyon (un ancien ministre de l’Intérieur semble-t-il habitué à jouer avec sa police pour faire de la politique) ont tôt fait le choix de sanctuariser les commerces de la Presqu’île. L’analyse montre pourtant que la police a fait bien plus de mal aux commerces que les manifestations elles-mêmes. Au début du mouvement des Gilets jaunes, on a pu observer des lectures de textes ou des débats avec des passant-es rue de la République. Visiblement, cet usage politique d’un lieu dédié à la marchandise était insupportable pour les autorités. Au total, et peut-être parfois à leur corps défendant, les policiers et gendarmes déployés ont été autant de petits soldats d’un Gouvernement décidé à mater la foule plutôt que de modifier sa politique.
Pour télécharger l’état des lieux complet, cliquer sur ce lien :
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