L’occupation de l’Amphi C continue : journal de bord

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Occupations en soutien aux migrant·es 2017-18

Depuis le mercredi 15 novembre, des étudiant.e.s et des sans-papiers occupent l’amphi C de la faculté de Bron. Voici un écrit sur le déroulé et les revendications portées par les occupants.

Depuis mercredi 18h, l’amphi C du campus de Bron (Lyon 2) est occupé jour et nuit. La convivialité, le partage et la dynamique autogestionnaire y sont à l’honneur. Derrière les portes de la salle occupée, nous vivons aux cotés de nos camarades sans-papiers, expulsé-e-s violemment de la Part-Dieu (là où elles/ils avaient trouvé refuge), se retrouvant dans le froid de ce début d’hiver qui s’annonce rude. La police, comme à l’habitude, n’a pas hésité à employer des techniques violentes, agressives et méprisantes ; réduisant un groupe d’être humains à un prétendu attroupement de parasites.

Cette nuit, l’amphi C de Lyon 2 a été occupé

A la suite des attaques du gouvernement contre les universités et les sans-papiers, plusieurs étudiant.e.s de Lyon 2 et des expulsé.e.s de la Part Dieu ont occupé l’amphi C pendant la nuit du 15 novembre. Un communiqué a été rédigé pour être diffusé à l’ensemble des étudiant.e.s.

20 novembre 2017

C’est pourquoi les étudiant.e.s et sans-papiers avons pris l’initiative d’occuper un amphi de la faculté de Bron. Deux petits monstres de quatre et six ans apportent de la chaleur et de l’énergie dans la salle depuis jeudi, pour le plus grand plaisir des occupant-e-s. Chacun-e mange à sa faim et tou-te-s se partagent les savoirs culinaires : du pain perdu autogestionnaire au Ndolé internationaliste, les papilles de tou-te-s sont déjà convaincues par l’idéal libertaire mis en place.
Aujourd’hui l’amphi C ne connaît plus le concept de propriété privée. L’intégralité de nos provisions est stockée dans un espace collectif où tou-te-s peuvent fournir ou se servir à tout moment. Cette nourriture nous est apportée par quiconque souhaite partager. La nuit, toutes les couvertures, les matelas, les coussins sont tirés de récupération et d’apport de tout-e un-e chacun-e.
La nuit du vendredi 17 au samedi 18, des patrouilles de la police et de la Brigade Anti Criminelle ont tourné toute la nuit. Hébergeant des sans-papiers en situation instable et potentiellement ciblés par les forces de l’ordre, cet épisode nous a mis en alerte. Mais il nous a aussi permis de confirmer l’efficacité d’une réaction collective et spontanée très organisée. Malgré la fausse alerte, nous sommes parvenu-e-s à bloquer toutes les entrées du bâtiment et ainsi assurer la sécurité de tou-te-s. Nous ne tolèrerons pas une seconde expulsion comme à la Part-Dieu.
La manifestation de cet après-midi (18/11) a été un succès ; il ne faut rien lâcher.

Les revendications

Depuis les lois sur l’autonomisation des universités la situation des facultés n’a pas cessé de se dégrader : budget de plus en plus restreint, cours surchargés, administration défaillante, filières supprimées, dégradation des enseignements, surutilisation de vacataires, amputation de budget d’une recherche de plus en plus conditionnée à des retombées économiques, etc…
La non-anticipation du boom démographique du début des années 2000 par les gouvernements successifs apparait clairement aujourd’hui comme une stratégie délibérée pour pouvoir imposer comme une nécessité la sélection à l’université. De nombreux politiques par le passé se sont cassés les dents en tentant d’imposer la sélection : de mai 68 à la loi Devaquet de 86, elle a toujours constitué une ligne rouge à ne pas dépasser. Mais désormais, il semblerait que l’Etat soit en passe de réussir.

En effet, après la mise en place de la sélection en master, c’est maintenant dès la première année de licence que les classes populaires seront écartées de l’université. Eh oui ! Instaurer la sélection c’est bien de fait réserver aux franges les plus favorisées de la population l’accès à l’enseignement supérieur. Avec l’accord des académies toutes les universités pourront désormais instaurer des seuils d’étudiant.e.s dans chaque filière. De plus, dans ces filières en tension sera désormais exigé un dossier avec : bulletins de notes, avis du conseil de classe, lettre de motivation, activité extra-scolaires. Pour ceux ne répondant pas aux critères, ils/elles se verront forcés à faire une année pré-étudiante ou aller dans une autre filière ou tout simplement se voir refuser l’accès à la fac. S’y ajoutera bientôt la réforme explosive du bac, avec l’instauration du contrôle continu, qui de fait va faire disparaitre le bac en tant que diplôme national. Vont apparaitre alors des bacs différents pour chaque lycée qui n’auront pas la même valeur aux yeux des établissements d’enseignement supérieur. Autant dire qu’avec tout cela, il sera désormais quasi impossible aux élèves de classe populaire d’accéder à l’université. On évoque souvent l’échec de 60% en première année de licence pour justifier la sélection, or ce discours part d’un faux constat. Déjà, ce chiffre est loin d’être un des plus élevés au sein de l’OCDE. Mais surtout, la notion d’échec est critiquable. Echec par rapport à quoi ? La réorientation vers un IUT est-elle synonyme d’échec ? Le redoublement aussi ? La réorientation vers une autre licence aussi ? Et quid du rôle du travail salarié étudiant dans ce taux d’échec ?

Ainsi l’orientation s’apparente de plus en plus à un tri des élèves en fonction de leurs capacités supposées et des demandes des entreprises sur le marché du travail. Aujourd’hui on tend de moins en moins à étudier ce que l’on a envie mais ce que l’on « peut » et ce qui nous rendra employable.
La professionnalisation et les logiques de marché imprègnent complétement l’université aujourd’hui. Celles-ci sont intimées de fournir une « offre de formation » sensées inculquer des « compétences » aux étudiant.e.s (et plus des savoirs). Ces dernier.e.s selon la théorie du capital humain pèsent alors le pour et le contre en termes d’investissement dans les études et les retombées possibles sur le marché du travail.

Les universités dans le cadre du « marché de la connaissance » sont désormais en concurrence pour attirer étudiant.e.s et enseignant.e.s-chercheur.e.s vedettes. Dernière manifestation de cette philosophie délétère : le label IDEX. Pour faire court, il s’agit de regrouper différentes universités dans d’énormes conglomérats avec pour objectif de briller à l’international (classement de shanghai) et attirer financements publics/privés, étudiant.e.s, chercheur.e.s renommé.e.s. En réalité cela donne naissance à d’immenses usines à gaz qui cumulent : une administration chaotique, une multiplication des échelons décisionnels, la sujétion de formations aux volontés des entreprises membres du CA, la disparition du peu de démocratie restant à la fac et dans la recherche…

Et surtout, l’IDEX abouti à créer une université à double vitesse avec :

- Des filières scientifiques à retombées économiques pompant les financements et brillant à l’international via le nombre d’articles publiés dans les revues. Ces filières assurent le plan communication de l’université.
- Des filières sous-financées, notamment les sciences humaines, qui sont juste là pour fournir à la chaîne des diplômes bon marché

Nous nous opposons donc aux réformes Macron et à la destruction d’une université qui doit être un lieu de production et de partage des savoirs et connaissances. Une université démocratique et critique en contact avec la société et ouverte sur le monde, un pont entre les peuples.

C’est pourquoi nous nous sommes engagé.e.s aux côtés des sans-papiers dans leur lutte pour que leur dignité leur soit reconnue. Nous considérons qu’il est un droit de tou-te-s de vivre dignement et sous un toit, quelle que soit la nationalité ou tout autre critère illégitime pour déterminer qui peut posséder ce droit. Malgré le discours officiel assurant que tout est fait pour une prise en charge correcte des réfugié-e-s et des personnes à la rue, l’Etat envoie les forces de l’ordre pour les expulser. A Part-Dieu, ils/elles se sont retrouvé.e.s dans le froid, leurs couvertures ayant été jetées par la police. Cela s’inscrit parfaitement dans la continuité de la politique menée par le gouvernement Macron depuis son arrivée au pouvoir. Le président affirme qu’il souhaite « zéro migrant-e-s dans la rue d’ici fin 2017 ». Il semble qu’il soit plus question de les chasser que de les héberger. La preuve en est qu’ici même, nous occupons l’amphi C avec les réfugié-e-s.

La nécessité de la convergence des luttes nous amène à rester soudé-e-s dans la résistance. Nous vous invitons tou-te-s à rejoindre l’amphi au plus tôt. L’effectif est assez élevé, mais nous aurons vite besoin de renforts, et ce dès aujourd’hui pour maintenir l’occupation et permettre le blocage général de la fac mercredi 22 novembre. Après cette date clé de l’occupation, la lutte ne doit pas s’arrêter et nous appelons tout le monde à se mobiliser ensemble.

Venez occuper l’amphi C avec nous dès maintenant !
Blocage général de la fac le mercredi 22 novembre.

Le 22 novembre, de 6h à 23h : luttes sur tous les fronts

Faces aux attaques du gouvernement contre les universités et les sans-papiers, le 22 novembre est décrété comme une journée de mobilisation et de convergence de lutte.

20 novembre 2017

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